Please notice me, Dedenne-sempaï!

Chapitre 8 : Chapitre 8, ou comment se faire détester en étant pas trop trop égoïste

3814 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2016 01:58

« Cher Dedenne tout-puissant,

Tu peux être fier de moi. J'avance rapidement, j'obtiens les badges les uns après les autres. Je laisse de côté mes préoccupations humaines et superficielles pour me donner tout entière au dieu bon et juste que tu es. Une cause noble qui fera de moi une meilleure personne.

Je crois que j'en ai besoin. »

Je suis arrivée très tôt à la Tour Maîtrise, avant que les touristes n'envahissent les lieux. Il y avait beaucoup de catégories de gens que je n'aimais pas mais les touristes… J'en avais des frissons. Des masses puantes et mal éduquées se pensant supérieures à tout le monde et souvent accompagnées d'une tripotée de bambins qui s'emmerdent et courent partout. Une horreur.

Mais même très tôt le matin, il y avait déjà quelques personnes dans le hall de la tour, à admirer les… Pierres sur les murs. Je n'ai pas tardé à m'engouffrer dans la première porte trouvée, pour me retrouver nez à nez avec la championne et un vieux papi, qui semblaient attendre mon arrivée.

« Oh ! Entre petite entre ! Tu dois être Sannah c'est ça ? Ou Serena ?

-Mais voyons Pépé, c'est Joël, ça se voit que c'est un garçon non ? 

-Oh pardon petit, je n'ai plus toute ma tête, à mon âge. »

Je riais, gênée : « Oh ce n'est rien… Pépé... »

Je jetais un regard à Cornélia, assise à la table au milieu de la pièce assez vétuste. Elle me souriait franchement. Comme Lino à l'accoutumée. Je baissais les yeux. Ce regard… Il me mettait mal à l'aise. J'y voyais le reflet de toute cette admiration que me trouvaient Sannah, Tierno… Le reflet de quelqu'un que je n'étais pas.

Enthousiaste, le papi cherchait quelque chose des yeux.

« Tes camarades ne sont pas là ? Platane m'avait parlé de cinq petits jeunes. »

C'est Cornélia qui lui répondit avant moi :

« J'ai toujours vu Joël seul. C'est un dresseur plutôt solitaire. »

Je haussais un sourcil. Elle semblait en savoir un peu beaucoup sur moi, pour une fille que je n'ai rencontré que deux fois, et pas dans les meilleurs termes. Il faut croire que je suis bien devenu le centre du monde. C'est ce que je voulais. Au départ.

« Je ne suis pas un dresseur particulièrement solitaire, disons surtout que nous ne nous entendons pas. »

Le vieil homme s'est assis, déçu.

« Ah bon… C'est bien dommage. »

Il remarqua quelque chose à mon poignet :

« Qu'est-ce que ceci ? »

Je jetais un regard, c'était la pierre lumineuse que m'avait offert Tierno la veille, que j'avais monté en bracelet. Je la montrais au vieux, l'air de lui demander si c'est ça qui l'intéressait.

« Oui, ça ! C'est ma pierre insolite ! Mais où l'as-tu trouvé jeune fille… Jeune homme ! Je voulais dire jeune homme ! C'est un cadeau ? »

Merde, Tierno l'aurait piqué ?

« Ah non non ! C'est moi qui l'ai trouvé ! Elle était dans le sable et... »

La porte derrière moi s'ouvrit en grand. C'était Tierno et Trovato qui venaient d'arriver. Je leur fis un grand sourire, heureuse qu'ils viennent me sortir de cette situation gênante. Mais Tierno ne me regardait même pas. Que se passe-t-il ?

« Et bien les voilà tes petits camarades ! »

Les deux s'assirent en silence autour de la table, après de brèves salutations. Puis Serena et… Sannah entrèrent à leur tour. Cette dernière me lança un regard timide, et je levais les yeux au ciel, agacé.

« Oh quel bonheur, tout le monde est arrivé ! Nous allons pouvoir commencer ! »

Encore un discours sur les mégas évolutions à la con.

Pépé était gai comme un pinson de pouvoir nous abrutir de son discours. Trovato était attentif, au point de prendre des notes sur les bases de l'évolution. Chenipan, Coconfort, Papilord et tout ce bordel qu'on nous balances depuis nos trois piges. Cornélia sirotait son thé, probablement habituée à ces belles paroles. Sannah jouait avec sa cuillère au fond de sa tasse. Mais pour les deux derniers, c'était la bataille de regards. Je fixais Tierno, inquiète de son comportement. Il avait sûrement appris ou entendu quelque chose sur moi, probablement désavantageux ; Il était si différent par rapport à la veille… Lui fixait Sannah. Déjà parce qu'il ne savait pas où poser ses yeux, mais aussi parce que son comportement à mon égard l'intriguait. Et elle, me fixait, bêtement, innocemment, amoureusement, sûrement désireuse que je la remarque, et totalement ignorante de la tempête qui se préparait autour d'elle.

« Moi. Je prendrais le méga-anneau. »

Serena avait parlé. Elle semblait déterminée. Je m'en fichais complètement. Le pépé déclara :

« Bon et bien ça va se jouer entre vous deux. Serena et Joël »

Je me redressais d'un coup. C'est quoi cette histoire ?

Sannah remarqua la première mon étonnement :

« Bien sûr Joël ! Tu es le meilleur dresseur d'entre nous !

-Mais je me fiche de…

-Quel honneur ! » Ajouta Trovato. « Joël tu vas devenir héritier des mégas-évolutions !

-Mais… Non ! Je n'ai jamais demandé à…

-Très bien, je t'attends dehors Joël, pour un combat pokémon. Mais je te préviens, je ne perdrais pas. »

Et avant que je n'ai le temps de répondre, elle claquait déjà la porte. Je poussais un long soupir, le visage dans mes mains. Quelle affaire.

* * *

Le combat s'est vite fini. Serena était en larmes. Je ne voulais pas ça, mais j'étais coincée maintenant. Coincée dans un rôle que je ne veux plus tenir mais je le dois, pour les autres. Tierno me regardait gravement. Je ne tenais aucune gloire de cette misérable victoire. Il s'en alla avec Trovato, Serena sous le bras pour la consoler. Il chuchota avant de partir :

« Joël, moi je me fiche d'être un dresseur d'exception. Mais je suis comme tout le monde, tout ce que je souhaite, c'est un peu de considération. »

Mais moi aussi Tierno. Moi aussi je suis triste, et bien plus que toi. Égoïste.

C'est Sannah qui me ramena à la réalité. Une main sur l'épaule, elle attira mon attention :

« Joël ? Cornélia aimerait te parler.

-Je me fiche de Cornélia, du méga anneau et de tout le reste. Laisse-moi tranquille Sannah. »

Mais bien sûr elle ne pouvait pas me laisser tranquille la petite Sannah, jamais. Elle me suivit jusque dehors, jusqu'à l'arène, Sannah, pour me montrer à quel point son amour est pur. Et plus Sannah faisait ça, plus je la haïssais. Mais je ne pouvais pas la faire dégager, après tout ce qu'elle m'avait dit au palais Chaydeuvre.

« Je suis contente d'être partie en voyage avec vous » disait-elle. Moi, je n'étais plus sûre de rien. Comme d'habitude j'ai envie de dire. Mes propres pensées me semblaient parfois impénétrables. Je ne disais rien, néanmoins, et elle fit semblant de ne pas le remarquer. Elle resta avec moi jusqu'au pied de la porte.

« A bientôt, Joël.

-A bientôt Sannah.

-Tu es fort hein ? »

Je relevais la tête. Pourquoi cette question. J'imaginais qu'elle pouvait vouloir dire différentes choses. Peut-être une forme d'encouragement, pour me donner confiance en moi.

Ou bien une demande. Peut-être voulait-elle se persuader que moi, contrairement aux autres, j'étais fort. Et ainsi, ils n'avaient pas besoin de l'être, seulement de prendre exemple.

Quel exemple.

* * *

L'arène en elle-même n'était pas aussi impressionnante que les autres. Tout juste un terrain de roller où s'entraînaient une demi-douzaine de gamins. Je n'avais pas le choix, je devais les affronter, mais je n'en avais plus aucune envie. C'en était devenu barbant. Et même, ça commençait à devenir stressant. Parce que j'étais à tout instant terrifié de perdre un pokémon que je chérissais dans le combat. Je disais à peine bonjour aux dresseurs, qui étaient tous devenus mes ennemis, alors que ce n'était pas leur faute à eux. Je ne le réalisais qu'à moitié mais le problème était sous mes yeux : le fonctionnement défectueux de mes pokéballs. Et pourtant j'en avais essayé de toutes sortes, je faisais attention à en prendre des différentes à chaque fois, jamais issus du même lot. Mais le problème était à chaque fois le même. Et tout me menait à penser que le problème venait de moi. Mais ça, je ne préférais pas y penser.

Cornélia m'attendait toute guillerette au centre de l'arène. Je ne lisais plus une once d'animosité dans ses yeux. Elle était devenue une de ces gamines énergiques et incroyablement heureuse d'être dresseuse de pokémon, comme j'en croisais à tous les coins de routes. Elle aussi était ennuyante.

Heureusement, le combat ne dura que très peu de temps. J'avais Quetzalcoatl avec moi et sa force était inégalable. Clairement, ce pokémon m'effrayait, et j'avais la sensation angoissante qu'il devait parfaitement le savoir. En une seule attaque, il mettait fin à chacun des pokémons de la championne, et ce malgré plusieurs niveaux de différences. Elle était impressionnée, mais comme à chaque fois, comme tout le monde. Tout le monde m'admirait moi et mes qualités de dresseurs quand les meilleurs pokémons se présentaient à moi au milieu des routes.

« Bravo Joël ! Voilà le badge Lutte et… »

Une capacité technique de ton attaque secrète pour l'apprendre à un de mes pokémons. Mais n'as-tu pas d'honneur ?

« Suis-moi jusqu'à la tour maîtrise pour te remettre le méga-anneau, c'est traditionnel. »

Elle est stupide. Ils le sont tous en fait. Vous ne me devez rien, vous voyez bien que je reste au fond du terrain à chaque combat, les bras ballants, que je donne à peine des ordres à mes pokémons. Par flemme, par ennui, ou par peur, pour Quetzalcoatl. Je n'aurais pas dû lui donner un nom de dieu tiens.

« C'est un peu haut, mais tu vas voir ça se fait vite. »

Mais pourquoi je suis comme ça moi ? Pourtant, n'était-ce pas mon souhait le plus cher, devenir un dresseur respecté de tous ? J'étais destiné à ça, je le savais depuis longtemps. Au point de me prendre pour un messie. Alors pourquoi une fois que j'ai atteint mon but, je me sens illégitime comme ça ?

Peut-être que c'est parce que c'est pour lui que je dois me battre. Pas pour moi.

« Bonjour Joël. »

Dans la tour, au fur et à mesure que nous montions, Cornélia et moi, un nombre croissant de dresseurs nous accompagnaient. De tous âges, ils sortaient de petits appartements individuels et grimpaient avec nous les marches. J'avais un peu de mal à comprendre qui étaient tous ces gens. Ils murmuraient, ils semblaient déçus, ils n'avaient pas le même enthousiasme que la championne sur le visage. Et pourquoi vivaient-ils dans la tour maîtrise ?

Nous arrivions en haut, sur un balcon en pierre, au sommet de la tour. La jeune fille se tourna vers moi, leva les yeux au ciel, inspira une bouffée de l'air nocturne. L'instant semblait solennel, et moi, je ne savais même pas ce que je foutais ici. Derrière moi se tenaient une vingtaine de jeunes, et un Pépé volution avec des larmes d'émotion au coin des yeux. Cornélia prit la parole.

« Joël, je suis contente que ce soit toi qui deviennes l'héritier. »

L'héritier ?

Alors tout devenait clair. Tous ces gens faisaient partie d'une seule et même lignée. Cornélia, Cornélius… Une légende disait que la première personne ayant fait méga évoluer un pokémon s'était trouvé ici, et que sa descendance occupait les lieux. Je l'avais lu sur un panneau explicatif pour les touristes, sûrement pendant un combat pokémon où je n'avais pas su rester concentrée. Et tous vivaient dans l'espoir de devenir le prochain, l'heureux descendant arrivant à maîtriser la méga-évolution.

C'en était trop.

« Cornélia, je ne peux pas accepter. »

La phrase résonna en écho chez les observateurs. La jeune fille ne comprenait pas.

« Mais Joël, tu es le meilleur d'entre nous ! C'est toi qui le mérite !

-Non, je ne mérite pas tant d'honneur, et je ne souhaite pas les avoir. Quoi qu'en dise le professeur platane. Cet anneau doit revenir à votre communauté.

-Non, tu te trompes je…

-Ça suffit. »

Je tournais les talons, traversais les rangs de mes concurrents, sortais par la petite porte sans un bruit. Je les regardais tous un à un. Leur regard satisfait, circonspect, ou celui, déçu, du vieux. Je me tournais encore une fois vers Cornélia, cette fille qui ne m'inspirait plus que de la pitié. Elle avait des larmes au coin des yeux, comme si elle avait failli à quelque chose. Mais ce n'était plus mes affaires. Je n'en pouvais plus de ces simagrées.

En bas, je croisais Serena, venue me féliciter. Elle ne savait pas que la cérémonie n'avait pas eu lieu, que j'avais refusé ce à quoi elle tenait tant. Sûrement ce qui a fait que j'avais perdu toute confiance de ceux qui pouvaient être mes amis, Tierno et Trovato. Elle souriait.

* * *

Je n'ai pas perdu de temps pour la suite. La route jusqu'à Port Tempères était courte mais semée de dresseurs que je devais battre pour l’entraînement de mes pokémons et indirectement, pour leur assurer sécurité. Parfois, j'ai l'impression que c'était l'inverse. Charlotte, le cheniselle que j'avais avec moi depuis le tout début de mon aventure, avant même Millie, le Dedenne offert par le tout-puissant, n'a pas survécu. Quand j'ai vu le Seviper de l'ennemi planter ses deux crocs dans sa chair, j'ai fermé les yeux, présageant la suite. J'ai pleuré un peu, en pensant à ce que l'on avait vécu ensemble, du réconfort qu'elle m'avait apporté à plusieurs reprises. Mais l’hécatombe qu'a été mon aventure à Relifac-le-haut m'avait appris à me relever malgré tout, à me concentrer sur mon aventure. Sur le pourquoi j'étais ici, sur ma mission principale.

J'ai prié pendant une bonne heure, et ais sortis toute l'équipe de leur pokéball, pour rendre un hommage à notre compagnon de voyage. Nous faisions un drôle de tableau. Un dresseur aux cheveux roses mal coupés, sa casquette sur les genoux, accroupis face à la tombe improvisée de son pokémon, entouré d'un Ronflex, un Hariyama, un Cryptero, un Amagara et un petit Dedenne sur l'épaule. Un homme relativement âgé s'est approché de moi, à déposer une petite fleur sur la tombe. Je l'ai remercié d'un signe de tête. Il a sourit tristement et a déposé à côté de moi une pokéball avant de repartir.

J'ai sorti son habitant, curieuse. C'était un pokémon de ma région natale, j'avais déjà eu l'occasion d'en voir. Un Locklass. Je posais ma main sur son front, il ferma les yeux.

« Tu t’appelleras Louane. »

Le pokédex récitait :

« Docile de nature, niveau 30, s'assoupit souvent. »

Et en effet, le nouveau venu ne rouvrit pas les yeux. Je riais en le remarquant. Tout content d'avoir un nouveau dresseur, le grand pokémon s'était endormi sur le coup. Et il avait bien raison. Il se faisait tard, et j'avais été trop pressé : nous n'atteindrons pas la ville avant la nuit. J'ai souri à toute la petite troupe.

« Nous méritons bien un peu de repos. »

Nous avons mis un peu de temps à s'installer. Il y avait une petite clairière à côté du ranch des Cabriolaines où on avait fait le campement, juste à côté d'un cours d'eau pour Louane. J'avais quelques pokémons imposants maintenant, et si Millie ou Nono n'étaient pas difficiles à coucher, Quetzalcoatl, Alexandra et Abel l'étaient davantage. Le premier se camoufla dans les arbres, ne souhaitant pas se mêler aux autres. Alexandra et Abel, devenus amis, décidèrent de se mettre côte à côte pour se donner chaud. Je me suis assise entre eux, sans vraiment savoir quel comportement adopter. J'avais beau être avec eux pendant toutes les séances d'entraînement, leur délivrer quelques caresses pour les remercier du travail accompli, je n'avais pas tellement l'habitude de m'occuper d'eux tous.

Je caressais Millie et Nono venus s'installer entre mes genoux, et sortais un paquet de biscuits de mon sac. Tout de suite, Abel et Alexandra me lancèrent des regards envieux, à ma grande surprise. Je n'avais jamais nourri un pokémon. Ils se débrouillaient tous seuls dans leur pokéball, je ne savais pas vraiment comment cela fonctionnait.

Je tendais timidement une poignée de gâteaux aux deux grands pokémons, qui s'en emparèrent sans hésitation. J'observais ces deux géants prendre ces minuscules gâteaux entre leurs griffes, ouvrir grand leur bouche, et avaler goulûment en un dixième de seconde les biscuits secs. Et je riais, je riais très fort de leurs petites mimiques de titans, les sourires satisfaits de ces combattants, capable de tuer n'importe quel homme par inadvertance, se complaire de friandises humaines. Tout le paquet y est passé. C'était loin d'être suffisant bien sûr, mais je me jurais d'acheter le plus vite possible de la nourriture pour pokémon domestique.

Je me suis endormi au milieu de ces géants, sans m'inquiéter du froid. J'étais heureuse de les avoir, mine de rien. Je me suis levée au milieu de la nuit, pour voir une dernière fois la tombe de Charlotte. Je ne la reverrai plus. Je ne l'avais même pas remercié pour sa dévotion. Pour avoir accepté de suivre une dresseuse comme moi.

Pardon. Merci Charlotte. Puisse le grand Dedenne veiller sur toi.

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