Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 61 : XI Marion Locca

3261 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 04:12

           CHAPITRE XI : MARION LOCCA

 

           Sur sa branche, Marion Locca n’avait pas bougé d’un centimètre quand Pierrick Chaldo était apparu. Elle aurait dû rentrer pour en informer ses chefs mais elle avait une étrange impression sur cette affaire. Comme-ci elle allait être directement liée aux futurs évènements se déroulant autour de Yann Firvel et Pierrick Chaldo. Elle si effacée, comment pourrait-elle agir sur le temps ? Elle ne faisait que le subir depuis ses huit ans. Depuis le jour où son père alcoolique et violent la poursuivit pour la battre une fois de plus. Elle n’avait plus de mère. Cette dernière était morte en la mettant au monde. Marion savait que son père était quelqu’un de doux et de gentil avant cette terrible perte. Mais au fil des années sans la femme de sa vie, il avait changé.

           Il devait avoir descendu deux bouteilles entières de whisky et s’attaquait à la troisième quand il remarqua que la jeune Marion le regardait avec un regard apeuré. Il en fut irrité et lui balança dessus la bouteille qu’il venait de déboucher. Du verre et de l’alcool volèrent en éclat quand la bouteille se fracassa contre le mur derrière la petite fille.

« Regarde ce que tu as fait ! avait hurlé le père à sa fille. Tu as gâché une bonne bouteille et en plus il y en a partout maintenant. Tu vas payer pour ça. »

Il s’était mis à la poursuivre. La fillette gracile courut jusqu’au grenier. Son ultime refuge. Mais cette fois la, son père l’y suivit. Le plancher était vermoulu et certaines lattes ployaient déjà sous le poids de Marion. Elle connaissait bien le plancher et préféra rester immobile sur une partie qu’elle savait suffisamment solide pour son gabarit de plume. Mais résisterait-il à la masse de son père ? Elle n’y pensait pas. Elle était effrayée par cet homme se dressant devant elle, menaçant.

« Enfin tu deviens raisonnable, avait-il dit avec un rictus. »

Il bondit vers elle pour l’attraper mais quelque chose se passa. Il passa à travers sa fille, elle avait pris la consistance du vent. Il s’écrasa contre le parquet qui céda dans un craquement sinistre sous son poids. En un flottement, elle s’écarta du trou et reprit pied sur les planches. Elle regarda par le trou. Son père gisait quelques mètres plus bas, le cou brisé.

           Après ça, elle avait été confiée à ses grands-parents maternels. Mais ils décidèrent de se séparer d’elle quelques mois plus tard. Selon eux, elle était effrayante, passant à travers les murs, flottant la nuit au dessus de son lit, disparaissant. Ses yeux bleus perdirent leur couleur, prenant un blanc laiteux que les médecins ne pouvaient expliquer. Mais surtout, voyant comment son corps changeait, son esprit changea également, donnant raison à Nietzche. Elle devint effacée, elle se laissait porter par les courants de la Vie sans chercher à se faire sa place. Elle fut repérer par le 13ème Bureau alors qu’elle n’avait que quatorze ans. Ils lui donnèrent enfin un but et quelque chose à faire dans cette vie qui avait perdu tout intérêt pour elle. Elle avait espionné. C’était même sa spécialité. Elle avait aussi déjà tué sans laisser la moindre trace de son passage. Tel un fantôme. Après tout, son don lui avait valu le surnom de White Ghost.

           Alors pourquoi ne pas rapporter à ses chefs ce qu’elle avait appris ? Que Yann Firvel agissait de son propre chef, et qu’en plus il s’était associé au chasseur Pierrick Chaldo ? Son choix était dictée part son dernier don. Un don dont elle n’avait jamais parlé à ses chefs. Parce qu’elle savait qu’elle ne devait pas leur dévoiler. Elle pouvait se balader sur le fil du temps, de son temps. Elle pouvait revoir des choses s’étant passé, que ce soit pour elle ou pour les gens lui étant proches. Ce fut ainsi qu’elle su que son père avait été quelqu’un de gentil et de bon avant la mort de sa mère. Mais elle pouvait aussi entrevoir des bribes de futur. C’est ainsi qu’elle sut qu’elle ne devait pas parler de ce don à ses chefs. Et qu’elle devait attendre sans leur référer la conduite de Firvel. Car elle avait entrevu une des possibilités de l’avenir, un avenir où elle aurait un rôle à jouer. Un avenir où tout demeurait possible pour elle, même reprendre une vie normale. Mais pour avoir une chance de le voir se réaliser, elle devait tout cacher à ses chefs.

 

           Hans Friedrich se réveilla au bout de plusieurs heures. Il essaya tout d’abord de se souvenir de ce qui s’était passé. Il avait de vague souvenir d’un homme aux yeux violets au pied de son lit, de Pierrick Chaldo cherchant à le sauver de ses griffes avec l’aide des professeurs Thomas Zimong et François Garde. Et alors qu’il s’enfuyait avec le vieux professeur d’Histoire, des hommes avaient surgi. Des mangemorts se souvint-il. Mais que lui voulait-il ? A ce moment, il ne se posa pas la question. Le professeur s’était lancé à l’attaque mais il fut vaincu. Un autre homme était apparu. Et sans baguette, il s’était débarrassé des mangemorts. Il avait demandé à Hans de le suivre. Mais l’adolescent avait refusé. Il ne le connaissait pas. Il pouvait être un des leur. Une violente douleur à la tête le foudroya et il ne vit plus rien.

           Le jeune homme regarda autour de lui. Il ne connaissait pas ce lieu. Où pouvait-il bien être ? Il sortit du lit et essaya de se dresser sur ses jambes étrangement chancelantes. Il se laissa retomber sur le matelas. Sa tête tournait. Il resta immobile le temps que ça se calme. Passant la main dans ses cheveux, il fit une grimace en effleurant la bosse qui avait poussé au niveau de sa tempe droite. Comme alerté subitement par cette douleur, il chercha sa baguette. Il était encore en pyjama et ne l’avait pas sur lui. Il devait s’enfuir d’ici. Prévenir les Chasseurs. Ces derniers devaient être à sa recherche. Il devait rassurer Laura. La pauvre s’inquiétait sûrement pour lui.

           Hans retenta de se lever. Cette fois-ci il réussit. Silencieusement, il s’approcha de la porte. Il colla son oreille au bois pour déceler des présences de l’autre côté. Il perçut un léger murmure et réussit à différencier deux voix distinctes sans réussir à en identifier une seule. De toute façon, il ne connaissait pas de mangemort. Il chercha une autre issue mais rien. La chambre ne comportait qu’une fenêtre bloquée à l’extérieur par de barreaux. Quand aux murs, ils étaient faits de pierre. La seule sortie était donc la porte. Mais combien de mangemorts l’attendaient de l’autre côté ? Et comment ferait-il pour leur résister sans baguette ? Malgré tout, il ne pouvait pas rester ici et ne rien tenter pour s’échapper. Il décida de tenter sa chance. Quitte à en mourir.

           Hans appuya sur la poignée de la porte. Tout doucement, pour ne pas faire de bruit. Il perçut le cliquetis de la barre se retirant du trou. Il poussa la porte de manière imperceptible. Lorsque la porte fut suffisamment écartée, il relâcha lentement la poignée. Il espérait juste que les gonds ne grinceraient pas. Si un grincement résonnait, il n’aurait plus comme autre solution que de courir. Il poussa la porte. Centimètre par centimètre. Malgré qu’il ne faisait rien d’extraordinaire, de la sueur ruisselait sur son visage et dans son dos. Des sueurs froides. Il n’avait pas fait un quart de l’arc-de-cercle de la porte quand un horrible bruit de vieux métal résonna. Hans jura silencieusement. Les murmures s’étaient tus. Il n’avait plus le choix.

           Hans repoussa d’un coup la porte qui vint cogner violement contre le mur. Il se mit à courir vers l’autre porte qu’il repéra directement et qu’il identifia comme la porte d’entrée. Mais une main vint le saisir au bras et d’une clé, l’empêcha d’aller plus loin. Hans hurla de rage et de dépit.

« Lâchez-moi ! cria t-il bien que sachant que c’était inutile.

-On se calme jeune fou, lui intima celui qui le maîtrisait. »

Hans reconnut la voix de celui qui l’avait assommé.

« Qu’est ce que vous voulez de moi ? questionna Hans.

-Juste te protéger.

-C’est ça. En m’enlevant.

-C’était pour ton bien.

-Je ne vous crois pas !

-Qu’il est têtu ! se moqua Firvel. Est-ce que tu peux le ramener à la raison Pierrick ? »

Hans arrêta de s’agiter. Devant lui, il venait à peine de remarquer la présence de Pierrick Chaldo. Il ne pouvait croire qu’un chasseur aussi intègre, selon les mots de Thomas, puisse être passé à l’ennemi. Il jeta sur le Corbeau un regard incrédule.

« Pourquoi …? balbutia t-il, le reste de sa question refusant de surgir de sa gorge.

-Il te l’a dit : pour te protéger, répondit Chaldo. »

Hans ne comprenait pas. Ce serait-il trompé ?

« Yann, lâche-le, ordonna Pierrick. Il ne va pas s’enfuir. »

Firvel s’exécuta. Pierrick invita Hans à s’asseoir à la table sur laquelle trônait un pot de café.

           Firvel entreprit de servir trois tasses et proposa du sucre. Hans et Pierrick refusèrent d’en prendre. Firvel haussa les épaules et prit une pierre. Des biscuits étaient disposés dans une assiette. Hans en prit un qui éveilla son appétit. Mais plus que le vide qui emplissait son ventre, c’était celui de son esprit qu’il souhaitait comblé. Il voulait comprendre. Pierrick ne savait pas par où commencer. Mais il devait bien lui expliquer.

« Le mangemort qui a essayé de t’enlever s’appelle Kylian Névris, expliqua le Corbeau. Il est le bras droit de Malgéus. Je suppose que tu en as déjà entendu parler.

-Celui qu’on surnomme le Vous-savez-qui français, un ancien de ses fidèles je crois.

-Tout à fait. Et depuis la chute de Voldemort, il cherche à prendre le pouvoir en France. Et pourquoi pas dans tout le monde magique ensuite.

-On pourrait même s’attendre à ce qu’il s’attaque à celui des moldus, ajouta Yann.

-Je ne vois pas ce que je viens faire la dedans, fit remarquer Hans.

-Au mois de janvier dernier, Malgéus a cherché à s’emparer d’un livre ancien dans la Bibliothèque du Département Secret. Il a réussi à s’y infiltrer et aurait réussi si le livre qu’il convoitait s’y était trouvé. Ce livre se nomme : Grimoire de Malchauzen. Est-ce que ça te dit quelque chose ?

-Non.

-Ce grimoire parle de l’ancienne magie druidique germanique. Ne pouvant avoir accès à cette magie par cet ouvrage, il a décidé de rechercher les descendants de ces druides. On ignore encore comment, mais il a trouvé…

-Il faut mettre mes parents et ma sœur à l’abri ! s’exclama Hans. Vous les avez prévenus ? Où sont-ils ? Nous sommes des descendants des druides allemands. »

           Pierrick savait que le moment était venu. Il devait lui avouer la terrible vérité. Hans s’était levé. Yann lui intima l’ordre de s’asseoir.

« Quand nous avons découvert que la famille que recherchait Malgéus était la tienne, raconta Pierrick. Nous avons tout de suite pensé que tu étais en sécurité à Beauxbâtons. Plus que ta famille. Je me suis rendu chez toi. Mais les mangemorts m’y avaient précédé. »

Hans avait blêmi d’un coup. Il n’osait pas imaginer ce qui devait s’être passé.

« Qu’ont-ils fait à ma famille ? demanda t-il faiblement. »

Pierrick n’avaient que trois mots à dire. Trois mots fatidiques. Trois mots simples et pourtant si compliqués à dire. Il ne lui dirait rien de plus. Il n’avait pas besoin de connaître plus de détails que nécessaire.

« Ils sont morts. »

           Hans crut que le monde s’effondrait autour de lui. Il ressentit un vide incommensurable grandir en lui. Il revoyait tour à tour les visages de sa famille. Le sourire éclairé de son père. Celui doux de sa mère. Et celui innocent et rieur de sa sœur. Il était encore avec eux deux jours plus tôt. Sa mère avait préparé son plat préféré. Son père lui disait qu’il devait cette année plus que n’importe qu’elle autre se choisir un avenir et quel qu’il soit, il le soutiendrait. Sa sœur boudant de ne pas encore faire sa rentrée à l’Académie. Jamais plus il ne mangerait les bons petits plats de sa mère. Jamais plus il ne discuterait avec son père de divers sujets. Jamais il ne verrait sa sœur entrer à Beauxbâtons.

           Il avait beau avoir dix-sept ans, être presque un homme. A ce moment là, il n’était plus qu’un orphelin. Ses larmes ruisselèrent sur ses joues. Des larmes d’enfant.

           Puis ses larmes laissèrent la place à un autre sentiment. Il se leva d’un bond, faisant tomber bruyamment sa chaise contre le sol. Sa colère avait rempli le vide que la mort de sa famille avait ouvert. Il se dirigea d’un pas décidé vers la porte d’entrée. Un éclair le dépassa et vint entourer la porte. Lorsqu’il tenta de l’ouvrir, elle demeura close. Hans, le regard mêlant peine et rage, se retourna vers Chaldo qui tenait sa baguette à la main. Hans comprit qu’il avait envoyé un sortilège d’impassabilité.

« Laissez-moi partir ! hurla t-il.

-Pourquoi ? questionna calmement Pierrick.

-Je veux retrouver ces salauds et les tuer tous !

-Tu crois que tu seras assez fort ?

-Je vais tous les buter !

-Sais-tu seulement où ils sont ?

-Non ! Mais je les retrouverais ! Ou alors, je n’ai qu’à les laisser venir à moi. Il me cherche après tout.

-Je ne peux pas te laisser faire ça. Ma mission est de te protéger.

-Je ne vais pas rester ici alors que les assassins de ma famille sont vivants et en liberté !

-Si, tu vas rester ici. Ils ne doivent pas te trouver. Je sais ce que tu ressens mais te venger ne t’apportera rien. Crois-moi.

-Vous ignorer ce que je ressens alors épargner moi ce genre de discours !

-Mes parents ont été assassinés également. J’ai trouvé leurs corps encore chaud quelques instants après. Et la fille que j’aimais est morte dans mes bras, assassinée elle aussi. Je me suis vengé ce jour là. J’ai tué tous ceux qui étaient présents et impliqués dans sa mort. Et cela n’a servi à rien. Su, mes parents, mes amis morts ce jour là : aucun n’est revenu à la vie. Et je ne me suis pas senti mieux. Au contraire. Durant les quatre dernières années, j’ai été tel un fantôme dans cette vie. Et maintenant, je redécouvre la joie de vivre. Tout ça grâce à Chun. Il m’a fallut quatre ans avant que je ne rencontre celle qui me ramènerait vers la Vie. Toi, tu as encore Laura. Elle ne voudrait pas te voir devenir un homme sans âme. Pense à elle avant tout. »

           Hans fixa Chaldo. Cet homme avait connu la même douleur que lui. Voir pire. Il le comprenait que trop. Il pourrait ce dire et alors. Mais les ténèbres encore présentes dans le regard du chasseur malgré les années et la présence de Chun Yang-Li à ses côtés lui suffirent pour qu’il ne veuille pas devenir ainsi. Sa colère s’estompa un peu. Pas totalement, jamais elle ne disparaîtrait totalement. Mais assez pour qu’il se rende compte qu’il n’aurait aucune chance et se ferait tuer en pure perte. Ou pire, serait contraint d’aider les assassins de sa famille. Plutôt mourir que d’en arriver là ! Pour le moment, il devait rester ici. Ici, il était en sécurité. Pour le moment.

 

           « Maître, le jeune Friedrich ne doit plus être à l’Académie maintenant, dit Névris. Mais d’après notre espion au Département des Chasseurs, Chaldo a dit à Maldieu que nous l’avions.

-Chaldo a-t-il enfin compris qu’il ne devait pas faire confiance à Charles Maldieu ? siffla Malgéus.

-Le problème, c’est que nous ignorons où il cache Hans Friedrich.

-Patience Kylian. Nous avons attendu notre heure jusqu’à maintenant. Ce n’est pas quelques jours de plus qui nous arrêterons. Et puis, notre espion nous a rapporté que les Chasseurs sont à la recherche de d’autres descendants des druides germains. Nous aurons sûrement d’autres possibilités. Il nous suffit d’être patient. »

           Névris se retira. Il repensa à ce que venait de lui dire Malgéus. Patience. Comme s’il pouvait donner une seule leçon de patience. Lui qui s’était précipité dans une course au pouvoir depuis la chute de Voldemort. S’il voulait des leçons de patience, un autre mage noir pouvait lui en donner.

 

NDA : Le philosophe allemand Friedrich Nietzche a dit un jour : « L’Esprit n’est qu’un jouet pour le Corps ».

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