L'homme choisit, l'esclave obéit

Chapitre 16 : Chapitre 15

Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 06:29

Un an et trois mois plus tôt

Détournant le regard d'un livre de compte Andrew Ryan se frotta les yeux en étouffant un bâillement. C'était une vraie plaie d'avoir à travailler aussi tard, surtout le soir de la Saint Sylvestre. Après tout, ce n'était pas parce qu'il tenait le labeur en très haute valeur, qu'il devait passer toutes ses soirées cloué au bureau.

Mais la nationalisation de Fontaine Futuristics, il y avait maintenant trois mois de cela et le contrôle des plasmides avait multiplié la charge de travail de Ryan. Il devait fournir toute la ville en ADAM et la demande ne cessait de croître. Rares étaient les rapturiens à ne pas toucher à la substance. Ryan pouvait s'enorgueillir d'en faire partie. Même si le traitement de sulfamidés l'épuisait au plus haut point, il refuserait jusqu'au bout de confier son évolution à de la génétique. C'était se rendre esclave de la substance. Et Andrew tenait l'homme en trop haute estime pour supporter le voir s'incliner devant n'importe quoi : gouvernement, dieu ou substance miracle.

Non, il n'aimait pas l'ADAM. Et malgré cela, il en vendait des tonnes et des tonnes chaque semaine. Il était désormais à la tête d'une fortune si considérable, qu'à la surface, il aurait pu s'acheter la Terre entière et vivre somptueusement pour le reste de ses jours.

Il se sentait mal d'être à la tête d'un commerce aussi malsain mais préférait mille fois que ce soit lui et non un parasite qui devienne aussi puissant. Fontaine avait failli mettre à mal Rapture. Ryan n'avait eu aucun remords à agir en premier. Guerre préventive.

Les hommes de Ryan avaient beau avoir eu l'avantage de la surprise, ils ne s'étaient pas attendus à une telle résistance de la part des hommes du français. Ryan avait perdu de nombreux hommes de valeur cette nuit là. Mais ils avaient gagné : Fontaine était mort. Du moins officiellement.

Car on n'avait pas retrouvé le corps de Fontaine ou du moins, on ne l'avait pas formellement identifié. Sullivan n'y était pas allé avec le dos de la cuillère : bon nombre des cadavres avaient étés trop abimés durant la fusillade pour qu'on puisse les reconnaître. Mais Ryan ne s'inquiétait pas : même dans l'hypothèse où Fontaine aurait survécu -et elle était on ne peut plus improbable-, le français avait perdu. Son entreprise était entre les mains de Ryan, ses hommes morts ou en prison, ses biens confisqués et sa fortune réduite à néant.

 

Ryan grimaça. Il y avait quand même quelque chose qui avait mal tourné : durant la fusillade, les réserves d'ADAM produites par les limaces avaient étés détruites. Alors qu'il représentait des années et des années de récolte, le stock n'était plus. Il avait donc fallu le refaire.

Mais Ryan s'était retrouvé face à un problème de taille : les limaces ne produisaient que fort peu d'ADAM chaque jour. Il aurait fallu des siècles pour avoir à nouveau assez de substance pour tout le monde. Or, le commerce plasmidique était en plein boom. Rapture entière se noyait sous l'ADAM et comptait sur Ryan pour la fournir.

Andrew n'avait alors pas eu le choix. En fouillant dans les papiers de Fontaine, il avait découvert un projet expérimental, censé augmenter de manière significative la quantité d'ADAM produite par les limaces. Fontaine, avec le concours de Tennenbaum, avaient implanté les limaces dans la paroi stomacale d'hôtes humains. Enfin, plutôt "humaines".

Ils avaient testé leur expérience sur l'Orphelinat des Petites Soeurs, qui était tenu par Fontaine. Les petites filles avaient servi de cobayes.

Les pauvres petites avaient désormais la peau grise et des yeux jaunes lumineux. On aurait dit des monstres d'un film d'horreur.

Et le plus horrible dans tout cela, c'était que la théorie de la scientifique s'avérait exacte. Les petites fournissaient largement assez d'ADAM pour subvenir à la demande du marché. Ryan, appuyé par MacDonagh avait dans un premier temps tout voulu stopper mais le docteur Suchong avait fini par le persuader. Après tout, ces petites étaient la poule aux oeufs d'or. C'était désormais le seul moyen de fabriquer de l'ADAM. Il serait toujours temps, avait-il expliqué, de stopper l'opération quand la demande de plasmide redeviendrait normale.

Il n'avait pas le choix, n'est-ce pas ? Les gens comptaient sur lui, Rapture toute entière comptait sur lui.

Un nouveau bâillement mit fin à ses réflexions. Il était décidément trop fatigué pour continuer à travailler. Autant laisser les comptes en plan et reprendre demain. Il avait bien mérité d'aller profiter un peu du nouvel an avec Diane.

Jasmine refusant toujours de revenir sur sa position, Ryan avait fini par se contenter de plus longues relations avec ses compagnes officielles. Il avait ainsi l'impression de moins tromper Jasmine même s'il espérait chaque jour que la femme de sa vie accepterait enfin de se montrer avec lui.

Diane McClintock était la dernière femme avec qui il se montrait. Il l'appréciait : c'était une femme belle et agréable, bien que sans doute un peu trop altruiste. Combien de fois n'avait-elle pas supplié Ryan de donner de l'argent ou du travail aux quartiers pauvres !

Diane ne comprenait pas que s'il avait fait cela, Andrew aurait nourri les parasites. Bien sûr que le rêve de Rapture laissait des habitants sur le carreau. Bien sûr que certains peinaient jour et nuit pour avoir à peine de quoi se nourrir. Mais Ryan ne pouvait pas tous les prendre en charge. Il employait et payait déjà l'essentiel de la ville, il n'allait pas en plus prendre en charge les quartiers pauvres ! Si certains rapturiens étaient assez stupides pour dépenser leur argent à les aider, parfait, c'était leur choix. Andrew n'avait rien à dire là dessus.

Le maître de la ville se leva difficilement de sa chaise et passa son manteau. Il ferma le livre de compte d'un coup sec. Inutile de le ranger, il devrait s'y remettre bien assez tôt de toute façon.

Après les dernières vérifications d'usage, Ryan activa la sécurité de son bureau avant de s'en aller. Non pas qu'il craignait qu'on le vole mais c'était une simple précaution, acquise lorsque il travaillait à Angenore's. Toujours s'assurer que les fruits de son travail étaient en parfaite sécurité avant de vaquer à des occupations plus légères.

Ryan pressa le pas jusqu'à sa batysphère personnelle. Andrew rajusta machinalement son nœud papillon en franchissant la lourde porte qui conduisait à la salle d'immersion. Mais une fois entré, une surprise de taille l'attendait.

Un petit groupe de rapturiens lui barrait le passage, l'empêchant d'accéder à sa batysphère.

Ryan ne les connaissait pas mais pouvait deviner, à en juger par leurs mines creusées et leurs vêtements en loques, qu'ils venaient des quartiers pauvres. Andrew grimaça. Et voilà que les parasites venaient mendier à ses pieds, jusqu'au soir du Nouvel An ! N'avaient-ils donc par encore compris la politique de Ryan ? Pas de don. Juste des investissements.

Andrew marcha d'un pas vif vers le groupe et leur ordonna de se disperser. Ils ne bougèrent pas.

 _Je vous ai donné un ordre. Vous me bloquez le passage.

 _Oh mais n'l'savons bien m'sieur Ryan. C'était même un peu l'idée, voyez ?

 L'interlocuteur d'Andrew avait la trentaine et était vêtu d'un bleu de travail. Et surtout, un sourire satisfait qui déplut fortement au maître de la ville.

_Messieurs, je ne vais pas renouveler ma demande. Circulez.

_Et sinon quoi ? renchérit l'homme en bleu de travail. Vous allez appeler le méchant officier Sullivan, qui va tous nous fout' en taule ?

 L'homme et son groupe partirent dans un rire tonitruant qui mit Ryan mal à l'aise. Ils n'avaient pas peur du chef de la sécurité ? Cela n'augurait rien de bon. Le maître de la ville fit lentement un pas en arrière.

_Où tu t'en vas comme ça, mon mignon ? demanda un de ses compagnons. T'as pas la trouille quand même, si ?

 Ryan déglutit avec difficulté et fit encore un pas en arrière.

Le chef du groupe plongea les mains dans ses poches et en sortit un revolver. Ses hommes eux, se munirent de clés à molette, de tuyaux et d'autres objets contondants. Nouveau pas en arrière.

 _Ca sert à rien de r'culer m'sieur, dit le chef du groupe en pointa son arme. Vous pouvez pas nous échapper.

 _Qu'est-ce que vous voulez ? demanda Ryan d'une voix forte. De l'argent ?

 _C'est pas l'pognon qu'on avait dans l'idée m'sieur. Plutôt vot' vie, voyez ?

 Ryan sentit un frisson courir le long de son échine. Ses mains se mirent à trembler et une plaque de sueur se forma sur son front.

 Des assassins ? Qui en voulaient à sa vie ? Mais pourquoi ?

 _En fait', c'est même pas cont' vous qu'on en a m'sieur. C'est les ordres.

 _Les ordres ? répéta Ryan.

 L'homme en bleu de travail opina du chef :

 _Ouais. Les ordres d'Atlas.

 Atlas ?

Ryan n'eut pas le temps de penser plus longtemps puisque une balle le frôla et alla frapper le mur à ses côtés.

Il fit demi tour et se rua en direction de la sortie. Il entendit à nouveau une balle le manquer tandis que ses assaillants se lançaient à sa poursuite.

C'était impossible, se répétait-il sans cesse. On ne pouvait pas venir le tuer dans sa propre ville ! Pas lui !

Et pourtant, un groupe d'hommes armés le poursuivait. Avec la ferme intention de le tuer.

Ryan franchit plusieurs salles en haletant. Il avait l'impression de revivre les évènements de 1919 en Russie. Sauf qu'il était loin d'être aussi jeune qu'avant.

Ses poumons lui donnèrent l'impression de brûler mais il ne ralentit pas la cadence pour autant. Ralentir signifiait mourir.

Ryan ne se risquait même pas à regarder au dessus de son épaule. La moindre seconde de perdue pourrait lui être fatale.

De panique, Andrew manqua plusieurs fois de se tromper d'embranchement. Il avait espérer trouver quelqu'un dans les couloirs mais à cette heure çi, le Cœur d'Héphaïstos était désespérément vide. Il devait être le seul à être aussi bête pour travailler aussi tard.

Nouveau coup de feu qui cette fois, toucha son but. Ryan sentit une douleur fulgurante le frapper au mollet gauche avant d'embraser sa jambe toute entière. Il cria de douleur et eut les larmes au yeux en sentant le sang couler et salir sa jambe de pantalon.

En toute logique, il aurait dû s'écrouler, se rouler en boule et compresser la blessure. Mais il refusait de stopper. Malgré chaque pas qui était plus dur que celui qui précédait, malgré la douleur de sa blessure et son cœur qui menaçait de lâcher, il continuait.

Il avait remporté bien des batailles dans le monde de la finance en suivant quelques règles : il fallait se montrer plus résistant que ses ennemis, toujours prévoir ce qu'ils allaient faire et surtout, garder un as dans sa manche. Si ça marchait dans le business, il ne voyait pas pourquoi ça ne pouvait pas s'appliquer à la vraie vie.

La douleur lui fit fermer les yeux un court instant mais il ne s'arrêta pas pour autant.

Quand il rouvrit les yeux, il reconnut l'immense hall aux grandes colonnes qui menait à son bureau et la puissante porte blindée qui en barrait l'entrée. Il savait qu'il n'aurait jamais le temps d'entrer dans ses quartiers, ses meurtriers étaient trop près.

Néanmoins, il se traina en boitant jusqu'à la lourde porte et s'y adossa. Ses poursuivants arrivèrent dans le hall quelques secondes à peine après lui.

Un sourire franc éclairait leur visage. C'était du moins ce que Ryan croyait voir : sa vue se troublait à cause de la douleur de son mollet et les images qu'il percevait étaient floues

 Andrew eut peur qu'un instant, ils décident de lui tirer à nouveau dessus mais ils réagirent exactement comme il l'avait prévu : ils s'avancèrent vers lui d'un pas confiant, trop heureux de lui porter le coup de grâce au corps à corps.

Ce fut quand les hommes ne furent plus qu'à deux mètres de lui que Ryan poussa un bouton caché au sol et que deux tourelles de sécurité jaillirent du sol et ouvrirent le feu sur ses ennemis.

Les tourelles étaient équipées de mitrailleuses Thompson M1 de la Seconde Guerre Mondiale, bien assez puissantes pour tuer un homme et c'était exactement ce qu'elles faisaient.

Les sept cents coups par minute firent des ravages dans le petit groupe d'assaillants et tous furent touchés avant qu'ils n'aient eu le temps de se mettre à couvert.

Ryan poussa un soupir de satisfaction en voyant tomber ses agresseurs comme des poupées de chiffon désarticulées, le sang coulant avec abondance de leurs blessures.

En un éclair, tout fut terminé.

 Les assaillants étaient morts ou trop grièvement blessés pour menacer Ryan. Andrew resta un long moment à reprendre son souffle, respirant une atmosphère lourde en odeur de poudre et de sang mêlés.

Ryan se releva avec difficulté, bénissant intérieurement la paranoïa de Sullivan qui l'avait poussé à installer ce système qu'Andrew avait toujours considéré comme un gadget inutile. Il se demandait bien où il en serait sans ces petites merveilles.

Andrew entra le long code de déverrouillage de la porte. A peine s'était-il glissé à l'intérieur que le maître de la ville la referma aussitôt, craignant de voir arriver d'autres assassins.

 Ryan boitilla jusqu'à son bureau même, jurant à chaque pas qu'il faisait.

Il fallait qu'il contacte Sullivan, lui dire ce qui s'était passé.

Ryan s'assit à son bureau et pressa le bouton d'urgence, tout en comprimant sa blessure d'une main. Il pouvait ainsi contacter directement les postes clés de la ville, sans perdre du temps avec les opératrices. Il composa le numéro privé de l'officier Sullivan. Étrangement, ce ne fut pas l'irlandais qui décrocha.

Ryan crut reconnaître la voix d'un des bras droits de Sullivan.

 _Ici le poste de sécurité de Rapture, je vous écoute, quelle est la nature de votre urgence ?

 Ryan déglutit difficilement. Chaque mot lui semblait-être une torture.

 _Ici...Andrew Ryan. Passez moi immédiatement...l'officier...Sullivan.

 _Je regrette monsieur Ryan mais c'est impossible.

 _Comment ça impossible ?! répéta Ryan avec de la colère dans la voix.

 _L'officier Sullivan est actuellement en opération dans Rapture.

 En opération ? Qu'est-ce que Sullivan pouvait bien mener comme opération la nuit du Nouvel An ?

 _Dites moi ce qui se passe.

 La voix du policier se fit plus posée.

 _Je ne peux pas monsieur Ryan. Je ne suis pas autorisé à divulguer au public...

 _Je ne suis pas le public, bon sang ! Je suis le chef de cette cité, je suis Rapture ! Vous allez me répondre !

 Le policier semblait terriblement ennuyé.

_J'ignore ce qui se passe exactement monsieur Ryan mais une série d'attentats déchire la ville en ce moment même. On vient de nous signaler qu'une bombe vient d'exploser au Kashmir et que des fusillades ont éclaté à d'autres endroits de Rapture. Tout le service est débordé.

 Ryan resta interdit. Quoi ? Une bombe ? Des combats ? Quelqu'un profitait de la Saint Sylvestre pour orchestrer des attentats.

Ce qui voulait dire que sa tentative de meurtre n'était en fait, qu'une partie du puzzle. Atlas cherchait à réduire sa ville à néant. Il ne le laisserait pas faire.

 _Écoutez-moi avec attention, dit Ryan en articulant. Je viens d'être victime d'une tentative de meurtre. Je suis blessé à la jambe et je perds du sang. Je veux que vous envoyez immédiatement à mon bureau le docteur Steinmann. Ainsi que ma garde personnelle.

 La garde d'honneur de Ryan était composée des hommes et des femmes triés sur le volet par Sullivan lui-même, chargée de la protection du maître de la ville. Andrew avait toujours dédaigné ce qu'il considérait là encore comme une absurdité. Mais cette nuit et dans les jours à venir, il aurait besoin d'eux.

 _Mais monsieur Ryan, le docteur Steinmann est un plasticien pas un...

 Ryan le coupa sèchement.

 _Je me moque bien de ça ! rugit Andrew. Vous allez m'obéir ! Et dès que vous pourrez avoir Sullivan, dites lui de venir à mon bureau le plus vite possible !

 Ryan raccrocha en pestant et se mordit les lèvres de douleur.

Peu lui importait que Steinmann ne soit pas le plus qualifié pour venir le soigner. Il avait besoin d'hommes de confiance. De ses plus proches amis et alliés. Et ce fut pour cela qu'il passa de nombreux autres coups de téléphone à son cercle de confiance, l'enjoignant de le rejoindre au plus vite à son bureau.

¤¤¤

 

Moins d'une demi-heure plus tard, la plupart de ceux qu'il avait contacté étaient auprès de lui. Tous sauf Sullivan en fait.

La garde d'honneur s'était déployée dans tout Héphaïstos, prête à tuer la moindre personne qui voudrait nuire à leur maître.

Dans le bureau même, quatre des membres de cette garde surveillaient l'entrée.

Ryan était étendu sur son canapé, Steinmann posant les derniers bandages sur sa plaie. L'allemand avait fait du bon travail malgré son manque de compétences dans la matière. Il avait stoppé l'hémorragie et désinfecté la blessure. Ryan se sentait déjà beaucoup mieux. La douleur ne l'empêchait plus de réfléchir désormais.

 

_Voilà monsieur Ryan, déclara le médecin. Vous avez eu de la chance, la balle n'a rien touché de vital et elle est ressortie.

 _Dans combien de temps pourrais-je à nouveau marcher ? demanda Andrew.

 _Peu de temps si vous vous injectez de l'ADAM. Sinon, il faudra compter sur de longs mois d'immobilisation.

_Je ne peux me permettre ni l'une, ni l'autre de vos solutions. Je refuse catégoriquement l'ADAM. Et je ne peux pas passer ma vie comme un oisif alors que ma ville est attaquée. Bill, où en sommes nous ?

 L'écossais lissa sa grande moustache :

 _Le Kashmir est sévèrement touché. Les partisans d'Atlas ont profité de la panique causée par leur bombe pour provoquer une insurrection.

 

Ryan déglutit. La situation était vraiment mauvaise.

 _Les dégâts ?

 MacDonagh consulta un petit papier qu'il tenait à la main :

 _L'essentiel du restaurant est détruit. De nombreux clients blessés dans l'explosion, quelques tués.

 Ryan pâlit. Et dire que Diane devait justement l'attendre au Kashmir ce soir !

 _Et Mlle McClintock ?

 MacDonagh haussa les épaules :

 _Je l'ignore monsieur. Les combats font encore rage dans cette zone de la ville, on n'a pas encore pu évacuer tous les clients.

 Ryan posa ses yeux sur Steinmann qui rangeait son matériel médical :

 _Joseph, je veux que vous vous rendiez au Pavillon Médical et que vous prêtiez main-forte à vos collègues. Si Diane se trouve parmi les blessés de l'attentat, soignez-la du mieux que vous le pouvez.

 Le médecin hocha la tête.

 _Bien entendu.

 Ryan dut s'aider de ses coudes pour mieux se positionner dans le canapé :

 _Ensuite ? lança t-il à l'assemblée.

 Suchong prit la parole, remontant ses grosses lunettes sur son nez :

 _Par chance, les révolutionnaires n'ont pas encore atteint les laboratoires d'ADAM. J'ai eu le temps d'activer la sécurité maximale.

 _Très bien, répondit Ryan. Si ces parasites s'emparent de l'ADAM, nous aurons un bien plus grave problème sur les bras.

 La porte du bureau s'ouvrit et les gardes pointèrent un instant leurs armes avant de les abaisser en découvrant leur supérieur.

Sullivan se traina difficilement à l'intérieur, son uniforme de chef de la sécurité rouge de sang.

Steinmann se précipita vers lui mais l'irlandais lui fit signe que tout allait bien.

 _C'est pas le mien, expliqua Sullivan à l'assemblée.

 L'officier en nage, marcha jusqu'à Ryan.

_Rapport préliminaire de situation : attentat à la bombe au Kashmir. D'autres bombes ont explosé dans des endroits publics. Fusillades dans les quartiers riches et moyens de la ville. Les hommes d'Atlas sont nombreux mais nous renversons lentement la situation.

 _Vous en êtes sûr ? demanda Suchong.

 _Absolument. La plupart de ces minables ne savent même pas se servir d'une arme. Nous devrions avoir maté cette révolte dans la journée.

 Ryan ne partageait pas l'optimisme du chef de la sécurité :

 _Et s'ils recommencent ? Ils ont bien failli m'avoir dans mes propres quartiers !

 _Ça n'arrivera plus, assura Sullivan. Je vais encore renforcer la garde autour de vous et de votre domicile.

 L'esprit d'Andrew se remettait lentement en marche :

 _Protégez avant tout Ryan Industries. Si la guerre se prolonge...

 _Elle ne se prolongera pas.

 _Si elle se prolonge, insista Ryan d'un ton sec, nous devons conserver intactes nos réserves industrielles. C'est classique de vaincre l'ennemi en le privant de ses stocks. Il ne faut pas que cela nous arrive.

 Suchong éleva la voix.

_Si je puis me permettre...il faudrait contrôler les batysphères. Empêcher leur usage par les hommes d'Atlas. Et il nous faut aussi nous protéger contre d'autres attentats.

 _Que proposez-vous ?

 _Nous pourrions restreindre l'usage des Vita-Chambres à notre seul camp. Et activer la sécurité automatique totale.

 Ryan hocha la tête. La Vita-Chambre était un appareil d'un usage encore tout nouveau dans Rapture. Il permettait de soigner toute personne qu'on plaçait à l'intérieur, guérissant même les blessures les plus graves. La théorie disait même que si une personne venait à mourir, la Vita-Chambre le ramènerait à la vie.

Andrew ne croyait pas à ces sornettes mais il fallait reconnaître que les Vita-Chambres étaient efficaces. Et comme Suchong venait de le suggérer, on pouvait restreindre son usage à certaines personnes. Le camp de Ryan se retrouvait alors virtuellement immortel.

Quant à la sécurité automatique totale, elle consistait à activer toutes les caméras, tourelles et robots de sécurité dans la ville. Voilà qui apporterait un atout de poids aux hommes de Sullivan.

_Très bien, déclara Ryan. Nous ferrons ainsi. Mais j'insiste sur le fait que ces mesures d'urgence sont temporaires. Tout devra revenir à la normale quand Atlas et ses sbires seront écrasés.

Mais Ryan avait confiance. Non seulement en ses hommes mais surtout en sa ville. Rapture ne sombrerait pas. La révolte d'Atlas n'était qu'un hoquet de la part des parasites, une vague jacquerie

Ils mettaient sa cité de l'Impossible en doute ? Très bien, ils allaient être servis.

Une grêle de feu allait s'abattre sur ces cafards et dans quelques années, plus personne ne se souviendrait qu'un jour, une révolte éclata le nuit de la Saint Sylvestre, à quelques heures de1959.

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