Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 86 : III Errance

3005 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 08/11/2016 17:42

           CHAPITRE III : ERRANCE

 

           Chun Yang-Li n’avait rien fait de la journée. Depuis qu’Eliane Marus l’avait raccompagné chez elle, elle n’avait fait que tourner en rond. Elle voulait s’efforcer de penser à autre chose. Mais la moindre pièce, le moindre objet lui rappelait Pierrick. Elle n’arrivait pas à éliminer le visage du jeune homme de ses souvenirs. D’une certaine manière, elle ne le voulait pas.

           Dehors, la nuit était tombée. Sans vraiment s’en rendre compte, elle sortit dans la rue et commença à marcher le long des trottoirs. Elle marchait sans but précis. Se contentant de mettre un pied devant l’autre. La nuit l’enveloppait, la cachant souvent de la vue des passants.

 

           Jacques Mareau s’inquiétait, il avait essayé d’appeler Chun toute la journée mais pas une fois elle n’avait répondu au téléphone. Il décida d’aller voir de quoi il retournait. Il frappa à sa porte à plusieurs reprises sans obtenir de réponse. Elle devait être sortie, peut-être avec Pierrick revenu de sa mission. Et alors qu’il se résigna à attendre demain et à rentrer chez lui, il perçut deux claquements semblables au bruit d’un fouet. Il avait déjà entendu ce bruit récemment et l’identifia comme celui de ce que les Sorciers appellent le transplanage.

           Sortant d’un placard à balais, deux hommes apparurent dans le couloir. Jacques les dévisagea. L’un des deux était roux avec des lunettes rectangles, l’autre était blond avec des yeux verts. Les deux hommes l’observèrent un moment et se contentèrent de sourire poliment. Jacques les laissa passer à côté de lui. Ils allèrent tout de suite vers la porte de l’appartement de Pierrick et Chun. Avant même qu’ils ne frappent, Jacques se tourna vers eux.

« Ils ne sont pas là. »

Les deux hommes lancèrent à Jacques un regard interrogateur.

« Chaldo et Chun, ils ne sont pas là.

-Qui êtes-vous ? demanda le roux.

-Ce que vous appelez un moldu je crois.

-Vous connaissez notre existence !

-Chun n’y est pour rien. J’ai tout découvert moi-même. Ne vous en faîtes pas, je suis une vraie tombe. Je m’appelle Jacques Mareau.

-Le collègue de Chun, fit le blond. Elle nous a parlé de vous. Heureux de vous rencontrer. Nous sommes des collègues de Pierrick et des amis de Chun. Je m’appelle Jonas Marus, et voici Franck Vinol. »

Jonas avait tendu sa main et Jacques la serra sans hésitation. Chun lui avait déjà parlé de ces deux hommes.

« Vous êtes des chasseurs, dit Jacques en serrant la main de Franck.

-Oui, fit Franck. Avez-vous une idée de l’endroit où elle est allée ?

-Je ne serais pas là si je le savais. Peut-être sont-ils allés dîner quelque part. Se faire une petite soirée romantique. »

Franck et Jonas se regardèrent.

« Il y a un problème ? demanda Jacques.

-Rien qui ne vous concerne, répondit Jonas.

-Chun est comme une fille pour moi. S’il lui est arrivé quelque chose, je veux le savoir.

-Il peut nous aider à la retrouver, dit Franck. Nous devons retrouver Pierrick mais en ce moment, la plus fragile, c’est Chun.

-Vous allez me dire ce qui se passe à la fin !

-Pierrick a disparu hier soir. Il a été combattre seul un groupe de mangemorts, des sorciers maléfiques.

-Chun m’a parlé d’eux.

-Il a éliminé une bonne partie d’entre eux et leur chef Malgéus. Mais il a eu une étrange réaction en nous voyant arrivé. Et il est parti. Même pas une heure avant, il était au Ministère et Chun aussi. Il lui a dit des mots assez durs, des mots qu’il n’aurait jamais dits en temps normal. On ne sait pas ce qu’il lui est arrivé mais nous devons le retrouver. Il n’était pas dans son état normal. Nous voulions d’abord nous assurer que Chun allait bien.

-Il faut la retrouver ! Vous n’avez pas un moyen de la repérer ?

-Nous sommes des sorciers, pas des dieux, fit remarquer Jonas. Nous allons devoir la chercher par la bonne vieille méthode. En l’améliorant un peu. Commençons par les lieux où elle a l’habitude d’aller.

-J’ai ma voiture.

-Je vous ai dit que nous allions améliorer un peu. Accrochez-vous à mon bras. »

 

           Albert Chergnieux n’avait pas dormi depuis deux jours. Il était maintenant obsédé par l’idée de retrouver Pierrick Chaldo. Il voulait comprendre. Ce Corbeau avait toujours été lunatique, étrange, sombre. Mais toujours il avait défendu les mêmes valeurs que lui. Mais quand il vint à Beauxbâtons avec une volonté implacable d’atteindre son but. Un but essentiellement personnel. Il n’a pas hésité à s’attaquer à des policiers. Des gens ayant aussi juré de défendre les autres. Depuis ce moment, Chergnieux n’avait cessé de le chercher. Dés que la nouvelle de la mort de Malgéus et d’une grande partie de ses partisans s’était fait connaître, il était allé sur les lieux. Mais la scène demeurait sous la juridiction du Département des Chasseurs. Il ne pouvait y accéder. Mais il en était sûr. Le peu qu’il avait pu en voir, les corps calciné, les flammes toujours vivaces prenant des formes de créatures des Enfers. Ils avaient brûlé dans un Feudémon, un acte de magie noire. Malgré toute sa folie, il était peu probable que Malgéus ait tué ainsi ses propres hommes. Il en avait besoin pour prendre le contrôle du Ministère. Son but ultime avait toujours été un secret de polichinelle. Mais alors, qui ? Le Feudémon avait l’air d’avoir été d’une grande intensité. Et il avait croisé un sorcier possédant une puissance telle que même le directeur de l’Académie Beauxbâtons n’avait pu l’arrêter. Pierrick Chaldo. Que lui était-il arrivé pour qu’il en arrive là ?

           Chergnieux avait épuisé quasiment toute ses pistes pour retrouver le Corbeau. Il lui en restait une, mais il ne voulait s’en servir qu’en dernier recours. Cela lui semblait déshonorant. Mais il fallait parfois oublier l’honneur pour faire son devoir. Ces quatre années dans la Police Magique le lui avait appris.

           En arrivant au Bureau Central de la Police Magique, il trouva l’activité assez relâche. Pourtant, les policiers devraient être en plein travail.

« Oh Chergnieux ! »

C’était un policier rondouillard avec une calvitie naissante. Il faisait parti de la génération précédente d’officier de police. Mais sa fainéantise ne lui avait pas permis de monter plus haut dans la hiérarchie. Chergnieux se doutait que cela ne l’intéressait pas et qu’il ne faisait que feindre la fainéantise. Car Gaël Defour était loin d’être un simple fonctionnaire. Jusqu’à maintenant, il n’avait pas raté une seule affaire.

« Defour, pourquoi si peu d’activité ? questionna Chergnieux. Avec les mangemorts qui ont été éliminé cette nuit, je pensais qu’on allait en profiter pour poursuivre ceux qui ont réussi à s’enfuir avant qu’ils ne disparaissent.

-Ordre de Dakus, répondit Defour. Je ne comprends pas non-plus pourquoi. Même si les Chasseurs n’ont pas demandé d’aide, ce n’est pas dans le genre de Dakus de laisser passer une telle occasion de démontrer qu’il peut faire aussi bien que Maldieu. On ne doit s’occuper que des affaires courantes et laisser les mages noires aux Chasseurs.

-Et Chaldo ?

-Quoi Chaldo ?

-Des nouvelles de lui ?

-Pourquoi veux-tu qu’il y en ait ? Il n’est pas recherché. Du moins pas par nous.

-Explique.

-Les Chasseurs le recherchent. Il semble que se soit lui qui ait tué Malgéus mais qu’après, il se soit enfui après s’en être pris à Maldieu. Depuis, certains agents de la section S le recherchent. Je n’en ais pas eu la confirmation, mais je pense que Marus et Vinol sont aussi à sa recherche. Marus était à Gardevie et il a faussé compagnie aux médicomages.

-C’est bien leur genre.

-Si tu cherches le Corbeau, fais attention.

-Pourquoi ?

-Disons que des bruits courent dans les bas-fonds.

-Quels bruits ?

-Des rumeurs parlant de Chaldo effectuant un Feudémon énorme ou plus simplement fracassant la gueule de quelques petites racailles dans un bar de Nantes. Il a l’air d’être prêt à n’importe quoi pour atteindre son but.

-Tu as une idée de son but ?

-Ce Corbeau est le seul type que je n’ais jamais compris.

-Merci.

-Fais gaffe. »

           Il ne lui restait plus qu’une solution. Une seule personne pouvait le guider jusqu’à Pierrick Chaldo. Tant pis pour l’honneur. Il devait aller voir Chun Yang-Li. La faire parler. Car la seule vérité dans ce cas était : la fin justifie les moyens.

 

           Chun ignorait depuis combien de temps elle marchait et jusqu’où elle était allé quand enfin elle émergea de sa torpeur. Elle regarda autour d’elle mais ne reconnut rien dans la pénombre de cette nuit à la lune encore timide. Elle s’était aventurer dans une ruelle sombre et sale. Elle distingua des gens roulés en boule à même le sol contre les murs. Elle devina même les yeux de certains brillés faiblement vers elle. Elle prit peur quand un de ces individus se leva. Elle se mit à courir et trébucha contre un obstacle sur le sol irrégulier. L’homme qui s’était levé s’avança vers elle.

« Non, laissez-moi, supplia t-elle.

-Je ne vous veux pas de mal, dit l’homme. Je veux juste un peu de chaleur. »

L’homme était si proche d’elle que Chun sentit son odeur nauséabonde lui emplirent les narines. Cette odeur relança sa nausée. Le clochard s’approchait toujours. Et soudain, une lumière illumina la ruelle. Le clochard mit ses mains devant ses yeux pour se protéger.

           Chun sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine quand elle entendit une voix familière parler.

« Recule-toi d’elle ! s’écria t-il. »

C’était Jacques. Elle en était sûre. Mais il n’était pas seul. Quand ils approchèrent, obligeant le clochard à reculer, Chun reconnut Franck et Jonas. C’était d’ailleurs la baguette de Jonas qui produisait la lumière. Jacques se pencha sur elle.

« Ça va ? demanda t-il. »

Chun ne parvint pas à répondre, elle se mit à vomir.

« Elle est malade, dit Jacques. Ramenons-la chez elle.

-Non, supplia Chun. Je ne veux pas y retourner. Je ne veux pas. Ce n’est plus chez moi.

-On pourrait l’emmener à Gardevie, suggéra Franck.

-Non, pas l’hôpital.

-Le bar d’Emilie n’est pas loin, dit Jonas. Allons-y.

-Emilie ? fit Jacques.

-La tante de Pierrick. »

Chun aurait voulu protester une fois de plus, mais une nouvelle nausée l’en empêcha.

           Jacques prit Chun dans ses bras et suivit les deux sorciers. Ils arrivèrent à une lourde porte si bien dissimulée que Jacques ne l’aurait pas remarqué en temps normal. Jonas frappa à la porte. Il fallut attendre au moins deux minutes avant que la lucarne ne s’ouvre.

« On est fermé, lança une voix bourru. »

Jonas pointa sa baguette sur son propre visage pour que le portier puisse le voir. La lucarne se referma aussitôt et un cliquetis de serrure indiqua qu’il ouvrait la porte. Le videur était plutôt balaise et dut s’écarter totalement pour les laisser entrer.

« Merci Tom, fit Jonas en entrant.

-Chun ! s’exclama Tom. Que lui arrive t-il ?

-Elle a besoin de repos. Emilie est là ?

-Je vais la chercher. Installez Chun sur le divan. »

Le bar était illuminé par plusieurs lampes à huile et bougies. Il n’avait pas l’ambiance tamisée des soirs d’ouverture.

           Suivant Tom, une belle femme ayant environ la cinquantaine avec une ample chevelure rousse et des yeux noisette s’approcha de la jeune femme. Elle l’examina durant quelques secondes.

« Tom, une tasse de camomille s’il te plait, demanda t-elle. »

Tom sortit sa baguette et l’agita vers le bar. Une théière et une tasse en surgirent. La théière versa un liquide chaud et jaune dans la tasse. Puis la tasse voleta jusqu’à Emilie qui s’en saisit.

« Vous l’avez trouvé où ? questionna la tenancière.

-Pas loin, elle errait, répondit Jonas. Depuis la disparition de Pierrick, elle n’est plus elle-même. »

Chun avala à peine une gorgée de tisane. Elle repoussa vivement la tasse pour se pencher et vomir une fois de plus.

« Je vois, dit Emilie. Transportez-la dans ma chambre, elle y sera plus à l’aise. Je vais appeler un ami médicomage. »

           Le médecin arriva quelques minutes plus tard. Pendant qu’il examinait la jeune femme, Emilie offrit du café aux trois hommes. Son attention se porta sur Jacques.

« Vous êtes Jacques Mareau, n’est-ce pas ?

-Oui, répondit celui-ci. Comment me connaissez-vous ?

-Chun m’a parlé de vous et m’a montré une photo. Je suis très physionomiste. Elle vous aime beaucoup. Elle m’a dit que vous étiez comme un second père pour elle.

-Et moi, je l’aime autant que mes propres enfants.

-Vous n’êtes pas censé être au courant de notre existence.

-J’ai enquêté. Je m’inquiétais pour Chun et j’ai voulu en savoir plus sur Pierrick Chaldo. Et j’ai découvert le monde des Sorciers. Vous allez m’effacer la mémoire ?

-Moi, je suis tenancière de bar.

-Et nous, nous sommes chasseurs, pas oubliators, ajouta Jonas. Et on n’a pas l’habitude de s’en prendre aux amis de nos amis. »

           Le médecin revint. Jacques se leva immédiatement pour écouter les nouvelles.

« Physiquement, elle va bien, expliqua le médicomage. C’est son moral qui est en berne. Elle fait une dépression chronique. Je lui ai donné un somnifère, ça va la faire dormir quelques heures. Je t’en laisse quelques fioles pour plus tard. Il faudra aussi lui donner ça, deux gouttes trois fois par jours.

-Qu’est-ce que c’est ?

-Elle est enceinte. D’à peine un mois je dirai. Elle ne s’en était pas rendu compte. Cette solution évitera la fausse couche. Sinon, forcez-la à manger comme il faut. Est-ce qu’elle travaille ?

-Oui, fit Jacques. Je suis son collègue. Elle est en vacance jusqu’à la fin de la semaine.

-Elle ne pourra peut-être pas retourner au travail tout de suite.

-J’arrangerai ça.

-Merci d’être venu, remercia Emilie. Combien je te dois ?

-Depuis quand je te fais payer ? Tu m’offriras un verre la prochaine fois que je viendrai. Veillez à ce qu’elle ne bouge pas. »

Le médicomage repartit en un coup de fouet. Jacques se rassit. Emilie lui resservit une tasse de café.

« Elle est enceinte, répéta t-il. Et c’est Chaldo le père. Vous devez le retrouver, fit-il à l’adresse des deux chasseurs. Elle a besoin de lui.

-Nous ferons tout pour le lui ramener, assura Jonas. Emilie, tu aurais des infos concernant ton neveu ?

-Non, répondit-elle. Tout ce que j’ai ce sont des rumeurs disant qu’il a massacré une bonne centaine de mangemorts la nuit dernière avec Malgéus en prime. Est-ce vrai ?

-Oui. Pour Malgéus du moins. Je ne pense pas qu’il ait tué une centaine de mangemorts à lui tout seul.

-Les rumeurs parlent d’un Feudémon.

-Excusez mon ignorance, dit Jacques. C’est quoi un Feudémon.

-C’est du feu vivant habité par un esprit maléfique. C’est de la magie noire. Ça dévore tout jusqu’à l’âme.

-Nous allons attendre l’aube, fit Jonas. Ainsi, peut-être verrons-nous Chun avant d’y aller.

-Pourquoi attendre ? questionna Jacques.

-Car la personne que nous allons interroger ne doit pas encore être au travail.

-Qui ?

-Charles Maldieu.

-Le directeur du Département des Chasseurs ! s’exclama la rousse. Vous allez interroger votre propre patron !

-Il sait des choses sur Pierrick, dit Franck. Si nous voulons le retrouver, nous devons les savoir aussi. »

 

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