John au pays des merveilles

Chapitre 6

3298 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/02/2016 18:12

Son ventre émit une plainte et John se décida d’aller se faire inviter chez le Chapelier. Le Griffon vira en direction du manoir.

xxx

Locky regarda par la fenêtre, troublé par un bruit, et vit le Griffon descendre devant son jardin avec sur son dos un John miniature. Il sourit lorsque le docteur mangea quelque chose qui le fit reprendre sa taille normale.

/

— Je vous laisse ici. Je pense que vous avez maintenant un bon aperçu des lieux pour arriver à vous débrouiller seul.

— Merci pour tout. Au revoir Griffon.

Le Griffon s’élança et repartit dans les airs en direction du lac, sûrement pour y dormir à nouveau.

John s’avança, tout sourire, vers l’entrée et sonna.

La porte s’ouvrit sur un serviteur qui le laissa entrer.

— Bonjour, je viens rendre visite au Chapelier.

— Attendez ici, je vais prévenir, monsieur, dit-il d’une voix monotone, le laissant s’installer dans un petit salon.

La maison était tout à fait originale. Il ne pensait pas qu’autant de couleur pouvaient se côtoyer tout en restant harmonieuses. L’ancien concurrençait le moderne.

Il y avait des chapeaux en tous genres un peu partout dans la pièce : des hauts-de-forme, des toques, en pailles, en tissu, de toutes les couleurs… des simples et des exubérants, des mignons et des spectaculaires. John choisit un chapeau melon marron avec des lunettes d’aviateur autour et l’essaya. Devant le seul miroir de la pièce, il se contempla. La forme lui allait plutôt bien, mais définitivement pas adaptée à son style. En d’autres occasions, peut-être…

Pendant une fraction de seconde, il crut voir apparaître le salon de Baker Street où il était endormi sur son fauteuil pendant que Sherlock était concentré sur son ordinateur. L’impression fut si furtive qu’il pensait avoir rêvé. À la place, il vit apparaître le Chapelier à quelques pas derrière lui qui l’observait. John se retourna vivement en ôtant le chapeau.

— Désolé ! J’ai été tenté d’essayer un de vos chapeaux, ils sont magnifiques, s’excusa-t-il.

— Ce n’est rien, un chapeau est fait pour être portée, sinon ils ne servent à rien. Pourquoi êtes-vous venu chez moi ?

— Euh…

John n’avait pas vraiment réfléchi, quand il s’était décidé à retrouver le Chapelier, pourquoi il voulait tant le voir et maintenant qu’il était là, il se demanda bien de quoi il allait pouvoir parler.

— Eh bien, en fait, j’ai pu trouver le lapin blanc, j’ai dormi chez lui d’ailleurs… et euh (« Ah oui ! ») J’ai réfléchi à votre énigme.

— Ah, laquelle ?

— Celle qui dit : Pourquoi un corbeau ressemble-t-il à un bureau. En fait, j’ai plusieurs réponses à vous donner.

Comme la nuit porte bien conseil, il avait pu trouver plusieurs idées.

— Asseyons-nous d’abord et dites-moi ce que vous avez trouvé, proposa Locky.

— En général, je suis plutôt doué pour répondre aux devinettes, mais hier, vous m’avez un peu pris de court avec la vôtre tout à fait inhabituelle. Donc voilà : Edgar Allan Poe a écrit une nouvelle qui s’appelle Le Corbeau, et il écrivait sur un bureau.

Locky fut perplexe. John dut préciser :

— C’est le nom d’un écrivain célèbre dans mon monde.

— …

« O-K. C’est pas la réaction que j’attendais. »

— Ensuite : parce qu’il y a des plumes à écrire sur le bureau, et le corbeau a des plumes noir d’encre. Enfin, c’était valable quand on écrivait à la plume autrefois, précisa John.

— …

— (Raclement de gorge) La troisième : Les deux produisent des notes plates donc le chant du corbeau est très pauvre, et l’on écrit des notes à plat sur un bureau.

— …

« Toujours aucune réaction, c’est agaçant. Je doute qu’il comprenne la dernière. »

— Et enfin : On ne se trompe jamais entre l’avant et l’arrière du bureau ou du corbeau.

— AH, AH, AH ! Elle est très drôle celle-là ! Dit-il devant la mine abasourdie de John. Je vais la garder en mémoire.

« Je ne pensais pas une réaction sur celle-là, d’autant plus que j’imaginais à quelque chose de bien particulier quand j’ai eu cette idée. »

— Vous m’avez bluffé, John. Je ne croyais pas que l’on pouvait répondre à ma devinette.

— Vous savez, même avec une devinette sans queue ni tête, on peut toujours trouver une réponse d’une manière ou d’une autre même s’il faut parfois se tirer les cheveux en cherchant.

— Et pour l’autre ?

— En fait… j’ai bien une idée, mais…

— Quelle est-elle ? S’enquit le Chapelier.

— Si cela concerne mes sentiments, ceux que j’ai pour ma fiancée sont très clairs et je ne comprends pas quel est le rapport avec votre mise en garde concernant le château.

Locky émit un sifflement d’agacement. Apparemment, ce n’était pas la réponse qu’il attendait.

Le ventre de John se mit à gargouiller bruyamment. Il porta ses mains dessus par réflexe pour faire taire le bruit.

— Évidemment, il est l’heure de manger. Vous restez déjeuner avec moi, cela va de soi.

— Merci.

Pendant tout le repas, l’un en face de l’autre, le Chapelier ne cessait pas d’observer John et quand celui-ci le remarquait, il se concentrait sur son assiette, mais à la moindre occasion, il le regardait de nouveau. John sentait ce regard sur lui, un regard qui lui faisait penser à Sherlock quand il voulait deviner ses pensées. Il se contenta de lui sourire, le rose teintait légèrement ses joues.

Il n’aimait pas spécialement être observé comme une bête curieuse, lui qui préfère qu’on le laisse tranquille. Seulement une seule personne y était autorisée, se sentant spécial par elle. Le Chapelier, qui était le portrait craché de Sherlock, venait d’être ajouté à cette courte liste.

— Vous avez pu visiter un peu la région ? Questionna Locky.

— Oui, j’ai pu observer depuis le ciel, grâce au Griffon, la géographie des lieux et je pense arriver à me repérer plus facilement.

— Et qu’avez-vous fait d’autres ?

— Eh bien, je me suis invité à la partie de croquet au château, continua-t-il nonchalamment, attentant la réaction du Chapelier.

— Quoi ! S’étouffa Locky. Je vous avais dit de ne pas vous y rendre !

— Et alors quoi ? Je n’en suis pas mort. Et puis, c’est la faute du Griffon qui m’y a amené. Je ne lui avais pas dit d’y aller.

— Vous avez vu le Valet ?

— Non, juste la Reine, pourquoi ?

— Croyez-moi sur parole, vous ne devez surtout pas le rencontrer. Pour votre bien.

— J’essaierai de l’éviter si je peux, cela vous convient ? Soupira-t-il. Préférant changer de sujet, il continua : J’aimerais vous demander quelque chose. Êtes-vous déjà allé à Londres ?

— Je n’ai pas le plaisir de connaître votre monde. Ça doit être joli.

— Hum, joli… Ça dépend du point de vue. L’air est moins pur qu’ici, le temps plus maussade et c’est clairement moins coloré, mais j’aime ma vie là-bas.

— Racontez-moi votre vie, s’intéressa Locky.

— Je suis médecin, je soigne toutes sortes de maladies dans une clinique.

— Des maladies ? Qu’est-ce que c’est ?

— Vous n’êtes jamais souffrant ? Pas de toux, ni d’éternuement ?

— Si bien sûr ! La dernière fois que je suis allée chez la Duchesse Narcissa, la cuisinière m’a balancé au visage tout le contenu d’une poivrière. J’en avais même les yeux en larmes.

— (Il sourit) C’est une réaction normale et non une maladie. Donc ici, vous êtes toujours en bonne santé. Des personnes comme moi n’ont aucune utilité alors.

— Bien sûr que vous pouvez être utile, vous avez sûrement de nombreux talents.

— Je cuisine souvent et je sais très bien faire le thé (À cette mention, les yeux de Locky pétillèrent). Je suis écrivain à mes heures perdues. Je raconte mes aventures avec Sherlock qui est détective. Mes histoires ont beaucoup de succès d’ailleurs.

— Et vous faites quoi dans vos aventures ?

— J’aide Sherlock à résoudre des enquêtes sur des disparitions, des vols ou des meurtres quand la police n’y arrive pas. Enfin, j’apporte ma modeste contribution en tant que médecin. Il est très doué pour faire des déductions. Figurez-vous que la première fois que je l’ai rencontré, il a trouvé tout de suite un certain nombre d’informations sur moi juste en m’observant alors qu’il est totalement impossible pour qui que ce soit de savoir certains détails sans me connaître auparavant. Ce jour-là, j’ai même tué pour lui sauver la vie. C’est quelque chose que je n’aurai jamais fait pour quelqu’un d’autre. Et depuis, je vis avec lui.

Quand John regarda à nouveau le Chapelier, celui-ci avait posé sa tête dans sa main et semblait fasciné par ses paroles. Ses yeux s’étaient faits rêveurs.

— Vous savez John, quand vous parlez de ce Sherlock, votre visage devient lumineux. Qui est-il pour vous ?

— C’est avant tout mon meilleur ami, mon colocataire et mon collègue. On partage beaucoup de choses ensemble. On peut dire que l’on est très complice bien qu’il puisse parfois avoir un caractère exécrable de sociopathe, et vivre au quotidien avec lui n’est pas toujours de tout repos.

— Et vous comptez le quitter un jour ?

— Euh… J’y pense depuis un moment en fait. J’ai rencontré une femme merveilleuse et j’aimerais vraiment faire ma vie avec elle.

— Comment est-elle ?

— Mary est vraiment géniale : gentille, très sociable, amusante, fidèle, très jolie et les pieds sur terre. Tout le monde rêverait de trouver une femme comme elle.

— Et vous l’aimez, j’imagine.

— Bien sûr ! Sinon, je ne serais pas avec elle.

— Si vous deviez les comparer, qu’ont-ils en commun ?

— Hum, je dirais qu’ils sont joueurs, séduisants bien que pour Sherlock, c’est très particulier, une part de mystère peut-être et puis, ils ont la bougeotte ce qui m’empêche de m’ennuyer.

— Imaginez que vous êtes une femme et que Mary est un homme : si vous deviez choisir entre Mary et Sherlock, qui choisiriez-vous ?

— La question ne se pose pas puisque je suis un homme, où voulez-vous en venir ?

— C’est pour cela que j’ai dit imaginez.

— Vous essayez de me faire dire quelque chose qui ne me plaît pas.

Le Chapelier se leva, contourna la table et se positionna à côté de John qui devait lever la tête pour le regarder. Il se baissa au point que leurs visages n’étaient plus qu’à quelques centimètres l’un de l’autre.

— Qui ne vous plaît pas ou qui vous fait peur ? Insista-t-il.

— De quoi aurai-je peur selon vous ?

— Peur d’un sentiment si profond qu’il vous empêche d’aller plus loin avec Mary sans pour autant y faire face. Depuis quand hésitez-vous à la demander en mariage ? Qu’est-ce qui vous empêche de changer de vie, là, tout de suite ?

John écarquilla les yeux face à cette réalité qui le frappait d’un coup.

— Comment savez-vous que…

— Je vous connais bien John, le coupa-t-il. Peut-être mieux que vous-même. Arrêtez de vous voiler la face !

— … Je ne sais pas, murmura-t-il.

— Oh si, vous le savez ! Mais vous préférez fermer les yeux à l’évidence, c’est tellement plus simple que d’affronter la vérité et trouver le bonheur que vous méritez.

— (Il se détourna) Je-Je ne peux pas. C’n'est pas normal. C’est impossible ! Soupira-t-il tristement.

— Très bien, dit-il en se redressant. Vous être sur la bonne voie maintenant. (John le regarda d’un air interrogateur) J’ai des choses à faire. Je vous laisse continuer vos ballades. Profitez bien de cette belle journée.

— Merci Locky pour ce repas. Nous reverrons-nous ?

— Bien sûr, dit-il avec un grand sourire. Tant que vous êtes au pays des merveilles, on se reverra.

John quitta le manoir, jetant un dernier regard en arrière. Il avait l’impression qu’il ne le reverrait plus et son cœur se serra à cette éventualité.

« Comment peut-il lire autant en moi ? Même Sherlock n’y est jamais arrivé aussi peu sensible aux sentiments qu’il l’était, ce qui m’arrange bien. »

Locky avait mis le doigt sur un point qui lui faisait mal et qu’il pensait avoir écarté et oublié depuis longtemps.

« Oublie ça, John. De toute façon, quand je rentrerai chez moi, tout sera comme avant. »

D’ailleurs, maintenant qu’il avait enfin pu rencontrer le lapin, il se demandait s’il ne devrait pas rentrer. Sherlock devait sûrement s’inquiéter de son absence et il ne voulait pas l’imaginer en train de remuer ciel et terre ainsi que toutes les forces de police pour le retrouver.

Mais voilà, la question était : comment retourner dans son monde ? Il n’avait pas la moindre idée d’autant qu’il était impossible de passer par l’entrée qu’il avait prise vu que la porte avait disparu, et remonter un trou sans équipement paraissait laborieux.

Tout à ses réflexions, il ne vit pas les deux énergumènes assis sur un muret.

— Hello !

— Je dirai même Hé Ho ! Petit gars !

John se tourna vers les deux personnages les plus improbables qui soient. Un homme et une femme habillés de blanc et portant un drôle de chapeau conique et ayant un tour de ventre plutôt impressionnant. Il sourit en reconnaissant les sosies de Anderson et Donovan.

— Bonjour, je m’appelle John et vous ?

— Je me nomme Tweedle Dee Son

— Et moi Tweedle Dum Van

— Que faites-vous ?

— On observe les gens qui passent.

— Les gens passent et nous ignorent.

— Oh ! Je suis désolé, j’étais plongé dans mes pensées.

— Et vous pensiez à quoi ?

— À savoir comment rentrer chez moi.

— Vous habitez loin ?

— Pour vous dire la vérité, je n’en sais rien.

— Voilà bien un individu étrange, dit Tweedle Dee Son.

— Un idiot, de toute évidence, se moqua Tweedle Dee Van

— Je ne vous permets pas de me critiquer alors que vous rester assis là à ne rien faire, riposta John.

— Faux ! Nous sommes en mission.

— Une mission très importante.

— Et quelle est-elle ?

— Mais de te trouver, répondirent-ils en même temps.

— Je ne comprends pas. Qui me cherche ? S’étonna John.

— Mais moi bien sûr, dit une voix derrière lui.

John se retourna lentement. Cette voix, il la reconnaîtrait entre mille et quand il le vit, son visage se glaça d’effroi.

A SUIVRE...

Laisser un commentaire ?