Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 96 : XIII Le Choix de Vivre

2720 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 03:59

           CHAPITRE XIII : LE CHOIX DE VIVRE

 

           Corvus et Gladius se battaient depuis des heures. Aucun des deux ne démontrait de signes de fatigue. Lors d’un temps entre deux assauts, Corvus reprit la parole :

« Que veux-tu Gladius ? Que cherches-tu ?

-Je ne sais pas. Je veux peut-être seulement comprendre ce que je suis. Ais-je une histoire ? Ais-je seulement le droit d’en avoir une ? Et une vie ?

-Tu aurais voulu quoi ?

-Être comme tout le monde. Je crois.

-Et tu ne penses pas que ça ne tient qu’à toi ?

-Plus maintenant.

-Alors tu ne me laisses pas le choix. »

Corvus tendit sa baguette d’un coup. Le sortilège informulé fut si fulgurant que Gladius ne put le parer. Il bascula en arrière sans savoir quelle magie avait lancé Corvus. Et bientôt, il se retrouva entouré de ténèbres. Chutant dans un vide infini.

 

           La recherche internationale demandée par Yann Firvel n’avait rien donné. A croire que Pierrick avait disparu de la planète. Il avait rejoins Thomas Zimong et Albert Chergnieux. Leurs recherches n’avaient rien donné de plus. Ils décidèrent de se rendre au bar d’Emilie Chaldo pour prendre de ses nouvelles. Tom reconnut le professeur de Défense contre les forces du mal qui était déjà venu avec Chun et Pierrick et les laissa entrer.

           « Bonjour messieurs, salua la tenancière. Vous avez raté de peu Vinol et Marus. Ainsi que Suzanne Janis.

-Janis ! s’exclama Chergnieux. Que voulait-elle ?

-Elle a réussi à persuader Vinol et Marus de revenir aux Chasseurs. Il faut dire que la situation a beaucoup évolué.

-Expliquez-nous. »

Emilie raconta tout aux trois hommes. Pierrick avait déjà parlé de Dakus à Thomas. Il fit un tour de table des regards. Firvel parut réfléchir. Quand à Chergnieux, il donna assez vite son avis :

« Avec Dakus à la tête des Chasseurs, le problème des mages noirs sera vite résolu.

-Suzanne pense autrement, dit Emilie. D’après elle, cette nomination signifie au contraire que le Ministère est aux mains des mages noirs.

-Ah oui ! Et du quel ?

-Janus. »

Tous se tournèrent vers Yann Firvel.

« Comment connaissez-vous ce nom ? questionna Chergnieux. Ce n’est qu’une rumeur. Une sorte de légende urbaine de notre monde.

-Une légende qui a fait parler d’elle par le passé, dit Firvel. Ou plutôt murmurer d’elle. Mais de nouveau murmure se sont répandues récemment. Et personne ne pense que quelques moineaux innocents puissent écouter ces murmures.

-Névris en avait parlé, ajouta Thomas. Le jour où il a tenté d’enlever Hans à Beauxbâtons. Même Pierrick ignorait de qui il parlait.

-J’ai entendu mon frère en parler une fois, raconta Emilie. Ça date du temps où il était encore aux Chasseurs. Il disait que ce Janus est capable de disparaître durant longtemps et qu’il préfère l’approche discrète plutôt que les démonstrations de forces comme Vous-savez-qui. Une autre méthode. Mais qui à l’air de se montrer efficace.

-Alors pour vous, le Ministère est tombé, résuma Chergnieux. Je n’en crois rien. Pourquoi faire la chasse aux mages noirs alors ?

-Pour éliminer la concurrence, avança Firvel. Je pense que des individus gênants pour le nouveau régime seront aussi éliminés en les faisant passer pour des mages noirs. Ensuite, Janus aura vraiment le champ libre. Qui sait jusqu’où va son ambition ?

-Vous êtes dingues ! s’écria le policier en se levant.

-Où allez-vous ? demanda Thomas.

-Je vais vous prouver que Janus n’est qu’une légende. »

           Durant de longs instants, le silence persista. Puis Yann Firvel se leva à son tour.

« Où vas-tu ? questionna Thomas.

-Nous ne pouvons pas retrouver Pierrick, dit-il. Il peut être n’importe où. Mais la priorité n’est plus de le retrouver. Il faut mettre Janus en échec.

-Et comment tu comptes t’y prendre ?

-Je ne sais pas encore. Mais ce n’est pas en restant ici que je trouverais. Je vais surveiller le Ministère. Il me reste plus que ça à faire.

-Tu veux y aller seul ?

-Pour une surveillance discrète, je serais plus efficace seul. Tu devrais te reposer. Tu en as besoin. Et puis, ta sœur doit être inquiète de ne pas avoir de nouvelles.

-Oui. Mais je veux que tu me promettes une chose.

-Je te préviendrais s’il se passe quelque chose.

-T’as intérêt.

-A plus. »

En un claquement de fouet, Yann Firvel disparut. Thomas prit congé d’Emilie à son tour.

 

           Chergnieux se rendit au Bureau Central de la Police Magique. Il ne décela aucune différence notable dans un premier temps. En se rendant vers son bureau, il croisa Gaël Defour.

« Al, ça fait plaisir de te revoir ! s’écria le policier rondouillard. J’ai cru que t’avais disparu totalement.

-J’avais quelque chose à faire, répondit simplement Chergnieux. J’ai appris que Dakus avait été fait directeur des Chasseurs.

-Ouais.

-Qui le remplace ici ? »

Defour sembla hésiter à répondre.

« Samuel Dara. »

Les yeux de Chergnieux s’écarquillèrent. Samuel Dara était connu pour avoir fait un séjour à Fortran pour avoir appartenu aux mangemorts. Il s’était rendu coupable de plusieurs meurtres et activités de magie noire. Il fut libéré pour avoir livré des informations sur ses camarades. A l’époque, les Chasseurs s’étaient offusqués qu’un mage noir aussi dangereux soit relâché. Même parmi la Police Magique, beaucoup n’avait pas compris la réelle motivation du Ministre à l’époque. Une pensé traversa subitement l’esprit de Chergnieux : si les autres avaient raisons. Si Riliam était en fait Janus. Alors cette libération prenait un tout autre sens. Car c’était Riliam qui avait négocié directement avec Samuel Dara. Cela voudrait dire que Dara avait juste changé de maître.

           Chergnieux se rendit dans le bureau du directeur de la Police Magique. Ce dernier le reçu rapidement. Samuel Dara était un homme d’une quarantaine d’années.

« Voici donc enfin le fameux Albert Chergnieux, dit-il. Dakus m’a parlé de vous. Il m’a dit que vous étiez l’un de ces meilleurs hommes.

-Très flatté, dit Chergnieux. Je suis désolé pour mon absence mais j’avais un tuyau pour une affaire.

-Je vois. Qu’est-ce que ça a donné ?

-Rien. Ça arrive souvent.

-Oui, on me l’a dit. Enfin, pour vous, ce sera différent.

-Que voulez-vous dire ?

-Yves Dakus a demandé votre transfert aux Chasseurs. Et le Ministre a accepté. Vous devez vous présenter au Département des Chasseurs demain matin à la première heure. Vous rentrez au bercail. J’espère que cela vous convient. »

Chergnieux se contenta d’acquiescer d’un signe de tête avant de prendre congé du directeur de la Police Magique.

           Il ne pouvait s’empêcher de douter. Il espérait en savoir plus le lendemain.

 

           Yann avait raison, Laura sauta littéralement dans les bras de son frère. Il fut invité spontanément à dîner et même à rester pour la nuit. Même si elle ne parvint pas à le démontrer clairement, Marion fut heureuse de sa présence. Elle ne parvenait pas à s’expliquer ces sentiments. D’où pouvait venir ce trouble en sa présence ?

           Hans demanda tout de suite des nouvelles de la situation.

« Tout est trouble, dit le professeur. Nous ignorons ce qui va se passer par la suite. Pierrick n’est toujours pas réapparu. Chun se repose mais elle ne se remettra que si Pierrick revient. Elle est enceinte de lui. Mais il y a pire maintenant.

-Quoi ?

-Oublie ce que j’ai dis. La seule chose que tu dois penser en ce moment, c’est à te remettre et t’occuper de Frida.

-Je compte retourner à l’Académie le plus tôt possible. Il faut que je finisse mes études pour pouvoir m’occuper d’elle. Nous formerons peut-être une famille. Avec Laura. Mais pour cela, il me faut un boulot.

-Et tu sais ce que tu veux faire ?

-Pas encore. Je pensais à de la recherche en Histoire. Je vais attendre de m’assurer que Frida puisse rester avec Hermione le temps de l’année scolaire. Et vous ? Qu’allez-vous faire pour Marion après ?

-Je ne sais pas encore. Je vais m’occuper d’elle. Ce serait bien qu’elle étudie. Il faudrait voir si elle peut se servir d’une baguette. Ainsi, elle deviendrait comme n’importe qui. Enfin presque.

-Je pense qu’elle aimera la vie avec vous. Elle parle très peu. Mais quand elle le fait avec Laura, elle se demande toujours si vous allez bien et quand vous allez revenir. »

           Les deux jeunes hommes se turent quand les filles arrivèrent. Thomas sourit en voyant la petite Frida tenir précieusement la main de Laura. Marion les suivait. La fille-fantôme vint s’asseoir à côté du professeur. Le dîner fut détendu. Même si il n’y eut pas beaucoup de rire.

 

           Après le dîner, Hans alla dans la salle de bain prendre une douche. Il se déshabilla et se regarda dans la glace. Les cicatrices résultantes des heures de tortures de Kylian Névris marquaient horriblement son corps. Certaines s’atténueraient avec le temps. Mais la plupart resteraient ainsi. Les médicomages de Gardevie en étaient désolés, ils ne pouvaient rien faire de plus. Il était soulagé que Laura n’ait pas encore vu ces marques. Voudrait-elle de quelqu’un possédant une chaire aussi meurtrie ?

           Il entra dans la douche et ouvrit le robinet. L’eau coula sur sa peau. Qu’elle était douce ! Rien à voir avec l’acide brûlant de Névris. Mais alors que l’eau ruisselait, ses larmes firent de même. Avait-il le droit de vivre encore ? Sa petite sœur. Sa mère. Son père. Elsa. Tous étaient morts. Et lui, il respirait encore, il vivait encore. Pourquoi ? N’aurait-il pas dû mourir ? Il n’arrêta pas l’eau. Il la laissa tomber sur lui.

           Laura s’était occupée de mettre Frida au lit. Mais la fillette refusait de dormir tant que Hans n’était pas venu. Laura lui promit qu’il viendrait aussitôt sorti de sa douche. Elle passa devant la porte de la cuisine. Sa mère et son frère discutaient autour d’une tasse de thé. Marion était dans le salon. Laura se laissa tomber sur le sofa.

« Ce n’est pas facile de s’occuper d’une petite fille, soupira t-elle en souriant malgré tout. J’espère que Hans va bientôt sortir de la salle de bain. Frida le demande pour un petit bisou avant de se coucher.

-Hans pleure, souffla Marion.

-Quoi ! s’exclama Laura en se redressant.

-Je sens sa peine. Il aurait préféré mourir. Comme sa famille. »

           Laura se leva d’un bond et se précipita vers la salle de bain. Elle tambourina à la porte en appelant Hans. Attirés par le vacarme, Hermione et Thomas arrivèrent.

« Qu’est-ce qui se passe ? demanda sa mère.

-Marion m’a dit qu’elle avait ressenti la peine de Hans, dit Laura au bord de la crise de larmes. Et il ne me répond pas ! Hans ! Ouvre-moi ! »

Laura sortit sa baguette et allait utiliser un sortilège quand la main de Thomas l’arrêta.

« Tu n’as pas le droit de te servir de la magie hors de l’Académie, rappela t-il.

-J’ai pas le temps pour ça ! Et s’il faisait une connerie ! »

Thomas tendit un doigt vers la serrure. Un halo jaune fit entendre un cliquetis. Sans même prendre le temps de remercier son grand frère, la jeune fille ouvrit la porte.

           Elle ne remarqua même pas que Thomas refermait la porte derrière elle. Laura s’avançait à pas lents vers la douche. Au travers du rideau, la silhouette de Hans était invisible.

« Hans, murmura t-elle comme-ci elle avait peur de l’effrayer. »

A mesure qu’elle s’approchait du rideau, elle devina une forme sombre assise au fond. Hans était assis en boule, la tête dans ses bras. Elle perçut ses sanglots. Elle s’assit sur le sol de la salle de bain, sans traverser le rideau de bain.

« Hans, pourquoi tu pleurs ?

-J’aurai dû mourir, sanglota t-il. Je suis passé si près de la mort. Je n’aurai pas dû m’en sortir.

-Et pourtant, tu es bien là.

-Mais pourquoi pas moi ? Pourquoi ma sœur ? Pourquoi ma mère et mon père ? Pourquoi Elsa ? Et pourquoi pas moi ? Qu’ais-je fais de si bien pour mériter de continuer à vivre alors que toute ma famille est morte ?

-Je crois que les moldus croient en un être qu’ils appellent Dieu. Et ils pensent qu’il contrôle leur destinée. Mais je trouve ça idiot. Dire que quelqu’un peut contrôler les vies de tous, pour moi, c’est impossible. Nous sommes maîtres de notre destin. Tu as tout fait pour survivre. Si tu dois te demander pourquoi tu es encore en vie, demandes-toi ce que tu as fait pour rester en vie.

-Mais…

-Et si tu n’étais pas revenu vivant, qui s’occuperait de Frida ? Tu dois vivre pour elle. Et moi ? J’ais cru que j’étais morte quand j’ai appris que tu étais prisonnier des mangemorts. Car j’ais cru que tu ne reviendrais jamais. Et je ne savais pas si je pourrais continuer à vivre sans toi. Mais tu es là. Et tu vis. Et je ne veux plus que tu sois loin de moi. »

A mesure qu’elle parlait, des larmes se mirent à ruisseler le long de ses joues.

« Plus jamais, souffla t-elle. »

Le silence s’installa durant plusieurs minutes. Laura entendait encore Hans sangloter. Elle se releva, se déshabilla, et vint le rejoindre dans la douche. Le jeune homme ne leva même pas les yeux vers elle. La jeune fille s’assit à côté de lui et l’entoura de ses bras. Lorsqu’elle lui fit poser sa tête sur son cœur, Hans se laissa totalement aller. Il entoura à son tour la jeune fille de ses bras et se mit à pleurer de plus belle. Oui. Il continuerait à vivre. Il lui devait. Et aussi à Frida.

           Il vivrait…

 

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