Walking to you

Chapitre 1

4055 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 20/08/2017 20:06

Kate n’aimait pas laisser sa famille si longtemps sans protection. Enfin, sans SA protection. Depuis que toute cette merde avait commencé elle en avait trop vu et trop souffert pour accepter qu’il arrive quoi que ce soit à ceux qui lui restaient. Pourtant elle continua sa progression silencieuse dans les bois. Elle devait trouver de quoi manger. Cela faisait des jours qu’ils marchaient et les enfants de son groupe commençaient à ressentir cruellement le manque de nourriture consistante, les adultes aussi mais la plupart savait se taire ou, tout du moins, ils ne se plaignaient plus devant elle. Un bref instant elle se demanda à quel point cette « apocalypse mort-vivant » comme l’appelait John, un ado d’une quinzaine d’année qu’elle avait ramassé lors d’une de ses virées dans la périphérie nord d’Atlanta, l’avait changé. Protectrice, elle l’avait toujours été. Caractérielle ? Oui, ça aussi. Revancharde ? Probablement aussi. Non, décida-t-elle, elle n’avait pas tant changé que ça. Après tout, cela ne faisait pas si longtemps que cela que le monde avait viré au film d’horreur. Combien de temps au juste ? Flut, elle ne s’en rappelait plus. Et cela l’énerva. Hors de question que ses nièces vivent la même chose ! Elle les préserverait. Les petites connaitraient à nouveau les joies de l’enfance, de l’innocence et de l’insouciance. Elle se le jura une nouvelle fois. Elle leur trouverait un endroit sûr. Un havre de paix. Mais avant, elle devait leur trouver de quoi manger !

Une brindille craqua sur sa droite et elle sourit. Que la chasse commence. Une bonne heure et pas mal d’égratignures plus tard, elle maudissait cette foutue biche qui l’avait nargué avant de gambader joyeusement au loin.

               - Qu’à cela ne tienne ma belle. J’aurais ta peau un jour.

Deux lapins pendaient à sa ceinture, c’était déjà pas mal. Mais une biche aurait été mieux. Elle allait reprendre sa route vers son campement quand elle entendit le son caractéristique d’un petit animal fuyant pour sa survie. Un peu de viande en plus serait appréciable… Des pleurs et des sanglots retentirent sous les arbres et elle comprit. L’animal était un enfant. Zoey ? Lily ? Ses nièces l’auraient-elles suivit ? Furieusement, elle s’élança sur la piste. Deux Rôdeurs avaient acculé leur proie dans un ravin. La première flèche de Kate se planta directement dans la caboche du premier mort, la seconde manqua son comparse.

               - Merde !

La fillette hurla et se débâtit quand le cadavre agrippa son bras. Nouvelle flèche. En plein dans l’œil du cadavre qui s’effondra. Le cœur battant à tout rompre, Kate se laissa tomber dans le fossé, surfant presque sur les feuilles pour rejoindre l’enfant.

               - Zoey ? Lily ?

Elle souleva les corps désormais inertes pour la libérer et, stupéfaite, se figea un instant. Ce n’était pas l’une de ses nièces. La gamine, une petite blonde qui semblait n’avoir guère plus de dix ans, la regardait de ses grands yeux terrifiés.

               - Tu n’as rien ?

Elle fit non de la tête, serrant sa poupée un peu plus contre elle.

               - Tu n’as pas été mordue ? ou griffé ?

Elle répondit pareillement avant de se jeter dans ses bras en larme. D’instinct, Kate la serra contre elle pour la consoler.

               - Chut, ça va aller. Tu es en sécurité maintenant. Laisse-moi voir.

Elle recula l’enfant et s’assura qu’elle n’était pas contaminée. Une fois satisfaite elle put reprendre son interrogatoire.   

               - Comment t’appelles-tu ?

La petite renifla et s’essuya le nez d’un revers de bras.

               - Sofia.

               - Tu es toute seule ici ?

Elle fit non de la tête.

               - On était sur l’autoroute. Il y a eu tout un groupe de Rôdeurs et j’ai dû courir dans les bois et…

Elle sanglota de plus bel et Kate la prit à nouveau dans ses bras pour la calmer. L’autoroute ? Mais quelle autoroute ? Bon sang ! songea-t-elle.

               - Il m’avait dit d’aller par-là, mais, mais, j’avais peur. Et, et, ils m’ont trouvé. Et je, je, j’ai couru. Et…

Nouveau pleurs.

               - Là, là. Ça va aller.

Bon, au moins elle savait que Sofia n’était pas toute seule. Une bonne et mauvaise nouvelle à la fois. D’un côté elle n’aurait pas à se charger de la petite. Même si brièvement elle avait songé à l’abandonner ici, elle savait déjà qu’elle l’aurait regretté et serait revenue sur ses pas tôt ou tard. Mais d’un autre côté la présence d’un groupe si près du sien ne la rassurait pas. Depuis ses dernières et désastreuses aventures avec d’autres survivants, elle était plus que frileuse à l’idée d’en croiser de nouveaux. Levant les yeux au ciel, elle essaya de calculer le temps lui restant avant la nuit. Guère plus d’une à deux heures. Trop tard pour fouiller les bois et remettre la petite sur la bonne route.

               - Écoutes moi, ma grande, on va aller jusqu’à mon campement pour ce soir. Tu pourras manger, te reposer, et demain je partirais chercher tes parents.

               - Tu retrouveras ma maman ?

               - Oui. Allez viens, tu peux marcher ?

Sofia renifla une nouvelle fois, lui offrit un sourire et se releva. Kate récupéra ses flèches. La première vint facilement, dans un joli bruit de succion. La seconde résista tant qu’elle dut appuyer avec sa chaussure sur le crane du Rôdeur. L’os pourrit céda sous son pied dans un craquement et un peu de cervelle imprégna sa chaussette. Se retenant de gémir de dégout en le liquide entré en contact avec sa peau, Kate inspira pour se calmer. Mauvaise idée. La puanteur des cadavres l’emplit jusqu’au poumon et elle eut un haut-le-cœur. Vaillamment elle se retourna vers la gamine.

- Allons-y.

Elle ouvrait la marche quand elle sentit une petite main se glisser dans la sienne. Ce fut comme si un nouveau poids se posait sur ses épaules. Elle sentait déjà les ennuis poindre à l’horizon.

               - Un nouveau chien errant… ils ne vont pas me louper au camp, murmura-t-elle.

               - Quoi ? demanda l’enfant.

               - Rien, chérie. On y sera bientôt.

Le soleil avait disparu depuis quelques minutes quand elles arrivèrent à la petite ferme qui servait de campement temporaire pour le groupe de Kate. De la fumée s’échappait de la cheminée et des lumières éclairaient joyeusement la nuit à travers les fenêtres. La jeune femme grommela. Personne ne semblait monter la garde. Autant étaler une grande pancarte inscrit « buffet gratuit pour Rôdeur ». Une chance qu’une barrière entour la propriété, cela les ralentirait. La porte s’ouvrit alors qu’elle n’était plus qu’à quelques pas.

               - Tatie ! s’écrièrent ses nièces en se jetant dans ses bras.

Elle les rattrapa au vol et les serra fort contre elle. Le parfum de leurs cheveux, un savon parfum bubble gum qu’elle avait trouvé dans une supérette lors d’un de ses raids, emplit ses narines et un peu de sa colère disparut aussitôt. C’était un peu comme si elle rentrait à la maison. Pendant un bref instant tout semblait être revenu à la normale. Les morts restaient mort, le monde n’était pas devenu un sac d’emmerde, les gens n’essayaient pas de vous tuer pour une boite de conserve. Un trop bref instant dont elle dû s’extirper trop tôt à son goût.

               - C’est qui ? demanda Zoey, la plus âgée des petites.

Kate se tourna vers Sofia, restée derrière elle.

               - Elle s’appelle Sofia. Elle était perdue dans les bois.

               - Les monstres ont essayé de la manger ? demanda Lily en observant Sofia avec attention.

Du haut de ces six ans, Lily était tout à la fois curieuse et extrêmement perspicace. Au point que sa tante n’arrivait pas vraiment à déterminer à quel point elle comprenait ce qui se passait.  

               - Elle va tomber malade aussi ? continua-t-elle.

               - Non j’ai vérifié. Elle va bien. Elle restera avec nous pour cette nuit. Demain je retrouverais sa famille. Sofia, voici Zoey et Lilly, mes nièces.

La petite fille resta prudemment derrière Kate, comme pour se protéger.

               - Faut pas avoir peur, on mord pas, fit simplement Zoey.

               - Rentrons les filles.

Les deux petites s’enfuirent à l’intérieur alors que Kate poussait gentiment Sofia vers la porte. Une fois l’entrée bien verrouillée, et qu’elle eut vérifié qu’aucun Rôdeur n’était en vue, la jeune femme déposa son arc et ses flèches sur le comptoir de la cuisine, sous la fenêtre.

               - Pas d’arme dans la cuisine ! la gronda Mindy d’un air sévère.

Sofia s’accrocha à la jambe de Kate en se cachant de nouveau derrière elle. La jeune femme, elle, sourit à la vieille femme. Malgré son ton et son air réprobateur, Mindy, une femme à l’aube de la soixantaine, les cheveux poivre et sel –plus sel que poivre d’ailleurs – et aux yeux d’une douceur incroyable, ne pouvait passer pour quelqu’un de méchant. Elle était presque la grand-mère de leur groupe disparate. Même si elle était douce et généreuse, elle savait mener son petit monde et prenait aussitôt les rênes pour organiser le campement quand ils s’arrêtaient.

               - Ce n’est qu’un arc.

               - Qui a trainé on ne sait où et touché on ne sait quoi. Et je ne te parle même pas des flèches qui ont transpercé… commença-t-elle.

               - Mindy, voici Sofia, coupa Kate en poussant la petite devant elle, certaine de la réaction de la femme. Elle a été séparée de son groupe par des Rôdeurs.

               - Oh pauvre petite chose ! Et dans quel état elle te ramène ! fit-elle en prenant l’enfant sous son aile.

Puis se tournant vers Kate :

- Tu aurais quand même pu faire attention à cette pauvre enfant ! Et ne vas pas mettre tes carcasses n’importe où ! Donnes les à Tom, il va les préparer.

Se retournant vers Sofia.

               - Viens mon petit chat, on va te trouver des vêtements propres et tu auras bientôt un bon repas chaud dans le ventre.

Sofia se retourna vers Kate, indécise. Cette dernière lui sourit et hocha la tête, signifiant qu’elle n’avait rien à craindre. L’enfant se laissa alors conduire. La jeune femme rit doucement, Mindy était la seule à ne pas hésiter à la rabrouer. Par certains égards elle lui faisait penser à sa mère. Son humeur s’assombrit aussitôt. Non. Il ne fallait pas penser à ça.

               - Kate ?

La voix de sa sœur la fit sortir de ses pensées moroses.

               - Les filles me disent que tu as ramené une petite fille.

               - Ouais. Des Rôdeurs en avaient après elle.

               - Des Rôdeurs ? Alors elle est peut être….

               - J’ai vérifié, tout va bien. Et puis Mindy est avec elle, la connaissant la gamine est examinée sous toutes les coutures.

               - Tu as trouvé quelque chose ?

Avec un sourire elle lui désigna les deux lapins puis sortit de son sac à dos quelques champignons et fruits des bois.

               - Hey ! Qui est partant pour un bon civet ? lança joyeusement Tom en entrant dans la cuisine à son tour de son pas boitillant.

               - Tant que ce n’est pas ta soupe d’herbes, ça me va, lança Kate en tendant les lapins à l’ancien Chef cuisinier.

               - Hé ! je fais avec ce que j’ai. Ou plutôt avec ce que tu me ramènes.

Kate grommela une réponse alors qu’il se mettait au travail en sifflotant.

               - Qui devait monter la garde ? demanda-t-elle.

Laura, sa sœur, et Tom se jetèrent un regard gêné.

               - Sully et Angela, répondit timidement Laura.

               - Putain de merde ! ragea Kate en se dirigeant vers la porte.

               - Kate, l’arrêta sa sœur. La petite, elle était seule ?

               - Elle a perdu sa famille. Ils étaient sur une autoroute.

               - Sans doute la 141 mais elle est sacrément à l’Ouest d’ici, l’informa Tom.

               - J’irai voir ça demain.

               - Et s’ils… on ne sait pas comment sont ces gens et on est bien ici, plaida sa sœur.

Kate soupira.

               - Ce n’est pas sûr. Sofia parlait d’un gros groupe de Rôdeur, s’ils se déplacent en groupe on est peut-être en danger.   

               - Mais…

               - On verra. J’aviserai quand j’aurai retrouvé sa famille.

               - Mais… continua Laura.

               - Et si c’était l’une des filles ? coupa Kate. Tu ne voudrais pas qu’on te la ramène ?

Laura ne répondit rien mais elles savaient que la conversation était finie. Refermant la porte derrière elle, Kate se mit en quête des deux amoureux. S’ils n’étaient pas à leur poste aux alentours de la maison, il y avait fort à parier qu’ils étaient en train de batifoler dans l’une des annexes de la ferme. De petits gloussements mirent Kate sur la bonne piste. Furieuse que ces deux jeunes crétins aient mit le reste du groupe en danger, elle allait entrer dans la grange quand elle entendit le grognement typique d’un Rôdeur. Une idée lui vint alors. Une mauvaise idée, méchante, dangereuse et même cruelle. Mais cela n’était pas la première fois que les jeunes mariés s’isolaient faire leur petite affaire en laissant les autres sans défense. Tom avait été blessé à la jambe grâce à eux et boiterait sans doute pendant des mois. L’histoire aurait dû leur remettre les idées en place mais il semblait que ce n’était pas encore le cas.

               - Et puis merde ! jura-t-elle.

Quelques minutes plus tard le Rôdeur entrait dans la grange pour surprendre les deux amoureux. Le cri d’Angela déchira le ciel.

Non mais sérieusement ? Rameute les autres Rôdeurs du coin au point où t’en est ! pesta intérieurement Kate en observant la scène dans l’ombre de la porte où elle avait pris position en silence.

Sully, nu comme un ver, essayait d’attirer le monstre.

               - Trouve-moi mon arme ! Trouve-moi n’importe quelle arme ! criait-il.

Ah parce que bien sûr tu ne sais pas où est ton arme ! ragea Kate.

Angela fouillait la paille. Inconsciente qu’elle trouverait sans doute une arme plus rapidement en levant les yeux vers les murs où pendaient des fourches et autres outils agricole en tout genre. Sully ne semblait pas plus inspiré.

Et dire que je les ai laissé protéger ma famille.

               - Angie ! paniqua Sully en essayant de repousser le mort.

               - Je la trouve pas !

               - Nom de dieu, gronda Kate, se décidant à intervenir.

Sombrement elle traversa la grange et, tirant le couteau qu’elle attachait toujours à sa jambe, planta la lame parfaitement affutée dans le crane du Rôdeur. Le mort s’effondra, laissant voir un Sully estomaqué.

               - Mer…

               - J’aurai du le laisser te bouffer, coupa-t-elle.

               - Kate… plaida Angela.

               - J’ai pigé, vous êtes amoureux. Vous avez envie de baiser. OK ! Mais vos conneries ont déjà manqué de tuer Tom alors vous faites ça quand on ne compte pas sur vous. Pas quand la vie des autres dépend de vous, c’est compris ?

               - Kate, commença Sully.

Furieuse, la jeune femme le plaqua au mur, son couteau encore couvert du sang du cadavre collé à la gorge du jeune homme.

               - Pas quand la vie de ma famille dépend de toi, compris ?

Il avala difficilement sa salive, faisant tressauter sa pomme d’Adam.

               - Je suis désolé, souffla-t-il.

Doucement, elle le relâcha.

               - Rhabilles-toi. Tu prends le premier quart. Et bordel ne perd plus jamais ton arme des yeux ! Angela tu rentres, tu prendras le quart suivant.

               Sully remettait son pantalon quand il la rappela.

               - Attends ! Tu étais là depuis longtemps ?

               - Qui a fait rentrer le Rôdeur ici à ton avis ?

D’accord, elle avait été garce. D’accord, elle avait peut-être des tendances psychopathes. Mais elle avait la vie de ces abrutis et des autres membres du groupe à sa charge. Mentalement, elle ajouta l’entrainement des personnes valides aux maniements des armes à la liste des choses à faire. Bon sang que ne donnerait-elle pour que Tyler soit encore en vie ? Il était son meilleur ami bien avant toute cette merde et elle savait qu’elle pouvait lui faire confiance. Il l’avait aidé à sauver sa famille quand les morts étaient revenus dévorer les vivants. Il lui avait même sauvé la vie. Et il était mort à cause du dernier groupe qu’ils avaient rencontré. Peut-être n’était-ce pas une si bonne idée d’avoir ramené cette gamine finalement.  

 


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