Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 5 : V Un autre Monde

2020 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 01:12

           CHAPITRE V : UN AUTRE MONDE

 

Chun Yang-Li se réveilla encore plus fatigué que quand elle s’était couchée. Elle avait eu beaucoup de difficulté à s’endormir. Elle avait repensé durant des heures à la scène dont elle avait été témoin. Qui étaient ces gens ? D’où venaient-ils ? Quel genre d’arme était ces morceaux de bois à l’allure inoffensive ? Pourquoi son coéquipier ne se souvenait de rien ? Qui était cet homme au regard empli de peine et de tristesse ? Elle ne savait pas. Et ces questions l’avaient empêché de dormir jusqu’à trois heures du matin. Résultat, elle n’avait pas entendu son réveil sonné et il était maintenant près de dix heures. Elle téléphona au 36 pour dire qu’elle était souffrante et ne viendrait pas travailler aujourd’hui. Jacques qui l’avait trouvée bizarre la veille ne lui posa pas plus de question et lui souhaita un prompt rétablissement.

           Elle ne comptait pas rester toute la journée chez elle à ne rien faire. Elle voulait percer ce mystère. Et pour ce faire elle avait une piste. Une seule et unique piste. Elle devait aller voir l’informateur qui l’avait mise sur la piste de Bascœur. Elle s’habilla, prit un café et des tartines pour tous petit-déjeuner et sortit.

           Chun s’aventura dans un quartier populaire où s’alignaient de petits commerces. Elle aimait ces quartiers pleins de vie. Ici, elle n’avait pas l’impression d’être dans une grande ville polluée et surpeuplée. Si tous les commerçants avaient été chinois, elle se serait crue dans la Chine telle que lui décrivaient ses grands-parents quand elle était petite. Elle s’approcha d’une boutique d’herboristerie. Des pots de diverses plantes venant de tous les coins du monde étaient présentés dans la vitrine. Elle entra et comme d’habitude, elle respira avec délectation les odeurs et senteurs qui stagnaient dans l’atmosphère de la boutique. Le propriétaire était derrière son comptoir et discutait avec un client. Il fit un signe de tête à Chun qui patienta en étudiant les différentes sortes de thé qui étaient proposées.

           Robert Jagneau dit « Bobby » était un homme singulier. Il utilisait parfois des expressions étranges que seul lui comprenait. Même son apparence n’était pas vraiment celle d’un vendeur de thé et de plantes habituelle. Il avait des cheveux longs et noirs coiffés en dreadlocks. Et le plus souvent, il portait une sorte de longue veste multicolore faisant penser à une cape où une robe comme celle des avocats. Elle était habituée au style vestimentaire de son informateur. Alors ce qui la surprit fut que le client portait le même genre de vêtement en plus sobre et avait la tête coiffée d’un étrange chapeau pointu. En temps normal, elle ne s’en serait pas formalisée, dans cette ville il y avait tous les styles, même les plus loufoques. Mais ce type de vêtements lui rappela irrémédiablement les étranges individus de la veille.

           Le client paya pour la bourse de plantes qu’il venait d’acheter. Un instant, Chun crut voir que le client donnait de belles pièces d’argent. En se retournant, le client dévisagea Chun d’un air un brin surpris. Il se tourna vers Jagneau d’un air interrogateur et ce dernier lui montra la porte du magasin des yeux. Lançant un dernier regard à la jeune femme, le client sortit. Chun eut l’étrange impression qu’il cherchait un endroit où disparaître de la vue des passants.

           « Que puis-je pour vous lieutenant ? interrogea Jagneau.

-Je veux savoir qui était l’homme que vous nous avez fait rencontrer hier ? lança t-elle, directe. »

Jagneau parut troublé, voir même désappointé. Mais il se reprit.

« Juste un homme qui disait avoir des renseignements sur les meurtres des libraires, finit-il par répondre. Pourquoi ? Il n’est pas venu ?

-Oh que si. Mais il a juste essayé de nous tuer, mon coéquipier et moi.

-Pardon ?

-Et heureusement que cet homme étrange est arrivé sinon on y passait.

-Je…J’en suis heureux pour vous. »

Il parut troublé de nouveau. Il cachait quelque chose. Chun décida d’augmenter la pression.

« Qui était-il ? Qui était ce Boris Bascœur ? Pourquoi a-t-il essayé de nous tuer ? Est-ce que c’était lui le tueur de libraire ?

-Je…Je ne savais pas.

-Quoi ? Qu’est-ce que vous ne saviez pas ?

-Je pensais que ce n’était qu’un informateur. Je ne savais pas que c’était un mangemort. »

Il s’arrêta, conscient d’en avoir trop dit. Il blêmit. Sa main se descendit vers une de ses poches mais n’y entra pas.

« C’est quoi un mangemort ? »

Jagneau resta silencieux. Chun baissa les yeux, l’air abattu. A chaque pas qu’elle faisait, la pénombre des mystères se faisait plus impénétrable. Elle ne comprenait rien. Et s’il y a bien une chose qu’elle n’aimait pas, c’était ne pas comprendre.

« Je ne comprend rien, avoua t-elle. Qu’est-ce qui se passe ? C’est quoi un mangemort ? C’était qui cet homme étrange au regard si triste ? C’était quoi ces bouts de bois lançant des éclairs ? Et pourquoi Jacques ne se souvient de rien ? »

Jagneau la regarda avec des yeux où se mêlait incompréhension et surprise. Elle savait beaucoup trop de chose.

« Vous…Vous vous souvenez de tout ! fit-il. C’est bizarre. Vous auriez dû avoir la mémoire effacée.

-Vous savez ce qui s’est passé, n’est-ce pas ? Jacques a eu la mémoire effacée mais moi pas. Cet homme étrange a agité son bout de bois devant moi en disant « oubliette » et j’ai perdu connaissance. Mais contrairement à Jacques, je me souviens de tout.

-Il ne voulait pas que vous oubliiez. Je ne comprend pas pourquoi mais le connaissant, il doit avoir une bonne raison.

-Je veux savoir. »

La jeune femme posa sur lui ce regard sans faille qu’il avait appris à connaître en lui servant d’informateur. Il souria, résigné et intéressé par ce qu’il pourrait se passer ensuite.

« De toute façon, effacer la mémoire des gens n’a jamais été ma spécialité. Venez, je vais tout vous expliquer. Du moins ce que je peux. »

           Jagneau verrouilla la porte et retourna la pancarte signalant que la boutique était fermée. Il invita la policière à entrer dans l’arrière-boutique. Chun regarda les étagères où des pots de plantes diverses s’alignaient. Certaines variétés étaient communes mais d’autres étaient totalement inconnus de la jeune chinoise. Elle crut même en voir remuer toute seule mais mis ça sur le dos de la fatigue et de la pénombre. Ils entrèrent dans une petite cuisine aménagée. Jagneau l’invita à s’asseoir et lui offrit une tasse de café. La jeune femme attendait impatiemment de savoir ce qu’allait lui dire l’herboriste.

« Bien, dit-il. Avant toute chose, sachez que ce que je m’apprête à faire est rigoureusement interdit. Je risque la prison pour ça. Mais si j’en crois votre description, celui qui ne vous a pas effacé la mémoire ne peut être que lui.

-Qui ?

-Chaque chose en son temps. D’abord vous devez comprendre que vous avez mis les pieds dans un monde différent du votre. Une société en marge de la votre.

-Vous en faites parti ?

-Oui. Et ces gens que vous avez rencontré hier aussi. Il existe une communauté dans le monde, une communauté avec ses propres us et coutumes, ses propres lois, ses propres gouvernements. Une communauté invisible au reste du monde. Il existe beaucoup de noms pour nous désigner mais le plus courant est : sorcier.

-Des sorciers ! Ce n’est pas sérieux !

-Et comment expliquez-vous les éclairs que lançaient ces baguettes ?

-Des baguettes ?

-Oui des baguettes magiques, comme celle-ci. »

Jagneau avait sorti un bout de bois à la poignée ouvragée ressemblant à ceux qu’elle avait vu la veille.

« Vous voulez me faire croire que ce morceau de bois est magique ?

-C’est plus compliqué que ça mais pour faire simple, oui.

-C’est ridicule !

-Voulez-vous des biscuits ? Accio biscuits. »

Un placard s’ouvrit et une assiette de gâteaux fonça jusqu’à la main de Jagneau. Il posa l’assiette devant une Chun médusée.

« C’est vrai, souffla t-elle.

-Ça doit faire un choc.

-Vous vivez parmi nous ?

-Ne vous en faites pas, nous ne sommes pas des envahisseurs. Nous sommes parmi vous depuis toujours. Mais nous préférons nous cacher pour éviter les problèmes genre chasse aux sorciers ou que vous nous demandiez de régler tous vos problèmes.

-Je comprends. Je crois. Boris Bascœur était donc l’un des votre ?

-C’était un sorcier. Mais vous devez bien comprendre que notre société a également ses criminelles. Bascœur était un mangemort, un mage noir. Il y a six mois, le pire mage noir n’ayant jamais vécu a disparu mystérieusement. Depuis, ses fidèles appelés « mangemorts » sont en déroute. Il serait trop compliqué d’entrer dans les détails. Mais ceux qui continuent leurs activités sont pourchassés par les départements anti-mages noirs présents dans la plupart des ministères de la magie. En France, ce département est celui des Chasseurs.

-Cet homme étrange, la femme et l’autre homme qui sont apparus ensuite sont des chasseurs ?

-Tout à fait. J’ignore qui sont les deux autres mais d’après le regard triste que vous m’avez décrit je crois savoir qui est celui qui ne vous a pas effacé. Il s’agit sûrement de Pierrick Chaldo, celui que l’on appelle le Corbeau, membre de la section spéciale des Chasseurs. Je lui sers d’informateur également. Et quand j’ai appris que Bascœur était un mangemort, je lui ai dit où il serait hier soir sans lui dire que vous deviez y être. Heureusement, il ne vous ait rien arrivée. Mais je me demande pourquoi il a fait exprès de rater son sortilège d’amnésie.

-Il a peut-être fait une erreur.

-Le Corbeau faire une erreur ! Vous ne le connaissez pas. Tous les mangemorts qu’il a poursuivi sont soit morts soit emprisonnés. Peut-être que vous lui rappelez quelque chose de son passé.

-Comment ça ?

-Je ne sais presque rien de son passé à part qu’il a vécu en Chine durant plus de dix ans. Son père était une sorte d’ambassadeur.

-Je voudrai le rencontrer. Savoir pourquoi il ne m’a pas effacé la mémoire. »

Jagneau réfléchit.

« Je peux le faire venir, dit-il. Je peux lui dire que j’ai de nouvelles infos. Je vais lui envoyer un hibou.

-Un hibou !?

-Vous avez beaucoup de chose à découvrir, souria Jagneau. »

 

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