Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 81 : XIV Le démon aux yeux noirs

2610 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 01:21

           CHAPITRE XIV : LE DEMON AUX YEUX NOIRS

 

           Chun n’arrivait pas à se relever. Elle restait là en plein milieu du couloir, Thomas la soutenant et la protégeant. Elle ne réalisait pas encore ce que venait de lui dire Pierrick. Elle se sentait vide. Elle ne pourrait pas vivre sans lui. Elle l’aimait de toute son âme. C’était la seule vérité pour elle.

           Jonas aussi était abasourdi. Lentement, il se tourna vers Chun et s’agenouilla près d’elle. La jeune femme le regarda de ses yeux embués de larmes.

« Je vais te le ramener, dit le chasseur. Je te le promets.

-Je viens avec toi, fit Thomas.

-Tu dois veiller sur Chun.

-Je m’en charge, lança Maldieu en s’approchant. Je vous fais confiance à tous les deux.

-Je viens aussi, fit Franck.

-Parfait, sourit Maldieu. Mais d’abord, pouvez-vous amener mademoiselle Yang-Li dans mon bureau ? Elle y sera en sécurité. »

Thomas souleva Chun sans qu’elle ne dise rien et suivit Charles Maldieu.

           Thomas installa Chun sur le divan du bureau de Maldieu. Il se tourna vers le directeur du Département des Chasseurs.

« Veillez sur elle, dit-il.

-Comme à la prunelle de mes yeux, assura Maldieu. Allé, on vous attend. »

Thomas transplana. Maldieu resta quelques instants immobile. Il regarda la jeune femme toujours silencieuse. Il sortit sa baguette et la pointa vers Chun. La jeune chinoise s’endormit immédiatement. Maldieu mit un coussin sous sa tête.

           Ainsi, le temps était venu. Il avait reconnu le flux magique qui parcourait le corps de Pierrick Chaldo lorsqu’il était arrivé au Ministère. Il ne pouvait faire erreur. C’était lui. Maintenant, il savait que son temps était compté. Il sortit du bureau. C’était tout ce qu’il pouvait faire pour la protéger. Cela ne rachèterait pas ses fautes passées.

           Bientôt, il paierait...

 

           Pierrick apparut dans une lande isolée et sombre. Là haut, la lune ne faisait que naître en un timide croissant. Il savait où il devait aller. Il marcha à travers les rangés d’arbres. L’ambiance était vraiment glauque. Les arbres immobiles semblaient bouger dans l’imaginaire cauchemardesque. Pierrick ne s’en soucia même pas. Il aimait la nuit. Et maintenant, il commençait à comprendre pourquoi. Il en était une créature. Il en faisait parti. La nuit avait toujours été son élément naturel. Il n’avait pas vaincu la peur du noir comme le fait un enfant, il n’avait jamais eu peur du noir. Du peu de souvenirs de ses premières années de vie revenus depuis le sortilège de Malgéus, aucun ne lui montrait une scène au soleil. Il n’avait connu que les ténèbres. Qui était-il ? Qu’était-il ? Il le saurait ce soir. Il obligerait Malgéus à lui dire.

           « Son premier combat n’a pas été le succès escompté, dit une voix qu’il reconnut comme celle du professeur Faros. »

Il était de nouveau dans un souvenir. D’après l’angle de vue, il était allongé dans un lit. Au dessus de lui se penchait le fils du professeur Faros et Françoise Chaldo. Cette dernière avait l’air inquiète.

« Je vous avais dit que ce n’était qu’un enfant, lança t-elle.

-Il est loin d’être un enfant, reprit Faros hors de son champ de vision.

-Ce n’est pas un échec, fit une voix froide et sombre que Pierrick identifia comme celle de l’homme en noir. Il a réussi à tuer dix mangemorts. Le dernier l’a surpris. N’importe quel chasseur aurait été sûrement été tué dans ce genre d’opération.

-Il n’est pas un chasseur ! s’emporta Françoise.

-Non, c’est vrai, acquiesça le professeur Faros. Il est bien plus que ça. Il est… »

           Le souvenir s’estompa. Alors, il devrait vraiment se battre pour connaître la vérité. Cela lui était égal. Sa vie avait été une succession de combats depuis sa naissance. Mourir n’était rien d’autre qu’une fin. Il se moquait de la Mort. Au contraire, elle le libérerait. Après tout, la Mort était une vieille amie.

           Pierrick arriva près d’une statue solitaire dans cette lande. Elle représentait une gargouille la gueule béante, les orbites vides de toutes expressions. Il était arrivé. Il n’y avait rien mais il sentait la vibration du charme de Fidelitas parcourir l’air autour de lui. Le lieu où se cachait Malgéus était là, juste devant lui. Il devait juste briser le charme. Trois jours plus tôt, il aurait estimé cela impossible mais maintenant, rien ne lui semblait impossible. Il sortit sa baguette et la pointa vers l’espace vide derrière la gargouille. Il ne prononça aucun mot. L’espace se mit à onduler autour de la baguette, comme la surface d’un lac quand on y lance un caillou. Un trou apparut autour de la pointe, par cet interstice, il vit la silhouette sombre d’un manoir. Il sortit sa deuxième baguette et la passa par le trou. Il força et écarta les deux lèvres formées pour faire un passage. Sous son impulsion, l’onde fit le tour du manoir, faisant voler le charme en éclat.

 

           A l’intérieur, Malgéus ressentit une sensation particulière. Il ne l’avait jamais eut par le passé mais le flux magique qui était à l’origine de cette sensation le fit sourire. Il comprit que quelqu’un venait de briser son Fidelitas avec une facilité déconcertante. Et il savait qui c’était : le Corbeau. Kylian Névris l’avait senti aussi. Il se leva, se tournant vers Malgéus.

« Il est là, souffla le vieux mangemort. Je l’attendais plus tôt mais il ne m’a pas déçu.

-Se rangera t-il de votre côté ? fit Névris.

-Je pense. Il sait que beaucoup lui ont menti. Lorsqu’il saura qui en particulier, il viendra grossir les rangs de mes fidèles. Il sera un allié de choix. Que tout le monde se rende dans le parc pour accueillir notre nouveau camarade. »

           Tous suivirent Malgéus. Tous sauf Kylian Névris. Le mangemort aux yeux violets resta immobile. Il eut un sourire machiavélique.

« Vas-y Malgéus, murmura t-il pour lui-même. Vas vers ta mort. Mon seul regret est de ne pas pouvoir rester assister à ta fin. »

Névris transplana.

 

           Malgéus se tenait sur le perron du manoir. Il regardait l’homme au regard noir qui lui faisait face, tenant deux baguettes dans ses mains. Ses hommes sortirent à sa suite et se répandirent entre le Corbeau et leur maître. Le Corbeau fixait Malgéus. Cet homme savait pour lui, il savait qui il était. Il lui arracherait cette information.

« Alors tu as réussi à me trouver, dit Malgéus.

-Je ne suis venu que pour une seule chose : savoir, lança Pierrick. Dis-moi ce que tu sais sur mon passé. Le reste m’importe peu.

-Je te dirai tout. Si tu acceptes de devenir un de mes hommes. Tu seras un de mes lieutenants. Et je te dirai qui t’as menti. Je te dirai ce que tu es vraiment. »

Pierrick resta silencieux. C’était si facile. Il lui suffisait de dire oui, de se mettre du côté de Malgéus. Ainsi, il saurait tout et pourrait se venger de ceux qui lui ont menti durant toute sa vie. Il n’avait qu’un mot à dire. Et pourtant quelque chose l’empêchait de dire ce simple mot. Une voix sombre résonna dans sa tête.

« Tu es né pour combattre les Ténèbres. Tu es une épée pourfendeuse de toutes les forces qui veulent nuire à notre monde. Tu es une arme forgée dans les Ténèbres pour combattre les Ténèbres. »

Pierrick ne pouvait pas. Il ne devait pas. Cet homme en noir était le seul qui ne lui avait jamais menti. Il le savait.

           « Non. »

Ce simple mot fit trembler l’ensemble des mangemorts. Malgéus fut surpris. Il pensait son plan parfait. Le Corbeau devait être une nouvelle force pour lui permettre d’atteindre son but. Comment pouvait-il s’être trompé ? C’était impossible.

« Non ? demanda Malgéus.

-Je suis une arme. Une arme créée pour combattre les mangemorts. Je t’arracherais ce que tu sais par la force.

-Tu as beau être puissant Corbeau. Tu ne l’ais pas assez pour moi. Plus maintenant.

-Alors viens te battre.

-A toi de venir. »

           Pierrick s’avança sans peur ni hésitation. Les mangemorts firent jaillir leurs baguettes. Ils vinrent l’encercler. Pierrick s’arrêta. Il ne quittait pas Malgéus des yeux.

« Je sais que tu es puissant maintenant, Corbeau, siffla Malgéus. Mais pourras-tu battre mes meilleurs hommes ? »

Pierrick resta silencieux. Un éclair vert fusa vers lui. D’un bond en arrière il l’évita et contre-attaqua d’un Avada Kedavra qui fit mouche. Il enchaîna plusieurs sortilèges de mort qui ne ratèrent pas leurs cibles. Les mangemorts tombèrent les uns après les autres. Certains décidèrent de venir au contact en s’approchant dans son dos. Le Corbeau ne se retourna même pas, frappant d’un coup de talon en pleine mâchoire le plus proche. Il lança un sortilège de mort dans son dos pour l’éliminer tout en parant un stupéfix venant de face avec son autre baguette. Il sentit une nouvelle présence derrière lui. Il se retourna d’un bond en lançant son pied dans la tempe de l’ennemi, lui brisant les cervicales sous la violence du coup.

           Malgré sa vitesse d’incantation élevée et le fait qu’il avait deux baguettes, le surnombre le submergea. Ils étaient trop proche pour de simple Avada Kedavra ou tout autre maléfice à distance. Il se souvint d’un sortilège qu’il n’avait pas utilisé depuis des années. Encore un souvenir de son passé oublié. Il ne réfléchit pas plus. Tenant ses baguettes comme des épées, il en fit surgir des lames d’ombre longues d’environ un mètre. Les premières passes d’armes surprirent les mangemorts. Le sang jaillit des membres tranchés et des entailles. Des têtes roulèrent sur le sol.

           Les mangemorts, effrayés, essayèrent de s’enfuir. Pierrick les regarda en dissipant ses lames de ténèbres. Il fit tournoyer une de ses baguettes et finit par la pointer sur les fuyards. Des flammes s’échappèrent du bout. Des flammes prenant l’apparence volatile d’un dragon, d’un démon, d’un oiseau aux griffes acérées. Le Feudémon courut vers les mangemorts et les dévora quasi-littéralement. Les hurlements de souffrance d’agonie ne touchèrent pas Pierrick. Il avait déjà tourné le dos pour faire face à Malgéus.

           Malgéus ne souriait plus. Cet homme venait avec une facilité déconcertante, de tuer tous ses fidèles. Où était donc Névris ? C’était-il enfui ? L’avait-il trahi ? Ce Corbeau, cet… chose qui ne devrait pas exister venait de lui retirer ses ambitions. Comment avait-il osé ? Il ne lui restait plus que la vengeance. Plus besoin de palabre. Seul le combat avait droit de citer.

 

           Thomas Zimong et les deux chasseurs Jonas Marus et Franck Vinol venait d’arriver près du manoir. Après le départ de Pierrick, fouiller l’esprit de Florence Nana fut facile, vu l’état dans lequel il l’avait laissée. Mais même s’ils pouvaient voir l’information, il ne pouvait y accéder, la protection du Fidelitas étant encore active. Et alors qu’ils se demandaient comment Pierrick était parvenu à la traverser, cette protection vola en éclat. Ils purent savoir. Il faudrait à peu près un quart d’heure ou vingt minutes pour que les hommes de la section AI soient prêts à intervenir. Mais pensant que Pierrick ne se soucierai pas de la sûreté des otages, le professeur et les deux chasseurs décidèrent de s’y rendre en précurseur avec l’aval de Maldieu.

           Quand ils arrivèrent au manoir, ce qu’ils découvrirent leur glaça le sang. Des cadavres de mangemorts partout. Pas un n’avait survécu. Les flammes du Feudémon qui avait dévoré une bonne partie des fidèles de Malgéus venait à peine de s’éteindre. L’odeur âcre des corps brûlés et celle cuivrée du sang se mêlaient étroitement. Vinol faillit tourner de l’œil. Il parvint à rester conscient et se contenta de s’appuyer à un arbre et de vomir. Il avait déjà vu des cadavres, mais jamais autant et mutilé ainsi. Certains étaient coupés en plusieurs morceaux, les viscères répandus sur le sol, de la cervelle se mêlait aux brins d’herbes. Comment pouvait-on en arriver à de telles extrémités ?

           Thomas fut le premier à se ressaisir. Il repéra Pierrick devant le manoir, faisant face à Malgéus. Il aurait voulu crier après lui mais quelque chose le retint. Il sentit alors la main de Jonas sur son épaule.

« Allons libérer les otages, dit Jonas. Je ne crois pas que Pierrick nous écoute pour le moment.

-Tu as raison, acquiesça Thomas. Faisons le tour. Il doit bien y avoir une porte de derrière. »

Les trois hommes se faufilèrent derrière une haie pour contourner le manoir sans se faire remarquer des deux autres protagonistes. En partant, Thomas regarda une dernière fois vers son ami. De loin, il avait l’air d’un démon. Un démon aux yeux noirs.

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