Is It Love ? Peter

Chapitre 1 : Prologue

2226 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 17/01/2018 22:06

Je suis jeune fille au pair, depuis deux semaines, dans une étrange famille : les Barhtholy. Je dis étrange parce qu'en plus de leur manoir, digne des meilleurs films d'horreur, ils sont...particuliers. D'abord il y a Nicolae, le grand frère, qui s'occupe de gérer la fratrie en l'absence de son père. On dirait qu'il sort tout droit d'un autre temps. Sa galanterie, ses manières et sa façon de parler n'ont rien à voir avec les jeunes hommes de notre époque... Ensuite il y Drogo, le frère cadet. Une vraie bombe à retardement... C'est le genre à apparaître en coup de vent, pour vous adresser une remarque cinglante, et à disparaître aussitôt. Il est aussi agaçant, orgueilleux et totalement imprévisible que sa jeune soeur Lorie, la petite fille que je garde. Je soupçonne d'ailleurs cette gamine de tout faire pour me faire craquer... Qui sait, peut-être que toutes ses nounous ont fini à l'asile ? Et puis il y l'auteur de cette mélodie entêtante qui envahit souvent les couloirs du manoir. Le doux et mélancolique Peter... Je soupire et je ferme les yeux pour profiter de la mélodie. Peter ne quitte pas mes pensées. Depuis que j'ai emménagé chez les Bartholy je ne pense qu'à lui. Avec ses beaux cheveux noirs aux reflets bleutés, son visage aux traits réguliers et ses magnifiques yeux émeraude... Il ne me laisse pas indifférente. Loin de là. Véritable ovni dans cette famille, il semble toujours au-dessus de tout. Comme si les choses de notre monde ne l'intéressaient pas. Comme s'il venait lui aussi d'un autre temps. D'une autre planète...


Pour l'instant je n'ai jamais osé aller lui parle... Je devrais peut-être prendre mon courage à deux mains et aller toquer à la porte de sa chambre. Je me lève de mon lit, bien décidée parler à mon beau pianiste, lorsqu'une petite furie entre dans ma chambre !

- Les enfants à l'école sont tous nuls ! hurle-t-elle.

 Elle s'affale sur mon lit, en faisant l'étoile de mer.

- Ils t'ont embêtée ? Ose-je lui demander.

Lorie me regarde. Elle semble se demander si elle va accepter de me répondre ou non. Agacée je finis par rouler les yeux en l'air, geste qui lui déplu fortement. Elle me regarde avec une condescendance inhabituelle pour une enfant de son âge. Au bout d'un moment, et après plusieurs soupirs de dépit, elle finit par se confier.

- Il y a ce garçon qui m'embête... Il n'arrête pas de se moquer de moi!

 Avec un soupir complice, je lui réponds :

- Tu sais, les garçons, quand ils se moquent de toi, c'est parfois parce que tu leur plais !

Elle me regarde un instant, les yeux écarquillés et les joues rouge pivoine. Elle reprend rapidement sa moue agacée.

- Tu racontes n'importe quoi ! Et qu'est-ce que tu peux en savoir, toi ? Tas même pas d'amoureux. Outch, dans le mile !

Mais avec ma vie plus que tumultueuse, je n'ai pas vraiment eu le temps de m'attarder sur la question, mais je ne désespère pas !

- Tu veux jouer ?

Ce peut être un bon moyen de lui changer les idées et de la faire regagner sa chambre. Elle soupire, comme si ce que je lui proposais l'ennuyait profondément.

- Non. Viens.

Parfois j'ai l'impression d'être aux ordres d'une dictatrice en culotte courte. Lorie n'a que six ans mais elle a l'aplomb d'une petite bonne femme. Elle me fait entrer dans sa chambre et nous allons directement dans son immense dressing de rêve...

- Je dois me préparer pour le bal de Madame Pointue et Monsieur Sans Tête. Il me faut une belle robe...   

- Il me semblait que dans ta dernière aventure, Monsieur Sans Tête avait égorgé Madame Pointue...

- Oh...Ils se sont réconciliés !

Force est de constater qu'il y aurait moins de divorces si nous étions dans le monde de Lorie... Me voilà donc à hocher de la tête docilement pour montrer mon approbation à ses choix de robes, tout en priants pour qu'elle finisse par se lasser. Au bout d'une heure elle me dit qu'elle est fatiguée et me demande de la laisser seule. (Alléluia !!!)


 En regagnant ma chambre je me rend compte qu'il y a quelqu'un d'autre dans le couloir. C'est Drogo. Comme à chaque fois que je le croise, je serre les poings et crispe la mâchoire.

- Du calme, petite chose. J'ai reçu l'ordre de me tenir à carreau.

Il me jette un regard moqueur. Il s'approche si gracieusement de moi qu'on pourrait penser qu'il flotte au-dessus du sol.

- Je te croquerai peut-être plus tard, lorsque Saint Nicolae ne sera pas sur mon dos...

Je reste muette de stupeur : quel sens donner à ses paroles? Il disparaît nonchalamment au fond du couloir. Ils sont vraiment bizarres dans cette famille ! Un peu secouée, je retrouve ma chambre. J'ai vécu suffisamment d'épreuves dans ma vie pour ne pas me laisser impressionner par ces deux-là ! Le temps passe et le jour est tombé. Le manoir est silencieux, sombre. De ma fenêtre, j'aperçois à peine la rue en contrebas. Je me perds un moment dans mes pensées quand, soudain, j'entends à nouveau ce son, doux et mélodieux, faisant écho à ma mélancolie nocturne. Peter joue encore... Seigneur, il est aussi envoûtant que le morceau qu'il joue au piano !


Bon ! Maintenant ça suffit ! Je fantasme sur lui depuis des jours ! l faut que je me fasse violence et que j'aille lui parler ! Fébrile, j'ouvre la porte de ma chambre pour voir de quelle pièce vient le son. J'ai moyennement envie de toquer à la porte de Drogo par erreur... La mélodie provient de l'une des chambres, un peu plus loin dans le couloir. La porte de la pièce est entrouverte, et j'aperçois une faible lumière. Silencieusement je m'approche, comme hypnotisée. Je n'ai jamais entendu une musique à la fois aussi triste et aussi belle. C'est comme si chaque note venait enserrer mon coeur, doucement, presque tendrement. J'adore la musique classique, ses notes sobres, envoûtantes. Cette musique est éternelle. Sans bruit je jette un coup d'oeil à l'intérieur de la chambre. Elle est faiblement éclairée. J'aperçois une grande bibliothèque et quelques posters, dispersés çà et là sur les murs. Mais mon regard est irrésistiblement attiré par le piano, au fond de la pièce, et par l'homme qui est en train de jouer. Son dos est grand, sa taille fine et bien marquée. Je n'aperçois que ses cheveux couleur d'ébène, coiffée en pagaille, caressant sa nuque. Bon, c'est le moment de me lancer ! Sa manière de me regarder, parfois, alors qu'il pense que je ne le vois pas, me donne envie de me rapprocher de lui. Je reste un moment à le regarder jouer, captivée par sa musique, mélancolique et délicate. Sa tête balance au rythme des notes, comme si le monde extérieur n'existait plus. Seulement lui et sa peine, qu'il exprime avec ses doigts virevoltant sur le piano. En fait, marche arrière ! Ce n'est pas du tout le moment pour faire connaissance. Alors je recule doucement. (Trouillarde !)


Le parquet craque sous mes pieds. (Mince !) J'ai à peine le temps de relever les yeux qu'il se tient devant moi. J'avale ma salive. (Oups.) Il est magnifique. Ses cheveux noirs mal coiffés encadrent son visage angélique aux traits fins. Même dans la pénombre je peux voir que ses yeux sont d'un vert brillant, envoûtant. Bon sang ! il est aussi beau que sa musique...

- Que fais-tu ici ? Tu ne devrais pas être là.

Sa voix est douce, presque suave. J'ai rarement entendu une voix aussi belle, aussi particulière. (Il devrait s'en servir un peu plus souvent !) Je sens le rouge me monter aux joues.

- Désolée de t'avoir dérangé. J'ai entendu de la musique, alors je suis venue voir...

Il me regarde intensément et semble me jauger. Ok, c'est sa manière de faire connaissance... Pourquoi pas, je suis une fille ouverte.

- Tu joues vraiment très bien.

J'ai rarement entendu une musique aussi sophistiquée, et en même temps aussi touchante. Il ignore ma remarque.

- Je joue souvent du piano tard le soir. Je fermerai la porte, la prochaine fois. S'il te plaît, ne reviens pas.

Sa façon de me parler me blesse, mais je fais comme si de rien n'était. Il essaie visiblement de mettre une certaine distance entre nous, mais ça ne m'impressionne pas. J'ai vraiment envie d'en savoir plus sur lui, de découvrir ce qu'il cache derrière ses beaux yeux verts. Mais il n'a vraiment pas l'air de vouloir se dévoiler.

- C'est toi qui as composé cette musique ?

- Oui.

Il semble surpris par ma question. Il éveille ma curiosité, mais il ne semble toujours pas disposé à discuter avec moi. J'insiste, car ses doigts virevoltant sur le piano m'ont réellement fascinée.

- Tu es musicien professionnel ?

Il semble perdu dans ses pensées, comme si des souvenirs se bousculaient dans sa tête. Ses yeux verts se voilent de tristesse.

- Plus maintenant.

Plus maintenant ? Comment un homme aussi jeune peut-il parler ainsi ? Il s'apprête à fermer la porte de sa chambre.

- Je suis désolée de t'avoir interrompu.

Il hausse les épaules avec nonchalance. Sans un mot de plus, il me ferme la porte au nez. Je me rends compte que j'avais arrêté de respirer. Je peux reprendre mon souffle. C'est ce qui s'appelle une conversation éclair ! Je le comprends, je n'aurais pas apprécié qu'on vienne m'écouter à mon insu. Mais c'est quand même un peu rude de m'être fait virer ainsi. Enfin, j'imagine qu'on ne peut attendre mieux d'un Bartholy... J'ai remarqué dans ses yeux une lueur de mélancolie qui m'a profondément touchée. Et ce morceau au piano ! J'ai envie d'en savoir plus sur lui. Il me semble peu accessible, mais je suis sûre que je vais réussir à le faire sortir de sa coquille ! Je pense que je ne dois pas le brusquer et qu'il me faudra sans doute un certain temps avant de réussir à l'apprivoiser. Je retourne me coucher. Lorsque j'entends la musique du piano reprendre faiblement, je souris.


La musique est bien trop envoûtante pour que je réussisse à fermer l'oeil, surtout après l'échange que je viens d'avoir avec Peter. Il est si beau, et pourtant il semble si désespéré ! Comme si une partie de lui n'était pas vraiment là, dans le réel, avec moi. Elle semble m'ensorceler, comme si elle était plus magique qu'humaine. Je ne sais pas pourquoi mais je me sens liée à elle. Pendant encore une bonne heure je l'écoute, incapable de m'endormir. Peter joue-t-il la nuit ? Il ne dort pas...? (Qui es-tu Peter ?... Tu ressembles à un diamant noir, à la fois lumineux et sombre...) Je suis incapable de rester en place. Je dois m'occuper pour ne plus penser à toutes les choses qui tournent en boucle dans ma tête. Quand j'ouvre la fenêtre l'odeur unique de la nuit m'assaille. J'entends les bruits des animaux nocturnes. Plus loin, j'ai même l'impression d'entendre un loup. La lune est haute dans le ciel. Elle éclaire le jardin du manoir, avec ses arbres, ses haies et ses buissons. Je regarde mon portable, et je m'aperçois qu'il est déjà tard. (Allez, Agathe, au lit !) Je soupire et j'essaye à nouveau de m'endormir. Si je n'y parviens pas je serais K.O demain. La musique de Peter a légèrement changé, comme s'il avait entendu mes prières et souhaitait m'aider à trouver le sommeil. La mélodie douce, comme une comptine pour enfants, délicate et lente. J'ai l'impression qu'elle veut me forcer à m'endormir. Cette musique me fait oublier le malaise que m'inspire le manoir. Je regarde par la fenêtre. La lune est pleine. J'entrevois alors dans le ciel des mouvements d'ailes d'une blancheur éclatante. C'est elle ! Depuis que je suis arrivée à Mystery Spell, une chouette veille sur moi. J'ouvre la fenêtre pour lui indiquer ma présence. Elle s'approche et vient se poser sur le rebord de ma fenêtre. Je la considère comme une présence rassurante dans ce lieu si étrange. Je m'aventure à lui faire une caresse. Elle ne recule pas. Ma relation avec cet animal est tellement spéciale que je lui ai même donné un nom. Edwige (je sais, ce n'est pas un prénom très original pour une chouette blanche!) pousse un hululement de satisfaction et s'envole à nouveau. Elle s'éloigne dans la forêt qui s'étend derrière le jardin du manoir. Je referme la fenêtre et je retourne m'asseoir en tailleur dans mon lit. Je ferme les yeux et me concentre à nouveau sur la mélodie que joue Peter. Peu à peu je réussis à trouver le sommeil...

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