Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 76 : IX Sombre et Glacial

2785 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 05:12

           CHAPITRE IX : SOMBRE ET GLACIAL

 

           Pierrick avait repris la chasse. Mais autre chose l’obsédait. Il n’arrivait pas à se retirer ces images, ces sons et ces sensations de la tête. Il se surprit même à souhaiter ressentir de nouveau cette douleur accompagnant ses souvenirs cachés. Il voulait savoir ce qui avait été caché dans son passé, par qui et pourquoi. Par moment il s’arrêtait et attendait. Oubliant les otages des mangemorts et sa mission.

           Il était resté sur le toit de cette tour de la Cité de Carcassonne durant plus d’une heure à attendre quand il se réveilla de la torpeur dans laquelle son esprit s’était enfoui. Il avait essayé d’atteindre ses souvenirs cachés par la concentration. Mais les seuls qu’il put revoir furent ceux qui étaient déjà remontés. Toujours aussi flous. Il n’arrivait toujours pas à voir le visage de cet homme en noir qui lui semblait si proche et familier.

           Pierrick se leva. Il devait reprendre sa mission. Le soleil était haut et tapait encore chaleureusement sur les toits de tuiles.

« Il doit apprendre à se battre ! »

Le cri lui sembla à la fois lointain et proche. Il se retourna pour essayer de repérer l’origine du cri. Mais rien. Personne. C’est alors que les ténèbres l’entourèrent. Il n’était plus sur le toit d’une des tours de la Cité de Carcassonne. Il était dans une pièce fermée et sombre, seulement illuminée de quelques flammes dans des torchères. Des dossiers s’empilaient sur une table et des livres de différentes tailles et couleurs s’alignaient sur des étagères. Il lui semblait être assis d’après son point de vu. Devant lui, les silhouettes de plusieurs individus se dressaient. Il ne voyait pas leurs visages, soit parce qu’ils lui tournaient le dos, soit parce qu’il ne percevait que leur profil en ombre chinoise.

           « Il est encore trop jeune ! »

C’était une voix féminine et douce. Une voix que même dans le kaléidoscope de sensation qu’étaient ces souvenirs il put reconnaître sans erreur. Françoise Chaldo, sa mère. Il l’identifia aux gestes d’énervement qui accompagnaient ses paroles. Elle était de profil à gauche du groupe. La même voix masculine que précédemment se fit entendre en réponse. Elle venait d’un homme également de profil mais à droite. Pierrick ne parvint pas à l’identifier mais il était sûr d’une chose : il l’avait entendu récemment.

« Il est temps de commencer les choses sérieuses, dit-il. C’est le but de ce projet.

-Mais il n’a que quatre ans ! s’écria Françoise Chaldo. C’est trop tôt, il ne peut pas se servir de la magie.

-Vous savez bien qu’il a déjà démontrer son aptitude à la pratiquer. »

La voix était sombre et froide. Elle venait d’un homme habillé tout de noir et qui tournait le dos à Pierrick. C’était lui. Lui, cet homme pour lequel Pierrick ressentait une étrange proximité.

« Nous ne pouvons pas ! reprit Françoise. Ce n’est pas moral !

-La morale ! s’exclama l’homme qui avait parlé en premier. Nous l’avons jeté aux chiens lorsque nous avons débuté ce projet. Ne nous parlez pas de morale.

-Il a malheureusement raison, dit un autre homme faisant face à Pierrick mais dont le visage restait dans la pénombre, il avait entendu cette voix récemment aussi. Nous sommes allés trop loin je pense. Mais maintenant, nous ne pouvons plus reculer.

-Mais… souffla Françoise. Dis quelque chose Gilles. »

La dernière silhouette, restée en retrait à côté de Françoise, s’agita.

« Ils ont malheureusement raison Françoise, dit le père de Pierrick. C’est dans le seul but de le combattre que nous avons lancé ce projet. Même si je pense que nous nous sommes trompés de voie.

-Nous ne pouvons douter. »

           Se découpant dans l’embrasure illuminée de la porte, un homme s’avança vers le groupe. C’était le vieil homme qu’il avait vu dans un précédent souvenir. Il était suivi de son fils et d’une femme aux cheveux auburn.

« Lorsque nous avons décidé de lancer ce projet, continua t-il. Je vous ai dit que le doute n’était pas permis. Nous ne pouvons revenir en arrière. Je ne vous rappellerai pas les derniers forfaits de Voldemort et de ses sbires. Donc nous devons commencer son entraînement sérieusement. C’est la seule raison justifiant l’existence de Gladius.

-Je m’en charge professeur Faros, assura l’homme en noir. »

           Le soleil brûla les yeux de Pierrick un instant quand il revint à la réalité. Ce souvenir lui en avait appris plus que les autres. Sa mère était liée à ce sombre passé. Il était également sûr que deux personnes qu’il avait vues récemment étaient apparues dans ce souvenir. Mais surtout, il avait maintenant un nom : professeur Faros. Il se souvint de son enquête à Beauxbâtons. Faros était le nom d’un ancien directeur de Beauxbâtons. Des réponses y étaient sûrement cachées. Il devait s’y rendre au plus vite. Il devait savoir. Qu’est-ce que le professeur Faros avait fait dans son passé ? Et qu’est-ce qu’était Gladius ?

           Plus rien d’autre n’avait d’importance…

 

           De nouveau, le bruit des pas s’approchant éveillèrent Hans. Il se tourna vers Elsa avec un regard apeuré. Frida était encore serrée contre lui et il ne pouvait bouger. La femme se releva avec une grimace douloureuse. Elle passa affectueusement sa main sur la touffe de cheveux de sa fille et y déposa un baiser. Des larmes débordaient de ses paupières de manières discrètes. Hans était fasciné par sa retenu dans cette situation. Elsa tourna les yeux vers lui.

« Vivez, souffla t-elle. Vous êtes le seul espoir de ma Frida.

-Ne dîtes pas ça, murmura Hans. Vous allez survivre, vous êtes forte.

-Je suis déjà condamnée. Mais je sais qu’avec vous, elle vivra heureuse.

-Vous ne me connaissez pas.

-Si. Vos yeux et vos actes d’aujourd’hui face à ce mangemort parlent pour vous. »

Le cliquetis de la serrure résonna comme une oraison funèbre. Elsa se leva et s’avança vers la porte. Quand la porte s’ouvrit, elle ne laissa pas le temps aux deux mangemorts d’entrer dans la cave et sortit d’elle-même sans se retourner.

           Hans regardait la porte de nouveau fermée. Ses yeux s’humidifiaient de larmes malgré lui. Il savait qu’elle ne reviendrait pas mais il ne voulait pas le croire. Il tendit l’oreille durant un long moment, attendant le moindre cri lui prouvant qu’Elsa était encore vivante. Qu’elle souffrait mais vivait. Mais rien, pas un son. Que se passait-il donc là-haut ? Cette ignorance l’inquiétait au plus haut point.

           Cela devait faire plus d’une heure qu’Elsa était entre les mains sadiques de Névris. Toujours blottie contre lui, Frida s’agita dans son sommeil. Elle prit le tee-shirt de Hans dans sa main, comme si elle cherchait à se raccrocher à quelque chose. Et soudain elle se redressa en hurlant.

« MAMAN ! »

Hans fit de son mieux pour la garder près de lui. Des larmes incontrôlables ruisselaient sur les joues de la fillette. Elle regarda de tous les côtés, espérant sûrement trouver sa mère. Elle finit par plonger ses yeux inondés vers Hans.

« Maman, murmura t-elle. Où est maman ?

-Frida, souffla Hans, ne sachant que dire. Elle va revenir. Ne t’en fais pas.

-Je l’ai entendue. Elle a dit mon nom. Elle a dit qu’elle m’aimait. Et après, elle a dit adieu. Et je ne l’ai plus entendue. Où est maman ? Où est ma maman ?

-Elle va revenir.

-Non, fit Frida en s’effondrant dans les bras de Hans, pleurant de plus belle. Je ne veux pas. Je ne veux pas qu’elle parte. Je ne veux pas. »

Hans ne put rien dire de plus. Une fois de plus, il enrageait de ne pas savoir quoi faire. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était de garder Frida contre lui. De la bercer. Il savait qu’il ne pourrait pas atténuer sa peine pour le moment. Il savait que, par une magie dont il ne connaissait pas la nature, cette petite fille était consciente que sa mère était morte.

 

           Quand Pierrick arriva à Beauxbâtons, il tomba sur les hommes de la Police Magique gardant la grille d’entrée. Les policiers lui firent signe de s’arrêter.

« Qui êtes-vous et que venez-vous faire ici ? questionna un policier. »

Pierrick se contenta de sortir sa carte du Département des Chasseurs sur laquelle tournoyait un dragon noir autour d’une épée et d’une baguette croisées.

« Cela ne suffit pas, reprit le policier. Que venez-vous faire ici, agent Chaldo ?

-Je n’ai pas de temps à perdre, répondit-il sombrement. Ecartez-vous.

-Je n’ai pas d’ordres à recevoir de vous. Vous allez attendre bien sagement que mon chef vienne pour vous expliquer avec lui. »

Pierrick s’avança pour passer. Les policiers sortirent leurs baguettes. Pierrick ne s’en soucia pas et continua.

« Arrêtez-vous ou je…

-Stupefix, lança le second sans attendre. »

Pierrick esquiva l’éclair rouge avec une facilité déconcertante. Il vint au contact et frappa le tireur d’un coup de coude à la pointe du menton, l’envoyant au sol. L’autre ne put même pas se tourner vers le chasseur qu’un puissant coup de pied lui percuta la pommette, le mettant KO.

           Laissant les deux policiers gémir sur le sol, Pierrick se dirigea vers le palais de l’Académie de Magie. En chemin, il croisa un homme aux cheveux blond coupés courts, aux yeux bleus et au visage émacié. Albert Chergnieux ne lança qu’un regard neutre au chasseur. Il faut dire que depuis le jour où ce jeune chasseur sortit d’on ne sait où lui avait été préféré pour entrer à la section spéciale des Chasseurs, il le haïssait. Mais même cette haine était agrémentée d’une pointe de respect. Il avait choisi de démissionner à l’époque, pour ensuite s’engager dans la Police Magique. Sa décision était alors guidée par la colère. Il lui arrivait de penser qu’il aurait dû rester. Peut-être même serait-il devenu ami avec ce Corbeau. Non, il n’aurait pas pu. Il ne supportait pas la froideur avec laquelle il analysait chaque situation. Même la mort d’une étudiante en mai dernier ne lui avait fait ni chaud ni froid. A croire que la mort n’était rien pour lui. Le Corbeau lui faisait l’impression d’être déjà mort parfois.

           En s’approchant de la grille d’entrée, Chergnieux remarqua que quelque chose n’était pas normal. Les deux policiers chargés de garder la grille gisaient sur le sol. Il se précipita vers eux. Le premier n’était qu’assommer, un bleu colorant sa joue. Il le réveilla d’un coup de baguette. Le second gémissait douloureusement. Il avait la mâchoire brisée.

« C’est un chasseur qui nous a fait ça, dit le premier en se massant sa pommette douloureuse en grimaçant. Je lui ai dis d’attendre que vous arriviez et il nous a attaqué.

-Chaldo ? fit Chergnieux.

-Oui, c’est lui.

-Occupe-toi de ton collègue. »

Chergnieux se mit à courir vers le palais.

           Le policier rattrapa le chasseur dans le hall d’entrée du palais. Il l’interpela si fort que les élèves présents s’arrêtèrent pour regarder dans leurs direction. Pierrick s’arrêta. Lentement, il se tourna vers Albert Chergnieux. Son regard figea le policier un instant. Il se crut revenu dans le passé de plusieurs mois. La dernière fois qu’il avait vu le Corbeau, son regard était toujours sombre mais plus aussi glacial. Il savait que cela venait de cette moldue : Chun Yang-Li. Mais le froid avait repris sa place dans ses yeux aujourd’hui.

« Tu étais obligé d’entrer en frappant deux de mes hommes, dit Chergnieux.

-Ils ne voulaient pas me laisser passer, répondit Pierrick avec un calme sibérien. Je n’ai pas de temps à perdre. »

Pierrick tourna le dos à Chergnieux et fit quelques pas pour s’éloigner. Un éclair le dépassa, s’écrasant contre le sol devant lui. Un pan de mur surgit du sol pour l’empêcher d’aller plus loin. Le Corbeau se tourna de nouveau vers le policier. Ce dernier pointait sa baguette vers lui.

« Je n’en ai pas fini ! s’exclama Chergnieux. Tu te crois tout permis parce que tu es de la section spéciale des Chasseurs. Mais tu dois te plier aux lois toi aussi.

-Ces lois, elles s’appliquent aux humains. Je ne sais même pas si j’en suis un.

-Que veux-tu dire ? Tu es un humain. Un humain exécrable mais un humain malheureusement.

-Sois rassuré Chergnieux. Bientôt tu n’entendras peut-être plus parler de moi.

-Pas tout de suite. Je dois te ramener au Ministère. Tu es en état d’arrestation pour voie de fait sur agent du Ministère de la Magie.

-Je n’ai pas le temps.

-Et bien tu l’auras. »

           Albert Chergnieux s’approcha de Pierrick Chaldo. Ce dernier le fixait sans ciller. Chergnieux venait juste de penser au sortilège d’entrave lorsque Pierrick fit surgir sa baguette en un éclair et désarma le policier sans prononcer un mot. Chergnieux s’était arrêté sur place. Il n’avait pas vu son mouvement. Pour lui, un moment il n’avait pas de baguette dans la main et l’instant suivant, le Corbeau le menaçait.

« Je n’ai pas le temps, répéta froidement Pierrick. »

Une fois de plus Pierrick tourna les talons et commença à contourner le pan de mur qui lui faisait obstacle.

           Chergnieux le regarda un instant sans réagir. Puis il se jeta sur sa baguette pour la récupérer et accourut vers le chasseur en criant son nom. Ce dernier ne se retourna même pas. Il lança un nouveau sortilège de désarmement de sous son bras. Malgré l’absence de vu, le sortilège fut précis et fit sauter une seconde fois la baguette de Chergnieux. Il sauta en cassant la distance avec le policier et percuta violement la pointe de son menton d’un coup de talon direct. Chergnieux chuta contre le sol dallé, assommé. Sans même lancer un regard vers le policier inerte, Pierrick continua son chemin.

           Rien ne devait l’arrêter…

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