La Traque

Chapitre 5

Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 08:14

Chapitre 5

Ses yeux agitées balayaient tantôt le visage détendu de son collègue, tantôt ses pieds chaussés de converses pointure quarante-trois. L'inquiétude le rongeait et sa discussion avec Hotch avait intensifié cette pression qui lui broyait les tempes. Une horrible migraine l'empêchait ainsi de se concentrer au mieux, afin de résoudre rapidement les quelques problèmes auxquels il était confronté…

Comment se débarrasser de ces chaussures avant qu'un membre de l'équipe n'y fasse attention ? Comment empêcher cet inspecteur de l'observer ? Comment rester sur cette enquête et prouver à Hotch qu'il était parfaitement apte à travailler avec eux? Comment trouver une occasion de s'éclipser et d'aller tuer Brandon ?

Ces questions l'obsédaient et martelaient son crâne… Toute sa confiance s'était évanouie et l'hôte était silencieux, rageur, replié dans une petite parcelle de son esprit. Un profond mur le séparait de lui et seules quelques palpitations sous sa peau lui indiquaient qu'une tempête sans précédent se préparait.

A chaque journée passée en sa compagnie, il se rendait compte de l'influence de l'hôte sur sa vie… Il savait sciemment que ce repli n'était que temporaire et qu'une fois que ses plans seraient fomentés, il reviendrait insidieusement se jouer de son esprit, le guider à commettre le pire… et prendre le contrôle de ses envies.

Il frémit légèrement, espérant sincèrement que l'hôte sortirait des tréfonds de son esprit rapidement, une fois qu'ils seraient arrivés à l'appartement de Rudy. Il n'en pouvait plus de se sentir seul, délaissé, sans aucune voix dans sa tête douloureuse.

Il avait besoin de conseils.

Les paroles d'Hotch résonnèrent, limpides, dans son esprit embrumé :

«Si tu as le moindre problème ou si tu veux parler, nous sommes là… Tu ne dois pas garder tes sentiments pour toi ou jouer une fois de plus au cavalier solitaire. Nous sommes une équipe et nous pouvons tout entendre et tout partager entre nous. Donc, au moindre problème, parle-nous… »…

Reid sourit amèrement et regarda sans la voir la route qui défilait devant eux, songeant à la réaction de ses collègues s'il leur exposait ses problèmes actuels…

Ils sont tellement inquiets pour toi, chuchota une voix faible et grave dans son esprit.

Spencer lança un regard absent à ses chaussures sans doute couvertes d'ADN et se surprit à ressentir un pincement au cœur. Un sentiment qu'il n'avait plus ressenti depuis des mois : de la culpabilité. C'était douloureux, désagréable… Quand l'hôte ne se terrait pas, il était incapable d'endurer ce genre de choses imputables à sa condition d'être humain…

Je le suis aussi, continua la voix sur un ton concerné mais calme.

Reid fronça les sourcils, reconnaissant à peine cette voix : ce n'était pas celle de sa conscience, ni celle de ses inavouables instincts… Il sentit soudainement une main se poser sur son épaule et sursauta violemment.

-Reid ? Tu m'écoutes ?

Les yeux de Spencer parcoururent un instant le vide, perdus, avant d'apercevoir un visage encadré de cheveux sombres et d'une barbe.

-Oh… euh… oui…

Son cœur battit à la chamade dans sa poitrine et le brouillard qui l'entourait, commença doucement à s'estomper… Il aperçut distinctement les traits de Rossi qui l'observait, les sourcils froncés.

-Je disais que nous nous inquiétons pour toi… Tu es très étrange en ce moment.

Spencer tourna la tête vers la vitre, évitant de croiser le regard de Rossi.

-Désolé de vous inquiéter… Mais je vais bien. Toute cette histoire… Ca me rappelle juste que personne n'est à l'abri de ce genre de tragédies…

Pas même vous, si vous continuez à m'interroger de cette façon, songea-t-il, de mauvaise humeur, à l'égard de son collègue. L'homme qui conduisait acquiesça :

-Je comprends… Ca rend la mort plus palpable.

Reid acquiesça et pensa avec amusement que Rossi ne s'imaginait même pas à quel point elle avait été palpable, pour lui. Il revit les yeux verts de la prostituée, écarquillés à l'extrême, sa bouche entrouverte, cherchant un peu d'air. Il sentit à nouveau sa gorge entre ses doigts et la vie qui fuyait son corps. Il répondit enfin, d'une voix détachée et pensive :

-Sans doute trop palpable.

Un profond silence suivit cette phrase ambiguë. Après quelques minutes bercées par le ronronnement du moteur, Rossi entreprit de lui faire un peu la conversation :

-Au fait, comment va ta mère ?

Reid se crispa violemment sur son siège et lança un regard affolé à la route. Il n'avait pas parlé de la mort de sa mère à ses collègues, refusant de lire de la pitié dans leurs yeux. D'autre part, il savait pertinemment que sa mort avait été le déclencheur de toute cette série de meurtres et ne souhaitait pas vraiment en discuter.

Il devait éviter d'en parler pour ne pas soulever de nouveaux soupçons.

Il prit une grande inspiration, cherchant la force de mentir posément et de manière correcte, puis répondit sur un ton vague :

-Je ne peux pas dire qu'elle va bien… Depuis des années, elle n'est ni bien, ni mal. Elle suit son traitement et passe ses journées à mettre par écrit des cours pour des étudiants qu'elle n'a et n'aura plus.

Spencer lui lança un bref coup d'œil et remarqua que sa réponse avait semé un léger trouble chez son voisin, visiblement mal à l'aise. David finit par acquiescer, sans vouloir s'étendre sur ce sujet :

-Je vois… C'est une maladie terrible.

Reid opina en silence et regarda les maisons défiler à côté de lui, soulagé que la conversation s'arrête là… Il s'attarda sur les façades des bâtiments et les reconnut : il était passé par là, quelques mois auparavant… Ils étaient donc proches de la scène du crime.

Il ferma un peu les yeux et écouta son cœur battre à toute allure. Il allait retourner sur les lieux de son premier meurtre… L'excitation était à son comble et rendait sa tête encore plus bourdonneuse. Il frotta pensivement ses tempes, espérant que sa migraine finirait par partir et qu'il arriverait à masquer ses sentiments, une fois dans l'appartement de Rudy.

La voiture s'arrêta enfin et il battit des paupières…

-Nous y sommes… C'est l'immeuble, là-bas.

Spencer leva les yeux vers le bâtiment et sentit sa respiration s'accélérer brutalement. Cette façade et l'horrible secret qu'elle contenait en son sein l'effrayaient et le fascinaient… Rossi sortit de la voiture et Reid fit de même, lentement, comme dans un mauvais rêve. Il fixa le bâtiment, le ventre noué et s'adressa à Rossi sur un ton qu'il espérait dénué du moindre sentiment :

-Quartier chic… Il possédait réellement l'entièreté de l'immeuble ?

Dave acquiesça, plissant des yeux pour mieux observer l'imposant bâtiment :

-Oui… Ce type avait les moyens…

Ils passèrent devant la cabine abandonnée du vigile et s'arrêtèrent devant la massive porte en chêne sombre scellée par la police. Sans hésiter, Rossi sortit une clé de sa poche et déchira l'autocollant, avant de déverrouiller la porte. Il l'ouvrit ensuite et laissa Reid entrer en premier.

Le jeune homme reconnut parfaitement le hall, la cage d'ascenseurs… Et tout ce luxe, tout ce marbre. Les dents serrées, il avança un peu plus dans la pénombre. Ses pas résonnaient dans cet espace vide et inhabité…

Ce sol, il l'avait déjà foulé…

David le rejoignit et s'approcha de l'ascenseur. Il sortit un papier de sa poche et le lut rapidement, avant de taper le code d'accès de l'ascenseur. Les portes s'ouvrirent aussitôt, coulissant sans un bruit, pour les laisser entrer.

Les deux hommes pénétrèrent dans la petite cabine. Spencer se mit à trembler légèrement et tenta de faire taire son cœur qui s'emballait. Il observa Rossi choisir leur destination… Le dernier étage. Là où toutes les facettes de son esprit avaient été dévoilées au grand jour.

L'hôte, de son côté, semblait intrigué par toute cette agitation interne. Il sentait sa présence en lui et son incommensurable besoin de tuer… Après tout, ils retournaient sur les lieux où le monstre avait pris entièrement possession de lui…

Il se sentait vraiment bizarre. Stressé, excité et mal à l'aise, il regarda ses pieds et faillit avoir un haut-le-cœur en voyant ses chaussures. C'était tellement évident… Il fallait qu'il s'en débarrasse et vite.

La voix de Rossi, couvrit momentanément le ronronnement de l'ascenseur :

-J'aimerais bien avoir ce genre de choses dans l'une de mes maisons. C'est vraiment classe d'avoir un ascenseur pour soi !

La gorge serrée, Reid tenta de répondre avec entrain :

-C'est vrai… Mais l'escalier est bien meilleur pour la santé et permet de faire un peu d'exercice. Vous saviez que prendre les escaliers pendant quinze minutes fait perdre cent-cinquante calories et que monter les marches deux par deux fait perdre sept calories tous les deux étages environ ?

David sourit légèrement, amusé et rassuré de retrouver le Reid qu'il connaissait :

-Impressionnant… ! Et non, je ne le savais pas : je crois que tu es l'une des rares personnes sur cette terre à le savoir.

Spencer se mordit la lèvre et sentit une goutte de sueur couler dans sa nuque. Les étages défilaient mollement sous ses yeux tandis que les secondes s'égrenaient, s'étiraient à l'infini... Il répondit tout de même par politesse et pour avoir l'air normal :

-Il y a des chances…

Quelques notes de musique leur indiquèrent qu'ils étaient arrivés au bon étage et les portes coulissèrent à nouveau, s'ouvrant sur un petit palier et une porte grand ouverte. Mécaniquement, Spencer s'avança avec Rossi, puis s'arrêta brusquement.

Un hoquet surpris secoua le jeune homme lorsqu'il aperçut les nombreuses taches pourpres sur le tapis luxueux. Paralysé, il fixa le fruit de sa haine et de sa vengeance, sous la lumière nouvelle de la raison.

Tout ce sang…

Le visage de Rossi entra brusquement dans son champ de vision… Il vit ses lèvres bouger mais n'entendit qu'un sifflement aigu et entêtant. Il avait l'impression qu'un camion lui roulait sur le crâne, encore et encore…

L'odeur d'hémoglobine lui montait à la tête.

Sans dire un mot, il repoussa légèrement son collègue et entra dans la pièce… Une étrange chaleur irradiait de son bas-ventre et l'hôte jubilait en lui, devant cet affreux tableau… Les éclats du miroir qu'il avait brisé sur cet enfoiré crissèrent sous ses pas.

Il était excité à l'extrême… Partagé entre l'horreur et le plaisir des souvenirs qui affluaient.

Il revoyait Rudy se trancher les veines avec les débris de verre, là, dans cette énorme tache sombre…

Sa respiration était rapide et erratique, bercée par les battements rapides de son cœur.

Les aiguilles… La vase… L'eau… Les vis…

Une main se posa sur son bras et il sursauta. Le sifflement aigu s'interrompit et la voix inquiète de Rossi lui parvint.

-Reid ! Réponds-moi… !

Très pâle, le jeune homme se retourna vers lui, machinalement et lui lança un regard effaré.

-Pardon… Je… suis… un peu… bouleversé… Sur les photos, c'était… différent.

Il balaya des yeux la pièce richement décorée. David approuva lentement, tout en l'observant du coin de l'œil.

-Je peux comprendre… Si tu veux sortir, tu peux…

Horrifié à l'idée de quitter ces lieux, Reid secoua vivement la tête.

-Non, non ! Je vais bien. Je ne le connaissais pas plus que ça.

Son collègue haussa un sourcil, dubitatif :

-Tu le connaissais assez pour être dans cet état…

Le jeune agent frémit et lui lança un regard noir.

- Je ne le connaissais pas bien.

Il dévisagea un instant Rossi, avec colère, se demandant ce qu'il sous-entendait par cette phrase. L'homme en face de lui soutint un instant son regard, puis s'en détacha pour regarder la scène de crime.

-Je pense que tu nous mens sur certains points.

Spencer retint son souffle et se mordit la lèvre.

-Non ! C'était juste… un type bien… qui ne méritait pas ça.

Ce mensonge était évident. Rien que cette pièce prouvait que Rudy Clints n'était qu'un homme orgueilleux et imbu de ses richesses… Rossi, loin d'être dupe, ne releva cependant pas et s'intéressa de plus près à la scène de crime.

-L'unsub est entré ici après avoir passé le vigile et avoir coupé le courant. Des générateurs ont pris le relais pour les étages inférieurs, là où se trouvent les objets de valeur de la victime, mais pas ici.

Spencer laissa de côté son profond trouble et commenta :

-Notre homme est organisé et intelligent. Il devait également bien connaître les lieux et sa victime. Il est sans doute venu ici plusieurs fois…

S'entendre établir son propre profil avait quelque chose d'amusant, surtout lorsqu'il ajoutait des éléments qui ne lui correspondaient pas vraiment… Non, il ne connaissait pas bien les lieux, ni sa victime. Rossi continua, tout en laissant son regard aiguisé parcourir le salon luxueux :

-Il a dû attendre sa proie derrière cette porte.

Spencer, même s'il était lui-même profileur, s'étonna de la justesse des hypothèses de son collègue.

-Oui, sans doute.

Rossi marcha d'un pas décidé vers la porte et s'arrêta dans l'encadrement de la porte. Il se frotta la barbe pensivement :

-Le tueur l'a donc pris par surprise… Rudy était une personne sûre d'elle et assez forte…Il aurait tout de même pu se défendre…

Spencer s'approcha à son tour et prit son arme en main. Ses doigts étaient moites. Une voix lui susurra qu'enlever le cran de sûreté et appuyer sur la gâchette pour faire taire à jamais ce collègue qui se posait trop de questions, serait tellement simple… et efficace.

En tremblant, il se mit derrière la porte et leva son arme vers le visage de Rossi. Il imagina un instant le coup partir et faire éclater le crâne de son collègue. D'une voix rauque et hésitante, il compléta la pensée de son ami :

-L'unsub était armé…

Il se mordit la lèvre et continua, l'arme toujours pointée sur le visage de Rossi :

-Et il était peut-être assez imposant pour que Rudy se tienne à carreau.

David, pas le moins du monde décontenancé par le canon qui visait sa tempe gauche, approuva.

-Ensuite, il l'a forcé à avancer dans la pièce, à se déshabiller et à se torturer lui-même… D'abord en s'enfonçant des épingles dans la peau, juste ici... Ensuite, en buvant sa propre urine, à cet endroit…

Spencer trembla et acquiesça doucement, la vue troublée par les souvenirs qui déferlaient en masse.

-Oui… et après, il l'a forcé à se trainer jusqu'à la salle de bain…

Il baissa doucement son arme. Un frisson le parcourut à l'idée de ce qu'il se serait passé s'il avait appuyé sur la détente… Il aurait forcément eu l'équipe à ses trousses et n'aurait pas pu achever son œuvre.

Idée inconcevable.

En silence, il suivit David vers la salle de bain… Le carrelage était souillé par de longues trainées ocres.

Dans ses souvenirs, il y avait beaucoup moins de sang… Mais ses souvenirs étaient brouillés.

Son collègue, plongé dans cette macabre reconstitution, s'approcha du WC en marbre et l'inspecta, quelques secondes, avant de reprendre :

-Il l'a obligé à mettre sa tête dedans… A se noyer.

Spencer retint son souffle et laissa ses yeux glisser sur les robinets en argent puis sur le sol où gisaient une boite à outils et des vis. Hypnotisé par toutes ses réminiscences, il se mit à parler d'une voix blanche et absente

-Ensuite… Il a vu ça… Et il l'a forcé à se les planter dans les jambes.

Rossi acquiesça gravement.

-Il a agi impulsivement. Ce n'était pas préparé : ici, notre homme a perdu totalement le contrôle…

Le profileur se pencha et observa un instant les toilettes :

-Tu ne trouves pas qu'il s'agit d'une bien étrange façon de noyer une victime ?

Reid battit des paupières et sentit les battements de son cœur s'emballer. Il secoua la tête, hésitant, en se demandant ce que voulait dire son collègue :

-Euh… Non… Pas vraiment… Le tueur jalousait la réussite de sa victime et ne supportait pas de le voir heureux et riche. Il l'a donc humilié en le soumettant à ses désirs et en le forçant à plonger sa tête dans un endroit normalement réservé aux excréments.

David se releva un peu et fronça les sourcils :

-Oui… Peut-être, mais ça me rappelle curieusement les brimades qu'on fait subir à certains élèves, dans les écoles.

Spencer tressaillit violemment et se mit à trembler.

-Euh… Oui…

Il se racla la gorge et se détourna de son collègue pour les ramener à la reconstitution :

-Une fois que l'unsub a perdu le contrôle de la situation et qu'il s'est laissé dépasser par les évènements, il a forcé sa victime à retourner dans le salon.

Il sortit de la salle de bain sans se retourner, en suivant de longues trainées ensanglantées, puis s'arrêta devant une énorme tache incrustée sur un tapis coûteux…

Tout ce luxe… Pour un ignoble personnage qui ne le méritait pas.

Le jeune homme serra les poings et tenta de se calmer. Il entendit à peine les pas feutrés de son collègue s'approcher, mais conclut :

-Ici… Il a brisé un miroir sur lui. La… victime s'est alors coupée les veines et s'est vidée de son sang en quelques minutes.

David laissa errer son regard dans l'appartement.

-Et il n'a rien pris, d'après les proches de la victime… Il ne venait ici que pour tuer, se venger…

Reid opina lentement et répéta doucement :

-Oui… Se venger.

Et son boulot n'était pas terminé…

 


 

Après une grande inspiration, elle sortit du véhicule. L'air frais balaya ses cheveux sombres et la fit frissonner. Sans un mot, elle contourna le SUV et s'avança vers une vieille bâtisse à la façade décrépie.

Morgan la suivit et se posta à ses côtés. L'agent soupira légèrement, avant de sonner à la porte, et murmura avec lassitude :

-Je déteste faire ça…

Prentiss lui lança un regard compatissant, comprenant parfaitement ce qu'il ressentait en ce moment… Rencontrer les familles des victimes, remuer le couteau dans une plaie encore à vif, c'était loin d'être agréable.

Elle entendit un cliquetis et la porte s'ouvrit sur le visage bouffi d'une femme. Elle était plutôt grande et mince. Ses grands yeux égarés contrastaient avec sa peau d'ébène. Sa voix, douce et éraillée, couvrit à peine le murmure du vent.

-Que puis-je faire pour vous ?

La tristesse et la douleur marquaient chacun de ses traits, sans pour autant arriver à lui retirer son charme. Le cœur de Prentiss se serra violemment, mais elle lui répondit aussitôt :

-Madame Randew ? Bonjour… Nous sommes les agents Prentiss et Morgan du FBI et nous souhaiterions vous poser quelques questions au sujet de la mort de votre époux.

La femme leur lança un regard morne et désabusé.

-Encore… des questions… Toujours des questions… J'ai déjà tout dit, je pense… Mais entrez…

Lasse, elle ouvrit la porte et s'effaça pour les laisser entrer. La pénombre régnait en maître dans la maison sinistre et vide. La veuve passa une main dans ses cheveux décoiffés et ferma la porte derrière eux. Elle s'enroula dans son peignoir élimé et les conduisit en silence jusqu'au salon.

Prentiss lança un regard triste à une photo du couple… Entre la femme de la photo, souriante et heureuse de vivre, et celle qu'ils avaient en face d'eux, il y avait un monde…

Madame Randew les invita à s'asseoir, puis prit place en face d'eux, la tête baissée. Avant qu'ils n'aient pu dire un mot, la femme attrapa les pans de son peignoir et joua nerveusement avec, se concentrant sur sa tâche pour ne pas éclater en sanglots. Elle se mit à parler d'une voix basse et chevrotante :

-Vous êtes du FBI, c'est bien ça ? Depuis quand le FBI s'intéresse à un banal meurtre?

Emily lança un bref regard à Derek qui répondit avec tact :

-Nous pensons que le meurtre de votre mari est l'œuvre d'un tueur en série. Et nous pensons également que votre mari connaissait l'homme qui l'a tué.

La femme leva des yeux emplis de larmes vers eux et répéta, hébétée.

-Un tueur en série… ? Ca n'arrive que dans les films, ça… Pas dans la vraie vie… Pas dans ma vie…

Prentiss baissa les yeux et s'humecta les lèvres, touchée par la souffrance de cette femme, puis s'exprima d'une voix douce, emplie de compassion.

-Je suis vraiment désolée madame. Toutes nos condoléances pour cette immense perte… Je n'imagine même pas à quel point ça doit être difficile pour vous d'entendre ce genre de choses… Et je sais que notre présence ne vous aide pas à faire votre deuil…

La veuve se mordit la lèvre et s'appliqua à nouveau à tordre nerveusement le tissu qui couvrait son corps.

-Merci… Vous savez… tant que le monstre qui m'a arraché Chris ne sera pas arrêté et puni, je ne pourrai jamais faire mon deuil…

Elle se tut un instant et fronça les sourcils, avant de lever un peu la tête vers Morgan.

-Attendez… Vous avez dit que Chris… connaissait celui qui l'a… qu'il lui a… fait ça ?

Derek acquiesça lentement, la mine sombre.

-Oui, madame. Donc, connaissez-vous quelqu'un qui en voulait à votre mari ?

Une larme coula sur la joue de la femme et ses épaules tressautèrent tout doucement. Un sanglot à moitié étouffé résonna dans le salon privé de lumière :

-Non… non… Il est… était… tellement gentil… Tout le monde l'adorait, vous savez… Tout le monde…

Prentiss prit une grande inspiration et tenta de prendre ses distances avec la douleur de cette femme. Elle n'osait même pas imaginer ce que cette pauvre épouse avait dû ressentir lorsque, en rentrant du boulot, elle avait retrouvé le corps sans vie de l'homme qu'elle aimait, dans une flaque de sang…

Emily déglutit lentement et la laissa un peu se calmer, avant de continuer :

-D'accord… Je vais vous citer les noms des autres victimes et vous me direz s'ils vous disent quelque chose, d'accord ?

L'épouse de la victime, le corps parcourut de tremblements, opina vaguement, sans dire un mot. Prentiss commença donc :

-Rudy Clints, Alexa Lisb…

Les sourcils de la veuve se froncèrent brusquement et elle la coupa vivement, en lançant un regard étourdi vers eux.

-Ca me dit quelque chose. Je… J'ai déjà entendu ces noms…

Elle se leva brusquement, comme si elle avait reçu une décharge électrique et, avant que l'un des agents n'ait pu dire un mot, continua :

-Attendez, je vais vous chercher quelque chose…

Comme une ombre, elle s'éloigna d'eux et disparut dans la pièce voisine. Emily lança un regard surpris à Morgan.

Avaient-ils trouvé le lien qui unissait ces victimes ?

A suivre…

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