Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 91 : VIII Le Garçon, le Vieillard et le Dragon

3206 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 20:22

           CHAPITRE VIII : LE GARÇON, LE VIEILLARD ET LE DRAGON

 

           Il n’avait pas réussi à dormir. Alors que les premiers rayons du soleil perçaient par les interstices entre les rideaux et la fenêtre, il se leva. Il sortit. Malgré le froid mordant, il resta torse nu. Il monta sur une colline et regarda les alentours. Rien. Rien d’autres que des bosquets de conifères sur cette lande gelée. Il fit quelques mouvements d’échauffement puis se mit à faire un tao. Ses déplacements étaient précis, ses gestes puissants et vifs. Il ne savait plus qui il était en ce moment. Gladius ou Pierrick Chaldo ? Mais ce tao, venait de sa partie Pierrick. Il l’avait appris en Chine d’un maître en arts martiaux. Il devait avoir douze ans à l’époque. A l’époque, Gilles et Françoise Chaldo étaient ses parents. Il n’en doutait pas. D’ailleurs, ils l’entouraient de leur amour. N’était-ce qu’une simple comédie pour eux ?

           Alors qu’il effectua le dernier mouvement de son tao, il sentit une présence derrière un arbre. Il vit apparaître le petit garçon de la veille.

« Vous êtes fort ! fit-il.

-C’est inutile d’être fort si on a rien à défendre, fit Gladius.

-Maman dit que le petit-déjeuner sera bientôt prêt. »

Le petit garçon commença à s’éloigner. Il se retourna et lança :

« Je suis sûr que quelqu’un vous attend quelque part. Quelqu’un que vous devez protéger. »

           Gladius se rinça dans le ruisseau proche. Puis il retourna à la maison du garçon. Il partirait bientôt. Le petit-déjeuner passé, il se dirigea vers la sortie du village. Le garçon le suivit.

« Vous partez ?demanda t-il.

-Je n’ai pas ma place ici. Je n’ai ma place nulle-part en ce moment.

-Moi non-plus. J’avais mon père. Maintenant, il n’est plus là.

-Tu as encore ta mère, tes frères et tes sœurs.

-C’est vrai. Mais rien ne sera plus comme avant. »

Un double claquement de fouet attira l’attention de Gladius. Il reconnut immédiatement le bruit caractéristique d’un transplanage. Il ne sortit pas sa baguette mais il était prêt au moindre problème. De derrière un arbre au tronc large, sortit deux hommes habillés de longs manteaux fourrés. Les couleurs étaient assez criardes, l’un était violet et l’autre d’un vert pomme. C’étaient des sorciers. Mais Gladius ne perçut pas d’attention violente en eux.

           Les deux sorciers s’avancèrent vers Gladius et le garçon. Celui au manteau violet arborait un sourire commercial.

« Bonjour,dit-il avec un mauvais accent. Nous cherchons Andrei Garsov.

-C’est moi,répondit le garçon.

-Parfait. Pourrais-tu nous mener à tes parents ?

-Mon père est mort. Ma mère est à la maison. Suivez-moi. »

Gladius regarda les deux sorciers suivre le garçon. Pour une raison qui lui échappait, il décida de prolonger d’encore quelques heures son séjour dans ce village.

           Les deux sorciers entrèrent dans la maison. Gladius resta à l’extérieur mais se plaça sous une fenêtre. Elle était fermée mais cela n’était pas un problème pour lui. Il sortit sa baguette et usa d’un sortilège pour écouter ce qui se racontait derrière le mur.

« Bonjour madame Garsov,fit un des sorcier qui devait être celui au manteau violet vu l’accent. Toutes mes condoléances pour la perte de votre mari. Ce n’était peut-être pas le bon jour pour venir vous voir, mais ce que nous avons à vous dire est de la plus haute importance. Déjà, permettez-moi de vous poser quelques questions. Est-ce que votre fils Andrei a déjà été mêlé à des anecdotes étranges ? Genre, des disparitions inhabituelles durant quelques minutes ? Des changements de couleurs intempestifs ? Ou une impression qu’il arrive à deviner certaines choses à l’avance.

-Oui, cela arrive, répondit la mère d’Andrei. Il devine des choses avant qu’elles n’arrivent.

-Tout cela peut vous sembler étrange mais c’est tout à fait normal. Il se trouve que votre fils n’est pas comme les autres. Il est sorcier.

-Que dîtes-vous ?!

-Ce n’est rien de grave madame. Votre fils est né avec des pouvoirs magiques. Nous-mêmes sommes sorciers. Nous venons de France. Nous travaillons pour le Département de Récupération de Sorciers en Pays Hostile. Un service du Ministère français de la Magie. Votre pays fait parti des pays sous juridiction française pour ce genre d’affaire car le gouvernement magique russe n’assure plus ce genre de mission depuis des années. »

Gladius était sûr que madame Garsov n’avait pas compris un seul mot de cet homme. Il décida d’intervenir.

           Quand Gladius entra, les deux sorciers le toisèrent.

« Excusez-nous, fit celui au manteau violet. Nous avons à parler avec madame Garsov en privé.

-Vous parlez tellement mal russe que vous devriez en rester au français, dit Gladius.

-Vous parlez notre langue !

-Et pour cause, je suis français. Par contre, je suis surpris. Je ne savais pas que la Russie était passée sous la juridiction de récupération du Ministère français.

-Vous êtes sorcier ! Qui êtes-vous ? Je veux dire, votre nom ?

-Peu importe. Ce garçon est donc un sorcier. Je comprends mieux l’étrange sensation que j’avais en sa présence. Vous devriez revoir votre façon d’expliquer la situation aux parents.

-Nous avons été formés.

-C’est ça. En attendant, répondez à ma première question : depuis quand la Russie est-elle sous juridiction française ?

-Depuis dix ans déjà. Quelques enfants ont ainsi été envoyés à Beauxbâtons. »

Gladius réfléchit. Il y avait bien quelques élèves de l’Académie possédant des noms à consonances slaves mais aucun ne venait de Russie en particulier. A part quelques exceptions mais toute la famille avait quitté la patrie originelle, des familles de sorciers. Quelque chose n’était pas normale.

« Toute la Russie ? questionna t-il.

-Non, seulement les parties les plus reculées. Le Ministère russe parvient à garder son influence sur la partie occidentale.

-Qui a donné l’ordre de faire ces récupérations ?

-J’aimerai savoir qui vous êtes pour vous permettre de nous questionner de la sorte ? »

C’était la première fois que le sorcier au manteau vert pomme parlait. Sa voix était dure et le ton était amer. Gladius le fixa. Son regard était fort et sans faille. Gladius y reconnut le regard d’un combattant.

« Et vous, qui êtes-vous ? fit Gladius.

-C’est moi qui pose les questions maintenant, éructa le sorcier au manteau vert. Nous sommes des envoyés du Ministère français de la Magie.

-Voyons, Degard, essaya de calmer celui au manteau violet. »

           Degard. Ce nom rappela quelque chose à Gladius. L’homme avait dans les cinquante ans. L’âge correspondait. Guillaume Degard avait été une véritable légende vivante de la Police Magique. D’abord en unité d’investigation criminelle mais surtout lors de son long passage à L’unité d’Intervention de la Police Magique. Il fut même pressenti comme futur chef de cette unité particulière de la Police Magique. Mais à cette époque, le nouveau directeur de la Police Magique nommé par le Ministre Erwan Riliam fut Yves Dakus. Cela n’aurait dû rien changer pour Degard mais le brusque changement de politique ne lui plaisait pas. Il le fit savoir à son supérieur hiérarchique et le résultat fut qu’il ne fut pas nommé à la place qui lui revenait de droit. Il décida donc de mettre un terme à sa carrière avant de terminer au placard. Mais étant un fidèle des vieux idéaux du Ministère, il changea simplement de service, estimant devoir passer quelques années plus au calme avant la retraite. C’était donc lui. Georges Nide parlait de lui quelques fois, toujours avec respect. Les deux hommes étaient de la même génération et avaient souvent travaillé ensemble.

           « Guillaume Degard, fit Gladius. Vous n’êtes plus très loin de la retraite. Vous ne devriez pas venir dans ce genre de pays relativement dangereux.

-Si vous me connaissez c’est soit que vous êtes un ancien policier ou chasseur, soit un criminel, dit Degard. Et comme je ne vois pas ce qu’un chasseur ou policier viendrait faire ici, je dirais que vous êtes de la seconde catégorie. Vous devez être recherché pour des faits graves si vous avez été obligé de venir jusqu’ici. Qu’est-ce que vous avez fait ?

-Vivre.

-Qui que vous soyez, vous n’avez aucun intérêt à nous empêcher de ramener cette enfant en France. Si bien sûr, sa mère est d’accord.

-Vous avez raison. Mais quelque chose ne colle pas dans cette histoire. Il n’y a pas d’élève d’origine russe récupéré à Beauxbâtons.

-Comment pourriez-vous le savoir ? demanda le sorcier au manteau violet.

-Je le sais, c’est tout.

-Je vous ais déjà vu quelque part, fit Degard.

-Ce village a été attaqué hier par des pillards-sorciers. Le mari de cette femme a été tué durant cette attaque. Elle n’est pas vraiment dans un état d’esprit visant à vous faire confiance.

-Monsieur Gladius, fit Andrei. Ces gens disent que je suis comme vous, que je peux faire les mêmes choses que vous.

-Oui. Ils sont là pour normalement t’emmener en France où tu devrais pouvoir apprendre à contrôler tes dons. Mais certaines choses ne collent pas. Quel âge as-tu ?

-Huit ans.

-La scolarité à Beauxbâtons commence à onze ans. Pourquoi venir aussi tôt ?

-Directive du Ministre, répondit celui au manteau violet. Il a pensé que les enfants devaient s’habituer à la France. Il va être placé dans une famille d’accueil. »

           Gladius vint se placer juste derrière Andrei. Ces deux hommes étaient de bonne foi. Mais il ne pouvait en dire la même chose de la part des intentions du Ministre. Et pour cause, si cela faisait effectivement dix ans que les enfants possédant des dons magiques de la Russie orientale étaient récupéré par le Ministère français de la Magie, alors pourquoi n’en avait-il pas entendu parler durant sa mission à Beauxbâtons ? Il aurait dû en avoir dans ses classes. Et, ayant étudié les dossiers de tous les élèves, il était sûr qu’aucun ne correspondait à cette catégorie. Où étaient passés ces enfants ?

           La mère d’Andrei, en ayant assez d’être laissé pour compte dans une affaire la concernant directement, se leva.

« Allons voir l’ancien, dit-elle. »

Suivant la mère et son fils, Degard, l’homme au manteau violet qui se révéla s’appeler Massil, et Gladius atteignirent une sorte de yourte placée à l’écart du village. Un vieil homme emmitouflé dans une couverture grise était assis par terre à côté de l’entrée. Il avait les cheveux et une barbe entretenue de la même couleur, aussi blancs que la neige. Il leva les yeux vers la mère d’Andrei quand elle l’interpela. Quand elle eut fini de lui parler, il regarda le petit Andrei d’un regard profond. Il hocha la tête d’un signe affirmatif en souriant légèrement, découvrant une dentition parfaite malgré le fait que le dentiste le plus proche devait être à Vladivostok. Son regard passa sur Degard et Massil sans daigner s’arrêter. Lorsqu’il atteignit Gladius, il resta figé. Son léger sourire s’effaça. Il se leva, laissant sa couverture sur le sol. Il était vêtu de tissu trop léger pour le climat.

           « C’est toi qui as combattu les pillards hier, dit le vieillard.

-Vous auriez pu le faire vous-même,fit Gladius. Après tout, vous êtes sorcier.

-Tu avais deviné. Ta sensibilité est grande. Eux n’ont pas deviné comme toi,ajouta t-il en désignant Massil et Degard qui affichaient tous les deux un air surpris. Qu’es-tu venu faire dans cette contrée ?

-Je ne sais pas. Je cherche des réponses.

-Si tu cherches des réponses, je crois savoir où tu peux les trouver. Si tu en as la force et le courage.

-Je n’ai aucun courage. Pour en avoir, il faudrait que je connaisse la peur.

-Ne sois pas si présomptueux. Tu as plus de force que nous trois réunis, mais il te manque quelque chose d’essentiel. En cet endroit, tu pourras peut-être trouver cette chose.

-Je n’ai besoin d’aucune aide.

-Si tu le dis. Par contre, nous avons besoin de la tienne. Ces pillards n’étaient qu’un groupe appartenant à une bande plus importante. Ils vont revenir. Et ils auront leur bestiole avec eux.

-Quelle bestiole ?

-Un Sibérien à Cornes.

-Un dragon !s’exclama Degard. J’ais déjà entendu parler des pillards-sorciers de Sibérie, mais je pensais qu’il ne s’agissait que de racailles sans importance.

-Le chef de cette bande a élevé ce dragon depuis l’œuf. Et il a réussi à en faire sa meilleure arme. Je m’étonne qu’il ne soit pas encore venu. »

           Gladius avait tourné la tête vers une autre direction. Il sentait la présence grandissante de plusieurs hommes. Mais surtout, une grande présence magique. Elle était tellement énorme qu’il sentait même la puanteur reptilienne lui emplir les naseaux. Il était trop tard pour évacuer le village.

« Degard, Massil, protégez-les villageois, fit-il. Ils arrivent. N’hésitez pas à tuer. Eux, n’auront aucun scrupule.

-Et vous ? demanda Degard.

-Je m’occupe du dragon.

-Vous croyez y arriver seul ?

-Faites ce que je vous dis. »

           Il eut à peine finit sa phrase que surgissant de derrière une colline de l’autre côté du village, un immense reptile aux écailles blanches étira son cou vers les habitations. Il possédait des ailes semblables à celles de chauve-souris et des cornes pointues et courbes couronnaient sa tête. Il ouvrit la gueule, lançant un cri de rage. Puis un long crachat de flammes fonça vers une maison qui se mit à brûler immédiatement. Les villageois couraient pour sauver leurs vies. Des hommes descendaient la colline.

« Faîtes ce que je vous ai dit, dit Gladius. »

Il se transforma en corbeau et s’envola en direction du dragon. Massil et Degard le regardèrent s’éloigner.

« Il est fou ! s’exclama Massil.

-Un corbeau, murmura Degard.

-Hein !

-Baisse-toi ! hurla Degard en sortant sa baguette. »

Un éclair vert passa à quelques centimètres de Massil.

« Avada Kedavra ! cria Degard. »

Le pillard s’écroula sans espoir de se relever.

« Protège le gosse et sa mère, fit Degard. »

Degard se mit à courir vers les maisons auxquelles les pillards mettaient le feu.

           Gladius plongea vers le dragon. Il se mit à tournoyer autour de la tête du reptile. Ce dernier ne fit pas attention à lui au début mais cette oiseau noir finit par l’agacer. Il fit claquer ses mâchoires, essayant d’avaler le volatile au passage. Gladius se mit à voler de plus en plus haut, obligeant le dragon à lever son énorme tête, à décoller ses pattes avant. Il l’attira vers l’arrière et le fit tomber sur le dos dans horrible fracas.

           Le Corbeau fondit sur le ventre de la bête, reprenant sa forme humaine. Il se réceptionna et sortit ses deux baguettes. Il les pointa sur la peau écailleuse du dragon. Deux éclairs verts surgirent des extrémités des baguettes. Le dragon poussa un gémissement avant de se laisser aller totalement contre le sol.

           Un hurlement attira l’attention de Gladius. Un homme courait vers l’énorme cadavre. Il toisa Gladius d’un regard haineux. Ce devait être le maître du dragon.

« Qui es-tu donc ? Comment as-tu réussi ça ?lança t-il furieux. »

Il pointa sa baguette d’où un sortilège de mort surgit. Gladius bloqua le maléfice avec une de ses baguettes. De l’autre, il désarma le chef des pillards. Il transplana pour se retrouver dans le dos du malfrat.

« Je viens de tuer un dragon, et tu espérais me battre avec ta puissance ridicule,dit-il. Tu as tué combien de personnes ? Pillé combien de village ?

-Je ne fais ça que pour vivre. C’est mon gagne-pain. Je n’allais pas me laisser mourir de faim.

-Je te comprends. Mais je ne vais pas te laisser vivre un instant de plus. »

L’éclair vert ne put même pas éclairer tellement le bout de la baguette était proche du corps du chef des pillard. Le cadavre tomba face dans la neige.

           Gladius retourna au village. Dés qu’ils avaient vu le dragon s’effondrer, les pillards s’étaient enfuis. Certains gisaient morts ou assommés dans la neige. En se rendant sur la place centrale du village, Gladius fut rejoint par Degard.

« Impressionnant, dit ce dernier. Tuer un dragon comme ça. »

Gladius ne dit rien et continua son chemin.

« Je me souviens où je vous ai vu, lança Degard. Pierrick Chaldo, dit le Corbeau. »

 

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