Clair-Obscur

Chapitre 4 : Nuances de gris

Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 00:55

Nuances de gris

 
 

Après le départ de Sakura, Naruto dormit un peu, mais il ne resta pas seul longtemps.

 

Les informations voyageaient vite dans Konoha, et il n’était pas dix heures que la chambre était pleine de ninjas venus aux nouvelles.

 
 

Ce fut d’abord le trio Ino-Shika-Cho junior, dont l’élément féminin l’assailli de questions. Choji et Shikamaru se montrèrent plus réservés, mais la déception de Shikamaru fut malgré tout perceptible quand Naruto se contenta de confirmer la nouvelle et de rediriger ceux qui voulaient des détails vers Sasuke –qu’il était dix mille fois trop galère d’aller interroger et qui de toute manière ne répondrait pas.

 

Peu rancunière, Ino éclata de rire, et laissa en partant un clin d’œil entendu et un paquet de ramen “parce que Grand-Front est trop stricte et qu’elle ne comprend pas toujours les nécessités psychologiques d’un bon rétablissement”.

 
 

Sai passa peu après, plein de remarques gouailleuses sur l’incapacité de Naruto à prendre soin de lui-même. Ils discutèrent un peu de tout et de rien et surtout pas de Sasuke ni de la mission, s’insultèrent mutuellement (avec beaucoup d’inventivité pornographique de la part de Sai) et quand Naruto fut fulminant et disposé à en découdre malgré la triple menace planant de Tsunade, Sakura et Takiana-sama, l’anbu tira sa révérence avec un sourire moqueur. Faire enrager Naruto était une de ses activités de prédilection.

 
 

Ce fut ensuite Kakashi qui apparut en coup de vent, s’enquit de derrière son bouquin orange si Naruto mangeait bien ses végétaux, fit quelques remarques sibyllines et totalement hors propos sur l’esprit d’équipe et d’autres trucs que Naruto ne comprit pas trop et prit finalement congé en lui ébouriffant impudemment les cheveux comme s’il était encore un gosse.

 

Naruto supposa que s’il ne sortait pas de chez Sasuke il s’y rendait.

 
 

Après cela il dormit vingt heures d’affilée d’un sommeil de plomb, et s’éveilla pour découvrir qu’une fleur unique dans un verre plein d’eau avait fait son apparition le bord de la fenêtre, que quelqu’un avait confisqué le paquet de ramen pourtant savamment dissimulé sous son oreiller, et qu’une Hinata rougissante et inquiète était assise à son chevet.

 

Shino et Kiba étaient passés plus tôt dans la matinée, mais n’avaient pu rester, et elle lui transmit leurs vœux de rétablissement, ceux de Neji qui n’avait pu se déplacer, et la promesse de Kiba d’organiser une fête à tout casser pour fêter son premier ninja de classe S.

 

Le passage en coup de vent de Tsunade pour s’assurer qu’il était toujours là et qu’il prenait bien ses médicaments chassa la jeune Hyuuga, et Naruto se vit en prime contraint de rédiger son rapport, ce qu’il fit avec une concentration religieuse et le plus vite possible avant de se rendormir.

 

Enfin, Iruka-sensei fit son apparition à la porte dès la fin des classes, et resta jusqu’à ce que les infirmières le chassent.

 
 

Ensuite, lorsqu’il eut mangé, épuisé le nombre limité d’étirements que lui autorisaient ses points de suture, imaginé cinquante manières différentes d’introduire dans l’hôpital suffisamment de peinture pour redécorer sa chambre et compté le nombre de plaques au plafond, il ne lui resta plus qu’une seule chose à faire… Justement l’activité risquée qu’il avait évité de son mieux depuis son retour : penser.

 
 

Penser aux yeux sanglants de Sasuke, aux mèches d’ébène plaquées sur la peau pâle par la sueur, et à la manière dont il avait laissé son meilleur ami le plaquer dans la boue.

 
 

On ne pouvait pas raisonnablement demander au corps d’un ninja de dix-huit ans en parfaite condition physique et bourré d’hormones en ébullition de rester insensible à l’excitation et à la chaleur d’un combat, et Naruto avait plus d’une fois eu besoin d’une bonne douche froide après un entraînement musclé. Comme le disait si élégamment Ero-sennin, c’était la preuve que tout fonctionnait parfaitement…

 

Là où les choses ne fonctionnaient plus comme elles l’auraient dû, c’est qu’il s’agissait de Sasuke entre tous. Sasuke qui avait manifesté jusque-là la libido d’un panda –c’est-à-dire à peu près aucune-, Sasuke son meilleur ami. Sasuke, surtout, qui était définitivement et indubitablement mâle.

 

Et s’il y avait bien une chose dont Naruto était certain, c’est qu’il aimait les filles, ses expériences passées (certes bien plus limitées qu’il ne l’aurait souhaité) ne laissaient aucun doute là-dessus.

 

Les filles avaient de longs cheveux (ou parfois non, mais ce n’était pas si grave, c’était mignon aussi les cheveux courts) et sentaient bon, les filles étaient toutes en courbes affriolantes, douces et souples à tous les bons endroits… Les filles donnaient envie d’enfouir sa tête contre leur peau et de ne plus jamais en ressortir.

 

Sasuke n’était ni affriolant, ni doux… (Rien que le fait d’essayer de mettre Sasuke et affriolant dans la même phrase relevait du… de… C’était comme essayer de mettre ensemble Gaara et tutu, ou Jiraiya et abstinence… C’était juste… impossible. Les deux n’appartenaient pas au même niveau d’existence.)

 

Sasuke n’était ni affriolant, ni doux, ni aux bons endroits ni nul part ailleurs, et quiconque aurait osé suggérer le contraire risquait de faire connaissance très intimement avec la lame de la kusanagi en travers de son ventre… Sasuke était tout en angles durs et en muscles tendus sous la peau pâle, et Sasuke n’avait certainement pas de seins…

 

Et pourtant Naruto s’était laissé faire.

 

Pire, il l’avait voulu, c’était lui qui avait initié le contact, avait maladroitement attiré Sasuke au-dessus de lui, et ce moment dans la boue avait été à n’en pas douter le moment le plus définitivement excitant de sa courte vie sexuelle.

 

Même encore maintenant, alors qu’il ne lui restait que des éclats flous, peau pâle zébrée de sang et de mèches noires, chaque fragment de souvenir envoyait une décharge de chaleur directement dans son bas-ventre.

 

C’était… perturbant.

 
 

Autant à cause de la perspective d’apprécier d’être… comme ça avec un homme (eeerrk !) et plus encore parce que c’était Sasuke

 

Naruto émit un grognement frustré, se retourna dans son lit –ce qui provoqua une décharge de douleur dans ses muscles meurtris et tout juste recousus pour certains- et enfouit sa tête sous son oreiller, comme si l’épaisseur de plumes était un bouclier suffisant pour repousser les pensées traîtresses qui s’obstinaient à l’assaillir.

 
 

Et puis qu’est ce qui n’allait pas avec lui, d’abord ?

 

Il venait de tuer son premier ninja S absolument sans aide… Plus important encore, son meilleur ami venait de tuer son frère, le seul membre de sa famille qui lui restait… C’était ce que Sasuke avait toujours voulu, la seule chose qu’il ait jamais voulu... Ce pour lequel il avait coupé tout lien, et abandonné toute fierté… Ce pour lequel il avait presque sacrifié son propre corps, avait manqué de tuer Naruto…

 

Et tout ce à quoi il parvenait à penser était la chaleur de son corps au-dessus du sien et à sa peau pâle zébrée de sang et de mèches noires

 

Il y aurait des changements au sein de l’Akatsuki et en tant que proie il était concerné au premier degré ; il y aurait des changements politiques au village, maintenant que Sasuke était réellement le dernier des siens. Il fallait réfléchir, planifier.

 

Mais tout ce à quoi il arrivait à penser était le visage de Sasuke, si terriblement vulnérable, et le contact infime de ses doigts sur son ventre après…

 
 

Il n’avait pas réfléchi à ce moment-là, il avait agi. Il avait vu le regard fou de Sasuke, perçu la détresse et la frénésie. Ça avait été… la bonne  chose à faire. La seule, sur l’instant.

 

Son propre corps avait réclamé la chaleur, la friction

 

Sasuke avait semblé plus focalisé après, drainé mais présent, sans le dangereux balancement vers la folie.

 
 

Et maintenant ?

 

Sakura avait dit qu’il faudrait du temps… Elle était spécialiste en guérison, alors elle devait forcément avoir raison. Et puis les filles savaient ce genre de chose, non ? Non ?

 

Ou peut-être pas.

 

Sasuke était un crétin qui ne réagissait jamais comme une personne normale, Naruto avait payé pour le savoir. Ce qui se passait dans la tête de mule de Sasuke relevait du mystère scientifique total.

 

Certes, on pouvait observer, tirer des interprétations et faire des suppositions… Qui se révélaient totalement erronées les trois quarts du temps, quand Sasuke réagissait totalement à l’opposé de ce qu’il aurait dû. Il pouvait avoir réalisé ce qu’ils avaient fait, et l’avoir résolument classé dans la catégorie “N’est Jamais Arrivé” et être retourné à son broyage de noir, tout comme il pouvait avoir décidé que ce n’était que ce que c’était, deux frères d’arme soulageant ensemble une tension trop pressante… Il pouvait ne plus y penser du tout, être concentré sur Itachi (et Naruto était probablement un imbécile de seulement penser à d’autres alternatives…)

 

Ou alors il pouvait mépriser Naruto pour lui avoir donné ce pouvoir, pour avoir eut la faiblesse de se laisser prendre, ou il pouvait avoir comprit le lien, ou le haïr pour ce qu’il considèrerait comme un acte de pitié où Dieu sait quoi d’autre…

 

Non pas que Naruto s’inquiète, ou que ce que pense Sasuke ait la moindre importance de toute façon… Mais…

 
 

Il dormit très mal cette nuit-là.

 


 

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