Divalis : l'éveil

Chapitre 35 : Intervention de la fondation

5395 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 03/05/2024 19:38

 Hector s’en est sorti, ainsi que Valérie dont Mathias est resté au chevet jusqu’à son réveil. Régine, la mère d’Hector a fait de même avec son fils, son père passant de temps à autre voir son état. Ils se sont réveillés, leur vie n’est pas en danger. Pourtant, dès qu’Hector a quitté son lit d’hôpital, Régine est allée faire scandale, tenant Aziel et Aéon pour responsables.

Les divalis, quant à eux, sont restés à la clinique d’Ulrick. Les blessures d’Aziel sont profondes, la griffure qu’il a reçue à la tempe le marque bien. Deux jours après l’attaque, aucun des deux ne s’est réveillé.

Irina entre en hâte dans la salle pour expliquer les agissements de Régine à Ulrick. Elle est allée voir le maire d’Ecolyn, et celle-ci exige l’euthanasie des divalis tant qu’ils sont endormis.

Le temps de tout lui expliquer, ils entendent la porte d’entrée et la clochette retentir, annonçant l’intrusion de plusieurs personnes. Ulrick et Irina se rendent dans le hall d’entrée, faisant face au maire et à Régine. L’homme s’approche d’Ulrick, lui accordant une poignée de main.

 

— Ils sont réveillés ? demande le maire.

— Pas encore, ils se sont donnés pour protéger les enfants, ton fils y compris, rétorque sèchement Ulrick en fusillant Régine du regard.

— Ce ne sont que des bêtes, tu vois leurs réelles apparences aujourd’hui, Ulrick. Cesse de prendre cette chose pour ton fils ! réplique la femme.

— Aziel a grandi comme les autres enfants dans le village, et Eena, alors qu’elle n’est pas d’ici, s’est mise en danger pour que les rapaces n’emportent personne, intervient Irina.

— Aziel est un cryptide, mais il est aussi le fils d’un ami qui m’a été proche, dit doucement le maire.

— Camélia et Lucian ont tous deux grandement contribué à la prospérité de ce village, et c’est ainsi que vous les remerciés ? En parlant d’euthanasier Aziel ? rétorque Ulrick.

— Hector et ses amis ont parlé d’une bête menaçante, et Eena, qui est la seule à avoir défendu Aziel, se révèle, comme ils l’avaient dit, être une cryptide. On en accepte un, une deuxième se pointe et après ces oiseaux nous attaquent ? Tu ne vois donc pas que les cryptides tentent de nous prendre Ecolyn ? rétorque Régine à Ulrick.

— Nous ne sommes pas en lien avec les lycans. Ils ont tenté d’emporter l’un d’entre nous, autant Hector que moi, annonce Aziel, appuyé contre le chambranle de porte.

 

Il est toujours sous sa forme animale, il se tient voûté et parle difficilement.

 

— Tu ne devrais pas bouger, dit Ulrick en rejoignant le divalis bicolore.

— Aziel, aurais-tu une idée de la raison de leur venue ? demande le maire.

— Ils ont simplement faim. Les lycanthropes ne peuvent pas manger autre chose que de la chair humaine ou crypta, explique le garçon.

— C’est inadmissible, on ne peut pas tolérer ça ! Manger un humain, cela ne se fait pas ! réplique Régine.

— Pourquoi aurais-tu le droit de ne pas être une proie ? questionne Aziel, agacé, bien que je doute que cela soit une bonne idée.

— Il me menace maintenant ! dit la femme, faussement apeurée.

— Je ne te menace pas, je te demande pourquoi serait-ce grave de manger un humain, alors que les humains tuent eux aussi des animaux pour se nourrir ?

— Parce que nous sommes intelligents ! réplique Régine.

— Nous le sommes aussi, pourtant tu demandes à nous faire euthanasier, Aéon et moi, alors qui de nous deux menace l’autre ?

— Tu parles, mais tu n’es qu’un cryptide, tu restes une bête et un danger pour le village, continue la femme.

— Ni Aéon ni Aziel ne sont une menace pour nous, maman, et nous tous ici sommes d’accord sur le fait qu’il serait temps de laisser Aziel tranquille, dit Hector, qui vient de rentrer, accompagné des jeunes présents lors de l’attaque.

 

Ceux-ci appuient les propos du fils pour soutenir les divalis, Régine écarquillant les yeux.

 

— Mais, Hector, il a failli te tuer !

— Et j’ai manqué de le faire, moi aussi. Si je suis capable d’oublier notre querelle, tu le devrais toi aussi.

— Hector, il t’a quand même blessé à plusieurs reprises.

— Parce que j’ai été assez con pour le chercher à chaque fois, continue le brun.

— C’est normal que tu veuilles te défendre après ce qu’il a fait.

— J’étais plutôt vexé de ne pas savoir lui tenir tête, dit-il en souriant d’ironie.

— On a aussi notre part de responsabilité. On s’amusait à taquiner Hector pour qu’il provoque Aziel. On n’est pas mieux placés, mais on est plus des gamins, dit Jillian.

— Le sujet est clos, Régine, Aziel est un habitant d’Ecolyn, peu importe son apparence, et sa copine y est la bienvenue. À ma connaissance, son comportement n’a rien de désobligeant, conclut le maire.

 

L’homme salue Ulrick et Irina, puis s’en va. Aziel s’assoit en soupirant de soulagement, alors que les jeunes se ravissent de la tournure des choses. Ils saluent le divalis et s’en vont à leur tour, ils viennent de sortir, ils ont faim.

Ulrick s’approche du divalis, qui relève les yeux vers lui, alors qu’il s’assoit à ses côtés en lui caressant la tête. Aziel le dévisage et secoue sa tête en protestant.

 

— Je ne suis pas un chien, maugrée le jeune.

— C’était tentant, tu ressembles à une grosse peluche, dit Ulrick en lui souriant.

— Qu’es-tu au juste, un genre de loup ? demande Irina.

— Un divalis, explique le bicolore.

— Je ne connais pas, réfléchit la secrétaire.

— Nous sommes peut-être les derniers. C’est pour cela que nous partirons à la bonne saison, on espère en trouver d’autres, dit Aziel.

— Je comprends mieux son côté bourlingueur, réplique la femme pour elle-même.

 

Aziel se redresse pour retourner auprès d’Aéon, qui elle, est toujours allongée sur la table d’auscultation. Il se dresse sur ses postérieurs pour l’observer et la humer, espérant qu’elle se réveille. Il se retourne sur Ulrick, qui la suivit jusque dans la pièce.

 

— Qu’a-t-elle ? demande le bicolore.

— Ce pouvoir qu’elle a utilisé a puisé dans ses forces. Ses analyses sont normales, elle doit se reposer.

— Je l’ai vue cracher du sang, dit Aziel.

— Elle a eu quelques vaisseaux sanguins endommagés, explique Ulrick.

— Vraiment, tu ne me dis pas ça pour me rassurer ? réplique Aziel en regardant Ulrick.

— Non, tu étais le plus atteint des deux, répond le vieil homme. Ah, et j’ai également prévenu Abysse que vous étiez blessés et en récupération ici, pour qu’ils ne s’inquiètent pas.

— Ils n’ont rien dit ?

— J’ai fait descendre Abysse avec moi pour qu’elle vous voie et se rassure, puis je l’ai ramenée, explique l’homme.

 

Aziel grimpe sur la table, venant s’allonger derrière la dorée. Ulrick vérifie l’intraveineuse, puis se tourne vers Aziel en souriant.

 

— Moi qui espérais voir un jour ta forme animale, je ne m’attendais pas à ce que tu ressembles à une peluche, ricane l’homme.

— Une peluche avec des griffes et des crocs, répond Aziel, narquois.

— Avec un petit ruban dans ta crinière, tu perdras toute crédibilité, même si tu montres les dents, plaisante Ulrick.

— Si cela t’amuse, je te laisserai même vernir mes griffes, dit-il en agitant ces dernières.

— C’est quand même étrange de t’entendre parler, avoue Ulrick.

— Difficile d’accepter le fait que tu as élevé une bête ?

— Difficile d’admettre que je vais devoir te laisser prendre le large, réplique l’homme.

— On n’est pas encore partis, répond Aziel, ronchon.

— Tu es comme un fils pour moi, j’appréhende ton départ, c’est normal, déclare l’homme en lui souriant.

 

Aziel sourit tout en détournant les yeux, il sait, sa queue s’agite doucement, puis son regard se baisse sur Aéon, qui remue enfin. Celle-ci ouvre lentement les yeux, sa tête lui tourne et son corps la picote. Lentement, elle relève la tête, qu’elle secoue lentement.

 

— Comment te sens-tu ? l’interroge Aziel.

— J’ai faim, dit-elle, alors que son estomac se manifeste bruyamment.

— C’est normal, tu as dépensé beaucoup d’énergie avec ce que tu as fait pour chasser les rapaces, dit Ulrick.

— Ils ne sont plus revenus ? demande la dorée.

— Pas pour l’instant, répond le jeune divalis.

— Ils vont poser un problème, même s’ils ne viennent pas chasser directement dans le village. Se balader dans la montagne va devenir dangereux, dit Aéon.

— Tu viens de te réveiller, ce n’est pas notre priorité, intervient le bicolore.

— Cela le devrait, ce sont des lycanthropes, ajoute Aéon.

— Je vais prévenir la fondation, mais ces rapaces ne voudront peut-être pas de notre aide, explique Aziel.

 

Aéon grimace tandis qu’Ulrick joue dans sa barbe, pensif. Les lycans n’acceptent pas toujours les solutions de la fondation, certains aiment chasser les humains et d’autres cryptides, c’est peut-être le cas pour les rapaces. Dans ce cas, ceux-ci vont s’établir dans la montagne et simplement attendre que les villageois aillent dans la montagne pour les attaquer. Ils pourraient se mettre à le faire lorsqu’ils baladent les touristes, par exemple.

 

— Comment la fondation gère les cryptides anthropophages ? demande Ulrick.

— Ils les déplacent dans une réserve qui leur est attribuée, explique Aziel.

— Et pour les nourrir ? continue le vieil homme.

— Ils s’arrangent avec les morgues pour récupérer les corps qui partent pour les fosses communes, répond Aziel.

— Que va-t-il se passer si la fondation ne s’en mêle pas ou que les rapaces refusent leur aide ? questionne Irina, qui vient de rentrer dans la pièce.

— Il faudra trouver un moyen de les effrayer, dit Aziel.

 

Ils se dévisagent tous, pour Aéon et Aziel cela veut surtout dire qu’ils devront protéger le village si les rapaces refusent d’obtempérer. Aéon est parvenue à se lever et Ulrick à raccompagner le couple de divalis jusque chez eux.

Abysse est heureuse de les voir. Vlase, Buntar et Dagan leur ont attrapé un chevreuil après avoir été informés de leur affaiblissement. Abysse a du mal à se contenir pour ne pas aller sur la proie.

Les renards et le troisième divalis attendent que le couple profite des meilleurs morceaux et, une fois ceux-ci repus, viennent se servirent. Aziel, suivi d’Aéon, retourne à l’intérieur s’allonger devant le feu. Elle s’empresse de venir se glisser contre lui la fatigue la rattrapant. Aziel pose sa tête sur les épaules de la dorée et ronronne de satisfaction. Abysse venant elle-même se lover contre Aéon.

Sans tarder, les renards imitent la bleue, Vlase s’allonge dans le dos du bicolore, la tête posée sur sa croupe. Aéon, elle, vient poser la sienne sur le ventre de Buntar, qui s’est glissé contre elle et Abysse. Aziel est quelque peu perdu face à leur naturel. C’est la première fois qu’ils le font, mais Aziel trouve cela réconfortant.

Dagan, quant à lui, les regarde sans oser s’approcher. Si Aziel est irrévocablement accepté par la meute, lui a l’impression qu’ils l’ont totalement rejeté. Il surprend alors le regard d’Aéon, elle couche les oreilles, puis finalement, fait un bref mouvement pour qu’il vienne lui aussi. Le rouge écarquille les yeux, puis, d’un pas mal assuré, se permet d’aller s’allonger avec les autres, sans comprendre ce sentiment de culpabilité qui le prend aux tripes.

Les jours suivants, Aéon et Aziel ont pris un peu de temps pour revenir à leur apparence humaine. Aziel a parlé avec la fondation, une équipe va être envoyée sur place, mais elle lui demande s’il peut faire l’intermédiaire, déjà voir s’ils acceptent l’aide et combien d’oiseaux il y a en tout. Aéon n’était pas franchement d’accord qu’ils aillent les voir alors qu’ils se sont fait attaquer, mais le bicolore a accepté la demande des hauts gradés.

Après en avoir discuté, Aziel, Aéon, Vlase, Dagan, Hector, Mathias, Jillian et leurs drakes se mettent d’accord pour aller voir les rapaces. En prenant toutefois quelques précautions…

Ils se mettent en route, sans être certains de les trouver, les créatures volantes étant difficiles à pister. Ils parcourent une bonne partie du mont Rodna sans rien trouver, cependant, désespérés, ils se décident à faire demi-tour, la nuit s’apprête, en plus de cela, à tomber.

Alors qu’ils repartent dans l’autre sens, un bruissement d’ailes se fait soudain entendre, tandis qu’une créature blanche se pose non loin d’eux. Créature que Vlase et Dagan reconnaissent immédiatement, puisqu’il s’agit de Chillak. Aziel et Aéon ne l’avaient pas encore rencontrée, mais ils se doutent de qui elle est. Le trio se méfie toutefois d’elle, puisqu’elle ressemble à un rapace et qu’ils ignorent qu’elle connaît certains membres de la meute.

 

— Je reconnais l’odeur de Dagan et de Vlase, mais je suis surprise de voir des humains et des cryptides voyager ensemble, dit la créature, la tête penchée.

 

Jillian se penche sur Hector.

 

— Elle fait quoi avec sa tête, demande le jeune à voix basse.

— Elle est aveugle, répond Aéon, qui l’a entendu.

— Des lycans rapaces ont attaqué notre village, nous sommes à leur recherche, explique Aziel.

— Pour vous venger ? réplique la créature.

— Plutôt pour leur parler de la fondation et de leur réserve. Nous préférerions éviter d’avoir à nous battre, intervient Aéon.

— Quelle sage pensée pour des êtres qui ont pourtant voulu vous dévorer, ajoute la chimère.

— Les lycans n’ont pas le choix avec leur régime alimentaire, mais il y a une solution qui mettra tout le monde d’accord sans avoir à subir de perte, continue Aéon.

— Et si vous veniez à découvrir qu’ils ont déjà tué plusieurs villageois ? réplique la créature.

 

Aziel et Aéon se regardent, ne comprenant pas le jeu de la créature.

 

— Qu’essaies-tu de nous dire, Chillak ? Qu’il est impossible de négocier avec eux ? rétorque Vlase.

— Letto, leur chef, est sage, il vous écoutera, déclare Chillak.

— Tu les connais ? intervient Vlase.

— Bien sûr, je sais où les trouver aussi, et cela ne me dérange pas d’aller les voir pour vous, dit la créature.

— Pourquoi tu ferais ça ? demande Aziel, sceptique.

— Parce que Firiel m’a demandé de garder un œil sur vous qui vivez aussi proches des humains, révèle Chillak. Les lycanthropes n’étant pas prévus, ce que nous voulons, c’est éviter tout ce qui pourrait donner envie aux humains d’exterminer ce qu’ils restent de cryptides.

 

Elle s’envole et le groupe patiente quelques minutes jusqu’à ce que celle-ci revienne accompagnée de trois oiseaux. Ceux-ci se poussent dans un hululement caractéristique, leur allure, bien qu’anthropomorphe, grade un côté sauvage. Aziel s’avance, Aéon près de lui, comme Vlase et Dagan, le trio restant sur leurs montures et en arrière. Chillak s’avance vers les divalis et le lisii.

 

— Voici Letto, alpha des rapaces, explique la chimère.

 

L’oiseau, ayant l’allure d’un hibou grand-duc, s’avance à son tour. Le vent siffle et le froid les mord tous autant qu’ils sont, la neige tombe un peu, mais pas au point d’obstruer leur vue.

 

— Vous étiez dans le village vous deux, les miens ont parlé de deux cryptides lupoïdes, un doré et un bicolore. Protégez-vous les humains ? siffle-t-il.

— Nous vivons aussi à Ecolyn, nous ne pouvons pas fermer les yeux sur vos attaques ni vous laisser faire, rétorque Aziel.

— Nous avons supposé que vous étiez affamés pour oser une attaque aussi risquée et nous venons vous proposer un compromis pour éviter les pertes inutiles, ajoute Aéon.

— Les pertes inutiles ? Va dire cela à Pèlerine, le bicolore l’a rouée de coups, elle n’a pas survécu, réplique un faucon derrière eux.

 

Aziel écarquille les yeux, prenant la nouvelle comme un coup dans l’estomac… Il a… tué ?

 

— Il n’a fait que défendre l’un des siens, il a aussi été gravement blessé ! Navré pour cette perte, mais vous avez attaqué en premier, il fallait se douter des conséquences, intervient Vlase.

— Les humains ont surpeuplé les terres, tuer une personne ne les fera pas disparaître, contrairement à nous, avance Letto.

— La plupart d’entre nous a compris qu’attaquer les humains n’est pas une grande idée. Nous avons une solution pour éviter de s’entre-déchirer et de vous permettre de survivre, explique Aziel.

 

Le rapace écarquille les yeux, puis se met à rire.

 

— Tu parles de la fondation et leur réserve aux lycans ? Nous la connaissons, mais aucune information ne sort jamais de cet endroit, réplique le rapace.

— Ils militent avec Firiel d’Evergreen, dit Aziel.

— Firiel… Vraiment ? répète la créature.

— Nous venons à vous en leur nom. Ils attendent confirmation de votre part pour venir vous chercher, dit Aziel.

 

L’oiseau se tourne vers l’arrière, un autre lycanthrope le rejoignant, une harpie féroce, visiblement gravide.

 

— Firiel nous a déjà aidés par le passé, si elle travaille avec cette fondation, nous devrions avoir confiance, dit la femelle.

— Ce n’est pas une aide directe de Firiel, mais celle de la fondation, Dina, peut-on vraiment se fier aux humains ? réplique le hibou.

— La réserve aux lycans est cachée, comme Branavochie et Evergreen, seuls les cryptides et certains membres de la fondation peuvent avoir des informations à leur sujet. La réserve aux lycans abrite pas mal d’espèces, c’est un village situé dans un canyon, explique Aziel.

— Comment peux-tu le savoir ? demande le hibou.

— Je vis parmi les humains, j’ai accès à ce genre d’information, puisque je fais aussi partie de la fondation, répond Aziel.

 

Les rapaces s’observent, le faucon n’appréciant pas le fait que le couple alpha soit en train d’accepter.

 

— Nous sommes treize en tout, répond la harpie.

 

Aziel confie son téléphone aux alphas, en montrant le fonctionnement pour que les créatures puissent communiquer. Il explique l’échange aux garçons et le fait que les rapaces acceptent l’aide proposée.

 

En allant se changer, Aéon regarde Aziel entrer en pyjama dans la cabine de douche pour se laisser tomber au fond, dos contre le mur. Celle-ci, confuse, vient près de lui.

 

— Que fais-tu ? demande la dorée.

— Ça m’agace…Si je savais mieux me maîtriser, si je ne m’étais pas emporté, elle serait toujours en vie, rétorque Aziel.

— Ils nous ont attaqués en premier et avec la ferme intention de nous tuer, tu n’as fait que te défendre, dit Aéon en venant s’allonger contre lui.

 

Aziel soupire, ce qui l’effraie le plus, c’est que les volatiles s’en prennent à elle par vengeance. Aéon est recroquevillée contre lui, qui la tient entre ses bras sans quitter la cabine de la nuit.

 

Deux jours plus tard, deux gros véhicules, style jeep de l’armée, arrivent à Ecolyn. Assis sur le dos de Fafnir, Aziel discute via la fenêtre avec le chauffeur et les voilà partis pour guider le convoi – Hector, Mathias et Jillian ayant insisté pour les accompagner en montagne. Une très bonne idée, puisque le véhicule rencontre des difficultés à avancer dans l’épaisse couche de neige. Prévoyant, Aziel a pensé à harnacher Fafnir et les autres drakes. Les voilà enfin parvenus à leur destination.

Tandis que le chef de l’opération s’avance vers les rapaces pour les saluer, Aziel retient Aéon et les garçons. Le faucon ne le lâche pas des yeux.

 

— Il semble t’en vouloir, remarque Jillian.

— J’ai tué sa femelle, dit le jeune à voix basse.

 

Jillian grimace, tandis qu’Hector continue à regarder l’oiseau, puisque celui-ci s’approche alors que le hibou parle avec le personnel de la fondation. Aziel se raidit et se place devant Aéon, les drakes sifflant à son encontre, ce qui immobilise la créature.

 

— Je devrais réclamer une vie pour une vie, sale con, réplique le faucon, sa voix pas habituée à adopter le langage humain.

— Vous avez décidé de nous attaquer, estimez-vous heureux que l’on vous aide au lieu de simplement vous exterminer, réplique Hector.

 

Les autres se crispent quant à son agressivité. On dit d’Aziel qu’il est impulsif, mais il en est de même pour Hector.

 

— Tu te crois malin, humain ? Sache que si les cryptides qui vous entourent étaient absents, tu aurais fait partie de notre buffet, rétorque le rapace, acerbe.

— Crest, tiens-toi tranquille. Vedel et toi étiez conscients du danger, ce cryptide n’a fait que se défendre, réplique Letto.

— Ils n’ont subi aucune perte, eux ! crache l’oiseau.

— Ils ont eu plus de chance que nous, continue le rapace nocturne.

— Alors, affrontons-nous, toi et moi ! s’adresse le faucon à Aziel.

 

Le hibou s’apprête à intervenir, mais Aziel accepte.

 

— Aziel, que fais-tu ? réplique Aéon, inquiète.

— Si ça peut le soulager et lui éviter de s’en prendre à vous, cela me va, dit le bicolore.

— Je te préviens que je ne te lâcherai pas tant que l’un de nous deux respirera encore, rétorque l’oiseau.

— C’est parfait, répond Aziel.

 

Ils s’éloignent du groupe, les personnes de la fondation voulant les arrêter, mais plus aucun des deux n’écoute. Ils ne sont pas humains, s’ils peuvent faire preuve de compassion, ils peuvent aussi faire preuve de sauvagerie.

Cette fois-ci, Aziel ne se transforme qu’en partie, pour ressembler à un divalis version lycanthropomorphe. Il montre les crocs, tandis que le rapace pousse un cri puissant, avant de se jeter sur Aziel. Il tente de lacérer Aziel de ses serres et de son bec. Aziel en fait de même, se contentant de retenir ses attaques. Le divalis y a réfléchi toute la nuit, il savait que le rapace l’attaquerait par principe et, dans la même idée, que celui-ci voudrait venger sa compagne. Il se bat lui-même pour protéger la sienne.

Ils sont agiles et rapides, ils ont des réflexes innés et une appréhension naturelle de ce qui les entoure. Aziel est plus grand que le rapace, mais contrairement à lui, il n’est pas habitué à se battre, ce qui pourrait être ironique. Il ne faisait que se défendre, il n’y avait pas d’enjeu, il est bien plus fort que n’importe quel humain. Ce n’est pas pareil ici, l’ennemi le blesse autant que lui. Si sa force est supérieure à celle de l’oiseau, il n’est pas aussi rapide à lui mettre des coups.

Le rapace est sérieux, il compte vraiment le tuer, il l’a entaillé profondément au ventre. Son regard va vers Aéon, blanche, mais surtout retenue par les garçons pour qu’elle n’interfère pas. Il finit par saisir le faucon qu’il mord de toutes ses forces à l’épaule, la lui brisant dans un giclement de sang, qui éveille une sensation étrange en lui. La rage et l’envie de vaincre, mais surtout cette envie déraisonnée de le blesser davantage.

Aziel s’acharne, ses coups inutilement brutaux compensent son manque d’expérience. Il a attrapé sa proie et il ne la lâche pas. L’oiseau a beau griffer, mordre, crier et donner des coups de pied, Aziel ne ressent plus la douleur. Il y a juste cette rage qui le prend à la gorge, un bourdonnement dans les oreilles et l’incapacité d’arrêter de le frapper. Le faucon ne parvient plus à le retenir et les crocs d’Aziel se referment sur sa gorge ! L’oiseau tombe à terre, la mâchoire du divalis claquant dans le vide, alors qu’il se prend un coup dans la tête. Heurtant le sol, sa tête à moitié sous la neige, il se redresse, mais l’assaillant est sur lui, les crocs exhibés.

 

— Arrête, gronde Aéon en le maintenant.

 

Aéon a la même apparence qu’Aziel. Elle n’a clairement pas la force de résister contre lui, mais elle doit faire quelque chose, il cède à la folie. Elle tremble, sa respiration est saccadée, elle se sent faible et nauséeuse. Néanmoins, Aziel se calme, reconnaissant Aéon, qu’il menace. Il baisse les oreilles en avant, pris de vertige alors qu’elle le libère. Le divalis bicolore s’accroupit, la queue entre ses pattes et Aéon secoue sa tête, peinant à rester concentrée, sa tête devenant douloureuse.

Aziel la prend dans ses bras alors qu’elle cherche à se blottir contre lui, visiblement confuse et sûrement dépassée par sa première utilisation de l’esprit de ruche.

Le divalis se tourne vers le faucon qui est assis dans la neige à les regarder. Il ignore ce qui a pris au divalis, mais il a bien compris que la femelle vient de lui sauver la vie. Letto s’approche d’eux, donnant une claque à l’arrière de la tête du faucon, qui sursaute, sa clavicule le faisant souffrir.

 

— Imbécile, va !

 

Aziel et Aéon se redressent, le mâle se plaçant derrière elle en signe de soumission, tandis que le faucon en fait de même, bien que derrière son chef. Aéon accompagne Aziel, qui boite, jusqu’à Fafnir, qui descend sa tête face à son pilote qui vient de s’asseoir dans la neige. Aéon, venant face à lui, est énervée.

 

— À quoi ça a servi ? gronde la jeune.

— Te protéger, répond Aziel.

— Parce que je ne peux pas le faire moi-même ? Et s’il t’avait tué ? crie Aéon.

 

Il ne répond pas, préférant tirer une tête de chien battu. Les larmes aux yeux, Aéon lui attrape le cou, se blottissant contre lui.

 

— Imbécile…

 

Hector, Jillian et Mathias se regardent, préférant reculer pour leur laisser un peu d’intimité, bien qu’Aéon ne soit pas la seule à être fâchée. Fafnir descend sa tête au niveau de celle d’Aziel et lui donne un léger coup de museau, grondant son maître.

 

— Pardon, murmure le divalis.

 

De l’autre côté, l’accord est passé. Les oiseaux de proie s’en vont. Ils n’ont plus qu’à rentrer chez eux…

Aéon aide Aziel dans la salle de bains, où il s’assoit sur le sol, tandis que la divalis s’occupe d’attraper le nécessaire dans la pharmacie.

Ils ont repris leur forme humaine, Aziel enlève avec précaution son tee-shirt ensanglanté tout en serrant les dents. Puis il se défait de son pantalon déchiré.

Aéon regarde son corps avec effroi tant il est lacéré, elle tient la compresse avec le désinfectant, ne sachant où commencer et le bras tremblant de nervosité.

Aziel, qui sent sa détresse, remonte les yeux vers elle.

 

— Ne t’en fais pas, je vais me mettre dans le bain pour tout rincer, dit-il.

 

Il se glisse dans le bac, attrape le pommeau de douche et se rince en serrant les dents, sans même chauffer l’eau.

La divalis regarde le fond se maculer de rouge, s’écouler jusqu’au siphon, avec le cœur serré. Elle se demande comment il peut encore bouger ? Il tangue, et sa pâleur l’inquiète fortement. La divalis, plus qu’ennuyée, regarde les plaies de son compagnon avec attention. Elle se glisse dans le bassin, sous le regard penaud d’Aziel, qui la dévisage. Il sursaute alors, gardant le pommeau sur lui, et recule d’un coup contre le rebord du bassin, tandis qu’Aéon se baisse sur la lacération qu’il a au ventre. Elle prend une profonde inspiration et expire… L’air qu’elle dégage est glacial. Rapidement, la plaie se couvre d’une sorte de givre qui remonte sur tout le corps d’Aziel, jusqu’à recouvrir l’ensemble des plaies du jeune.

Aéon tangue, sa tête lui faisant mal… Cela n’a pris que quelques secondes. Aziel a à peine eu le temps de se rendre compte que son sang devenait glacial, que la givre là aussitôt recouvert et fondu, ne laissant derrière elle qu’un filet de sang. Il se dépêche de se rincer, tout en gardant les yeux sur Aéon, qui vacille. Son visage est blanc, elle n’a pas l’air bien du tout.

 

— Pose-toi contre le rebord, je vais te porter jusqu’à la chambre, réplique le bicolore.

— Ça va passer. Prends garde, ce n’est pas une guérison totale, toi aussi, tu vas ressentir le contrecoup, dit Aéon en s’allongeant contre le bord du bassin.

 

Aziel referme l’arrivée d’eau et se redresse tout en prenant Aéon contre lui pour l’emmener dans leur chambre. Elle s’agrippe à son cou, y cachant son visage, la lumière lui faisant mal. Il l’allonge sur le matelas et la couvre. Abysse vient s’allonger près d’elle, inquiète de voir sa mère d’adoption sans réaction et Aziel couvert de blessures. Le bicolore se couche lui aussi, la fatigue l’emportant aussi vite que la dorée.


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