Coeur au Ventre

Chapitre 1 : Prologue

1238 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/08/2017 20:16

Je suis très heureuse de vous présenter le prologue de cette histoire qui virevolte dans un coin de ma tête depuis plus de deux ans. Cette histoire me tient à cœur, bien qu'elle avance doucement, je vous l'avoue. Tant parce que je suis lente à écrire que par ma volonté d'explorer les relations entre les personnages et leurs petits tourments. Il y aura de l'action mais il y aura aussi de l'interaction.

Je me dois aussi de prévenir que cette fiction, qui se veut globalement sombre, risque de basculer dans la violence au fil de son déroulement.

Je vous remercie beaucoup pour votre intérêt, même s'il est flâneur ou flemmard, même s'il est seulement de passage. Je vous assure, ça fait du bien quand quelques yeux daignent prêter attention à un travail qui a pris des heures.

Bonne lecture à vous !


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The Legend of Zelda



Cœur au ventre




Rapport du 22 septembre



Rédigé au Bourg d'Akila, dans la région de Lanelle.


Ernest Olive, trente-deux ans, marié à Rosélina, trois enfants, a été retrouvé mort la nuit du 20 au 21 septembre, dans la grange de sa propriété, le visage tuméfié et le crâne fracassé. Selon les dires de son épouse et de son fils aîné, Théodore, Ernest aurait été battu à mort après avoir tenté de repousser un intrus qui comptait s'introduire dans le foyer familial.

Les témoignages de la famille Olive font état d'un homme vêtu de vert et couvert d'un bonnet long de la même couleur, rôdant aux abords du Bourg d'Akila depuis plusieurs jours. Ce signalement correspond aux différents témoignages recueillis dans la région, où de nombreux pillages, des dégradations, des agressions et plus récemment des meurtres, ont été constatés au cours des deux derniers mois.

Officier Falder, 3ème division.



Les doigts ténus et glacés de Zelda, jeune souveraine du Royaume d'Hyrule, se crispèrent sur le parchemin jusqu'à le froisser entièrement. Link… Comment était-ce possible ? Ses yeux d'un bleu sombre et lourds de fatigue se posèrent sur l'immense fenêtre face à elle. La pluie battante ruisselait sur le vitrage, troublant le silence pesant de ses appartements froids, éclairés de chandelles et de candélabres.

Des rapports comme celui-ci fleurissaient par dizaines dans les archives du château, relatant des faits toujours plus sordides au travers des diverses contrées du Royaume. Ils décrivaient chaque fois le même individu, affublé de vert et arborant le couvre-chef si caractéristique de celui qui fut le Héros d'Hyrule, sept ans plus tôt. Ce Héros, élu des Déesses, qui avait bravé les Ténèbres du Monde du Crépuscule et rendu sa lumière au Royaume, avec le soutien clandestin de la Princesse Midona. Celui qui avait mis à genoux le terrible Ganondorf sous les yeux de Zelda désormais reine, avant que l'esprit du Malin ne fût scellé sous la lame salvatrice de l'Epée de Légende. Ce Héros qui, après sa victoire flamboyante, avait travaillé à ses côtés à la reconstruction du Royaume désolé durant quatre années. Ce jeune homme discret, mal accoutumé aux usages de la cour (1), qui avait pourtant participé à la mise en place d'un nouveau gouvernement visant à abolir progressivement les privilèges. Etait-ce donc cet homme-là qui aujourd'hui pillait les villages, incendiait les maisons et assassinait sauvagement les innocents ?


Un nœud d'inquiétude froissa le front pâle de Zelda sous sa couronne d'or. A la vérité, ce qui l'étonnait n'était pas les agissements supposés de Link. Ce qui l'étonnait était qu'on pût y croire. Elle aurait dû prévoir ce qui allait arriver quand elle favorisa le jeune hylien au détriment de ses conseillers lorsqu'elle avait permis à un simple roturier de bousculer les valeurs ancrées des bien-nés. Héros ou pas, on ne s'attaque pas si facilement aux privilèges de la cour. Sans doute aurait-elle dû le préserver de la rancœur des nobles. Pourtant, elle n'avait pas réagi quand le comportement de Link avait peu à peu changé, alors qu'il passait les portes du château de plus en plus épuisé. La suspicion empoisonna lentement les esprits lorsqu'un chevalier fut égorgé dans l'enceinte du château puis le fiel de la cour se déversa sur Link quand une dague lui appartenant fut retrouvée à côté du corps troué d'un haut magistrat, il y a un an de cela. Le jeune homme disparut peu après cet événement, probablement pour éviter le lynchage que la cour lui réservait. Ce fut à partir de ce jour que le ciel d'Hyrule s'assombrit. Zelda se souvenait de tout cela comme d'un mauvais rêve un peu flou. Elle n'avait rien vu venir et n'avait pas su réagir. Elle n'avait pas non plus senti le pouvoir lui glisser doucement des doigts. Elle ne pouvait que contempler la décadence nouvelle du Royaume depuis les fenêtres de sa grande cellule de pierre.



Deux coups sourds retentirent et la lourde porte en bois noir de la suite royale s'ouvrit dans un grincement sec. Un petit homme à lunettes, racorni comme un vieux saule, avec de longues oreilles pointues et un nez taillé comme un bec de corbeau, pénétra dans la grande pièce humide. Il portait un petit plateau d'argent au centre duquel fumait une grande tasse au parfum de rose.

« Votre apozème, ma Reine, annonça le Docteur Borville. Dégustez-le tant qu'il est chaud. »

La voix du médecin sonnait encore plus grinçante aux oreilles de Zelda que la porte de sa chambre. Certes, ce vieux grincheux était désagréable mais sa connaissance des élixirs et des plantes médicinales faisait sa renommée depuis de nombreuses années dans tout le Royaume. Chaque soir, il apportait lui-même une décoction à base de plantes censée calmer la « maladie des nerfs » qui rongeait la jeune femme.

« Je vous remercie, Docteur. » répondit simplement Zelda, d'une voix profonde et monocorde qui intimait de prendre congé.

Cette profondeur rappela au médecin la grandeur et l'autorité qui animaient la Reine du temps de la renaissance du Royaume. Du temps du Héros. Une autorité qu'il devinait pouvoir être dangereuse si elle s'éveillait soudain. Borville déposa le plateau sur la petite bouillotte près de la fenêtre que fixait Zelda, puis il s'inclina révérencieusement et sortit de la suite sans un mot de plus.


Le son de la pluie reprit possession de la pièce tandis que la jeune femme portait à ses lèvres rondes et douces la boisson parfumée. Comment en était-elle arrivée là ? Ce furent les derniers mots de tourment qui résonnèrent dans son esprit avant qu'une chaleur bienfaisante ne parcourût son corps et n'engourdît ses pensées. Elle ferma les yeux dont les prunelles avaient perdu l'éclat de tantôt et se laissa envelopper dans cette sérénité artificielle. Une pensée furtive éclata à sa consciente, comme une petite bulle d'air. Link … Où était-il, à présent ? Que restait-il du Héros qu'il fut ?


(1) Référence au One-Shot « Vous finirez par vous y faire », publié dans le recueil Dans les pas d'un Héros.

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