Miyuki ( d'Après le manga de Mitsuru Adachi, 1980)

Chapitre 29 : Epilogue: La route qui nous était destiné...

Chapitre final

2537 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 21/08/2017 00:27

L’été suivant avait un tout autre visage. Autour d’un décor sauvage et philippin, il s’annonçait bien plus souriant que son prédécesseur, même si ce jour tristement mémorable occupait encore mes pensées. Je n’étais certainement pas le seul. Je songeais toujours au grand nombre de changements qu’avait engendré cette journée. Je peux dire que cela aura été mon seul et vrai combat.

 

Je me dis souvent que si je n’avais jamais agi, jamais rien dit, les choses seraient bien différentes. Avoir conscience de quelque chose et devoir le garder pour soi ; être incapable de le révéler à qui que se soit…Qui à un moment de sa vie n’a pas été obligé de cacher ce qu’il sait. On pense parfois que garder le silence est plus sage lorsqu’on mesure les conséquences. J’avais retrouvé ma famille, je pensais la perdre et je l’ai perdu.

 

 

Tout en écoutant les vagues et leurs tumultes contre les rochers, j’admirais d’un œil attentif le paysage qui m’entourait. Une flore vaste et colorée recouvrait les montagnes au pied desquelles avaient pris formes de petites plages ombragées et désertes. Sur l’île au loin, des collines à perte de vue sculptées en escaliers se rejoignaient et s’entremêlaient ; de petits ilots d’un vert presque vif s’avoisinaient au milieu de l’eau, une eau si bleue et si claire qu’elle égalait la pureté de celle d’une piscine, une beauté inégalable en plus. Contrairement aux plages japonaises que j’ai longtemps côtoyé, sa clarté laissait transparaître ses merveilleux récifs et sa faune. Je me trouvais petit et insignifiant dans cet immense cadre, je dirais même perdu. Si j’avais décidé de rester ici toute ma vie, dans cette petite maison de vacances bien placée, j’aurais peut-être oublié tout ce que j’avais vécu au Japon.

 

 

Miyuki me rejoignit sur mon perchoir rocheux. Elle se délecta elle aussi du paysage avant de me faire remarquer :

 

- C’est la première fois que je te vois aussi ébahi devant un décor.

 

 

-Il y a de quoi, tu me diras.

 

 

Je lui ai pris la main et je l’ai serré dans la mienne. Ce seul geste suffit à lui faire deviner ce à quoi je pensais. Les premières semaines après l’évènement, je n’ai pas arrêté de m’excuser auprès d’elle. Je ne pouvais m’empêcher de culpabiliser et de penser à la réaction violente de notre père, le scandale dans lequel je nous avais tous mis. Une douleur s’en va pour une autre et même après une année, je me sentais encore quelquefois pris d’un désagréable repentir. On peut me reprocher de n'avoir éprouvé ce sentiment que trop tard, mais j’étais le plus sincère du monde lorsque je lui demandais pardon, et à chaque fois que je le faisais, elle ne disait rien mais me répondait toujours par une étreinte puissante qui parvenait à dissiper tous mes doutes. Je pense que c’était sa manière à elle de me faire comprendre que malgré tout, elle était heureuse.

 

Puis j’ai fini par me faire une raison et me dire qu’après tout, nous étions égaux dans la culpabilité. Miyuki était jeune mais assez grande pour faire ses choix. Nos proches, nos amis avaient fait les leurs.

 

 Je n’ai reçu de signe de vie de Miyuki Kashima qu’une lettre. Une lettre soigneusement écrite dans laquelle elle expliquait se trouver en Europe pour ses études, au fin fond d’une campagne allemande où elle disait vouloir « avancer et oublier ». Elle ajoutait qu’elle avait besoin de temps et qu’un jour prochain, elle reviendrait au Japon voir ses parents. Elle n’a pas évoqué sur une seule ligne la possibilité que l’on puisse se revoir mais je trouvais tout de même le message encourageant et il m’arracha un sourire. Je n’ai jamais su ce qu’elle avait pensé de moi ce jour là. Je me suis toujours contenté de l’imaginer. Mais je réussis à m’épargner une ultime gifle en souhaitant du fond du cœur qu’un jour, je retrouverai en cet ancien premier amour une solide amitié. Une amitié plus forte encore que l’amour.

 

Yuichi disparut de notre vie aussi vite qu’il en était revenu. Mais nous le revîmes encore quelquefois à la télévision où la presse le félicitait pour ses nouvelles victoires, celles qu’il fit remporter à l’équipe japonaise mais aussi pour ses promesses de toujours se surpasser et donner jusqu’à son âme pour ses équipiers. Il nous en voulait, c'était certain, mais il n’a jamais rien laissé paraître de sa rancune ni de sa souffrance face aux médias. Malheureusement pour lui, ces fouines de journalistes se sont emparées de l’affaire et juste une fois, l’un d’eux s’est aventuré à lui poser la question : « Qu’a-t-il bien pu se passer ? » Yuichi Sawada l’a alors longuement fixé puis à décidé d’ôter ses lunettes de soleil pour répondre : « ça devait se finir comme ça. » Il n’y a jamais plus eu aucune autre allusion. Je ne sais pas s’il s’est remarié par la suite. S’il ne l’a fait, il le fera certainement. Mais pas avant longtemps selon moi car l’amour qu’il éprouvait pour Miyuki semblait inébranlable et résister à tous les temps. Elle n’avait pourtant jamais manqué de sincérité envers lui, elle l’aimait réellement comme une jeune fille devait aimer son fiancé. Mais je ne savais pas…Les secrets sont parfois bien cachés. J’étais loin d’imaginer que ma sœur était tombée dans le même piège que moi.

 

Quant à notre père, il fut celui dont nous avions le plus à souffrir de l’absence. Il avait prononcé des horreurs sous l’effet de la colère, mais il a malheureusement tenu parole et s’en est retourné aux Etats-Unis. Pendant des mois il ne se manifesta plus ; il n’assista pas non plus à notre mariage. Il a reproduit le même schéma que celui qu’il m’avait fait subir durant l’enfance… Je n’étais plus son fils. Il semblait même avoir renoncé à son affection pour sa fille et voyant jusqu’où cette coupure pouvait la blesser, je sentais presque renaître en moi la haine que je nourrissais pour lui auparavant. J’étais convaincu qu’il voulait lui faire payer son choix mais Miyuki ne cessait de croire dans toute sa bonté qu’il cherchait à oublier et s’éloigner le temps que la plaie se referme. S’il devait y avoir une part de vérité, elle ne m’atteignait guère. Je recommençais à le percevoir comme un coupable. Tout est parti de sa propre union et de sa vision des choses. Tout ce pourquoi je lui avais porté rancune me revenait à l’esprit. Je me disais : Comment Miyuki peut-elle encore éprouver autant d’amour pour lui…

Sans doute pour les mêmes raisons qu’elle m’aime. Elle sait pardonner à ceux qu’elle chérit, c’est dans sa nature et c'est comme ça que les gens l'apprécient.

 

Elle a toujours su qu’elle et moi ne sommes pas liés par le sang…

 

Elle n’a jamais vraiment expliqué comment elle avait fini par le savoir. Elle m’a juste confié qu’elle le savait depuis très longtemps. Elle n’a jamais souhaité s’étaler sur le sujet et par respect pour elle, je n’ai jamais osé insister. Aujourd’hui, je ne peux qu’imaginer la souffrance que cela a du être, de se savoir seule survivante de sa famille et de le garder pour soi.

 

Nous nous sommes épousés ici même, aux Philippines, sous un soleil radieux et dans une ambiance festive très éloignée de celle trop stricte et formelle du Japon. C’est à cette occasion, pour la seule et dernière fois qu’elle reprit son nom d’origine : Kuramoto.

 

Les années n’avaient donc rien changé à ce fameux après midi où nous nous sommes rencontrés pour la seconde fois, ne devinant ni le frère ni la sœur que nous étions l’un pour l’autre. En y repensant, je me dis que tout ça a l’air d’un mauvais Drama. Mais l’histoire prend tellement plus d’ampleur et de vérité lorsqu’elle est vécue. Nous ne sommes pas des héros, nous n’avons jamais connu la guerre. Il n’y a que dans mon cœur où j’ai plusieurs fois ressenti ces bombardements qui vous font regretter une situation et vous font suer sur l’avenir qu’on vous réserve. Nous sommes comme vous, comme tout le monde. Nous vivons. Nous avons juste essuyé un bien vilain tour du hasard.

 

     Quelques temps plus tard, nous revînmes au Japon, où rien ne nous attendait si ce n’est une grande maison vide. Papa continuait toujours de nous envoyer un peu d’argent, mais sans accompagner son chèque d’une seule carte ni même d’une lettre… Je refusais au départ de recevoir un quelconque soutien financier de sa part et préférait laisser ce privilège à ma sœur qui faisait encore des études. Plus tard, je lui envoyai un courrier dans lequel je lui disais avoir trouvé du travail dans un café (non, pas le café dragon) en tant que serveur et patron adjoint. Bien entendu, il ne m’a jamais répondu. Ce froid pesant entre lui et nous me désolait bien des fois mais il n’était qu’un grain de sable sur notre bonheur. Comme je l’avais égoïstement souhaité, nous étions ensemble et rien d’autre ne comptait.

Toutefois, nous étions nostalgiques de cette époque où nous parcourions les plages tous ensemble, où nous étions entourés d’amis avec qui faire la fête sans nous soucier du lendemain. C’est pour cette raison qu’il nous arrivait souvent à Miyuki et moi de revenir au bord de la mer et de longer plusieurs fois cette côte ensablée chère à nos yeux où résidaient de nombreux coquillages. C’était principalement lors de ces promenades que nous parvenions à oublier tout nos soucis.

C’est drôle, je ne saurais expliquer pourquoi…Mais bien que je regardais amoureusement mon épouse, je ne parvenais jamais à oublier qu’il fut un temps où j’étais son frère. Je crois que je n’y arriverai jamais parce que je n’en exprime pas le moindre désir. Il s’agit d’une période importante pour moi et elle continue de décrire une partie de notre relation.           

 

 

Un après midi où nous avions décidé d’aller plus loin, je lui ai demandé tandis qu’elle s’arrêtait pour admirer les vagues au loin s’écrasant près des rochers :

 

« Tout est bien différent maintenant. Est-ce que ça te convient ? »

 

Elle m’a regardé puis s’est mise à ma hauteur.

 

« Si l’on réfléchit bien, tout n’est pas devenu si différent que ça. Nous avons vécu ensemble pendant plus d’un an sans personne à nos côtés et j’en garde un souvenir très agréable. Et toi aussi je suppose, non ? »

 

A sa dernière phrase, elle me donna une pichenette sur le bout du nez.

 

-Je sais, mais tu comprends sans mal les choses. Tu sais pourquoi je dis que malgré tout, rien n’est plus pareil.

 

 

-Je sais ce qui t’angoisse, mais n’oublies pas que je l’ai voulu aussi.

 

 

-   C’est vrai. Ne me traite pas de rabat joie mais quelquefois, je ne peux pas m’empêcher de penser que si tu avais choisi une autre voie, ta vie n’aurait peut-être pas été un long fleuve tranquille mais elle aurait certainement été plus facile.

 

 

-Stop ! Trop tard pour revenir en arrière ! s’exclama t-elle en posant son doigt contre ma bouche pour me faire taire. Elle eut une expression presque comique sur le visage tandis qu'elle bombait le torse pour se donner l’air autoritaire.

 

-Il n’y a rien à regretter, reprit-elle, je ne regrette rien.

 

Elle me prit dans ses bras.

 

-On ne roule pas sur l’or, très bien. Nous sommes seuls, parfait. Ce n’est pas grave si nous sommes que tous les deux, que l’on n’ait le soutien de personne. Je veux juste être avec toi, peu importe les difficultés qu’on traverse. C’est ça qui me rendra heureuse.

 

     -  Miyuki…

 

Nous nous sommes embrassé puis lentement, nous avons repris notre chemin. Nous nous sommes baladés ainsi jusqu’à ce que le soleil d’un rouge vif étincelant vienne se mourir au ras de l’horizon. Du haut d’une dune de sable orange, un homme silencieux et cravaté nous regardait immobile telle une statue. Sa présence une fois remarquée arracha un cri à ma sœur.

 

-Masato ! Masato, regarde !

 

 

Sans attendre ma réaction, elle s’élança vers lui et tomba dans ses bras. Je suis resté un instant sur place tandis qu’elle ne lâchait plus cet homme qui ne disait rien et lui caressait tendrement les cheveux. Finalement, j’escaladai à mon tour la colline de sable et sans un mot mais avec le plus grand des sourires, je rejoignis ma sœur et mon père dans un ultime espoir que jamais plus ne se dissoudrait un jour la famille peu nombreuse et peu ordinaire des Wakamatsu.

 

FIN                                 Mot de l'Auteur: Merci à tout ceux et celles qui ont suivi mon histoire! J'espère que vous avez fait bonne lecture...C'est ma première fanfic achevée, aussi n'hésitez pas à me donner votre avis où à me conseiller. Je serai attentive à tout vos commentaires et si vous avez des questions sur le manga original ou autre, j'y répondrai avec plaisir ^^ Encore merci!

 

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