Nuits de pleines lunes

Chapitre 8 : Le jour après la veille

3613 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 14/08/2018 05:22


Veronika se précipita vers la porte d’entrée et y cogna du plus fort qu’elle put. Elle entendit alors la voix agressante d’Abi Cris :

-                    Arrière créature!

-                    C’est Veronika, la nièce de Pénélope! Ouvrez-moi je vous en supplie!

Soudain, elle entendit des mécanismes de serrures se déverrouiller. La porte s’ouvrit et Abi la fit entrer rapidement, en prenant garde de bien verrouiller la porte ensuite.

-                    Mais diable! Vous m’avez fait une de ces peurs, se plaignit Abi Cris encore affolé par ce qui était en train de se produire. Veronika le rassura du mieux qu’elle le put.

-                    Je comprends tout à fait, mais je ne pouvais pas rester plus longtemps dehors. Que se passe-t-il ici? Abi se dépêcha à la calmer en lui serrant l’épaule pour la rassurer. Il lui offrit une place sur son canapé de salon afin qu’elle puisse s’y asseoir et reprendre ses esprits en plus d’un chocolat chaud. L’étrangère se sentait nue et elle en avait la chair de poule sans vraiment savoir s’il s’agissait du froid ou encore de la terreur qui s’était emparé d’elle. Sans se demander lequel de ces deux possibilités avaient prises le dessus, Veronika ne put s’empêcher de s’emmitoufler de la couverture de laine qui décorait le canapé, mais selon les airs du chaman, il se semblait pas y voir d’inconvénients à ce qu’elle l’utilise. La maison semblait silencieuse voire trop calme dans de pareils circonstances. La menacée surveillait les moindres recoins de la maison afin de s’assurer qu’aucun trou n’était possible pour que les créatures puissent entrer dans la demeure. Lorsque le chaman revint vers l’adolescente, il remarqua à quel point elle était terrifiée. Il alla s’asseoir près d’elle afin de lui apporter un soulagement de plus à son chocolat chaud. Veronika pris la tasse et la serra dans ses mains sans la porter sur ses lèvres afin qu’elle puisse y goûter le nectar. Elle n’avait que pour seul désir se réchauffer.

-                    Et voilà! Ça vous ramènera au chaud, assura le chaman en lui faisant un simple sourire. L’impuissante pris son courage à deux main pour enfin dire quelque chose.

-                    Monsieur le chaman, commença-t-elle avant que le chaman l’interrompe quelque peu insulté de la manière dont il avait été traité.

-                    Il suffit des messieurs, ma chère. Appelle-moi Abi, simplement, insista le vieil homme. L’orpheline reprit sa phrase en prenant bien le soin de bien choisir les mots.

-                    D’accord, alors Abi, pourriez-vous me dire ce qui s’est passé sur la scène?

-                    Ce serait un peu compliqué à expliquer, mais je t’assure qu’il n’y a aucun danger pour ta tante.

-                    Une bête s’est jetée sur moi, s’exclama la jeune fille avant de prendre en larme.

-                    Une bête, s’étonna Abi Cris

-                    Un loup, une énorme bête poilue avec une gueule de monstre, continua Véronika en frémissant. Le chaman se dépêcha de lui enlever la tasse avant qu’un accident advienne et se retourna vers elle avec des yeux perçants.

-                    Veronika, il n’y a plus aucun danger pour toi! Ce n’était qu’un loup! Je t’assure que tout va bien maintenant, garantit le chaman d’une voix austère. Étrangement, ses mots eurent un effet sur la jeune fille et elle se calma d’une manière presque instantanée. Le chaman lui redonna alors son chocolat chaud et elle commença à le boire sans discuter en repensant bien à ce qu’elle avait vu et ce qu’Abi venait de lui dire en tentant d’y trouver une quelconque cohérence. La bête qu’elle avait rencontrée était beaucoup trop corpulente, habile pour n’être qu’un simple loup. D’un autre côté, elle espérait qu’il ne s’agissait pas d’un danger réel en croyant ce que le vieil homme lui assurait. Cependant, une autre interrogation parcouru son esprit.

-                    Où est Damian?

-                    Il n’est pas rentré, avoua-t-il en hésitant et en grésillant à la fois. Veronika s’exclama lorsqu’elle apprise la chose sordide. Comment pouvait-on accepter qu’un adolescent coure dans les bois alors qu’un danger y court en pleine nuit?

-                    Quoi? Comment ça, il n’est pas rentré? Ironisa-t-elle avec stupeur. Mais encore une fois, il n’avait pas de soucis à se faire selon le sorcier. Damian était suffisamment habile pour se sortir d’un tel pétrin. L’homme enchaîna en proposant à la jeune fille d’aller se reposer dans une des chambres de la maison. Il avait bien remarqué combien la jeune fille semblait fatiguée par son entêtement et les poches mauves qui pendaient sous ses yeux.


Ne trouvant pas l’idée si mauvaise, elle se leva tranquillement en s’essuyant les yeux comme un enfant déçu que ses parents le mette au lit et se rendit dans la première chambre du couloir qu’Abi lui avait indiqué plus tôt. En allumant l’interrupteur de la lumière, elle découvrit une pièce sombre mais chaleureuse par les murs brun chocolat de la pièce. Les moulures de couleur blanches contournaient la penderie, la fenêtre ainsi que la porte. Dans un coin isolé de la chambre, se trouvait une bibliothèque remplie de livres ainsi qu’un fauteuil douillet acajou. Elle posa ensuite son attention sur le gros et magnifique capteur de rêve fait à la main qui était suspendue à une immense fenêtre. À l’opposé du coin bouquin se trouvait un lit double bien fait où les couvertures passaient du noir au brun, puis au beige. Sans trop vraiment réfléchir, Veronika se glissa sous les couvertures et tenta de trouver le sommeil sans trop de difficultés. Désormais, elle n’avait plus conscience de quoi que ce soit dans le réel.

L’adolescente marchait seule dans les bois sous un spectacle de lumières ensoleillant de jaune et d’orange. Toutes traces d’hiver avaient disparues et on avait à la place un climat chaud et humide, mais pas à en suffoquer. Rien n’aspirait à la crainte ou même à l’inquiétude. Puis, dans un parfait calme, son sauveur le loup surgit des feuillus sur son chemin. Sur le coup, on aurait dit un chien très bien dressé par le fait qu’il était d’une tranquillité inouïe. La chose qui la marquait le plus était ses yeux de couleur miel qui la dévisageait. Elle ne put pas s’empêcher s’accroupir afin de mieux le contempler et de le caresser. Les deux amis continuèrent à se fixer dans les yeux.

-                    Veronika? C’est bien toi, demanda une voix masculine. La jeune fille entrouvrit ses yeux et constata le regard de la bête. Une fois que l’image devint plus clair à son esprit, elle reconnue Damian à son chevet, qui était venu pour la réveiller, et sursauta.

-                    Bon sang, Damian! C’est toi! s’étonna la jeune fille encore sous le choc de son rêve.

-                    Évidemment que c’est moi. Qui veux-tu que ce soit, demanda-t-il curieusement.

-                    Que faisais-tu là, posa la jeune fille alors qu’elle s’asseyait pour mieux prendre ses esprits.

-                    Je suis simplement étonné de voir une jolie jeune fille dans mon lit, admit-il avec tout son charme. Veronika réalisa finalement qu’elle avait dormi dans la chambre de son partenaire du cours de musique et se sentit extrêmement mal à l’aise sur le coup. Elle sortit aussitôt du lit pour éviter d’embêter davantage son hôte.

-                    Oh pardon! Je ne pensais pas que c’était ta chambre. L’avoir su plus tôt, j’aurais été ailleurs. Je suis vraiment désolé Damian, sincèrement, monologua-t-elle afin de lui exprimer toute sa désolation pour ce mal entendu.

-                    Ne t’inquiète pas. Mon grand-père m’a tout expliqué et je t’assure que tout va bien. Tu as déjà eue une de ces chances de ne pas t’être perdue dans cette immense forêt que tu connais à peine, ajouta Damian tout rassuré de voir qu’elle allait pour le mieux, mais la jeune fille s’interrogeait également sur lui.

-                    Et toi, tu ne t’es pas perdu ou eus de soucis?

-                    Non du tout. Je me suis réfugié chez un ami, répondit simplement ce dernier. Veronika aurait voulu qu’il élabore davantage, mais ils furent interrompu par l’arrivé de Pénélope dans la chambre. Damian quitta aussitôt la pièce afin de laisser les filles à elles-mêmes.

-                    Oh dieu merci! Tu as la vie saine et sauve! J’ai eue tellement peur pour toi, si tu savais, mais le docteur Cris a insisté pour que je me sauve. Heureusement, tu as atterrit ici entre de bonnes mains, s’exclama sa tante toute émotive en prenant sa nièce dans ses bras. Ne s’attendant pas à une accolade pareille, la jeune fille essaya tout de même de l’enlacer correctement à son avis. Sa tante l’invita à se rendre à la cuisine pour déjeuner après s’être bien réveillé et d’avoir bien digéré l’émotion. Les femmes ne s’attardèrent guère dans la maison des Cris trouvant déjà qu’ils étaient suffisamment aimables de les accueillir. Elles repartirent à bord du quad presque aussitôt après avoir déjeuné. Veronika aurait quand même voulue revoir Damian à nouveau avant de repartir, mais il fallait croire qu’il avait disparu de la nature.


Elles se rendirent dans les commerces histoire de remplir le garde-manger après une soirée aussi épouvantable. L’adolescente préféra rester dans le véhicule et regarder les nuages passer dans le ciel. Elle n’avait nulle envie d’accompagner sa tante à l’épicerie. Tantôt une locomotive, une fleur, un bateau, des chevaux au galop défilaient dans le paradis bleu de l’univers terrestre. En reprenant ses esprits durant un instant, la jeune fille remarqua que Sébastian était passé tout juste devant elle sans même s’y en apercevoir, ce qui la troubla un peu.

-                    Sebastian? Il se retourna aussitôt sauvagement vers celle qui l’avait interpelée. Il reprit alors ses airs de charmeur et vint la rejoindre avec une démarche élégante.

-                    Petite louve blanche, que fais-tu là toute seule? demanda-t-il intéressé.

-                    Tu m’as étonnée à te voir comme ça. Tout va bien j’espère, s’inquiéta la jeune fille. Depuis la veille, elle était troublée par tout ce qui lui semblait anormal. Cependant, Sébastian la ramena vers le droit chemin en s’expliquant.

-                    Je viens tout juste de m’engueuler avec ma mère à cause que je ne suis pas rentré correctement chez moi hier, dit-il en montrant guère d’intérêt à lui raconter. Son amie en revanche voulait savoir ce qui était advenue de lui alors que les loups les poursuivaient.

-                    Je suis allé chez un ami, répondit-il simplement sans expliquer davantage. Veronika eut la vague impression d’entendre pour la seconde fois une mélodie de violon qui la faisait marcher.

-                    Mais encore, insista-t-elle qui désirait en savoir davantage. Puis, Sébastian se mit en rogne et se mit même à rugir. La fille s’étonna d’une telle réaction de la part de son ami si fringuant et amusant.

-                    C’est compliqué, lâcha le jeune homme en s’éclipsant illico. Veronika le rattrapa et lui donna un coup à l’épaule.

-                    Aïe! Attend un peu toi! Qu’est-ce qui te prend tout-à-coup, s’exclama-t-elle en colère. Une rage insoutenable s’empara de Sebastian, tellement insupportable que ses yeux devinrent pratiquement entièrement noir et que sa respiration et son pouls s’accélérèrent d’une manière presque instantanée.   

-                    Laisse-moi tranquille, dit-il d’un ton sec et grinçant. Veronika se mit à avoir peur de lui alors qu’il se raidissait et la fixait avec des yeux de meurtrier jusqu’au moment où quelque chose d’autre attira son attention qui l’effraya quelque peu. Sans trop comprendre ce qui lui arrivait, elle se retourna à son tour et constata que Damian s’avançait à eux bien noblement. Surprise, elle lui sourit tout en le saluant timidement. Il lui renvoya son accueil avec un sourire tout aussi magnifique en continuant vers eux jusqu’à ce qu’il se positionne parfaitement entre elle et Sébastian.

-                    Mais que fais-tu ici Damian? Je te croyais parti, avoua la demoiselle étonnée de le voir dans une pareille coïncidence.

-                    Peu après votre départ, Abi m’a demandé de venir chercher des trucs pour lui, répondit-il naturellement avec franchise. Un son grisonnant sortit de la gorge de Sebastian qui souhaitait prendre un peu place à leur belle conversation. Damian se retourna alors gentiment vers lui.

-                    Excuse-moi Sébastian, ça va? demanda l’amérindien comme s’il prétendait qu’il était maintenant son pote. Sebastian prit cela comme une insulte et se mit à le fixer froidement. Damian s’y mit à son tour. Ce spectacle dura un bon moment. On aurait dit deux lions qui allaient se disputer un butin de chasse. Veronika ne savait que faire dans cette situation. Cette rivalité la mise mal à l’aise et les mots lui manquaient pour qu’elle puisse intervenir adéquatement. Soudain, elle revit sa tante surgir de l’épicerie qui cherchait la jeune fille. Jamais Veronika ne fut plus aussi contente de la revoir. C’était son échappatoire qui lui éviterait sûrement de gros ennuis avec les deux garçons.

-                    Je dois y aller, ma tante m’attend, expliqua Veronika toute intimidée par la scène. En l’entendant, ils arrêtèrent de se disputer du regard et suivirent la jeune fille des yeux jusqu’à ce qu’elle quitte les lieux avec sa tante. Pénélope les remarqua et leur fit signe de la main, mais aucun des deux hommes acquiesça. Après quoi, le fils du Dr. Cris retourna à ses occupations primaires comme si rien ne c’était passé. Quant à Sebastian, il fit demi-tour et rentra chez lui avec le regard sombre.

En arrivant chez elle, Pénélope ne put s’empêcher de passer le commentaire qui lui passait à l’esprit depuis leur départ de l’épicerie.

-                    Alors à Londres aussi tu faisais tourner les têtes des gars, dit-elle le sourire aux lèvres.

-                    Non, pas vraiment, répondit la jeune fille un peu choqué de la remarque. Mais effectivement, elle avait surtout l’habitude de passer inaperçu auprès des gens. Il fallait croire que sa tante faisait fausse route. Elle ne croyait pas qu’après tant d’années passées dans l’ombre des gens au Royaume-Uni elle puisse devenir importante après seulement avoir passé à peine quelque mois au Canada, surtout auprès des hommes.

Un long souvenir émana des pensées de Pénélope en entendant sa réponse.

-         À t’écouter, je croirais entendre Amanda à ton âge. Elle aimait bien sortir avec des garçons aussi, ou du moins jusqu’au jour où elle a rencontré Dominic. Elle avait alors que 17 ans. Dès lors, j’ai compris qu’elle avait enfin trouvé le bon, déclara sa tante d’un air nostalgique. Même à la suite de leurs années de séparation, Penny conservait toujours une certaine affection pour sa sœur de leur jeunesse. En voyant le visage piteux de sa nièce, elle arrêta le sujet et passa à autre chose. En effet, Veronika s’ennuyait toujours de sa mère, mais elle avait beaucoup aimé entendre cette partie de la vie d’Amanda de la part de sa tante. Elle désirait vraiment en savoir plus sur eux, ce qu’ils étaient, ce qu’ils faisaient. Mais tout savoir maintenant serait une surcharge d’émotion qu’elle n’était pas prête à encaisser, du moins pas aujourd’hui.


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