Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 75 : VIII Vol

3287 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 21:34

           CHAPITRE VIII : VOL

 

           Lorsque Julien Dérios a vu arrivé Jacques Mareau avec l’homme qui s’était transformé en oiseau devant eux, il a cru qu’il était mal barré. Mais Jacques lui expliqua la situation aussi bien qu’il l’avait compris. Heureusement que Yann Firvel se décida à tout expliquer de manière plus claire. Le temps pressait mais il ne servait à rien d’embarquer les deux quinquagénaire dans une affaire dont il ne savait quasiment rien. Une affaire dangereuse de surcroit. Les locaux du 13ème Bureau n’étaient pas à la pointe de la sécurité pour miser plus sur la discrétion mais en sortir des dossiers classés au plus haut niveau de confidentialité ne seraient pas une partie de plaisir. L’endroit grouillait d’agents des services secrets venant de divers spécialités mais tous entraînés à réagir. Et il y avait les agents propres au 13ème Bureau. Des agents capables de n’importe quoi.

           Julien Dérios n’était pas très rassuré. Lui n’était pas un ancien agent de la DST qui voulait prendre une certaine revanche sur les services gouvernementaux ou un agent mis sous surveillance par ses chefs. Il avait encore quelques années de carrière devant lui avant de prendre sa retraite. Mais il devait la vie plusieurs fois à Jacques. Rien que pour ça, il devait l’aider. C’était ça d’être un des derniers vestiges du temps où les espions avaient encore un semblant d’honneur, la seule chose que la Guerre Froide n’avait pas réussi à faire disparaître. Sauf peut-être pour les espions nord-coréens mais eux, n’ont pas une même conception de l’honneur.

« Ne vous en faites pas, vous aurez un rôle extérieur, assura Yann. Vous avez une voiture rapide ?

-Oui, répondit Dérios. Vous voulez que j’assure la fuite au cas où.

-Si tout se passe bien, ils ne devraient pas nous repérer et ça devrait passer comme une lettre à la poste. Ils ne devraient rien remarquer. Jusqu’à ce qu’ils découvrent le vol des dossiers du moins mais nous serons loin.

-Et si le volume de dossiers est trop gros ? demanda Jacques.

-Je devrais les sortir par transplanage.

-Par quoi ? s’exclama Dérios.

-Si j’ai bien compris, c’est une sorte de téléportation, précisa Jacques. Et moi ?

-Vous allez faire diversion. Officiellement, ce bâtiment est un centre des archives vétérinaires. Il vous suffira de jouer le rôle de quelqu’un qui a besoin d’une info concernant son animal. Il n’y a aucun dossier de ce type ici. Ils vous redirigeront vers un autre endroit mais je vous fais confiance pour jouer au lourd. Faîtes un gros bordel.

-Pas de problème. »

           Yann Firvel entra en premier dans le bâtiment. Il jeta un coup d’œil discret mais plus appuyer sur les lieux pour voir s’il ne repérait pas des agents sorciers du 13ème Bureau ou autre chose d’anormal. Il fit exprès de rester dans le hall d’accueil du public en faisant semblant de s’intéresser aux affiches d’informations mises là pour faire illusion. Quelques instants plus tard, alors qu’il commençait à se diriger vers les bureaux, il vit Jacques Mareau faire son entrée. Le timing était parfaitement celui prévu.

           Quand Jacques entra, la femme jouant le rôle d’agent d’accueil se redressa sur son siège. Jacques se dirigea d’un pas décidé vers elle. La femme sembla un peu contrarié de sa présence mais se reprit rapidement pour ne rien laisser paraître. Elle fit un sourire tout à fait professionnel.

« Puis-je vous aider ? questionna t-elle.

-Oui j’espère, répondit Jacques sur le ton de l’exaspération. Je viens pour avoir des renseignements sur une opération qu’a eu un de mes chevaux il y a quelques mois.

-Je ne pense pas pouvoir vous renseigner à ce sujet vous devriez aller…

-C’est bien les archives vétérinaires ici ?

-Oui mais…

-Alors vous devez avoir les informations que je recherche. Mon cheval devait être soigné pour une simple inflammation du tendon d’une patte et cet idiot de véto l’a stérilisé.

-Vous devriez voir ça avec votre vétérinaire.

-Je l’ai fait mais il me soutient mordicus que c’était pour stériliser mon Général du Ponant que je l’ai appelé. Donc je suis venu ici pour avoir une copie du document original.

-Nous n’avons pas ce genre de données ici. Je vous suggère d’aller…

-Si les archives vétérinaires n’ont pas ça, je me demande bien à quoi vous servez. Je veux cette info et c’est tout. Je ne partirai pas sans.

-Mais monsieur…

-Il n’y a pas de mais. Allez dire à mon cheval pourquoi ce charlatan lui a coupé les roubignolles.

-Je vais appelez mon supérieur.

-Allez-y. Au moins lui sera peut-être compétent. »

           Yann ne put réprimer un sourire. Plusieurs personnes du 13ème Bureau, attirées par les éclats de voix de Mareau, vinrent voir la scène par simples curiosités. Yann en profita pour se diriger vers une porte un peu à l’écart comportant un panneau indiquant une sortie de secours. Derrière, un couloir partait dans deux directions. Yann savait que celui à droite repartait vers la rue et servait véritablement de sortie d’urgence en cas d’incendie. Le couloir à gauche ne menait théoriquement nulle part. Pour celui qui ne connaissait pas les lieux. Yann n’était jamais venu dans cette partie des locaux du 13ème Bureau. Pour un agent de terrain comme lui, cette partie était interdite. Seuls les analystes et les chefs y avaient accès. Il se doutait de la présence de caméra de surveillance et de d’autres systèmes d’alerte. Mais son entraînement lui avait appris à déjouer ce type d’obstacle. Il produisit un miroir d’une de ses poches. Et le fit dépasser légèrement de l’angle du mur. Ainsi il put voir la porte située au bout du couloir et la caméra au dessus. Il connaissait le défaut de ces appareils : l’angle de vue extrêmement réduit. De plus, c’était une caméra fixe. Maintenant qu’il avait vu la destination, il pouvait s’y rendre. Le claquement de fouet résonna et il se retrouva devant la porte, juste en dessous de la caméra. Il examina la porte de près. Aucun autre système de sécurité. Seul un panneau indiquant « PERSONNELS HABILITES UNIQUEMENT » en bloquait théoriquement l’accès. La serrure était tout à fait normale. Toujours dans le même but : ne pas attiré l’attention. La crocheté fut facile.

           Yann Firvel ouvrit la porte avec prudence. Une caméra de surveillance pouvait se trouver de l’autre côté. Ce serait logique. Serait-elle pointée directement sur la porte ou placé au dessus ? Il jeta un coup d’œil et vit que la caméra était juste au dessus de la porte par laquelle il entrait. C’était ce qu’il espérait. Il se glissa dans la pièce en faisant attention de ne pas se retrouver dans le champ de la caméra. Il examina la pièce sans bouger de sa position. La porte située en face était blindée et protégé par une fermeture à code. Un de ces nouveaux systèmes à clavier numérique pas encore totalement inviolable. Mais pour l’atteindre, il devait traverser la pièce et passé dans le champ de la caméra. Yann sortit son arme de sous sa veste. Pour l’occasion, il avait équipé le canon de son Beretta 92 d’un silencieux. Pour un tireur lambda, cet accessoire n’était pas agréable car rendait le tir imprécis. Mais Yann Firvel n’était pas un tireur lambda, il avait subi un entrainement le rendant exceptionnel dans le maniement de ce genre d’armement, le tir de combat rapide étant sa spécialité. Il leva son arme à deux mains pour assurer une meilleure prise de l’arme. Il visait le plafonnier. Le tir ne fit qu’un léger bruit, semblable à un gros soupir. Le plafonnier éclata, plongeant la pièce dans une obscurité totale.

           Utilisant ses dons spéciaux, Yann acquérit une vision proche de celle des rapaces de nuit comme le hibou ou la chouette. Il put ainsi se déplacer sans problème jusqu’à la porte blindée. Il produisit un couteau et le passa dans la rainure du boîtier pour le démonter d’un geste sec. Il ne voyait pas les couleurs des différents fils mais cela lui importait peu. Il connaissait assez ce genre de système pour savoir quels fils coupés et court-circuités. Il perçut le déclic de la serrure automatique.

           Il fallait faire attention. Le moindre éclat lumineux lors de l’ouverture de la porte pouvait faire rater son infiltration. Il ouvrit lentement. Mais comme il le redoutait, la pièce suivante était illuminée. Un trait de lumière avait couru dans les ténèbres, les tranchants nets. Il n’avait plus le choix. Il devait entrer et se dépêcher de trouver les dossiers pour ressortir. Il bondit dans la pièce, refermant la porte blindée derrière lui sans se tourner vers la caméra.

           Premier constat, ici, ils n’avaient pas fait mettre de caméra. Les crédits alloués au 13ème Bureau devaient être vraiment insuffisant. Yann sortit un foulard noir d’une de ses poches et le plaça sur son visage, le nouant derrière sa tête. La pièce était le bureau du vigile avec des écrans montrant ce que voyaient les caméras. Le vigile n’était pas là. Yann entendit le bruit d’une chasse d’eau venant de la porte située juste derrière le bureau. Un homme sortit des toilettes et referma la porte sans même remarquer la présence de Firvel qui s’était glissé derrière elle. Le vigile jeta un regard aux écrans et s’arrêta en voyant qu’une caméra montrait uniquement du noir. Il allait se diriger vers l’antichambre quand il se figea, le canon du Beretta collé sur sa nuque. Le vigile pensa un instant porté la main à son arme.

« N’y pense même pas, arrêta Firvel. Au moindre geste brusque, je te descends. Si tu veux vivre, dis-moi où se trouve les dossiers du personnels ainsi que les dossiers classés au plus haut niveau de sécurité.

-Je n’y ai pas accès, dit le vigile. Il faut un code pour entrer.

-Ne t-occupe pas de ce genre de détails. Où ?

-Cette porte là pour les dossiers de haut niveau. Et celle-là pour les dossiers du personnel.

-Bien. Autre chose, est-ce que ces caméras sont vues ailleurs ?

-Pas à ma connaissance.

-Parfait. »

D’un geste vif et puissant, Yann Firvel abattit la base de la poignée de son arme sur le crâne du vigile.

           Laissant le vigile inerte sur le sol, Firvel se dirigea d’abord vers la porte protégeant les dossiers de haut niveau de sécurité. Le boîtier pour taper le code d’accès était du même genre que celui de l’antichambre. Il le força de la même manière. A l’intérieur, des rayonnages d’étagères s’alignaient. Elles supportaient des dossiers par dizaine. Il n’imaginait pas qu’il y en aurait autant. Cela lui prendrait des heures pour trouver le dossier du Projet Gladius. Il perçut un bruit sur sa droite et sans réfléchir, il pointa son pistolet sur la femme qui avait surgi de derrière un rayonnage. Elle avait tout du rat de bibliothèque. Des cheveux châtains en bataille et des lunettes rectangulaires. Elle avait quand même un visage agréable à regarder. Elle devait avoir entre vingt-cinq et trente ans. Yann Firvel se souvenait l’avoir déjà croisée dans le hall d’entrée du bâtiment.

           La jeune femme se figea en fixant le canon du pistolet pointé sur son front. Elle lâcha le dossier qu’elle tenait dans ses bras pour lever les mains. Le dossier s’écrasa en se répandant sur le sol. Elle baissa les yeux vers le dossier en lâchant un soupir de dépit avant de relever la tête, se souvenant subitement de la présence de l’intrus.

« Que… que voulez-vous ? fit-elle d’une voix fluette.

-Je ne viens chercher que quelques dossiers, répondit Yann. Je veux le dossier du Projet Gladius.

-Le Projet Gladius ? Que voulez-vous en faire ?

-Excusez-moi mademoiselle…

-Fidois, Anaïs Fidois.

-Mademoiselle Fidois, mais c’est moi qui a une arme dans la main. Je vous suggère de ne pas trop posé de question. Donnez-moi le dossier du Projet Gladius. Tout de suite. »

Anaïs Fidois guida Yann Firvel dans un rayonnage. Elle passa son index sur les tranches de divers dossier et s’arrêta sur un. Elle le sortit et le tendit à Firvel. Ce dernier lui demanda de l’ouvrir pour en vérifier le contenu. Il vit la première page marquée des mots en capital : « PROJET GLADIUS ». Les autres pages montraient des schémas représentant des symboles ésotériques et des silhouettes humaines. Il l’étudierait plus tard. Il le prit et le glissa sous sa veste.

           Anaïs Fidois espérait que cet intrus ne le tuerait pas. Elle espérait aussi qu’il avait tout ce qu’il voulait. Mais elle fut déçue. Pour la deuxième chose du moins.

« Amenez-moi aux dossiers des sorciers repérés par ce service et n’apparaissant pas sur le parchemin enchanté du Ministère de la Magie. »

Anaïs se dirigea vers le bureau du vigile. Elle étouffa une exclamation en découvrant ce dernier inerte sur le sol.

« Il est juste assommé, précisa Yann. Allez. »

La jeune femme se dirigea vers une porte également protégée par un pavé numérique. Avant qu’elle ne tape le code, Firvel lui demanda :

« Y-a-t-il quelqu’un à l’intérieur ?

-Non. Je… je suis la seule archiviste.

-Vive les baisses de budget. Ouvrez. »

Anaïs tapa le code. A l’intérieur, il y avait encore plus de rayonnages que dans la pièce précédente. Firvel en fut surpris. Jamais il ne pourrait emporter autant de documents. Sauf en transplanant dans un autre lieu pour les y entreposer.

« Il y en a combien ? questionna t-il.

-Environ deux cents enfants présumés sorciers, répondit Fidois. Vous ne pourrez jamais tous les emmener.

-J’ai une petite idée de la façon de faire. Mais avant, je dois vous attacher. Au fait, vous ne connaitriez pas l’identité de l’espion au Ministère de la Magie par hasard.

-La pièce tout de suite à gauche en sortant, le code est : 49826. Deuxième rayon à gauche, cinquième étagère en partant du bas, au milieu environ.

-Merci. »

           Yann Firvel attacha la documentaliste à un radiateur. Elle l’observa réunir les dossiers en un même tas au milieu de la pièce. Pour ce faire, il dut pousser les étagères. Il s’absenta quelques minutes pour chercher le dernier dossier qu’il souhaitait. Une fois qu’il eut fini, il se tourna vers la jeune femme.

« Veuillez m’excusez pour le dérangement. Et merci de votre coopération. Je dois malheureusement vous laisser. Adieu mademoiselle Fidois. »

Firvel posa une main sur l’empilement de dossiers et dans un claquement de fouet, disparut. Anaïs Fidois esquissa un sourire innocent.

« Au revoir, et bonne chance, Yann Firvel. »

           Quelques minutes plus tard, Jacques Mareau sortait du bâtiment en criant au scandale contre les fonctionnaires qui le poussait dehors. Il continua de jouer la comédie jusqu’à l’angle de la rue. Il rejoignit Julien Dérios dans la voiture.

« Alors ? demanda celui-ci.

-J’espère que c’était suffisant, répondit Jacques. Il devait y avoir au moins une vingtaine de personnes entrain de me regarder.

-Et Firvel ?

-Je ne sais pas. Je pensais le retrouver ici. S’il a eu des problèmes, nous ne pouvons rien pour lui. »

Un claquement de fouet sur la banquette arrière fit sursauter les deux quinquagénaires. Ils se tournèrent tout les deux vers un Yann Firvel souriant.

« Je vous ai manqué ! fit-il.

-Ne faîtes plus jamais ça, souffla Dérios.

-Et les dossiers ? demanda Jacques.

-Trop volumineux pour être amenés dans la voiture. Je les ai amenés dans un lieu connu de moi seul. Ils sont en sécurité. Je vais les transmettre à Beauxbâtons. Ils sauront quoi en faire.

-Beauxbâtons ? fit Dérios.

-L’école française de Magie. Je vais vous laisser en vous remerciant et en vous félicitant pour votre petite comédie monsieur Mareau.

-C’est tout ! s’exclama Mareau. Après vous avoir aidé, vous nous laisser comme ça !

-Il vaut mieux que vous n’alliez pas plus loin pour le moment. Vous ne connaissez rien de ce monde et j’ai l’impression que tout va devenir plus dangereux prochainement. Dîtes à Chun de ne pas s’inquiéter. Je ferai tout pour que Pierrick lui revienne vivant. »

Sans ajouter un mot, Yann Firvel disparut en un nouveau claquement de fouet.

           Julien Dérios se tourna vers Jacques Mareau. Il attendait qu’il dise ce qu’il fallait faire.

« Je crois que j’ai besoin d’un café, dit-il. Après, je retournerais voir Chun pour lui dire que tout va bien et voir si elle a eut des nouvelles de Chaldo.

-Je te suis pour le café, fit Dérios. Avec un gros doigt de whisky. »

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