Coeur au Ventre

Chapitre 3 : II - Confrontation

3275 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 16/08/2017 22:17

Chapitre 2 : Confrontation

 

 

Il fallait compter en moyenne une heure de trajet à cheval depuis le village du Moulin de Forge jusqu'à l'est de la plaine. Une heure à fendre le relief vallonné du Royaume d'Hyrule, au travers de ses chemins tortueux. Albacide était toujours surpris des changements d'humeur de la Grande Plaine qui semblait colorer son ciel au gré des événements. Depuis que la Couronne avait durci son pouvoir, depuis que les familles peinaient de nouveau à remplir leurs assiettes, depuis que Link avait déserté la Citadelle, le ciel n'en finissait plus de s'assombrir et de cracher ses torrents de pluie sale comme on vomit un mauvais sang. Ces paysages d'ordinaire si verdoyants lui paraissaient en ce jour plus tristes qu'un lendemain d'ivresse. C'était à peine si on percevait le rouge flamboyant qui gagnait peu à peu les feuilles caduques des forêts alentours.

 

Parvenus à l'orée du Bois du Tertre où avait été signalée la présence des rebelles, le capitaine et ses hommes constatèrent que les échauffourées avec la garde s'étaient avérées meurtrières pour les insurgés. Sur l'étendue détrempée de la plaine s'étalaient les corps sans vie de trois hommes vêtus sommairement, fauchés en plein élan par les lames des soldats. Trois pauvres corps étendus aux pieds d'une garnison de fantassins à peine essoufflés par les affrontements. Ce spectacle déconcertant parut plus pathétique qu'héroïque aux yeux d'Albacide.

 

Un peu plus loin, au pied de quelques parois rocheuses qui brisaient l'horizon de la plaine, il aperçut un escadron de six officiers retenant un jeune homme agité. Un rebelle qui n'avait probablement pas eu le temps de prendre la fuite. La monture du capitaine s'avançait vers l'escadron, ses sabots s’enfonçant lourdement dans la terre rendue boueuse par les pluies d'automne. Albacide mit pied à terre à hauteur du cadavre d'un homme gisant dans la fange devenue écarlate. Une odeur poisseuse de cruor et feuilles pourrissantes s’enfonça dans ses narines jusqu’à lui saisir la gorge. D'un léger coup de botte, il retourna le corps sur le dos. Il s'agissait d'un homme fort aux cheveux clairs, âgé tout au plus de vingt-cinq ans, dont les frusques rudimentaires avaient été maintes fois transpercées par les lames de la garde. Le capitaine fixa un instant les prunelles vertes et figées du mort, tournées vers le ciel comme deux fenêtres ouvertes par lesquelles s'était échappé l'esprit. Une dague rubigineuse reposait à proximité du corps, seule arme visible que le malheureux semblait porter. Les insurgés avaient été pris par surprise et ne s'étaient pas préparés au combat.

« Voilà donc ce qui fait trembler la Couronne, une armée de clochards en guenille, ricanait un officier dans le dos du capitaine.

- Où est le reste des hommes ? interrogea ce dernier en scrutant les alentours.

- A la recherche du chef rebelle. Il a été vu en compagnie de cette marmaille de crève-la-faim et se serait enfui en direction du bois. Hé, bel exemple de courage que voilà ! Et sinon, que faire de celui-ci ? » demanda l'officier en désignant d'un mouvement de tête le jeune homme capturé.

 

 Albacide s'avança vers le prisonnier qui se figea sous son regard glaçant, le souffle court et la mine basse. Il sortit l'épée du fourreau dans un chuintement et, avec le plat de la lame, redressa doucement le visage du captif. Il était très jeune, pas plus de seize ou dix-sept ans. Ses traits encore marqués par la candeur se froissaient de colère et d’effroi sous des boucles noires collées par la pluie. A ses pieds, le capitaine remarqua une arme tombée au sol. D'un coup de lame vif, il fit bondir l'objet jusqu'à sa paume et l'observa. Tout comme le mort dans la plaine, ce garçon n'était guère équipé pour combattre.

« Et c'est avec ce fer émoussé que tu comptais attaquer mes hommes entraînés ? » interrogea froidement le capitaine en agitant légèrement la maigre lame sous le nez du prisonnier. Ce dernier ne répondit pas. Acculé à la roche par les bras solides des soldats, le jeune homme grelottait de froid et d’angoisse. Toutefois, ses yeux bruns à présent accrochés à ceux du capitaine ne semblaient plus vouloir se baisser. Albacide soupira doucement.

« Je crains que tu ne te sois mis dans de beaux draps, fiston, dit-il alors qu'il rapprochait son visage de celui du garçon terrifié. Tu sais bien que la garde n'a pas pour habitude d'être clémente avec les entêtés dans ton genre. »

Le prisonnier, qui restait toujours silencieux, finit par baisser les yeux. Albacide le saisit alors sèchement par la nuque et le poussa en direction du cadavre étendu à quelques mètres d'eux :

« Regarde tes petits copains, à quoi ils en sont réduits ! A pourrir dans la fange comme des bêtes pour s'être crus plus malins que la garde ! » siffla le capitaine à l'oreille du garçon en resserrant sa main sur son cou fragile.

Le jeune rebelle ferma les yeux et frissonna tandis que les mots tranchants d'Albacide venaient cogner sur sa tempe.

« Qu'espériez-vous ? A six contre toute une garnison ? Six crétins armés de canifs rouillés et vêtus comme des gueux ! »

La voix du capitaine se faisait plus aigre et criarde à mesure qu'il sentait le jeune homme se recroqueviller de terreur sous sa prise.

« A présent, crois-tu toujours que ces bravades méritent d'y laisser la vie ? » renchérit Albacide avant de repousser le captif contre les parois rocailleuses, aux mains de ses hommes.

Désappointé, le capitaine prit une grande inspiration, roula des épaules pour retrouver son calme et rajusta consciencieusement le col de sa broigne.

« Capitaine, murmura l'officier Bardin en s'approchant prudemment. Ce garçon était probablement aux côtés du chef des rebelles, tout à l'heure. Je pense qu'il serait judicieux de l'emmener jusqu'aux geôles et de l'interroger à son sujet... »

 

A peine Bardin eut-il achevé sa phrase qu'un sifflement furtif se fit entendre, suivi du cri déchirant d'un des soldats qui retenait le prisonnier. Albacide et le reste des hommes tournèrent soudainement la tête vers le soldat qui hurlait. Ils n'eurent pas le temps de réaliser qu'il venait de prendre une flèche dans l'épaule qu'un autre officier cria de douleur comme un nouveau projectile se ficha dans sa cuisse. Albacide se baissa instantanément et arma son bouclier :

« En garde ! » hurla-t-il à l'attention de ses hommes qui l'imitèrent.

Mais avant qu'ils n'eussent le temps de se protéger, deux autres officiers furent touchés au bras et à la jambe. Les tirs de flèches étaient incroyablement rapides et précis, si bien qu'Albacide se demanda l'espace d'un instant combien il y avait d'archers embusqués.

« Resserrez les rangs et tenez la position ! » ordonna-t-il en plaçant son épée au-dessus de son bouclier.

 

Alors qu'il scrutait attentivement les alentours, Albacide aperçut une silhouette jaillir en trombe du bois en face de la troupe et progresser rapidement de front, arc en main. Le capitaine se raidit un instant face à l'audace de cet homme qui osait charger seul tout un escadron de soldats, quand un éclat d'excitation fit briller ses yeux noirs.

« Enfin, te voilà, murmura-t-il pour lui-même, alors qu'il regardait la silhouette approcher à grandes foulées. Et que vas-tu faire à présent, seul contre tous ? »

Comme pour répondre à la question du capitaine, l'individu s'immobilisa à quelques mètres de l'escadron qui attendait les ordres. Il portait une tunique de lin couleur sable ceinte d'un serre-taille de cuir, et un pantalon sombre. Son visage était partiellement masqué par un capuchon blanc. Albacide lui nota une silhouette plutôt petite, mais fine et agile. Il put voir les prunelles bleues et glaciales de l'homme plonger un court instant dans les siennes et sentit un frisson d'exaltation lui saisir la nuque. Soudain, l'étrange individu arma une flèche avec la vitesse de l'éclair et la décocha en direction du capitaine. Ce dernier eut tout juste le temps de s'écarter quand il entendit le sifflement du projectile lui caresser l'oreille avant de se fracasser sur la roche, derrière lui. Albacide tressaillit, surpris par l'assaut, avant d'esquisser un bref sourire malgré la frénésie qui s'emparait de lui :

« C'est lui ! Le chef des rebelles ! Capturez-le ! » hurla-t-il à ses hommes en pointant l'insurgé avec son épée.

 

Mais à peine avait-il craché ses ordres que l'individu zélé avait dévié sa trajectoire pour atteindre le flanc gauche de l'escadron, à proximité du jeune captif qui observait la scène avec autant d'angoisse que d'admiration. En quelques foulées, l'homme avait eu le temps de raccrocher son arc dans son dos et de dégainer une large épée de taille qu'il tenait dans sa main gauche. Arrivé à hauteur des soldats qui avaient à peine bougé, il plongea hors de portée de leurs armes et balaya de sa lame l'espace devant lui, cisaillant légèrement les chevilles mal protégées des gardes retenant le jeune homme. Ces derniers geignirent de douleur et se trouvèrent déstabilisés par l'attaque. Le chef rebelle profita de l'hébétude des hommes encore debout pour les attaquer de front avec une dextérité et une brutalité qui les mirent bientôt à terre. Il profita de la chute d'un des soldats pour lui arracher son bouclier et se l'ajuster.

 

Albacide observa quelques instants les attaques du chef insurgé avec une certaine fascination. Sa technique était maîtrisée et ses mouvements rapides, précis et sans fioriture. Cet homme parvenait à neutraliser ses officiers avec une facilité déconcertante sans jamais qu'aucune de ses attaques ne s'avère meurtrière. Il blessait, déséquilibrait, désarçonnait, mais ne portait pas de coup fatal. En outre, il disposait d'un avantage supplémentaire à son adresse, celui d'exercer une admiration manifeste qui retenait souvent la main des soldats. En effet, Albacide voyait ses hommes devenir lents et gauches, hésitant comme des béjaunes apeurés avant de porter leurs coups.

 

 Ayant débarrassé le prisonnier des gardes qui le retenaient, l'homme encapuchonné le saisit fermement par l'épaule avant de le projeter en dehors de la cohue. Le jeune captif se figea un instant, stupéfait, avant de détaler comme un lapin en direction des bois. Un des soldats à terre se releva péniblement pour rattraper le fuyard, quand la voix d’Albacide retentit :

« Laisse partir le gamin ! Ce n'est pas lui qui nous intéresse ! »

 

 Sur ces mots, le capitaine s'approcha du chef rebelle qui continuait à se battre contre les soldats. Alors que l'intrépide guerrier s'apprêtait à lancer une attaque latérale sur quelques officiers, son épée fut stoppée en plein élan par le fer d'Albacide dans un fracassement métallique. Le capitaine arrêta brillamment le coup et renvoya l'attaque contre son adversaire pour le faire reculer. Observant le face à face qui s'annonçait entre le présumé chef des rebelles et leur supérieur, les soldats s'immobilisèrent et formèrent inconsciemment un cercle autour d'eux. L'insurgé s'était figé face au capitaine de la garde, en position de défense. Étrangement, il semblait attendre que son rival engage le combat. N'y tenant plus, Albacide chargea vers le flanc droit du guerrier rebelle qui esquiva son attaque sans grand effort. Ce dernier était habile et avait l’avantage d’être gaucher, une particularité suffisamment inhabituelle pour décontenancer bon nombre de ses adversaires. Le capitaine renouvela ses attaques, changea ses stratégies, mais à chaque fois, son adversaire répondait de la même manière. Il esquivait ou paraît les coups avec agilité, prenant le temps de repousser les assauts timides de certains soldats qui tentaient leur chance, mais il n'attaquait jamais. Albacide comprit que l'homme cherchait à le fatiguer, ou peut-être à se ménager lui-même. Il lança une attaque frontale avec brutalité pour acculer le rebelle à la roche. Ce dernier para le coup juste devant son visage. Le capitaine continuait de forcer, obligeant le guerrier à faire de même pour repousser la lame adverse hors de portée de son visage. Albacide sentait la prise de l'insurgé ployer progressivement et ses bras trembler sous l'effort. Il fatiguait. Le capitaine esquissa un sourire mutin à l'attention du rebelle qui faiblissait. A ce moment, celui-ci se déroba sans crier gare en plongeant sur le côté. Entraîné par l'effort, Albacide perdit l'équilibre. Son adversaire en profita pour lui faire un croc-en-jambe enfantin qui le fit tomber maladroitement en avant dans une position peu avantageuse. Le capitaine se redressa immédiatement pour ne pas prolonger l'humiliation et attaqua le rebelle avec furie, le faisant de nouveau reculer vers les parois rocheuses. C'est alors qu'Albacide projeta son bras en direction de la tête de son adversaire, tranchant un pan de son capuchon. Il vit alors une fine mèche de cheveux blonds tomber vers le sol. A présent, le capitaine était absolument sûr de l'identité de celui qui se trouvait devant lui.

 

   Link s'était figé face à Albacide et avait abaissé son épée, haletant. La capuche à présent rabattue dévoilait des oreilles en pointe ornées de boucles d'oreille bleues, témoins de ses origines hyliennes, qui perçaient dans ses cheveux blonds et noués en une courte queue de cheval. A la vue du Héros d'Hyrule, les officiers s'immobilisèrent, aussi fascinés qu'hésitants, empêtrés pour la plupart dans un ébahissement quelque peu idiot.

 

La majorité des soldats affectés à la milice était de jeunes recrues gorgées des récits épiques qui forgeaient la légende du Héros vêtu de vert. Les récits glorieux de ses exploits durant la guerre du Crépuscule le dépeignaient souvent comme un grand guerrier blond, fort et impérieux, qu'aucun homme n'osait défier. Cependant, la réalité l'avait fait tout autrement. Sa petite silhouette, quoique finement musclée, faisait fréquemment naître la déception dans le regard de ceux qui le rencontraient pour la première fois. Par ailleurs, le Héros affichait une figure aux traits délicats qui le faisaient paraître plus jeune que ses vingt-quatre ans, si bien qu'il serait difficile de croire qu'il fut celui qui défit le Seigneur des Ténèbres, si une cicatrice en travers de son œil droit ne témoignait pas de son combat. Toutefois, la noblesse de ses caractéristiques hyliennes et ses yeux brillants et clairs lui conféraient une autorité naturelle qui remplaçait vite le dépit de la première impression. Il en allait de même pour son allure, agile et assurée, qui le distinguait dans une foule et plus encore sur un champ de bataille. Sa maîtrise exceptionnelle des armes, et plus particulièrement de l'épée et de l'arc, attestait que la légende ne relevait pas seulement du conte. Qu'il fût à présent traître et fugitif ne défaisait en rien l'admiration que nombre de gens lui portaient encore.

 

Mais à l'instant, le jeune homme semblait fatigué, éprouvé par le nombre et les heures de cavale. Son front était trempé de sueur et ses yeux pâles avaient un peu perdu de leur hargne. Albacide souriait franchement, à présent. Ce Héros si légendaire semblait sur le point de capituler. Il vit l'hylien lancer un regard nerveux en direction du bois avant de reporter son attention sur lui. Le capitaine détourna furtivement la tête vers le bois et aperçut trois vaillants soldats en sortir, de ceux qui étaient partis à la poursuite du chef rebelle avant l'arrivée de la cavalerie. Il se retourna vers Link avec un air victorieux. Épuisé et encerclé, l'hylien ne pouvait plus espérer s'enfuir :

« Je te tiens, cette fois » murmura-t-il à l'attention du Héros.

 

    Etrangement, Link soupira en jetant sur le capitaine un regard réprobateur. D'un mouvement de poignet désinvolte, il souleva son épée et entailla la joue d'Albacide. Il profita ensuite de la surprise du capitaine pour lui asséner un violent coup de genou dans le flanc avant de reculer de nouveau vers la roche. Le souffle coupé, Albacide mit un genou à terre, un instant paralysé par une douleur qui pulsait jusque sous ses côtes. De son côté, Link repoussa violemment les attaques des soldats qui voulurent riposter avant de jeter son bouclier à terre. Il fouilla soudain dans une sacoche de cuir, discrètement attachée à sa tunique de lin, et en sortit un étrange objet plat et circulaire, du diamètre d'une grosse orange. Il en pressa le centre et le bruit d'un cliquetis métallique se fit entendre, témoignant du déclenchement d'un obscur mécanisme. L’hylien jeta l'objet au sol, contre la paroi rocheuse, tandis que celui-ci semblait se déployer de toutes parts. Impressionnés, les gardes reculèrent et observaient avec stupeur les engrenages complexes de cet étrange appareil se déplier sous leurs yeux dans un inquiétant fatras mécanique. Albacide lui-même, toujours agenouillé, contemplait l'objet gagner en volume, stupéfait. En quelques secondes, le disque avait triplé son diamètre et gagné en épaisseur, jusqu'à former une petite plate-forme hérissée de dentures métalliques, juste assez grande pour accueillir une personne. Une fois totalement déployé, l'étrange appareil se riva automatiquement à la roche. En observant plus attentivement les alentours, Albacide remarqua un rail métallique qui courait tout le long de la paroi rocheuse.

« L'aérouage[1]... Oh, petit malin » souffla le capitaine avant de chercher à se relever.

Sans plus attendre, Link bondit sur la plate-forme et, d'une impulsion sèche avec la jambe, enclencha l'appareil dont les dentures se mirent à tournoyer. Il s'accroupit souplement et osa un petit clin d’œil au capitaine qui se ruait vers lui, avant de s'élancer sur le rail incrusté. Albacide n'eut pas le temps d'intercepter l'hylien et le regarda filer sur les façades rocheuses, sautant de rail en rail sur l'aérouage. Il le remarquait bien, à présent, tout ce dédale de goulottes creusées dans la pierre.

« Tu ne t'en tireras pas comme ça, crois-moi ! grogna le capitaine, furieux. Occupez-vous des blessés et ne m'attendez pas ! »

Sur ces mots, il se redressa et se précipita vers son cheval, l'enfourcha d'un seul jet, et s'élança aux trousses du Héros déchu à bride abattue.

« Capitaine ! » hurla Bardin, soucieux de ne pas laisser son supérieur sans appui.

Mais Albacide était déjà loin, et il ne comptait pas laisser filer Link aussi facilement.

 

 

 


[1] L’aérouage est un petit véhicule flottant que le joueur récupère dans un donjon du jeu. C’est un artefact propre au jeu Twilight Princess qui parlera surtout aux connaisseurs.

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