Walking to you

Chapitre 2

3767 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 20/08/2017 20:01

La nuit commençait à s’enfuir et quelques perles de rosée trainaient encore paresseusement sur les brins d’herbe quand Kate entendit les premiers bruits dans la maison. Elle aimait prendre le dernier tour de garde. Celui où tout le monde dort encore alors que le monde s’éveil. Tout semblait si calme à cet instant. Installée sous le porche, son arc à côté d’elle, elle attendit tranquillement que Tom la rejoigne. Sa démarche branlante semblait plus inquiétante chaque jour. Avec un soupir il se laissa tomber à côté d’elle.

               - C’est beau ici, dit-il.

               - Ouais.

               - Mais on ne va pas rester, c’est ça ?

               - On est trop près de la ville. Les morts commencent à en sortir. Tôt ou tard ils arriveront ici. Comment va ta jambe ?

               - J’ai toujours du mal à me mettre en route les matins. T’inquiète pas.

Elle soupira.

               - Montre.

               - Kate…

Elle lui offrit un regard sans âme et il ne discuta pas plus. Relevant le bas de son pantalon, il dévoila un bandage d’une couleur douteuse. Elle serra les dents et l’aida à défaire le pansement. 

               - Quand l’a-t-on changé pour la dernière fois ?

               - Il y a deux jours.

Elle grimaça et, se penchant vers la plaie, examina les dégâts. C’est en essayant de fuir une horde de Rôdeurs que Tom s’était fait ça. La barrière en tôle qu’ils avaient construite autour de leur dernier campement n’avait pas épargné le mollet du cuisinier. Les chairs montraient une couleur violet-noir de mauvais augure et une odeur pestilentielle commençait à s’en dégager. S’ils ne faisaient rien l’infection allait gagner du terrain. Le regard de la jeune femme croisa celui de son ami.

               - C’est pas aussi moche que ça en a l’air, dit-il en rabaissant son vêtement.

               - Il faut nettoyer ça.

               - Je demanderai à Mindy de m’aider.

Elle hocha la tête. Ils n’étaient pas dupes. Il leur fallait des médicaments. Cela voulait dire en trouver sur la route, ou retourner en ville.

               - Sully nous a parlé du Rôdeur, dit-il au bout d’un moment.

Elle ne répondit rien. Depuis la mort de Tyler, elle s’était isolée du groupe. Pas seulement parce qu’il lui manquait. Il était son meilleur ami, son confident, son amant. Peut-être même l’avait-elle aimé. Elle s’était éloigné des autres à cause de ce qu’elle avait fait ensuite, et de la façon dont ses compagnons la regardaient depuis. Avec peur.

               - Oh n’imagines pas qu’il est venu cafter !

Il sourit à demi.

               - Il a bien trop peur que tu lui en colle une entre les deux yeux, continua-t-il. Je croyais que ça allait mieux. On croyait… Enfin, quand tu es revenu hier avec la petite… Tu ne ramenais plus personne depuis…

               - Tu aurais préférais que je laisse les morts la dévorer vivante ? coupa-t-elle sèchement.

               - Non ! Bien sûr que non ! Mais tu es différente avec les enfants. Même avec John. Tu es, il sembla chercher ses mots, gentille.

Elle le fusilla du regard et il leva les mains comme si elle pointait une arme sur lui.

               - Disons, moins exigeante, corrigea-t-il hâtivement.

Elle reporta son attention sur les alentours.

               - Ce sont des enfants. Sully et Angela sont des adultes, dit-elle simplement.

               - Non, ce sont encore des gamins. Et ils sont terrifiés.

               - Ils ont raison.

               - Qu’ils aient peur des morts, c’est une chose. Mais ils ont peur de toi aussi.

Elle avait beau le savoir, l’entendre dit à voix haute la blessa.

               - On est un groupe, une équipe. On ne peut pas marcher à la peur. On doit avoir confiance les uns en les autres. Y a que comme ça qu’on survivra, renchérit-il.

               - Et qu’est-ce que tu suggères ? Que je sois plus relax ? Que je les materne peut être ? dit-elle sarcastique. Laura s’évanouie à la vue du sang, Mindy a décidé qu’elle était pacifiste et toi tu as une jambe en moins ! Le monde est devenu une putain de merde. Les morts se relèvent pour nous bouffer, les vivants ne valent pas mieux et je me trimballe une bande de hippies et d’éclopés. Essaye de survivre avec ça !    

               - Alors pourquoi tu ne pars pas ?

               - Quoi ?

               - Laisse-nous. Tu t’en tireras mieux sans nous, c’est certain. Alors vas-t-en.

Il n’avait pas crié, il n’était pas même en colère. Il lui dit ça comme si c’était une évidence. Elle se renfrogna dans son siège.

               - Je ne peux pas.

               - Pourquoi ?

               - Parce que, même si vous me faites tous chier, vous êtes la seule chose qu’il me reste.  

Il eut un sourire en coin qui l’énerva. Il avait réussi à lui faire dire ce qu’il voulait.

               - T’es agaçant, tu sais ? reprit-elle.

Le sourire du quinquagénaire s’agrandit alors qu’il s’installait plus confortablement dans son fauteuil en rotin.

               - Ouais, mais je suis tout ce qu’il te reste.

Elle jura et il rit.

               - C’est ça la famille, ma belle.

Elle esquissa un sourire malgré elle.

               - Je vais voir pour préparer le petit déjeuner, souffla Tom en se relevant.

               - Repose-toi.

               - Je vais préparer le déjeuner, insista-t-il. Et toi, tâche de te rappeler cette conversation à l’avenir.

Elle eut envie de lui répondre un ironique « oui, papa » mais elle se retint. A la place, elle lui fit un vague signe d’assentiment de la main. Protéger le groupe. Trouver à manger. Entrainer les autres. Retrouver la famille de Sofia. Trouver des médicaments. Et accessoirement être plus sympa et compréhensive. La journée commençait à peine que la liste des choses à faire augmentait à vue d’œil.

               - Kate ! Kate !

La voix paniquée de Mindy la tira de ses réflexions.

               - C’est partie, soupira-t-elle.

Elle allait entrer quand Mindy ouvrit la porte devant elle.

               - La petite, elle a disparue. La petite Sofia. Elle était là. Elle dormait avec les autres et…

Calmement, Kate alla vers le placard de la cuisine et l’ouvrit pour laisser voir l’enfant qui dormait paisiblement.

               - Mais… commença Mindy surprise.

Kate referma la porte.

               - Elle s’est levée un peu après moi. Elle avait peur. Je l’ai renvoyé au lit et je l’ai retrouvé là. J’ai essayé de la ramener dans la chambre mais…

Elle haussa les épaules.

               - Finalement j’ai laissé filer et je lui ai ramené un oreiller et une couverture.

               - Mais, pourquoi…

               - Kate était devant la porte. Voilà pourquoi, répondit Tom en coupant la vieille femme.

Mindy se tourna vers la jeune femme qui haussa de nouveau les épaules.

               - Dites à Sully de me rejoindre. On part chercher le groupe de la petite.

- Avec Sully ? s’étonna Tom.

- Angela surveillera les environs en attendant. On devrait revenir vite.

Le cuisinier et la jeune femme eurent un regard de connivence qui échappa totalement à Mindy. Un peu plus d’une heure plus tard les deux jeunes gens s’enfonçaient dans les bois. Suivant les indications de Tom, ils se dirigèrent prudemment vers l’autoroute avec l’intention de la longer sous le couvert des arbres jusqu’à trouver le groupe de Sofia. Là, ils pourraient jauger les étrangers et décider de la façon de rendre l’enfant à sa famille.

               - On aurait dû emmener la petite, dit Sully, logique.

               - Elle sait où nous sommes. Si jamais son groupe est agressif et qu’ils décident de nous attaquer…

               - Hmm, trop dangereux.

Elle hocha la tête.

               - C’est pour ça que tu voulais que je prenne des armes en plus ? demanda-t-il en replaçant une nouvelle fois la bandoulière d’une carabine sur son épaule.

Avec sa carrure presque décharnée, Sully faisait bien plus jeune que ses vingt-cinq ans, et son T-shirt à l’effigie d’un quelconque super héros n’aidait pas. Malgré les nombreux jours sans pouvoir se raser, il n’avait qu’un petit duvet qui poussait vaille que vaille au-dessus de ses lèvres. Ses lunettes semblaient lui manger le reste du visage. Que faisait-il avant tout cela ? Il semblait à Kate l’avoir entendu en parler mais elle ne s’en souvenait plus. Ce n’était pas un sportif, c’était certain. Un intellectuel surement. Ils vivaient ensemble depuis plusieurs semaines, elle lui confiait certaines missions mais, elle s’en rendait compte, elle ne le connaissait pas vraiment. Ce n’était pas son fort de parler, apprendre à connaitre les autres. Il ne représentait pas un danger pour sa famille, cela avait suffi jusque-là.

               - Pour t’habituer à en avoir sur toi, aussi.

               - Pour hier…

               - J’ai été… brusque. Désolée.

Sully s’arrêta, surpris. Il fallut quelques pas à Kate pour remarquer qu’il ne la suivait plus. Elle se retourna vers lui. On aurait dit qu’il venait de voir passer un éléphant rose.

               - Sérieusement ? Tu me présente des excuses ?

Elle ronchonna et repris sa marche. Un grand sourire illumina le visage du jeune homme qui la rattrapa en courant.

               - Bah ça alors !

               - Si tu en parles à qui que ce soit je te tue.

Il rit.

               - A vos ordres chef !

Elle leva les yeux au ciel. L’enjoignant à se taire, elle lui enseigna les rudiments de la chasse même s’il ne comprit absolument pas comment elle pouvait suivre une piste. Un Rôdeur s’approcha d’eux, Sully se précipita sur sa carabine avec des gestes maladroits. Tranquillement, Kate lui fit baisser son arme. Il était seul, autant ne pas ameuter d’autres morts qui traineraient dans les environs. Elle plaça un couteau dans les mains de son nouvel apprenti et lui indiqua comment procéder. Le cœur battant, Sully s’approcha du cadavre ambulant. Il esquiva les bras qui se tendaient vers lui et vivement frappa le crâne. Sa lame ripa et ne fit qu’une entaille. La peur commença à le gagner.

               - Calme toi et recommence, fit son mentor, patiente.

Bourré d’adrénaline, il frappa à nouveau. L’arme s’enfonça jusqu’à la garde dans la tête pourri. L’odeur pestilentielle du corps en décomposition enveloppait le jeune homme mais il n’en avait cure. Le Rôdeur s’était figé. Le mort tomba au sol, l’arme échappant des mains moites de Sully. Heureux, il se retourna vers Kate. Elle lui sourit,  le félicita avant d’ajouter :

               - Ne laisse plus ton couteau t’échapper, même si tu viens de tuer un Rôdeur. Il était seul mais s’il y en avait plusieurs les autres auraient pu en profiter. Tu plantes ta lame et tu la retires aussitôt. Compris ?

Il hocha la tête et repris son arme. Il lui fallut plusieurs essais pour la déloger. Un morceau du crâne et quelques mèches de cheveux y étaient accroché. Il voulut les enlever de sa main quand Kate l’arrêta.

               - Et si tu te coupes avec ?

C’était évident mais le jeune homme était trop euphorique pour penser à ces petits détails. Oh ! ce n’était pas la première fois qu’il tuait un Rôdeur ! Mais habituellement il était si paniqué par l’évènement qu’il ne prenait pas la peine de réfléchir. Il frappait comme il pouvait, vomissait ensuite voir pleurait si personne ne regardait. Et ce n’était jamais devant Kate. Elle n’avait que quelques années de plus que lui mais elle lui semblait si grande ! Si courageuse ! Si terrifiante aussi ! Pour la première fois depuis longtemps il se sentait fier de lui.

Heureux comme un enfant, il suivit la jeune femme dans la forêt. La leçon n’était pas terminée et ils étaient encore loin de l’autoroute. Les premières voitures furent en vue une poignée d’heures plus tard. Ils ne quittèrent pas l’abri de la forêt et avancèrent silencieusement. Sofia avait fait une description des quelques personnes qui composaient son groupe. Six hommes, trois femmes et un enfant qui se déplacent avec un camping-car, voiture et moto. Le nombre d’homme composant ce groupe inquiétait un peu Kate. Si cela se finissait en confrontation, ça ne jouerait pas en leur faveur. Ils n’eurent pas à marcher longtemps avant de voir un groupe de Rôdeur en plein repas.

               - Tu crois que c’est eux ?

En un sens, elle l’espérait.

               -Y a qu’une façon de le savoir.

  Sully fit la moue mais il la suivit.

               - Vois le côté positif, tu pourras leur tirer dessus, ajouta-t-elle.

               - Ouais !

Balles et flèches volèrent, explosant les crânes. Un à un les morts tombèrent au sol, noyant le bitume de sang, de chair, d’os et de cervelle. Les deux comparses s’approchèrent. Au premier corps dévoré, Sully sentit la bile monter dans sa gorge et, malgré ses efforts, rendit le contenu de son estomac.

- Ça va ? demanda Kate quand il eut fini.

Il hocha la tête.

               - Fais le guet, je m’en occupe.

D’un nouveau signe de tête il la remercia et tourna le dos au carnage. Il entendait la jeune femme aller de corps en corps.

               - Comment tu… comment tu arrives à regarder ça ? demanda-t-il.

Il crut qu’elle ne lui répondrait pas quand il l’entendit.

               - Je compartimente. Ce ne sont pas des corps. Ils n’ont jamais été vivants. C’est plus simple. Et merde !

               - Quoi ? Quoi ? s’inquiéta Sully en se retournant.

Kate était agenouillée à côté d’une petite masse de chair à peine reconnaissable.

               - Un gamin.

Elle se releva en soupirant.

               - C’est sans doute son groupe. Il y a au moins deux femmes, trois hommes et…

Elle se tourna vers le dernier corps.

               - Et un enfant, termina Sully. Et les autres ?

               - Ils se sont probablement enfuis.

Ils observèrent les environs en espérant trouver une trace des survivants, sans succès.

               - On fait quoi ? demanda le jeune homme.

               - On fouille les voitures et on récupère ce qu’on peut.

               - Si on prend une voiture on pourra en ramener plus, suggéra-t-il.

               - Tu sais démarrer sans les clés ? demanda-t-elle, septique en commençant ses recherches.

               - Bien sûr !

Elle s’arrêta pour lui lancer un regard surpris. Il lui répondit avec un large sourire.

               - Quoi ? J’ai eu une vie avant de te rencontrer.

Elle rit.

               - Faudra que tu me racontes ça.


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