La mort dans l'âme

Chapitre 2 : Liés par le sang, liés par le temps

1618 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 19/06/2017 10:05

Allongé sur le tapis de lattes qui lui servait de matelas, Sirius tremblait. Il tremblait de froid sous sa couverture trouée, il tremblait de peur dans l'obscurité de sa cage, il tremblait de désespoir face au néant qui se rapprochait. Il ne voulait pas finir dans l'oubli, il voulait revoir la lumière du soleil. Il voulait que ses rayons lui brûlent la peau et que sa chaleur répare son cœur qui saignait. Il avait tant souffert tout au long de sa vie, tant connu de malheurs. Haït par une famille qui ne voulait pas de lui, il s'était enfui. Il avait trouvé refuge dans le regard bienveillant d'amis qui étaient devenus son nouveau foyer. Une larme roula sur son visage. A présent James était mort, Lily aussi. Merlin seul savait où se trouvait Harry et si on lui offrait autant d'amour que ce qu'il méritait.


Une rage bouillonnante s'empara du prisonnier. Il les détestait tous autant qu'ils étaient. Les abrutis du ministère, les sorciers corrompus, les fanatiques et les fous qui suivaient aveuglément Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. Il aurait voulu les faire souffrir autant que lui souffrait. Il voulait qu'ils se sentent seuls et sans espoir. Il voulait qu'ils vivent enfermés à jamais entre les murs de cette forteresse en sachant qu'ils ont raté leur vie, plutôt que mourir libres sous les rayons de la lune en pensant avoir accompli quelque chose. La vie qu'il espérait n'était pas celle qui l'attendait, Sirius en prit pleinement conscience en cet instant de détresse. Les évènements de la Première Guerre des Sorciers avaient changé sa vision du monde, sa vision des gens. Une simple erreur de jugement avait conduit à la mort de ses meilleurs amis. Peter Pettigrew paierait pour sa lâcheté et sa traitrise, quoi qu'il lui en coute.


Dans le silence de mort qui pesait sur la nuit, une respiration sifflante monta dans l'air. Le jeune homme crut percevoir son nom. Il se redressa et tendit l'oreille. Il n'entendit rien de plus que le murmure du vent. Une pointe d'angoisse lui brula la gorge. Etait-il en train d'halluciner ? Est-ce que le processus de démence s'était enclenché ? Si lui qui n'était là que depuis quelques jours commençait à perdre la raison, qu'en était-il des prisonniers enfermés depuis des années ? Qu'en était-il de sa cousine détraquée qui était déjà prisonnière de sa folie bien avant son enfermement ?


« Sirius », susurra très doucement une voix féminine.


Le sorcier soupira d'agacement, elle ne le duperait pas aussi facilement. Il avait encore conscience de ce qui était réel et de ce qui ne l'était pas. Personne ne lui enlèverait la seule chose qu'il possédait encore. Personne ne lui arracherait le peu de lucidité qui lui permettait de garder espoir, encore moins Bellatrix.


« Ferme-la Bella, j'essaye de dormir, grogna le prisonnier.


- Personne n'arrive à dormir dans cette cage de pierre Sirius. Les nuits sont comme les journées, interminables. Si je ne parviens pas à trouver le sommeil, je ne te laisserai pas le trouver non plus, chuchota la sorcière.


- C'est quoi ton problème à la fin ?! s'énerva le jeune homme.


- Tu veux dire à part le fait d'être condamnée à une vie de solitude rythmée par le claquement de cet insupportable océan ? lui répondit-elle. Je n'ai aucun problème Sirius. Au contraire, je suis ravie de partager mon sort avec le tien. Toi et moi avons toujours été liés par le sang, maintenant nous sommes liés par le temps.


- T'es encore plus barge que ce que les gens racontent.


- Ne me flatte pas Sirius, l'entendit-il répondre en souriant. Raconte-moi une histoire. Raconte-moi ton histoire.


- Ma vie ne te regarde pas, plus depuis que tu as juré allégeance à ce dégénéré en cape noire.


- N'insulte pas Lord Voldemort devant moi ! cria-t-elle de rage.


- Qu'est-ce que je disais, complètement cintrée…


- Sois gentil Sirius, parle-moi de ta petite vie misérable.


- Quand tu demandes à quelqu'un un service, évite de l'insulter. Sur ce, bonne nuit.


- Tu sais au fond de toi que tes yeux ne se fermeront pas cette nuit, pas plus qu'ils ne se sont fermés les nuits précédentes. Si tu ne veux pas sombrer dans la folie plus vite que tu n'y es destiné, tu ferais mieux de me parler. A moins que tu ne préfères parler aux Détraqueurs. »


De nouveau allongé sur le tapis de lattes, le prisonnier soupira bruyamment. Ça lui faisait mal de le reconnaitre mais, malgré tout, sa cousine avait raison. Il n'avait réussi qu'à somnoler durant les jours et les nuits qui avaient précédé, sans jamais atteindre le sommeil. La nuit allait encore être longue, peut-être valait-il mieux qu'il trouve un peu de compagnie. Même si c'était auprès d'elle.


« Parfait, tu as gagné Bella, souffla-t-il.


- Magnifique ! s'enthousiasma la sorcière en riant.


- Tout à commencer à cause de cette maudite prophétie. Elle annonçait la fin du Seigneur des Ténèbres de la main d'un garçon né à la fin de juillet. James et Lily sont partis se cacher à Godric's Hollow, emmenant leur enfant avec eux. Pour se protéger ils utilisèrent le sortilège de Fidelitas et choisirent Peter Pettigrew comme Gardien du Secret. Mais Peter les trahit. Le soir d'Halloween, Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom a retrouvé les Potter… et les a tués. James… James est mort.


- Ton histoire ressemble à un mauvais article de la Gazette du Sorcier Sirius. Si les portes du sommeil ne m'étaient pas éternellement closes, j'aurais presque pu m'endormir.


- Tu trouves la mort de mes amis ennuyeuse ? s'énerva le jeune homme.


- Leur mort non, mais leur pathétique tentative de fuite oui. Ils ont réellement cru pouvoir échapper au Seigneur des Ténèbres, pauvres sorciers infâmes. Que peut-on espéré de mieux de la part d'une sang-de-bourbe et d'un traitre à son sang ?! De la vermine voilà ce qu'ils sont et ce qu'ils ont toujours été. Même dans la mort, la fatalité de leur destin est risible. Si ça n'avait tenu qu'à moi, je…


- Tais-toi ! hurla Sirius. Tais-toi, tais-toi, tais-toi ! »


Un rire lugubre sortit de la bouche de Bellatrix. Elle sentait la rage de son cousin s'étendre tout autour de lui, et elle savait que c'était le début de sa fin.


« Tu veux que je te raconte mon histoire Sirius ? siffla-t-elle.


- Je ne connais que trop bien ton histoire Bella.


- Tu sais comment moi et mon mari avons séquestré les Londubat ? Comment on les a torturés, comment on les a plongés dans la folie. Comment on a éteint à jamais l'étincelle dans leurs yeux, comment on leur a fait oublier qui ils étaient et qui étaient leurs proches. Comment on a détruit leurs âmes, comment on a souillé leurs cœurs. Comment on les a fait plonger dans l'oubli, comment on les a fait tomber dans le néant. Non, Sirius, non, tu ne sais pas. Tu ne sais pas l'allégresse que l'on ressent dans ces moments-là. Le pouvoir qui coule dans tes veines dans un flot ininterrompu. L'euphorie que procure l'annihilation d'une vie. C'est ce qui te fait sentir te vivant face à la mort.


- Les Londubat ne sont pas morts, chuchota le prisonnier.


- C'est comme s'ils l'étaient. Plongés pour toujours dans une réalité qui n'est pas la leur, qui ne sera plus jamais la leur. Loin de leur famille, loin de leurs amis. Je les ai fait souffrir à en perdre la raison. Lorsque leur fils regardera au fond des yeux de ses parents, il n'y verra que ce que j'y ai fait naitre. Et lorsqu'il sera marié et aura des enfants, je lui ferais subir le même sort. Il souffrira chaque jour de sa misérable vie, grâce à moi. C'est ma plus belle récompense Sirius, ma plus belle victoire.


- Tu es… le pire monstre que cette Terre n'ait jamais porté.


- Crois-tu sincèrement que nous soyons si différents Sirius ?


- Je ne suis pas comme toi, je ne l'ai jamais été.


- C'est pourtant toi qui as laissé tes amis mourir. C'est toi qui as abandonné leur fils à une vie de malheurs. C'est à cause de toi que Harry Potter grandira sans ses parents. Si tu avais insisté pour qu'ils fassent de toi le Gardien du Secret, peut-être seraient-ils toujours en vie. Si tu les avais convaincus de te faire confiance, si tu avais écouté ton instinct, peut-être que le fils Potter aurait encore une famille et que tu ne serais pas enfermé ici. Finalement, tu es aussi coupable que Pettigrew. Tu as détruit ta propre famille Sirius.


- Non, non tu as tort… marmonna le jeune homme en se recroquevillant sur lui-même. Ce n'est pas moi qui les ai trahis.


- Tu as fait bien pire, siffla Bellatrix à travers le trou dans la pierre. Tu les as abandonnés à un sort pire que la mort. Ils avaient besoin de leur ami pour les protéger du destin, et toi Sirius, tu n'étais pas là. Tu-n'étais-pas-là !


- Non ! hurla-t-il. Non ! Ce n'est pas de ma faute ! »


Il se prit la tête entre les mains et répéta ces mots sans cesse. Dans la cellule voisine, un sifflement devint murmure. Un murmure devint chant. Un chant devint complainte. Une complainte devint rire.

Laisser un commentaire ?