Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 43 : XI Anton VanKarus

2602 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 16:07

           CHAPITRE XI : ANTON VANKARUS

 

           Chun et Angelina apparurent à Lille. Elles se mirent tout de suite en quête de Pierrick et Moody. Elles ne pouvaient savoir qu’ils avaient déjà quitté la ville. Dans le but de découvrir la cachette de la vampire, Angelina avait étudié à fond le plan de la ville. Elles allèrent voir diverses usines et entrepôts désaffectés mais il n’y avait aucune trace ni de la vampire ni des deux agents. Cette absence de résultat après plusieurs heures de recherche aggrava le sentiment de malaise de Chun. Malgré ça, elle parvint à réfléchir posément.

« Et s’ils avaient découvert par eux-mêmes que la vampire a quitté Lille, suggéra t-elle.

-C’est possible, acquiesça Angelina. Alors nous perdons notre temps ici. Nous devrions rentrer à Paris. Surtout que je n’ai pas prévenu monsieur Vinol. Je vais me faire engueuler pour mon troisième jour de travail !

-Je ne veux pas rentrer. J’ai toujours ce mauvais pressentiment. Je veux…

-Vous voulez aller à Valenciennes, finit la jeune fille.

-Je peux sûrement m’y rendre par mes propres moyens.

-Allons-y. Ça ira plus vite en transplanant. »

 

           Moody et Chaldo fouillait maintenant les bas-quartiers de Valenciennes. Il était étrange de constater que quelque soit la ville, l’aspect de ces quartiers ne changeaient pas. Toujours les mêmes rues sales, les mêmes murs noirs de pollution, les mêmes tas d’ordures s’amoncelant dans les caniveaux, les mêmes regards sombres et résignés. C’était là plus que tout ailleurs où le monde des Moldus et celui des Sorciers se rejoignaient le plus intimement. Dans ces ruelles sans éclairage, des échanges entre les deux mondes se faisaient sans qu’aucune autorité ne puisse y faire quelque chose. Le décret international sur le Secret Magique y dévoilait ses limites.

           Pierrick n’avait compris le sens réel de cette loi qu’à son retour en France. En Chine, avant la disparition du Ministère chinois de la Magie, elle n’était pas appliquée. Les moldus connaissant et acceptant l’existence des sorciers parmi eux depuis des millénaires. De même le décret de restriction de la magie chez les sorciers dit de premier cycle n’existait pas dans l’ancien Empire du milieu. Pourquoi interdire aux jeunes sorciers de mettre leur connaissance en pratique en dehors de l’école ? Certains adultes étant beaucoup plus irresponsables que certains adolescents.

Pierrick dut s’adapter à ces différences culturelles. Bien que français de sang et de naissance, il n’avait aucun souvenir de ces premières années dans l’Hexagone. Il se sentait chinois de cœur. Lorsqu’il dut quitter cette terre orientale où il avait grandi, il se sentit comme arracher de chez lui. Mais il n’avait plus rien à y faire. Ses parents y étaient morts. Ses amis qui avaient survécu avaient fui dans d’autres pays. Et Su, son premier grand Amour s’était endormi d’un sommeil éternel et sans retour.

           « Il y a sûrement un moyen de trouver cette vampire plus vite, dit Moody. On pourrait encore aller voir dans un de ses bars malfamés.

-Ils ne doivent pas être en ville depuis suffisamment longtemps pour qu’il y ait des rumeurs de leur présence en ville pour le moment, dit Pierrick. Mais je peux accélérer les recherches en quadrillant la ville par les airs. Continuez au sol. Je vous appelle si je trouve quelque chose. Faîte de même. »

Pierrick se transforma en corbeau et s’envola. Moody regarda l’oiseau noir disparaître dans les ténèbres.

 

           Pierrick vola de perchoir en perchoir, s’arrêtant pour essayer de repérer la vampire ou son protecteur. Une fois de plus, il sentit une présence derrière lui. Yann Firvel s’approchait sans sourire. Quelque chose d’important s’était produit. Pierrick le sentait. A chaque fois qu’il l’avait vu, le mystérieux Firvel avait toujours son sourire léger, comme s’il prenait tout avec humour. Mais là son air était grave.

           Pierrick reprit son apparence humaine.

« Que se passe t-il ? demanda t-il directement.

-Je t’ai cherché à Lille pour te prévenir que la vampire avait changé de ville, dit-il. Mais je vois que vous l’avez compris tout seul.

-Il y autre chose, n’est-ce pas ?

-C’est vrai. C’est le Prêtre. Il est aussi ici.

-Je ne l’ai pas repéré.

-Il sait se cacher jusqu’au moment d’agir. Se déplacer sans être vu. Il traque le mal sans relâche. Enfin, ce qu’il appelle le mal. Mais souvent, son esprit tordu se trompe de cible. Tue-le si tu le rencontres. N’ais pas de pitié.

-Qu’a-t-il fait pour te mettre ainsi en colère ?

-Ce matin, à Lille. Il a tué deux enfants. Deux enfants innocents. Je ne sais pas ce qu’ont mes chefs dans la tête pour laisser un tel monstre en liberté. Ils considèrent que l’élimination de la vampire vaut la mort de deux enfants qui jouaient dans un parc.

-Je comprends ta colère.

-J’ai vu Chun. Elle voulait m’accompagner quand je lui ais dit que je devais te voir. Je l’ai laissé à Paris, ne t’en fais pas.

-Merci. Je dois reprendre les recherches. Et toi ? Que vas-tu faire ?

-Ma mission est d’observer.

-Quand je découvrirais pour qui tu travailles, je me demande si tu seras un allié ou un ennemi.

-Qui sait ? sourit Firvel. »

 

           Dans un autre quartier, le Prêtre parcourait les rues à la recherche de sa cible. Ces rues puaient le mal et le vice à plein nez. S’il avait le temps, il tuerait chaque individu qu’il croisait. Car chacun refoulait le mal à différent niveau. Une purification par le Feu Divin s’avérerait utile. Il devait retenir ses pulsions. Sa cible était un démon bien plus terrible que ces âmes égarées.

           Il s’engouffra dans une ruelle sombre. Il n’avait pas fait dix mètres qu’un homme aux yeux exorbités s’approcha de lui. Une silhouette gracile légèrement vêtue se tenait derrière lui. La jeune fille ne devait pas avoir plus de seize ans.

« Monsieur recherche de la compagnie je suppose, dit l’homme. Cette jeune fille sait tout faire, même des choses que vous ne pouvez imaginer. Tout ça pour votre plaisir. »

Le Prêtre ne répondit pas. Il fixait le proxénète d’un regard vide et sombre.

« Oh ! Je vois, reprit-il. Ce n’est pas ce genre de plaisir que recherche monsieur. J’ai aussi ce jeune garçon à vous proposer. »

Un jeune garçon pas plus âgé que la fille s’approcha. Il avait l’air maladif. Son tee-shirt en haillon et son jean sale le rendait pitoyable.

« Toujours pas ? Alors peut-être une bonne dose. J’ai tout ce qu’il faut, de l’héro, de la coke,… A quoi tu te shootes ? »

Le Prêtre s’approcha du dealer. Ce dernier se crispa, les yeux encore plus exorbités. Un filet de sang coulait sur le bitume sal.

« Tu n’es que de la vermine, chuchota le Prêtre. Tu fais commerce de la chair et du vice. Seul la mort peut racheter tes crimes. Que Dieu te prenne en pitié. »

D’un geste vif, le Prêtre éventra le dealer. Ses viscères se déversèrent sur le sol. Il tomba à genoux et s’allongea, face dans ses restes en charpies ensanglantées.

           Le Prêtre s’avança vers les deux adolescents. Le jeune garçon se jeta à ses pieds.

« Merci monsieur, dit-il. Merci. Vous nous avez libérés.

-C’est ma mission, fit le Prêtre. Je dois purifier ce monde du mal qui le gangrène. Ma mission ne s’arrêtera que quand le monde ne sera habité que par des âmes pures. C’est la mission que m’a donné le Seigneur. »

Le Prêtre abattit sa lame dans la nuque de l’adolescent, le décapitant net. La jeune fille était figée de terreur alors que le Prêtre se désintéressait du cadavre du garçon pour s’approcher d’elle.

« Nous sommes innocents, supplia t-elle. Nous n’étions que ses objets. Je vous en supplie. Je ne voulais pas. Il m’a forcée. Il me battait si je refusais. Je n’ai pas eu le choix.

-Dieu seul peut juger de tes actes. Je t’envoie devant lui.

-NON ! »

Le hurlement n’arrêta pas le bras du Prêtre. Il transperça le cœur de la jeune fille. Les yeux perdus dans le vague, elle bascula en arrière et s’effondra dans la saleté stagnante de la rue.

           Le Prêtre s’agenouilla, joignant ses mains en signe de prière.

« Seigneur Dieu, pardonne à ses âmes égarées si telle est ta volonté. Je ne suis que ton humble instrument dans l’Armageddon[1]. Que ta volonté guide mes pas et mes gestes dans ma mission divine jusqu’à l’Apocalypse. »

           Abandonnant les cadavres sanguinolents, le Prêtre reprit son chemin et ses recherches.

 

           Anton vérifia les alentours de l’entrepôt avant de laisser Assya en sortir. Ils devaient reprendre la route pour la Transylvanie au plus vite. Il se devait de le faire. Il avait juré obéissance au Seigneur Sornas. Mais c’était surtout en souvenir d’Elya qu’il le faisait. Ses pensées vagabondèrent longtemps en arrière. A l’époque, Assya n’était qu’une petite vampire.

           A l’époque, il travaillait pour le gouvernement magique transylvanien alors en guerre contre la Nation Vampire. La guerre approchait de sa fin. Les pourparlers de paix étaient en bonne voie. Les deux parties se félicitaient de voir ce conflit se terminer. Mais la Nation Vampire était déchiré par un schisme en son sein. Une partie de sa population ne souhaitait pas la fin de la guerre. Certains étant liés au clan Sornas, les transylvaniens y envoyèrent leur meilleur chasseur de vampire : Anton VanKarus. Il n’était pas sûr de l’implication totale du clan Sornas. Le Seigneur Sornas était certes connu pour être rude, mais également pour avoir l’Honneur comme qualité première et vouloir la survie de son peuple avant tout. Il était d’ailleurs un des acteurs majeurs des pourparlers. Les dirigeants du Ministère se montraient prudents car il fut aussi un stratège implacable au plus fort de la guerre.

           VanKarus infiltra l’entourage des Sornas. C’est la qu’il la rencontra : Elya Sornas, la fille ainé du Seigneur du clan. Une femme magnifique, de longs cheveux noirs lui tombant jusqu’à la taille, une peau pâle comme de la porcelaine, des yeux brillant d’un éclat rouge. Ses yeux, ils n’avaient pas l’avidité pour le sang que certains vampires possédaient. Ils étaient pétillants de vie tout en conservant une profondeur insondable. Anton VanKarus eut le coup de foudre pour elle dés le premier regard. Il la séduisit. Leur histoire devait demeurer secrète. Elle était la fille d’un Seigneur Vampire, son héritière à la tête du clan. Il était un chasseur de vampire, même si la guerre touchait à sa fin.

           Ils voulaient s’enfuir. Partir pour un pays où la guerre n’existait pas. Un pays où personne ne les connaissait, où ils pourraient vivre en paix. Mais leur projet fut découvert. Un cousin d’Elya qui avait le projet de la demander en mariage auprès de son père pour ainsi s’emparer du clan découvrit leur relation et leur projet. Il était surtout un des partisans de la continuation de la guerre. Ce vampire sanguinaire, Arcudral Sornas, les dénonça auprès du Seigneur. Ils durent s’enfuir mais le délateur les rattrapa. Le Seigneur comprit trop tard son erreur de faire confiance à son neveu et lança ses hommes à la poursuite d’Arcudral.

           Mais il était déjà trop tard. Arcudral, ne pouvant avoir Elya, l’avait tuée. Anton VanKarus, emporté par sa rage, livra un combat sans merci contre le vampire. Et bien que blessé gravement, il parvint à venger celle qu’il aimait. Quand les hommes du Seigneur arrivèrent, ils ne trouvèrent que le cadavre d’Arcudral et à côté, Anton étreignant une dernière fois le corps sans vie d’Elya.

           Anton fut mené devant le Seigneur Sornas. Il ne voulait plus vivre dans un monde où Elya n’était plus. Il supplia le Seigneur de le tuer. Mais ce dernier refusa cet ultime souhait. Il usa de sorcellerie vampirique pour maudire l’âme d’Anton VanKarus. Anton se vit octroyer la longévité des Vampires. Mais ce fut pour souffrir éternellement. Tourmenté par le souvenir d’Elya. Il disparut du monde des Sorciers. Il entra au service du Seigneur Sornas, jurant de veiller sur le peuple Vampire des menaces de ceux, humains ou vampires, qui souhaitaient le retour de la guerre.

           Le temps avait passé depuis. Ses cheveux avaient blanchis. Son âme suintait la peine comme le sang d’une plaie. Il avait vu grandir Assya. Elle était devenue aussi belle que sa sœur. Mais elle n’était pas elle. Jamais aucune ne pourrait remplacer Elya.

 

           La voie était libre. Anton retourna chercher Assya. Mais quand il rentra, la vampire n’était pas seule. Deux jeunes femmes se trouvaient avec elle.

 


[1] Dans le Kabbale, il s’agit de la guerre éternelle entre Dieu et le Diable. La tradition chrétienne estime que cette guerre se terminera par les actions prédites par Saint-Jean dans son Apocalypse, le dernier livre du Nouveau Testament.

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