Etoiles et chaos

Chapitre 14 : Chapitre treize

5024 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 09:19

TITRE : Etoiles & Chaos

AUTEUR : Ardell

DISCLAIMER : Les personnages et l'univers de Saint Seiya appartiennent à Masami Kurumada. Seul le personnage de Cinnamon est à moi.

 

CHAPITRE TREIZE

Après la disparition de Cinnamon, ce fut un silence consterné qui s'abattit dans la pièce. Les Chevaliers d'Or gardaient le silence, encore trop choqués par de telles révélations, tandis que les Saints de Bronze les observaient sans trop savoir que dire. Enfin, n'y tenant plus, Seiya s'exclama :

— Qu'est-ce que ça signifie ? Je croyais que Cinnamon n'avait aucune cosmo-énergie !

— Nous aussi nous y avons cru... répondit Aiolia, le poing serré. Durant tous ces mois, je n'ai vu en elle qu'une civile ordinaire et sans défense... Comment puis-je être assez stupide pour m'être laissé manipuler, par lui d'abord et par elle ensuite ?

— Dans ce cas, nous avons tous été un peu bêtes, intervint Aldébaran. Aiolia, tu n'as rien à te reprocher. Même Shaka n'a rien vu venir...

L'intéressé, très pâle, se contenta de hocher la tête.

— Et d'abord, qu'est-ce que c'est que ce cosmos noir ? C'est la première fois que je vois une chose pareille ! s'écria Seiya.

— Un cosmos noir... un cosmos négatif.

Mû, qui s'était levé et approché de l'une des grandes fenêtres, avait parlé d'une voix douce. Ce qui n'empêcha pas ses compagnons de ressentir parfaitement la gravité qui transparaissait derrière son calme apparent. Le Bélier était très inquiet.

— Un cosmos négatif ? répéta Pégase.

— Mon Vieux Maître m'en a parlé autrefois. D'après lui, si un tel cosmos devait exister, ce ne devait être qu'en théorie et non en pratique. Parce que cela contredit tout ce que nous savons sur le cosmos.

— C'est bien cela, Shiriyu...

Soudain une aura dorée enveloppa le Chevalier de la Vierge, et Mû s'interrompit. Puis la lueur diminua d'intensité avant de disparaître.

— Athéna me demande, expliqua Shaka. Veuillez m'excuser.

Alors qu'il sortait du salon, le gardien du premier Temple poursuivit :

— Nous savons que le cosmos est le résultat, principalement, de la conscience et de la volonté. La couleur noire d'une aura traduit une altération de ces deux éléments. La cosmo-énergie ainsi produite n'est qu'une force pervertie et négative...

— Je vois. C'est comme les Chevaliers Noirs.

— Non, Seiya. Le cosmos des Chevaliers Noirs est normal, au départ. C'est à cause de leur égoïsme, de leur haine et de leur volonté de domination que leur aura s'est retrouvée diminuée. Au point de faire d'eux des parias, les plus faibles parmi la Chevalerie d'Athéna. Or un cosmos noir ne se développe que chez une personnalité profondément perturbée. Imagine une personne qui aurait le potentiel pour développer une aura, mais qui, pour une raison ou une autre, aurait des problèmes d'identité. Son cosmos aurait été réveillé, cependant la partie consciente de cet être nierait cette faculté. Plus que ça, même. Pour manifester une telle aura, cette personne doit s'être niée elle-même. Elle peut utiliser ses pouvoirs mais rejette sa propre existence.

— C'est affreux ! C'est comme si...

— En effet, Shun. C'est comme si elle n'était qu'un fantôme.

— C'est absurde ! protesta Milo. Nul ne peut développer une cosmo-énergie en se niant lui-même ! Le cosmos, c'est la vie, pas la mort !

— Il suffit de posséder un très fort potentiel. Et que ce potentiel soit éveillé... Quelque part en elle cette force devait d'ors et déjà exister, indépendamment des contingences psychologiques. Nous ne devons pas non plus oublier la possibilité que cette altération se soit produite après la naissance de sa cosmo-énergie...

Chevalier Pégase, pourrais-tu nous rejoindre, Athéna et moi, dans la salle du Pope ?

Seiya leva les yeux.

— Cette voix... c'est celle de Shaka ! Il est arrivé quelque chose à Saori ?

— Vas-y, l'encouragea Shiriyu. On te racontera.

Chevalier Pégase, nous t'attendons...

— Non mais pour qui il se prend ? C'est bon, j'arrive !

Et Seiya se précipita dans le couloir en espérant qu'il n'était rien arrivé à Saori. Après son départ, Mû reprit :

— Ce cosmos négatif explique que nous n'ayons jamais pu le déceler.

— Cosmos noir ou pas, Cinnamon a une langue et elle nous côtoie depuis assez longtemps pour savoir qu'elle peut nous faire confiance, dit Aiolia. Elle n'a rien dit et maintenant...

Aldébaran intervint, craignant que la colère du Lion ne lui fasse révéler certains détails qui auraient dû rester secrets... Sa voix résonna dans le salon comme un grondement de tonnerre.

— Aiolia ! J'ignore pourquoi Cinnamon n'a rien dit mais tu sembles oublier une chose. Dois-je te rappeler qu'elle a essayé de se jeter par la fenêtre, il n'y a même pas une semaine ?

Bras croisés, le Taureau toisait le Lion de toute sa hauteur. Peu impressionné, Aiolia soutint son regard puis haussa les épaules.

— Tu as raison, admit-il enfin. Nous ne savons pas ce qui s'est passé. Ça n'a sûrement pas été facile pour elle.

Il se détourna et ajouta :

— N'empêche que tout s'explique, à présent. Voilà pourquoi DeathMask était si dur avec elle, voilà pourquoi elle était couverte de bleus quand elle sortait de chez lui. Il ne la battait pas. Il l'entraînait.

— Parce qu'il ne pouvait pas faire les deux en même temps ? D'ailleurs, je te signale qu'elle n'a pas le niveau d'un Chevalier de Bronze. Suis-je le seul ici à penser que son entraînement physique ne constituait pas la priorité ?...

Tous se tournèrent vers Ikki. Les Saints d'Or, contrariés, songèrent qu'il allait être difficile de tenir ce Bronze-là à l'écart...

Salle du Grand Pope

Seiya arriva devant le trône du Pope. Athéna y était assise, mains sur les genoux et tête baissée.

— Que se passe-t-il, Saori ? demanda-t-il, un peu déconcerté car il s'attendait presque à faire face à un quelconque danger. Saori ?

La jeune fille venait de lever la tête. Ses magnifiques yeux pers étaient humides de larmes.

A cet instant, Pégase comprit que ce n'était pas la déesse elle-même qui se tenait devant lui mais l'adolescente nommée Saori Kido. Elle arborait un air si désemparé qu'il se souvint de la charge écrasante qui pesait sur ses frêles épaules. La réincarnation d'Athéna n'était encore qu'une enfant, et pourtant elle supportait des responsabilités que n'avaient pas bien des chefs d'Etats.

Shaka se tenait à ses côtés, aussi droit et impassible que d'habitude.

"C'est pas vrai ! Une jeune fille pleure tout près de lui et ce type n'est pas fichu de la consoler ?!"

Sur ces pensées admiratives vis-à-vis du Saint de la Vierge, Seiya s'avança vers l'adolescente.

— Saori, qu'est-ce que tu...

— Oh, Seiya !... s'écria-t-elle. Je suis désolée, je croyais que je pourrai...

— Que tu pourrais quoi ?

— Gérer la situation !

— Alors tu savais ? Tu savais que Cinnamon avait un cosmos noir ?

— Oui... non ! Je ne connais pas les détails. J'ignore ce dont elle est capable. Je sais seulement qu'elle a énormément souffert, et je pensais...

Petit reniflement.

— Je pensais qu'en l'entourant d'affection et en lui offrant notre amitié, en lui faisant comprendre que l'Homme, même s'il commet des erreurs, mérite une seconde chance... Après tout, cela a fonctionné sur Ikki. Je me suis trompée, j'ai échouée...

— Ne raconte pas n'importe quoi, tu veux ! Si Cinnamon ne voit pas tout ce que tu peux lui offrir, c'est son problème ! Ce que je sais, moi, c'est qu'à chaque fois que je doutais, que j'étais aux portes de la mort, c'est ta voix qui me parvenait en premier pour m'encourager ! Nous sommes les Chevaliers de l'Espoir, et tu es notre espoir ! C'est toi que nous servons ! Saori, tu as le droit de craquer, mais sache que Shiriyu, Hyoga, Shun, Ikki et moi, nous suivrons toujours notre déesse. Nous te suivrons toi, Saori, parce que tu es notre amie. Celle qui nous insuffle le courage, qui nous redonne foi en l'espèce humaine. C'est grâce à toi que nous y croyions encore.

Un sourire lumineux éclaira le beau visage de la jeune fille.

— Oh Seiya... Merci.

— Pour ce qui est de Cinnamon, on va la retrouver et lui faire entendre raison. Tu vas voir... assura le Chevalier avec un clin d'oeil.

— Tu es venu juste à temps pour me remonter le moral. Merci encore, Seiya.

A ces mots, le garçon jeta un coup d'oeil à Shaka, toujours aussi imperturbable. Se pouvait-il qu'il l'ait appelé de son propre chef ?

— Content de constater que ça va mieux... Heu, si tu permets j'aimerai bien retourner avec les autres, je suis en train de rater les explications et on va dire que je comprends rien !

Saori éclata de rire et lui accorda son congé.

Alors qu'il quittait la salle, son regard reprit son expression triste et préoccupée.

— Un cosmos noir... Oh Shaka, je ne savais pas qu'ils l'avaient abîmée à ce point...

A nouveau les yeux pers se remplirent de larmes.

Peu après

— ... et qu'en est-il du SekiShiki ? demandait Shiriyu alors que Seiya passait la porte en dérapant sur le marbre.

— Ça va, j'ai rien loupé ?

— Seiya ! fit Hyoga avec un regard réfrigérant, ennuyé par cette interruption.

Mû s'empressa de s'interposer.

— Pour répondre à ta question, Shiriyu, non ce n'est pas tout à fait le SekiShiki. Ce doit être une variante. Cinnamon n'a lancé aucune attaque, pourtant il semblerait qu'elle obtienne le même résultat par simple contact. On sait maintenant pourquoi elle a réclamé des gants, lorsqu'elle est apparue il y a quelques jours... Peut-être ne maîtrise-t-elle pas totalement ce pouvoir.

— Il y a une chose que je ne comprends pas, avoua Milo. DeathMask méprisait la faiblesse. Pourquoi aurait-il pris comme apprentie une gamine qui, de toute évidence, n'avait pas la force de riposter à ses coups ? Je le vois mal se contenter d'une disciple qui n'arrive même pas au niveau d'un Chevalier de Bronze. Sans vouloir vous vexer.

Une série de grommellements indiqua au Scorpion que les Bronzes ne lui en tenaient pas rigueur.

— Va savoir ce qui se passait dans la tête de ce psychopathe, répondit Aiolia. Bon, d'accord, je veux bien admettre qu'elle en a certainement bavé avec lui. N'empêche qu'elle aurait dû nous le dire.

Cette dernière phrase avait été murmurée mais tous en saisirent le sens. Pourquoi ne lui avait-elle pas parlé, à lui ? Il était Chevalier d'Athéna, défenseur de l'amour et de la paix dans le monde. Etait-il malgré tout si peu digne de confiance ? Il avait la désagréable impression d'avoir failli quelque part.

— Je propose que la réunion soit levée, suggéra Aldébaran. Chacun pourra en profiter pour y réfléchir dans son coin.

Surtout qu'on se retrouve entre Golds pour discuter librement de nos armures... Ce sous-entendu, tous ses frères d'armes l'entendirent aussi distinctement que s'il l'avait crié.

Les Saints d'Or — à l'exception de Mû qui les pria de l'excuser — se réunirent dans la Maison du Scorpion, tandis que les Chevaliers de Bronze se rendaient aux arènes. Dans lesquelles ils ne furent que quatre à arriver...

Maison de la Vierge

Shaka venait de pénétrer dans son Temple lorsqu'il sentit immédiatement la présence d'un Chevalier. Son oeil mental distinguait parfaitement la flamboyance de son aura, bien qu'elle fut en repos. Esquissant un sourire, le Saint de la Vierge avança dans la salle principale.

— Puis-je t'être utile, Phénix ?

— J'ai d'abord pensé montrer ça aux autres et puis je me suis dit que, comme tu m'avais confié tes impressions sur Cinnamon, tu méritais peut-être d'avoir la primeur.

Ce-disant, Ikki lança un objet à Shaka, qui le rattrapa d'une main. Cela ressemblait à une liasse de papiers contenue dans une chemise de cuir.

— Qu'est-ce que...

— Oui, ça a l'air un peu brouillon comme ça mais je t'assure que c'est intéressant. Enfin, au moins quelques pages. Bien sûr, il n'y en a pas assez pour qu'on puisse tout savoir sur cette affaire : je suppose qu'il a jeté le plus gros. Néanmoins on peut se débrouiller avec ça.

— Ikki, ne me dis pas que tu as trouvé...

— Il a fallu que je fouille sa chambre de fond en comble. Je n'y connais pas grand chose, mais je crois qu'un tel luxe est indécent pour un soi-disant saint homme.

— Ce que je tiens dans ma main...

Phénix hocha la tête.

— ... est le journal de Saga. Ou du moins un fragment.

Palais du Grand Pope

Après avoir requis des renseignements auprès d'un garde, Mû s'aventura dans une partie reculée du Palais. Il constata immédiatement la différence : cet endroit était moins éclairé, et moins voire pas du tout décoré.

Tout au fond d'un couloir, dans un angle, quelques marches de bois précédaient une porte faite du même matériau. Le Chevalier du Bélier monta le petit escalier et poussa le battant, remarquant par-là que celui-ci ne possédait ni verrou ni serrure.

La chambre était propre et bien tenue, mais cela ne suffisait pas à faire oublier sa petitesse et son mobilier sommaire, juste un lit, une commode et une chaise. La salle de bain quant à elle était minuscule et sans fenêtre. Celle de la chambre, qui donnait à l'est, était dissimulée par des voilages de coton écru. Heureusement, la blancheur des murs parvenait à conférer un peu de luminosité à la pièce.

Mû ouvrit les rideaux, laissant ainsi le soleil pénétrer les lieux.

— C'est donc là que tu as été installée, murmura-t-il. A croire que Saga a été contraint d'héberger une cousine indésirable... qu'il se serait empressé de reléguer dans un coin isolé.

Une délicieuse fragrance flottait autour du lit. S'en approchant, Mû vit une rose rouge séchée, posée sur l'oreiller. Un cadeau d'Aphrodite...

Le Bélier se secoua. Il était venu ici pour une raison bien précise. Poussé par une inspiration, il écarta les draps et souleva le matelas. Un sourire illumina son visage et il tendit la main pour sortir l'objet de sa cachette. Un vieux livre à la reliure de cuir et aux pages jaunies, si anciennes que l'on pouvait craindre de les déchirer rien qu'en les effleurant... Cet ouvrage, Mû l'avait cherché partout dans la bibliothèque.

A présent il en était certain, Cinnamon s'était inspirée de ce grimoire.

Le gardien du premier Temple sut qu'il passerait sans doute toute la nuit à l'étudier.

Vendredi 13 mars 1987 – 14 h 30

Maison du Bélier

Par un accord tacite, les Chevaliers s'étaient réunis dans la salle principale du premier Temple. En voyant les Bronze chez lui, Mû soupira discrètement. Lui qui avait espéré pouvoir parler tranquillement à ses compagnons d'armes... Il leur fit néanmoins un accueil aimable et sincère.

C'est alors que Seiya passa à l'attaque :

— Bon alors, qu'est-ce qu'on attend pour aller chercher Cinnamon ?

— Il faudrait peut-être qu'on sache d'abord où elle est, contra Hyoga. De plus, on a déjà fouillé tout le Sanctuaire.

— Justement, on doit continuer ! Je ne peux pas croire qu'elle ne soit plus dans le Domaine Sacré !

Aldébaran se tourna vers son ami :

— Mû ?

Le Saint du Bélier était soucieux et cela ne lui avait pas échappé. Mû lui sourit, un sourire qui signifiait "Je vous expliquerai tout...". Les autres Golds surprirent cet échange silencieux et durent se retenir pour ne pas laisser éclater leur soulagement. Enfin ! Le mystère des armures serait bientôt éclairci !

En attendant, les Bronze avaient raison. Ils devaient retrouver Cinnamon.

— Par Athéna ! s'exclama soudain Shiriyu, très pâle.

— Quoi, qu'y a-t-il ? s'alarma Seiya.

— J'aurai dû y penser plus tôt. Et si Cinnamon n'était tout simplement plus présente ici ?

— Heu, Shiriyu... tu es sûr que ça va ? Bien sûr qu'elle n'est pas là !

— Non, je veux dire... Pas ici, dans notre réalité.

— Tu as tout à fait raison, Shiriyu, approuva Mû. Cela paraît tellement évident à présent.

Seiya les regarda, énervé de ne pas savoir.

— Mais bien sûr !

Allons bon, c'était au tour du Taureau d'entrer dans la confidence. Bientôt, Pégase serait le dernier averti.

— J'avoue que je ne vous suis pas, confessa Shun.

Ouf, sauvé !

Le Bélier consentit enfin à le leur expliquer :

— Vous oubliez que Cinnamon était l'élève de DeathMask.

Les yeux de Shun s'écarquillèrent. Il avait compris, de même que tous les autres.

— Alors ça veut dire... commença Seiya.

— Oui, Seiya. Tout comme lui, on peut imaginer qu'il y a un endroit où elle est capable de se rendre.

— Yomotsu Hirasaka, termina Shiriyu.

Quelques secondes de silence accueillirent ces paroles. Puis :

— Tu m'avais dit qu'il était le seul à pouvoir s'y rendre à volonté, protesta Pégase.

— C'est vrai cependant, lorsque je l'ai combattu, il n'avait aucune raison de me parler de Cinnamon, dont on ignorait l'existence.

— Maintenant qu'on sait où elle est, allons-y !

Aldébaran se sentit obligé de modérer l'enthousiasme de Seiya :

— Impossible. Tu l'as dit toi-même : personne ne peut aller dans cet endroit... et en revenir.

— Je vais y aller, décida Shiriyu. C'est là que j'ai vaincu DeathMask, je connais donc un peu les lieux...

— Et tu peux nous dire comment tu comptes revenir dans le monde des vivants ? De plus, tu crois vraiment qu'elle t'écoutera ?

Ayant toute leur attention, Ikki s'avança et continua :

— Je ne veux pas te vexer, Shiriyu, mais je pense que tu n'es pas du tout qualifié pour ce job.

— Quoi ?

— Ce que je veux dire, c'est que tu vas essayer de raisonner cette fille, alors que tu as tué celui qui était son mentor.

— Que proposes-tu ?

— C'est simple. C'est moi qui vais la chercher.

Aussitôt ce fut un concert de protestations. Seiya voulait qu'ils y aillent tous ensemble, Shun objectait qu'il y avait sûrement un autre moyen et que Cinnamon ne resterait pas là-bas ad eternam, Shiriyu insistait pour s'y rendre parce qu'il connaissait les lieux, et Hyoga... Hyoga se taisait.

— Bon, ça suffit maintenant ! fit la grosse voix d'Aldébaran. Vous vous comportez comme des gosses ! Ikki n'a pas tout à fait tort.

— En effet, dit Shaka. Il est le seul à pouvoir revenir de l'enfer. Si quelqu'un a une chance de réussir, c'est lui. Mû...

— J'ai compris, Shaka.

Les deux Chevaliers exposèrent leur plan. En conjuguant leurs efforts, ils pouvaient peut-être envoyer Phénix dans cette région intermédiaire qu'était Yomotsu. Après tout, ils avaient eux-aussi de puissants pouvoirs psychiques. Pendant qu'Ikki s'efforcerait de faire entendre raison à Cinnamon, ses frères surveilleraient le temps écoulé. Au-delà d'un certain moment, la mort ne serait plus simulée mais effective.

— N'oublie pas, Ikki, insista Mû. Il est vrai que tu peux revenir de l'enfer, néanmoins lorsque tu l'as fait, c'était parce qu'on avait besoin de toi, que tes frères étaient en plein combat. Nous ne pouvons pas garantir que ce soit aussi facile en temps normal. Il y a toujours un risque.

"J'espère que nous aurons assez de forces, Shaka et moi... De tous les Saints d'Or, nous sommes les seuls à peu près en état... Comme si être privés de nos armures nous avait privés d'une partie de notre énergie."

Cela, évidemment, Mû ne pouvait pas l'exprimer à voix haute.

— Ça va, j'ai compris.

Tous se rendirent dans le salon du Bélier. Mû et Shaka se placèrent à côté d'Ikki.

— Prêt ?

— Je vous attends.

— Ikki...

— Ne t'en fais pas, Shun. Je serai de retour bientôt.

Une lueur dorée entoura soudain la Vierge et le Bélier. Peu à peu, elle s'intensifia jusqu'à recouvrir entièrement Phénix. Dans l'assistance, seuls les autres Saints d'Or comprenaient à quel point l'effort était intense.

"Si Athéna savait ça... ne put s'empêcher de penser le Taureau. Mais nous n'avons pas le choix, j'y serais allé moi-même si c'était possible... Athéna, pardonnez-nous."

Soudain le corps d'Ikki bascula en arrière et il s'effondra sur le canapé.

Il avait toute l'apparence de la mort.

— Bonne chance, Chevalier... murmura Mû, épuisé.

Yomotsu Hirasaka

Ainsi c'était donc ça, cette fameuse antichambre de l'Enfer...

Une vaste étendue de collines et de rochers sur laquelle brûlaient des centaines, voire des milliers de flammes bleuâtres. D'ailleurs le paysage de cet endroit désolé était tout entier coloré de camaïeux de bleus et de gris. Au loin, une file indienne de silhouettes décharnées se dirigeait vers une montagne... ou un volcan.

— Le puits de l'Enfer...

— Coucou !

Ikki fit volte-face. Cinnamon se tenait devant lui, un aimable sourire aux lèvres. Le Chevalier remarqua tout de suite que ses yeux avaient retrouvé leur bleu mauve.

— Tu es venu me rendre visite ? C'est très gentil. Ceux-là n'ont pas beaucoup de conversation.

— Ceux-là ?

Phénix comprit très vite qu'elle parlait des âmes prisonnières de ce lieu maudit.

— Je suis venu te chercher, ils s'inquiètent tous pour toi, dit-il.

La jeune fille croisa les bras dans une attitude boudeuse.

— J'ai pas envie. C'est ici chez moi.

— C'est ce que tu crois. Il n'y a que les morts qui demeurent ici, toi tu es vivante...

Elle ferma les yeux et secoua la tête. Les paroles de Mû résonnèrent à l'oreille d'Ikki. Un cosmos noir apparaît chez une personne qui se nie elle-même.

— Je sais ce qui s'est passé. Saga s'est servi de toi, il n'a pas hésité à...

— Messire Saga n'a rien fait de mal, t'entends ?! Rien du tout ! hurla-t-elle soudain. Je t'interdis de dire du mal de lui ! Il n'a rien fait, rien !

Elle s'était raidie, les bras le long du corps et les poings serrés. Son regard brillait de colère et d'indignation... et Ikki distingua une larme dans sa prunelle.

Une aura sombre commençait à se former autour de l'adolescente.

Aussitôt un cosmos flamboyant entoura le Chevalier.

— Saga n'a peut-être rien fait... admit-t-il. Seulement Saga était double, et tu le savais. C'était l'autre, n'est-ce pas ? C'est à cause de lui que c'est arrivé ?

Cinnamon baissa la tête et s'essuya les yeux d'une main. Comme elle ne répondait pas, il continua :

— C'est de sa faute si tu es devenue une meurtrière. Je ne connais pas les détails, mais il est évident que tu as été poussée à bout. Si tu viens avec moi, on t'aidera. Athéna et les autres... ils ne veulent que ton bien.

Cinnamon se redressa.

— Ikki, je peux te poser une question ?

— Vas-y.

— Ce que j'ai fait à ces gardes, tu crois vraiment que c'était ma première fois ?

Phénix resta muet quelques secondes. Evidemment ! Elle avait déjà tué ! Elle avait du sang sur les mains avant même que ses frères et lui n'arrivent au Sanctuaire... Les Chevaliers d'Or n'avaient rien remarqué. Une élève fantôme, une apprentie de l'ombre, voilà ce qu'elle était.

Elle se croyait foncièrement mauvaise, sûrement sans espoir de rédemption. Dans son esprit, elle était seule et ne méritait pas les attentions amicales. Ces fausses croyances avaient été implantées en elle tout au long des mois précédents.

— Une dernière fois, Cinnamon, viens avec moi. J'étais moi-même plein de haine et de rancoeur avant de retrouver mes frères et de décider de me battre pour Athéna.

— Ce qui t'est arrivé, je m'en fiche.

— Très bien. Dans ce cas, tu ne me laisses pas le choix...

Phénix leva le bras et pointa son index vers l'adolescente.

Vers son front, plus précisément.

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