Rien qu'une apparence

Chapitre 3 : Seuls

1240 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 20/07/2017 21:13

Je me retrouvais désormais toute seule, sans refuge, avec Papa nous n'avions jamais été aussi proches que je l'étais avec Maman. On ne faisait que passer du bon temps ensemble mais jamais on ne s'était confiés quoi que ce soit. Et maintenant que la personne qui comptait le plus à mes yeux n'était plus avec nous, nous nous étions énormément éloignés. Je lui en voulais et je tenais à le lui faire comprendre. Après tout c'était en partie de sa faute.

Depuis le départ affreux de ma mère, j'évitais de lui parler, de l'entendre, de le voir. Il m'était devenu invisible. Sa voix méconnaissable. Et même si c'était mon père, une personne qui méritait d'avoir elle aussi une grande place dans mon coeur, sa présence était la dernière chose que je voulais. Je préférais mille fois vivre dans la solitude qui était devenue ma meilleure amie, surmonter ma tristesse seule. Je n'avais pas besoin de lui pour y arriver. Je n'avais pas besoin qu'il me dise "Tout se passera bien" alors que ce n'était pas vrai du tout !... Par contre, si c'était Maman qui me le disait, alors peut-être que tout serait différent. Je ne la contredirais pas et garderais toujours la tête haute. Parce qu'elle me donnait la force de croire, parce qu'elle était mon espoir. Et je savais que c'était loin d'être la première fois que je le disais, mais... c'était de ma maman dont j'avais besoin, elle et seulement elle. Tant qu'elle était là, avec moi, je ne demandais rien de plus. Alors peu importe ce que faisait mon père pour espérer refermer l'énorme vide qui s'était formé en moi, je ne réagissais pas. La colère m'en empêchait. Cette colère noire qui parcourait chacune de mes veines. C'était la seule chose qui me restait désormais. Je m'y cachais et y enfermais ma dépression.

Une colère qui après des semaines vécues dans l'obscurité et la douleur s'était peu à peu envolée. Les blessures se refermaient, comme mon désespoir. L'absence de ma mère ne me chagrinait presque plus, je m'y habituais. A vrai dire, la situation me déchirait tellement qu'elle n'en était devenue qu'un vieux souvenir qui ne réapparaissait que très vaguement dans ma mémoire. Mais ce n'était pas pour autant qu'il ne m'arrivait pas de repenser à elle, à nous. Je n'allais certainement jamais obtenir de réponses, mais je me demandais toujours comment tout était arrivé, pourquoi ça avait dû se terminer ainsi.

Malgré la peine que j'avais fait endurer à mon père en m'éloignant de lui, il restait sans arrêt à mes côtés pour me consoler dès que j'en avais grandement besoin. Il ne m'avait jamais abandonnée (comme certains), comprenant sans doute ma souffrance. Car il la ressentait, lui aussi. Il avait mal, tout comme moi, plus que moi. S'il tenait autant à me soutenir dans cette rude épreuve que nous traversions, c'était simplement parce qu'il avait plus besoin de ma présence que moi de la sienne. C'était à moi de tout faire pour refermer l'énorme vide qui s'était formé en lui, de lui dire que tout se passera bien même si ce n'était pas vrai du tout... Comment n'avais-je pas pu comprendre ça ? Je me sentais un peu nulle. Je ne parvenais vraiment plus à lui parler comme avant tellement j'avais mal pour lui. C'était à moi que j'en voulais à présent. Pathétique.

Du coup je ne lui avais jamais dit à quel point j'étais désolée de l'avoir blessé. Je reconnaissais mes erreurs, mais impossible de les réparer. Notre relation père/fille s'était entièrement brisée... Déjà qu'avant nous n'étions pas très unis. J'étais emplie de remords. Je regrettais tellement. Je voulais sincèrement redresser l'état des choses mais apparemment mon père avait déjà décidé de m'oublier. Il avait trop attendu et sa patience ne tenait plus le coup. Il avait préféré à son tour vivre dans la solitude, surmonter sa tristesse tout seul. Je ne lui reprochais rien. Il avait raison... Je l'avais déçu. Je ne niais pas. Et c'était certainement mieux comme ça, que chacun continue sa vie de son côté, qu'on vive séparément. Désorientée par la déception, je ne tentais plus rien pour arranger cette catastrophe. Ma colère reprenait le dessus. Je ne pouvais plus m'en séparer.

Mais un matin, tout avait changé. Je me réveillais et découvrais une belle peluche violette sur mon lit que je n'avais pourtant pas avant de m'endormir. C'était ma peluche préférée : Maman me l'avait achetée il y avait très longtemps et parmi toutes les autres, c'était la seule que j'avais réussi à ne pas perdre. Cette peluche représentait beaucoup pour moi : elle était la première que m'avait offerte ma mère. De l'avoir à mes côtés, c'était comme être près de Maman. J'avais voulu verser une larme en me remémorant la fois où je l'avais lâchée de mes mains, bouleversée d'apprendre qu'elle nous avait quittés pour de bon. Mon coeur était si léger et lourd à la fois. Je retenais mes sanglots. Mais comment était-elle arrivée là ? Mes yeux brouillés de larmes s'étaient tout de suite illuminés. Papa. Il ne pouvait s'agir que de lui. Il avait fait ça pour moi. Pour me prouver son soutien. Je serrais très fort la peluche contre ma poitrine et laissais échapper un sanglot, partagée entre le bonheur et la douleur. Papa ne m'avait pas oubliée, il tenait encore à moi. Je revoyais le noeud qui nous liait auparavant se recréer.

Il me manquait réellement... Je l'avouais. Je m'en rendais compte que lorsque je me séparais juste le temps d'une seconde de cette rancune envahissante et réalisais la situation de plus près : j'avais sans doute perdu Maman pour de bon, mais Papa non. Je l'avais encore et... devais faire en sorte que ce soit toujours le cas.

Je n'hésitais plus longtemps à aller le remercier de son geste touchant. J'étais allée le voir dans sa chambre où il dormait paisiblement. Discrètement, je m'étais glissée dans les draps et m'étais blottie contre lui, le sourire aux lèvres. Je l'observais dormir puis fermais les yeux également. Je lui avais murmuré un gentil "merci" avant auquel il avait répondu en me prenant dans ses bras. Enfin, je l'avais retrouvé...

Malgré ça, j'étais toujours incapable de lui confier quoi que ce soit. On s'était retrouvés, d'accord, mais un énorme poids m'habitait encore. J'avais besoin d'en parler. Mais pas avec lui. Avec une autre personne. Avec elle. Ma meilleure amie.

Emy. Ma meilleure amie, ma moitié, ma soeur jumelle. Voilà qui. Elle savait m'écouter, me comprendre et me soutenir quoi qu'il arrive. Faire passer les autres avant elle, et par "les autres", j'entendais "moi" bien sûr. C'était l'oreille parfaite à qui je pouvais murmurer mes plus grands secrets.

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