La Lune, le Soleil, et l'Etoile au milieu

Chapitre 16 : l'Etoile déchue

9074 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 08:57

C'est la douleur qui réveille Rey. Ou la chaleur. Elle aurait pensé que Jakku l’aurait habituée à n’importe quelle fournaise, mais Kalboth c'est une chaleur humide. Ça s’accroche à la peau et il ne passe pas une nuit sans que Rey ne s’éveille trempée.

Tout transpire ici, même les arbres et les constructions. Et pour ne rien arranger, elle se réveille à l’agonie.

Avec un grognement mécontent, elle tâtonne sur sa table de nuit à la recherche du flacon de pilules que lui a donné le médecin. Ils ont fait effet, fut un temps, lui permettant de dormir la nuit, mais ces jours-ci, les antalgiques ne semblent plus faire effet que quelques heures d’affilée. Rey en avale un tout rond avec un peu d'eau de la bouteille qu'elle garde à portée de main, et se frictionne l’épaule en attendant que la drogue fasse effet.

Une fois que c'est redevenu supportable, elle regarde l’horloge. Le soleil ne se lèvera que dans une heure, mais puisqu’elle est tout à fait réveillée à présent, elle ne voit pas l'intérêt de se rendormir. Elle se glisse hors de ses draps et marche à pas de loups dans la maison en préfabriqué. La pièce est presque vide, en dehors des portes et des fenêtres. Des grillages fins bloquent la plupart des insectes, mais des nuits comme celle-ci la jungle devient oppressante, introduisant même ses racines à travers les planches, ou des feuilles cireuses s’accumulant contre les fenêtres. Les bruits de la forêt sont envahissants eux aussi, et quand Rey prend le temps d’écouter, c'est une cacophonie de bruits - insectes vrombissants, battements d'ailes d’oiseaux, et des chants lointains de créatures que la Résistance appelle des ‘veilleurs de nuit’, des sortes de primates aux yeux comme des soucoupes, qui sont d’ailleurs plutôt bon à manger, quand on ne supporte plus leurs cris nocturnes.

Cela dit, ces temps-ci Rey s’est habituée au bruit et n’entend presque plus la rumeur constante du monde. Par contre elle n’est pas sûre de parvenir un jour à s’habituer à la chaleur.

Enfilant ses vêtements, elle tourne en rond dans la maison. C'est trop calme. Elle s’arrête devant la porte d’une autre chambre et l’ouvre doucement, prenant garde à ne pas la faire grincer. À l'intérieur le lit est vide, les draps en boule par terre.

“Tam?” Chuchote Rey, sentant la panique monter et entrant à l’intérieur, sondant l’obscurité.

Elle ne panique pas encore complètement. Il a laissé ses chaussures, donc il n’a pas pu aller bien loin.  Rey sort sur le porche et lève les yeux vers les arbres qui encadrent leur maison. Ils sont si larges qu'il faudrait six personnes à bout de bras pour en faire le tour, et si hauts qu’elle a parfois le vertige rien qu’à les regarder.

Elle en cherche un en particulier, dans le tronc duquel des pieux ont été plantés pour former une sorte d’escalier rudimentaire jusqu’aux branches.

Effectivement, un pied nu balance depuis une des hautes branches. Rey ravale son angoisse. S’il tombait, il se blesserait gravement. Mais chaque remarque qu’elle lui a fait à ce sujet ne l’a que poussé à monter plus haut.

“Tam?” L’appelle-t-elle.

Tout est silencieux durant de longues secondes.

“Mon nom est Altan.”

Le cœur de Rey se serre un peu, mais elle passe outre. “Je dois me rendre sur la base,” dit-elle. “Je reviens un peu plus tard. Leia va venir pour le petit déjeuner, alors ne t’éloigne pas trop, d’accord?”

Il ne dit rien.

“D’accord?” Répète-t-elle.

“D’accord!” Râle-t-il, d’un ton agacé.

Rey serait tentée de lever les bras au ciel et le gronder, mais elle revient à surmonter l’impulsion. Elle retourne à l’intérieur pour récupérer ses bottes et saisir son bâton, puis elle s’éloigne, suivant le chemin étroit coupé à la machette dans la forêt, menant à la vallée en contrebas.

Il faut marcher longtemps. Quand elle aperçoit enfin la base sous la canopée verte et or des arbres, un des soleils s'est levé et le ciel s’est teinté de bleu pâle. Elle n’a pas le droit de vivre plus près de la base, et les Généraux considèrent qu’il sont déjà généreux.  Au départ ils avaient été placés dans des baraquements avec les autres familles, mais quand les rumeurs de la bataille qu'ils fuyaient leur étaient parvenues, il lui avait été poliment demandé de s’éloigner, elle et son rejeton monstrueux, à une distance qui n’effrayerait plus les autres membres de la Résistance et leurs familles.

Rey considère qu’ils se fourrent le doigt dans l’oeil. Si Tam décidait de provoquer une nouvelle tempête de Force, ce n’est pas trois pauvres kilomètres qui feraient une différence.

La base s’éveille tout juste, quand elle arrive. Les gens se regroupent autour des pompes d’eau potable et font la file devant les douches. Les lève-tôt se regroupent dans le grand hall, qui n’a rien d’un hall, mais est plutôt une clairière où les souches géantes ont été transformées en étranges tables circulaires.

Rey aperçoit Finn qui arrive du coin d’une des cabanes, le bras autour des épaules d’une femme en combinaison de pilote. Son visage s’illumine quand il aperçoit Rey. Il se tourne pour dire quelque chose à la femme à ses côtés et lui donne un baiser. C’est si plein de chaleur et de tendresse que Rey détourne les yeux, parce que quelque chose au fond d’elle menace de craquer.

“Tu es levée tôt” lui dit-il approchant. “Tu viens pour l’Assemblée Générale? Je crois que c’est à neuf heures.”

“Si j’ai le temps. Je voudrais voir le docteur Horridge tant qu”il est tout fraîchement caféiné,” dit-elle en lui emboîtant le pas.

“Tu as toujours tes douleurs?” Il la regarde avec inquiétude. “Ne va pas voir Horridge. Il t’amputerait de l’autre bras si tu avais un ongle incarné. Tu devrais aller consulter Thralk.”

“Thralk est encore pire!” proteste-t-elle. La dernière fois que j’ai été lui parler de mon mal de dos, il savait à peine ce qu’était une colonne vertébrale.”

“Oui, bon, il est meilleur avec les invertébrés,” répond Finn en haussant les épaules. “Mais il distribue des antalgiques comme des bonbons. Quand Poe a eu sa foulure, ce que lui a donné Thralk l’a fait planer comme un cerf-volant pendant trois mois d’affilée. C’était parfait. Tu as raté ta vie si tu n’as pas vu Poe tenter de faire manger des carottes à BB8.”

Rey parvient à esquisser un demi-sourire qui ne semble qu’inquiéter Finn davantage. “Tu as vraiment l’air épuisée”. lui fait-il remarquer.

“Merci.”

“Nan mais tu vois ce que je veux dire…”

“Je vois.”

“Comment va Tam?”

Rey garde prudemment une expression neutre. “Il refuse toujours de me parler. Et c’est Altan, maintenant,” dit-elle, avec juste ce qu’il faut d’énervement dans la voix pour lui faire savoir ce qu’elle en pense.

“Je peux passer tout à l’heure,”  propose-t-il. “M’entraîner à tirer au blaster me revigorait toujours, quand j’avais son âge. On peut passer un peu de temps entre hommes. Tirer sur des warbleurs-”

“Non - Il ne tuera rien du tout,” dit Rey vivement.

“D’accord, alors on tirera sur des champignons, comme tu veux.”

“Peut-être que tu peux venir avec Hanna?” Suggère-t-elle. “Ça ferait probablement du bien à Tam de voir d’autres enfants.”

“Moui, peut-être.” Il détourne les yeux, évasif.

Rey soutient son regard. “Quoi? Qu’est-ce qu’il y a?”

“En fait… Hanna est encore toute petite et Fiona pense qu’il faudrait attendre que les choses se calment avant qu’on commence à les faire ‘se fréquenter’.”

“De quoi?” Elle fronce les sourcils, horrifiée. “Tu agis comme si Tam était dangereux ou je ne sais pas quoi.”

“Rey,” dit-il fermement. “Il a vaporisé une flotte du Premier Ordre par la seule force de son esprit.”

“Oh, genre tu n’as jamais pigé comment fonctionne la Force! T’es aussi nul que tous les autres!” Elle le dépasse et s’éloigne, furieuse, ignorant ses appels de gamin paumé. Depuis qu’il était lui-même devenu papa, il avait parfaitement adopté le ‘paternalisme’. Rey fulmine intérieurement en songeant combien il a la vie facile. Personne ne va lui voler sa fille. Personne n’aura peur d’elle. Sa femme a les pieds sur terre et aimante - elle ne le quittera jamais pour rejoindre le côté obscur. Elle pilote des Ailes-X avec un record de tirs réussis qui approche de près le total de Poe Dameron, tout en étant aussi une patissière hors-pair-

Un peu honteuse de sa jalousie à l’idée d’une vie aussi tranquille, Rey arpente la base en direction de l’aile médicale. La dernière bataille contre le Premier Ordre remonte à des mois en arrière, et les cliniques sont assez calmes. “Où est le docteur Horridge?” Demande-t-elle à une des infirmières, qui lui indique une terrasse à l’arrière de la clinique.

Rey le trouve en train de lire les gros titres sur un holopad, une tasse de café à la main. Il lui accorde un regard qui en dit long sur son envie de recevoir un patient à cette heure matinale. “Rey,” dit-il avec une amabilité professionnelle. “Que puis-je faire pour toi?”

“Il me faut des antalgiques plus puissants,” dit-elle simplement. “Ceux que vous m’avez prescrits ne me font plus d’effet.”

Le docteur fronce les sourcils. “Tu as toujours les douleurs?” Tes blessures devraient pourtant être cicatrisées, à présent…”

“J’ai juste besoin d’un nouveau lot-”

“Bien sûr. Mais pas sans t’avoir examinée.”

Rey se retient de lever les yeux au ciel. Tout ce qu’il a à faire c’est signer un morceau de papier et elle pourra de nouveau dormir une nuit complète, mais visiblement, il veut faire du zèle. S’il faut qu’elle saute à travers des cerceaux enflammés, qu’à cela ne tienne. Elle le laisse lui indiquer une table au-dessus de laquelle est accroché un scanner.

“Est-ce que la douleur a changé?” Lui demande-t-il.

“Oui,” dit-elle sèchement, encore énervée de sa rencontre avec Finn. “C’est pire qu’avant. Avant c’était juste dans mon épaule… ça a avancé et c’est descendu jusque dans ma poitrine. Et c’est là en permanence.” Parfois elle avait si mal qu’elle peinait à respirer. Certaines nuit quand ça la réveillait, elle restait hagarde, s’attendant à se trouver couverte de sang, tant la douleur était fraîche et aigüe.

Mais à chaque fois, il n’y avait rien de visible. Même le Docteur Horridge à travers son scanner n’en trouvait pas la cause. “Tu as été électrocutée, n’est-ce pas?” dit-il.

“Oui.”

“Ça pourrait être une séquelle sur le système nerveux, je suppose…”

Il avait déjà dit ça lors de son précédent examen, avec la même expression perplexe.

“J’ai juste besoin d’une dose plus forte et ça ira,” dit-elle.

“Tu as une douleur qui s’aggrave sans cause physique, pour ce que j’en sais. Je ne crois pas que tu réalises à quel point c’est sérieux,” lui dit-il avec reproches. “Et de toute façon, je ne peux pas te donner de dose plus élevée. En fait le mieux serait que tu arrêtes de prendre les médicaments que je t’ai prescrits.”

“Quoi? Pourquoi?” S’étonne-t-elle.

Horridge hausse un sourcil et tourne l’écran du scanner dans sa direction. Rey regarde l’écran, mais ça pourrait être des hiéroglyphes qu’elle ne ferait pas la différence. C’est quand il lui dessine du doigts sur l’écran les lignes qu’il voit qu’elle comprend ce qu’il lui montre.

Et tout ce qu’elle trouve à dire est : “Oh”.

“Je vais commander d’autres antalgiques, mais ça peut prendre un peu de temps. Je suis désolé.”

Rey quitte  la clinique, frissonnant malgré la sueur qui roule sur sa peau. Errant sans but dans la base, elle ne remarque même pas l’agitation inhabituelle autour d’elle.

Quelque chose tape doucement contre sa jambe avec un bip interrogateur.

Rey baisse les yeux. “BB8…” Elle cligne des yeux pour observer le petit droïde. “Tu es toute brillante.”

La petite droïde bippe fièrement. Elle lui dit que Poe l’a vernie hier et qu’elle a l’ordre d’éviter les flaques de bouillasse. Ensuite elle demande à Rey pourquoi elle ne vient pas à l’assemblée?

“L’assemblée?” répète vaguement Rey.

Et quand on voit BB8, Poe n’est jamais loin. “Tu viens, poupée?” lui dit-il, en lui attrapant le coude au passage.

“Je suis obligée?” dit-elle. Elle n’a pas vraiment envie d’assister aux assemblée officielle, mais Poe Dameron a un charme auquel il est difficile de résister. Le bras dans son dos, il la guide à travers la foule qui se dirige vers l’amphithéâtre  en plein air où ont lieu la plupart des grandes réunions. “Assied toi avec moi, on va tous les rendre jaloux,” dit-il, l’attirant sur le banc avec lui. D’habitude Rey aurait rétorqué que la seule personne à pouvoir être jalouse serait BB8, mais elle a l’esprit ailleurs. Elle voit Finn et Fiona prendre place sur les bancs de l’autre côté. Il l’aperçoit aussi et lui fait un signe du menton, espérant qu’elle ne lui en veuille plus.

Rey détourne les yeux. Ce n’est pas qu’elle lui en veuille toujours… mais le spectacle de son bonheur aggrave la douleur dans son épaule. Poe se penche vers elle. “Tu t’es engueulée avec ton garçon?” lui dit-il.

“Oui et non, pas vraiment…” chuchote-t-elle, de nouveau honteuse. Quand est-elle devenue ce genre de bonne femme, songe-t-elle. Le genre qui ne supporte pas le bonheur des autres. Soudain elle a trop chaud, et la douleur dans son épaule s’intensifie et rampe dans la poitrine suivant une ligne diagonale. Rey presse une main sur son ventre et essaie d’apaiser sa respiration.

Puis quelqu’un s’assoit à côté d’elle. Il est grand, large d’épaules, et sent le savon et le métal.

Une tunique noire frotte contre les cuisses de Rey.

Rey se fige, n’osant pas regarder.

“Commençons!” Clame le Général Banner, s’avançant dans l’amphithéâtre sous les “chut” obéissants de l’assemblée. “Je suis certains que beaucoup d’entre vous ont deviné la raison de cette réunion. La nuit dernière à deux heures du matin, les sondes que nous avons envoyées dans le système d’Oberon ont commencé à communiquer des données.”

Rey concentre son attention sur le Général. Oberon est le nom désignant le trou Noir autour duquel orbitait la comète.

“La Tempête de Trous de Vers qui rendait la région trop dangereuse s’est finalement dissipée,” continue le général. “Nos éclaireurs ont à présent confirmé la présence d’un champ d’épaves du Premier Ordre, comme prévu. Nous avons également localisé les restes d’une comète que nous pensons être le QG du Leader Suprême.”

Des murmurs d’excitation montent de la foule. Le Général attend que le silence revienne avant de donner ses conclusions. “Nous pouvons à présent confirmer que… il n’y a eu aucun survivant. Ce matin, le Président de la République a annoncé officiellement et formellement que le Général Hux et le Leader Suprême Kylo Ren sont morts au combat-”

Le reste de la déclaration du Général est étouffée sous les vivas. Les gens se lèvent. Tout le monde applaudit et pousse des cris de joie. Rey contemple autour d’elle les visages épanouis, souriants. Même Finn est debout, souriant, tapant dans le dos de quelqu’un. A ses pieds, BB8 pousse un bip enthousiasme, et Poe applaudit poliment. Rey sait que si elle n’était pas assise à côté de lui, il hurlerait de joie plus fort que tous les autres.

Seul l’homme à sa droite l’applaudit pas. Il ne bouge pas. Rey glisse les yeux sur son genoux de noir vêtu, où repose une main métallique. Quelque chose goutte de son poignet. Du sang si noir qu’on dirait une flaque d’huile autour de sa botte gauche, s’étendant jusqu’à ses orteils.

Rey se lève d’un coup, et Poe sursaute. “Rey,” crie-t-il, alors qu’elle trébuche dans son empressement. Elle dépasse les mains applaudissantes et joue des coudes pour se dégager un passage dans les groupes d’amis qui se donnent l’accolade. Elle entend le Général réclamer du calme, disant quelque chose à propos des flottes restantes et des bases cachées du Premier Ordre, mais ça se perd bientôt dans le brouhaha alors qu’elle s’enfonce dans les arbres et tombe à genoux, vomissant contre les racines d’un tronc de Goa.

Quand elle n’a plus rien à vomir, elle s’accroupit, la sueur coulant en ruisseaux sur son visage. Elle ouvre les yeux, mais doit les refermer aussitôt. Il y a un corps, à quelques pas. Démembré, ensanglanté. Sa tunique noire est déchirée et ses yeux - elle ne veut pas voit ses yeux.

rey n’a jamais haï aucun endroit autant que Kalboth. Pas même Jakku pendant les périodes de famine. Pas même cette maudite comète. Elle ne peut pas échapper à la touffeur, ici… ça la poursuit, ça la suffoque comme ses pensées les plus sombres qui refusent- “...Laissez moi tranquille!”

“Est-ce que ça va?”

C’est la voix de Finn. Elle se retourne, étourdie, la main sur la bouche. Quand elle regarde le corps, il a évidemment disparu. Il n’a jamais été réel.

“Il me faut de l’eau,” dit-elle.

“Bien sur…” il s’agenouille à côté d’elle et lui tend la gourde d’eau que tous les soldats ont sur eux. C’est sympa de sa part, pense-t-elle, vu qu’elle vient juste de vomir.

Après quelques gorgées d’une eau relativement fraîche, elle se sent un peu mieux ; de la même manière que ‘brisée’ est mieux que ‘dévastée’. Finn lui frotte le dos avec compassion, et elle se sent de nouveau toute penaude d’être aussi mauvaise vis à vis de son bonheur conjugal. “Tu es mon meilleur, et mon plus vieil ami, tu sais,” dit-elle.

“Pas si vieux, quand même,” plaisante-t-il.

“C’est la vérité,” dit-elle. “Ne me laisse jamais l’oublier.”

Il lui fait un drôle de regard. “Je crois que tu devrais rentrer chez toi.”

“Oui, moi aussi.”

“Viens, je vais te déposer en speeder.”

Même les bons jours, Rey déteste ces speeders, et particulièrement quand c’est Finn qui conduit. “non, je vais marcher. Je dois être seule un moment.”

Elle lui tend sa gourde, mais il lui tapote l’avant-bras. “Tu sais quoi? Je te l’offre.”

Le chemin de retour pour la maison lui semble encore plus long que d’habitude. La plupart se fait en montée, ce que Rey n’avait pas vraiment remarqué jusqu’à maintenant, où chaque pas est une lutte en soi. Quand elle aperçoit enfin le toit de tôle si familier, elle a l’impression d’avoir traversé un continent. Elle se dirige vers la cuisine et ouvre le réfrigérateur. Il y a un litre lait qui l’attend, et bien qu’elle déteste ça, elle le saisit et en boit autant que possible cul sec. Elle reste ici un long moment, appréciant la fraîcheur du réfrigérateur ouvert et songeant distraitement qu’elle ne sait même pas de quel animal c’est le lait.

“Tam?” appelle-t-elle. Puis elle se reprend. “Altan?”

C’est la voix de Leia qui répond. “Il a été faire un tour.”

Rey se dirige vers la pièce principale où elle trouve Leia assise à l’ombre du porche, l’air calme. Elle a l’air d’être la seule chose sur cette planète qui ne transpire pas. “Il t’a laissée seule?” Dit-elle, indignée. “Je lui ai dit-”

“Ça ne fait rien, Rey” dit-elle. “Les jeunes garçons ne changeront jamais.”

Rey s’installe sous le porche à côté de Leia. “Je refuse de croire ça…”

“Tu a l’air de t’être battue avec un wampa,” dit Leia.

“Je ne sais pas ce qu’est un wampa…” Rey devine que ça n’est pas un compliment. “Ils ont convoqué l’Assemblée.”

L’expression sereine de Leia se fracture imperceptiblement, et le regard de la vieille femme se perd dans l’entremêlement des arbres devant elle. “Le général Banner m’a dit de ne pas y aller. Il m’a tout expliqué la nuit dernière.” Elle semble se secouer délibérément. “Enfin, nous savions déjà tout ça. Ce n’est pas une surprise.”

Rey s’enfouit le visage dans les mains, revoyant tous ces gens sautant de joie… tous se réjouissant qu’il soit mort.

“La Générale Praxis est venu me voir hier,” dit Leia. “Elle voulait mettre en place une cérémonie et remettre à Tam une médaille pour ses actes.”

Rey frissonne, comme si elle allait vomir à nouveau. “C’est dégueulasse.”

“C’est ce que j’ai dit à Praxis. Quoique j’ai peut-être plus virulente…”

“De vrais vautours,” dit Rey, retroussant sa lèvre. “Ils croassent sur les cadavres et se jettent des fleurs pour des choses dans lesquelles ils ne sont pour rien.”

Leia lui jette un regard triste. “Ne sois pas trop dure avec eux, Rey. Le Général Hux et Kylo Ren ont fait beaucoup de victimes ici… directement et indirectement. Tu ne peux pas leur demander de ne pas se réjouir. Cette bataille a fait davantage pour rendre l’espoir dans la Galaxie que toutes nos actions depuis dix ans. Et toi, tu devrais faire attention…”

“Que veux-tu dire?”

“Personne ne te demande de faire une danse de la victoire, mais tu ne devrais pas te montrer en deuil. Les gens vont penser… et bien… ils vont penser que Kylo Ren t’a fait changer de camp.”

Rey est stupéfaite. “C’est donc ça qu’on dit dans mon dos?” Demande-t-elle.

“Il y a des gens qui le pensent,” les yeux vifs de Leia l’observent. Rey réalise soudain d’où vient la couleur des yeux de Kylo. “Je ne suis pas la seule à avoir remarqué que tu as changé. Quand tu es partie, tu étais déterminée à le tuer. Et à un moment tu t’es adoucie. Combien de fois t’es-tu rendue sur Ahch-To en espérant l’y retrouver?”

Plus de fois que Rey ne peut les compter. “Je me sens tout sauf douce, pour le moment,” répond-t-elle à voix basse. “Et si les gens sont si reconnaissants à Tam d’avoir tué son propre père, le moins qu’ils puissent faire serait de le laisser approcher la base.”

“Ils ont peur de lui,” dit Leia. “Quelqu’un qui est capable d’anéantir une flotte d’une simple pensée ferait peur à n’importe qui. Et quand ce quelqu’un est un enfant qui confond le bien et le mal-”

“Tam n’est pas dangereux,” insiste Rey.

“Même toi, tu as peur de lui,” fait calmement remarquer leia.

“J’ai peur pour lui,” corrige Rey. “Et s’il - et s’il devenait comme Ben? Comme Kylo? Et s’il avait au fond de lui la même chose qui a fait perdre la tête à son père? Il est déjà si puissant… Je ne pourrai pas l’arrêter. Je ne pourrai pas même l’aider.”

“Il y a de l’obscurité en lui,” dit Leia. “Mais il y en a aussi en toi. Même Luke portait en lui une part d’obscurité dans le coeur quand il était jeune. C’est une bataille à laquelle les gens comme nous doivent faire face. Voilà pourquoi je n’ai jamais voulu être entraînée. J’aurais succombé au côté Obscur en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.”

“Toi?” Rey refuse de la croire.

“Mon père a assassiné mon peuple entier. Il a détruit ma planète, tué les gens que je considérais mes parents, mes frères et soeurs, tous, et tout ce que j’aimais. Après ça, je ne connaissais plus que la colère. C’est dedans que j’ai puisé ma force. Tu crois que Ben l’a hérité de Vador? Il l’a hérité de moi. Et le temps nous dira si Tam en a hérité aussi.”

Rey regarde la forêt, réfléchissant à ces paroles. “Je t’imaginerais tout à fait, toute en noir, manipulant un sabre rouge.”

“Il fut un temps où j’étais jeune et belle, moi aussi,” dit Leia, se relevant. “J’aurais fait une Sith terrifiante. Du haut de mon mètre cinquante.”

La bouche de Rey esquisse un sourire. “Au moins, on sait que Ben n’a pas hérité sa taille de toi.”

Leia la regarde sans comprendre. “Hm?”

“Oui… Je veux dire, il est si grand et tu es si petite.” Rey voit les sourcils de Leia se froncer dans une expression de chagrin et songe que peut-être personne d’autre que Leia elle-même n’est autorisée à la taquiner à propos de sa taille. “Désolée.”

“Est-ce qu’il est grand?” Demande Leia.

“Evidemment,” Rey la regarde, stupéfaite. “Il arrive au moins… là-haut.” Elle trace approximativement une hauteur bien trente centimètres au-dessus de la sienne. “Tu ne le savais pas?”

“La dernière fois que je l’ai vu, il avait huit ans. Il arrivait ici,” dit Leia, mettant sa main à peu près à la hauteur de son épaule. Son regard se perd dans la vide sous le plat de sa main, plongé dans le passé d’un garçon qui n’est plus là depuis longtemps.

La main de Rey retombe et elle regrette de l’avoir levée, car ça a réveillé la douleur dans son épaule et sa clavicule. Elle se frictionne distraitement en repensant à leur discussion… et à leur façon de parler de Kylo Ren comme s’il était en vie. Rey n’est pas sûre que Leia s’en soit rendue compte.

Par contre, Leia se rend bien compte de son malaise. “Tu as toujours mal à l’épaule, n’est-ce pas? Est-ce que Horridge a augmenté ta dose comme je l’ai suggéré?”

Rey reste silencieuse un peu trop longtemps. Elle envisage de mentir, mais ça ne lui parait pas juste vis à vis de Leila. “J’ai vu Horridge,” dit-elle, reluquant ses genoux. “Il ne me donnera rien de plus dans l’immédiat, et il m’a dit d’arrêter mon traitement actuel.”

“Est-ce qu’il a perdu la tête?” s’étouffe Leia. “Est-ce que tu lui as dit que cette douleur t’empêche de dormir?”

“Je ne peux plus prendre ce traitement parce que je suis enceinte.”

Voilà. C’est dit. La vérité est lâchée, et si le dicton dit vrai, alors elle sera libérée. Elle tripote l’ourlet de sa tunique de lin en attendant la réponse de Leia qui met du temps à venir.

“Enceinte de combien?”

“Presque trois mois,” chuchote-t-elle.

Leia semble sur le point de dire quelque chose, puis se ravise et se renfrogne. Elle incline la tête sur le côté et regarde Rey avec beaucoup d’attention. “Tu as été douce douce à quel point, exactement, avec Ben?”

Les pommettes de Rey sont brûlantes, et elle tourne les yeux vers la canopée pour que Leia ne puisse pas voir combien elle a rougi. “Pas la peine de me faire la morale. Je sais que je n’aurais pas dû, mais c’est comme… quand il est près de moi, je ne peux pas m’en empêcher.” Ça n’arrange pas sa gêne, alors elle décide de se taire, plutôt.

“Mais tu as un implant. On en avait parlé,” dit Leia.

“Ouais, et bien, apparement, ils ne sont plus effectifs si tu te fais électrocuter.”

“Ah… le Chevalier de Ren..;”

“Et les millions de fois avant ça, chaque fois que j’ai été touchée par la perche de contrôle d’un stormtrooper,” soupire Rey. “Et la fois où j’ai traversé les câbles sur la coque du Faucon quand les moteurs tournaient.”

“Tu as fait un fameux vol plané,” se souvient Leia. “Chewie a du te faire du bouche à bouche. Tu as toussé des poils de wookie pendant des jours.”

Leia commence à rire, levant sa main devant sa bouche pour se retenir.

“Et bien, je suis contente que tu trouves ça drôle,” dit Rey, blafarde. “Je me sens tellement idiote. Je croyais que c’était fini, d’être idiote. Je n’ai plus dix-neuf ans.”

“Tu es encore très jeune, à côté de moi,” dit Leia, parvenant à diminuer son hilarité. Ses yeux brillent un peu trop et Rey soupçonne que ça ne vienne pas de son fou rire. “Qu’est-ce que tu vas faire? Est-ce que tu vas le garder?”

“Je ne sais pas,” dit Rey, mais elle ajoute presque immédiatement, “Oui. Oui, je vais le garder.”

La main tremblant de Leia se referme sur ses paupières, serrant fort. “C’est bien. C’est bien.”

L’éclat dans ses yeux s’est transformé en vraies larmes, maintenant, constate Rey. Elle la serre fort dans ses bras, un peu surprise de sa réaction. La dernière fois qu’elle lui a annoncé une grossesse, Leia avait été épouvantée.

“Je sais que c’est égoïste de ma part,” dit Leia. “J’ai vu ma famille se réduire comme une peau de chagrin jusqu’à l’anéantissement depuis si longtemps, et aujourd’hui il ne reste que toi et Tam. S’il te plait, pardonne à la vieille femme que je suis de se réjouir d’une nouvelle chance. Il ne peut plus te faire de mal. Il ne peut pas faire de mal à cet enfant.”

Le coeur de Rey se brise pour Leia, et elle se penche pour la serrer plus fort encore.

“Il n’est pas… Il n’était pas comme ça, Leia. Il n’était pas du genre à faire du mal à son fils. Il a renoncé à tout, pour Tam.”

Quand elle recule, le visage de Leia est grave et interrogateur. “Comment était il?”

“Que veux tu dire?”

“Tout ce que je sais à son propos vient des rapports officiels. Poe a été le premier à le rencontrer et à survivre pour pouvoir en parler, et tout ce dont il a parlé était d’un monstre sous un masque. Rey, tu es la seule à l’avoir connu. J’ai toujours eu peur de demander, mais j’ai besoin de savoir… comment était mon fils?”

Rey ne sait pas comment répondre. Elle voudrait être honnête et sincère, mais elle n’est pas sûre d’être très objective au sujet de Kylo Ren. Et elle ne veut pas fâcher Leia en étant trop franche, et rester vague ne l’avancerait à rien.

“Il était très grand,” commence-t-elle, bien qu’elle l’ai déjà dit. “Il ressemblait beaucoup à Han, je crois, mais il avait tes yeux. Pas du tout intimidant, vraiment… malgré la cicatrice.” Elle trace de son doigt une ligne de son front jusqu’à sa joue droite. “Il y avait tellement d’obscurité en lui. Il croyait faire ce qui était juste, que la fin justifierait les moyens. Mais tant que je l’ai connu, la lumière brûlait au fond de lui. Elle s’est renforcée au fil des ans, le déchirant en morceaux. Il est tellement plein de doute, et d’insécurité et de honte et de colère, mais je crois qu’il est capable de plus de passion que personne d’autre au monde. Il ne sait pas comment le montrer, mais Tam l’a changé. Il aime Tam plus que lui-même.”

Elle cille et se rassoit. “Il aimait Tam,” se corrige-t-elle.

“Et est-ce qu’il t’aimait?” demande doucement Leia.

“Rey ne peut que hausser les épaules. “Je ne sais pas s’il m’aimait, ou s’il était juste obsédé par l’idée de me posséder comme un trophée, comme le sabre de Luke… ou s’il avait simplement besoin d’être aimé, et j’étais ce qu’il avait s’approchant le plus d’un amant.”

“Je ne me suis jamais menti pour me convaincre qu’il était un homme bien,” dit gravement Leia.

“Il aurait pu. A la fin. Il m’a laissée prendre Tam et partir, même s’il savait que je ne le lui ramènerai jamais. Il aurait pu refuser… il aurait pu nous obliger à rester et nous aurions tous brûlé ensemble. Finalement, il aurait pu prendre des décisions bien pires.”

C’était sans doute la chose la plus gentille qu’elle n’ait jamais dit à son sujet. Elle se surprit à en penser chaque mot. Elle écoute la rumeur de la forêt, des craquement distants dans les arbres et le bruissement des créatures invisibles passant sous les feuillages.

“Ce n’est pas encore dissipé,” dit Rey doucement. “Je le ressens toujours, proche de moi.”

“Il est parti, Rey,” dit Leia. “Je le sens dans ma chair. Il n’est plus là-bas. Depuis l’instant où il est né, j’ai toujours ressenti sa présence. Il était un morceau de moi, comment aurait-il pu en être autrement? Mais là, il n’y a plus rien.”

Rey croit comprendre. Même quand Tam lui a été enlevé, peu importait la distance, elle avait la conviction qu’il était en vie, et certaine qu’elle le sentirait à l’instant où il cesserait de vivre.

Pour Kylo c’est différent. Elle n’a jamais pu le ressentir vraiment aussi bien qu’à l’époque de leur Lien de Force. Elle ne ressent plus rien à présent… elle sait simplement que la douleur du Lien rompu s’est finalement estompée. Ce qui semble confirmer que seule la mort de l’un ou de l’autre pouvait apaiser cette souffrance.

Mais songer à Tam lui rappelle que l’heure tourne et qu’il ne tarderait pas à avoir faim. “Il devrait être rentré à présent,” dit elle, tordant le cou pour voir l’heure sur le mur. “Il déteste traîner dehors sous le pic de chaleur.”

Elle se lève et chasse un insecte de sa jambe. L’intérieur de la maison est bien plus frais que la terrasse, et elle se dirige vers la chambre de son fils et sa porte fermée, porte dont elle aurait juré qu’elle était ouverte, en rentrant tout à l’heure. Elle l’entrouvre pour jeter un coup d’oeil à l’intérieur et n’est pas étonnée d’y trouver un garçon au teint rose étendu sur sa couchette, contemplant le plafond.

Plus que tous les autres, Tam souffre de la chaleur sur Kalboth. Il est né et a été élevé sur une planète glacée dont les températures ne montaient jamais au dessus de ‘glacial’ à la saison chaude, et les quatre dernières années il avait vécu sur une comète cerclée de glace. Rey a installé sa chambre dans la pièce la plus fraîche de la maison, mais il passe encore trop de temps allongé, immobile. Elle n’est pas totalement certaine que ça ne soit qu’un problème de chaleur, mais elle ne sait pas quoi faire d’autre.

“Je ne t’ai pas entendu revenir. Pourquoi n’es tu pas venu nous faire un coucou?” dit elle.

“coucou.”

Rey réfrène un soupir. “Tu veux manger?”

“Non.”

“Non?” Rey fronce les sourcils. “Tu n’as pas faim?”

“Non.”

“As-tu pris un petit déjeuner?”

“Probablement.”

Rey jette un oeil à la cuisine. Il n’y a pas de nouveau bol ni de couverts à nettoyer, et comme Tam ne nettoie jamais derrière lui, elle suppose qu’il n’a pas déjeuné, non. “Est-ce que tu fais un genre de grève de la faim?” lui demande-t-elle.

“Non.”

“Tam-”

Il tourne ostensiblement le visage vers le mur.

“Altan,” se reprend-t-elle. “Je vais faire de la soupe. Je t’en mets de côté pour plus tard si tu en veux, d’accord?”

ll ne répond pas. Rey baisse les yeux, se demandant ce qu’elle pourrait ajouter d’autre. Si elle était Kylo, elle lui dirait de cesser de bouder, et il obéirait promptement. Mais encore une fois, si son père était là, il ne serait pas un deuil. Dans le tas de draps et de vêtements en boule sur le sol, elle remarque un papier froissé à moitié enterré sous des chaussettes.

Au moins il a recommencé à dessiner, se dit-elle, tendant la main pour le ramasser et l’aplatir.

Mais elle réalise que ce n’est pas un nouveau dessin. C’est le même que celui qu’il faisait sur la Comète, celui où il s’était représenté donnant la main à ses deux parents. Elle continue de songer que c’était plus une oeuvre de propagande involontaire qu’un acte strictement naïf, mais Tam a complété son chef d’oeuvre d’un ajout qui serre le coeur de Rey.

Au crayon rouge, il a tracé une ligne diagonale sur le personnage de Kylo, des traits rouges brutaux revenant encore, et encore, et encore.

Rey repose le dessin, et referme la porte. Plus tard, assise en regardant la casserole sur le feu, elle a une révélation.

Voici ma vie, désormais, se dit-elle. Exilée dans une maison pourrissante au fond de la jungle, avec un enfant qui refuse de lui parler, et un autre en chemin. Elle est le dernier Jedi, vingt-cinq mille années de tradition et l’héritage de millions d’individus repose sur ses épaules, et elle prépare de la soupe.

Elle n’a pas eu de tel choc depuis ses dix-neuf ans, quand sur Jakku, elle a regardé une vieille femme frottant des pièces de récup’, et qu’elle s’était dit que si rien ne se passait sous peu, ce serait bientôt elle, cette vieille femme.

Quand elle termine sa soupe, Rey a décidé de ne pas rester sur Kalboth. Elle ne peut pas rester le petit Jedi domestique de la Résistance, qui la gardera toujours à l’écart par peur de son fils. Elle ne peut pas être simplement une maman. Elle doit finir ce que Luke a commencé. Elle doit réparer ce que Kylo Ren a brisé. Elle doit accorder à son fils une chance de devenir l’homme qu’il devrait, et s’assurer que l’enfant à naître trouvera sa place dès le premier jour.

Quand elle se couche ce soir là, son épaule est raide et endolorie. Il peine à s’endormir en maudissant la douleur, la chaleur, et les warbleurs qui ont décidé de monter une chorale juste sous ses fenêtres, ce soir. Elle reconsidère la proposition de Finn de les utiliser comme cible de blaster.

La chambre moite se dissout finalement dans un rêve, toujours le même rêve. L’obscurité absolue, plus opaque que les profondeurs de l’espace, et le corps mutilé sur le dos, le bras tendu, comme pour atrapper quelque chose qu’elle ne peut pas voir. Quelque chose qui lui échappera désormais pour toujours.

Rey se réveille en larmes, mais elle plonge directement dans un cauchemar infernal, sentant les tentacules bleues du vortex vibrer et s’étirer autour d’elle, tourbillonnant comme des nuages orageux, la mettant en pièces. La douleur déchire son épaule jusque dans sa poitrine comme si elle venait être tranchée en deux, et avec un cri, elle tombe de sa couchette.

Un instant, elle croit qu’il y a quelqu’un d’autre dans la pièce, quelqu’un accroupi dans l’ombre, qui l’observe. Mais quand elle regarde mieux, il n’y a sur le mur que la tache humide de l’infiltration d’eau du mois dernier.

Enfouissant le visage dans ses mains, Rey prend une inspiration tremblante. “Mais pourquoi ne peux-tu pas être un fantôme agréable?” demande-t-elle dans le vide de la chambre, mais sa voix semble si forte dans le silence de la nuit qu’elle se couvre la bouche en espérant ne pas avoir réveillé Tam.

La douleur dans son épaule devenue une pulsation régulière, se rendormir lui paraît impossible. Rey quitte sa chambre et se rend à la cuisine chercher un verre d’eau pendant qu’elle attend que la sensation de malaise de son rêve s’estompe.

La nuit est calme, à présent. Elle ne réalise pas tout de suite que les bruits habituels de la forêt de son tus, un signe que la pluie approche. La maison est silencieuse elle aussi, et la sensation de malaise ne fait que s’intensifier.

Rey repose son verre et se dirige vers la chambre de Tam, juste pour s’assurer que tout va bien. Elle ouvre doucement la porte et sonde l’obscurité.

Son lit est vide.

“Altan?” appelle-t-elle doucement, entrant dans la pièce, cherchant autour d’elle au cas où il se serait endormi sur son bureau une fois de plus. Son pied marche sur quelque chose et elle se penche machinalement pour ramasser le dessin qu’elle avait laissé là quelques heures plus tôt.

En le regardant, elle ne peut pas empêcher son pouvoir de transmettre des sensations depuis le papier jusqu’à sa main. Un sentiment d’épouvante la submerge, naissant dans le fond de son ventre pour l’engloutir, pas seulement parce que Kylo Ren a été rayé du dessin, mais parce que Tam aussi.

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