Contact (série TV)

Chapitre 2 : Saison 3 Episode 2 – Autopsie de la collapsologie

5566 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 14/11/2019 12:14

Série : Contact s3ep2

Personnage principal : Thomas Adam

Public / Catégorie : M(16+) / policier / lime / continuation

Avertissement : Les personnages et les situations de ce récit sont purement fictifs. Toute ressemblance avec des personnes, des situations existantes ou ayant existé serait purement fortuite.

Les personnages et tout l'univers de la série Contact n'appartiennent pas à l'auteur de la fan-fiction et demeurent la propriété exclusive de M. J.-Y. Arnaud et Mme. D. Jacobs. Enfin, il ne peut pas être fait un usage commercial de l'œuvre sans autorisation.

 

Saison 3 Episode 2 – Autopsie de la collapsologie*

*Etude de l’effondrement de la civilisation industrielle

 

 

Chapitre 1 - En famille

Aix-en-Provence, le dimanche après-midi

 Il faut profiter des bons moments car ils ne durent jamais. Thomas le savait. Les retrouvailles en famille avaient été chaleureuses. Tôt ce matin, Éric était venu le chercher à l'aéroport et le repas cuisiné, ce midi, par Nathalie était délicieux : Une de ses recettes secrètes de la bouillabaisse dont elle gardait jalousement le secret. Maya n'avait jamais imaginé voir, de sitôt, son oncle prendre son petit frère, Gabriel, dans ses bras. Tout cela leur semblait irréel comme si Thomas n'était parti de leur vie que la veille.

Nathalie reprit le bébé dans ses bras afin de laisser Éric et son frère faire un tour dans le jardin.

— Combien de temps, ton retour va-t-il durer, cette fois ? s'inquiéta Éric.

— Difficile à dire. Le capitaine Berheim n'a pas dit grand-chose à ce sujet. Elle a négocié un arrangement avec le F.B.I. mais je n'ai pas eu plus de détails.

— Le nom de Régina Berheim me disait quelque chose. A bien y réfléchir, je pense avoir déjà entendu ce nom lors de l'enquête interne à la suite de la mort de mes collègues.

— Elle ne passe vraiment pas inaperçue. Tu t'en rappellerais si tu l'avais déjà vue.

— Il me semble que ce capitaine faisait partie de l'équipe administrative qui a dissout ma brigade criminelle.

— Comment ça se passe pour toi, depuis 6 mois ?

— Le capitaine Ortiz a même eu une mise à pied temporaire avant d'être muté en Alsace. Il se dit de même pour le capitaine Conti. Pas mal de mes collègues ont été mutés à Marseille. Je suis un peu le vétéran dans une équipe nouvelle mais l'ambiance est bonne.

— Je sens au son de ta voix que tout n'est pas rose ...

— On me surveille, Thomas. J'ai bien tenté de glaner quelques informations au sujet d'Isabelle, sans succès. C'est difficile à mon niveau ...

— Tu penses que tu pourrais me trouver l'affectation du capitaine Ortiz ? Elle est forcément au courant des suites de l'enquête.

— Je peux te retrouver cela. Tu vas en parler à Berheim, j'imagine ?

— Oui je pense, un jour. Je n'ai reçu aucune consigne ; je vais tout faire pour retrouver Isabelle et traquer le commanditaire ...

Au moment où il prononçait ses mots, son téléphone sonna. Il s'étonna à peine :

— Quand on parle du loup ... Excuse-moi Éric. Je dois décrocher. C'est elle.

— Bonjour Thomas, votre petite escapade à Aix-en-Provence s'est bien passée ? Vous êtes conscient qu'on vous attend lundi matin à Toulouse ?

— Bonjour capitaine Berheim. Oui, je n'ai pas encore préparé mon retour à vrai dire. J'ai toujours ma voiture ici, vous savez.

— Je dois me déplacer pour le procès du meurtre de John-Paul Beymann à Dubaï. Le capitaine Vaudrel vous réaffectera sur une nouvelle affaire. Je veux que vous fassiez bonne impression, Thomas. Vous représentez mon service !

— J'y veillerai à mon retour lundi.

— J'ai mieux pour vous : Vous monterez à bord d'un Transal qui fait escale sur la Base Aérienne 114 Aix-Les-Milles.

— Vous parlez de l'aérodrome civil d'Aix-en-Provence ?

— Oui, l'armée exploite occasionnellement cet aéroport. Comme ça, vous serez frais pour travailler, lundi matin. Ne me plantez pas maintenant Thomas.

— C'est bon, j'y serai.

Elle raccrocha. Éric avait tout entendu de la conversation et il commenta sur le ton de la plaisanterie :

— Elle commence à s'attacher à toi !

— Je ne l'aurais pas dit comme ça. Tu sais, c'est une personne très étrange ... On dirait qu'elle calcule mes actions à l'avance. J'avais envie de rester jusqu'à lundi ; elle vient visiblement de changer mes projets.

— J'en connais un autre qui devine pas mal de choses aussi. En tout cas, elle vient de demander à l'armée de veiller à ce que tu rentres bien !

— Elle a le bras long, c'est certain. Allez, profitons de tes dernières heures ici.

L'après-midi passa puis ils dinèrent ensemble et, enfin, les deux frères se dirent au revoir sur le tarmac de l'aéroport.

 

 

 

Chapitre 2 - Un nouveau départ

Commissariat Central de Toulouse, lundi matin.

 La commissaire Sentac était déjà à son bureau quand Thomas se présenta. Elle était concentrée sur l'écran de son ordinateur.

— Alors, cette compétition de karaté ? il la questionna.

— Deuxième dans ma catégorie !

— Ce n'est pas mal du tout ! Il vaut mieux être avec vous que contre vous, en cas de pépin, il plaisanta.

— Oui parfaitement ! Ça n'a rien à voir mais le capitaine Berheim ne m'a fourni aucune consigne, ni affaire à traiter. Je crains que vous ne soyez venu pour rien, aujourd'hui.

Thomas fit la moue.

 Le capitaine Vaudrel avait aperçu le duo depuis son bureau. Il attrapa une liasse de document et il les rejoignit :

— Bonjour tout le monde. Fabienne, j'ai le meurtre d'un agent immobilier, un certain Emmanuel Soudine. Est-ce-que je peux compter sur vous aujourd'hui ?

— Peut-être qu'il serait prudent d'attendre un retour du capitaine Berheim avant d'entamer une nouvelle enquête ? Thomas a reçu des consignes ce week-end.

— Berheim est assez occupée cette semaine aussi elle m'a laissé un peu plus de latitude sur l'agenda. Ensemble, vous avez, assez vite, expédié votre dernière affaire alors je propose que notre consultant de la Direction Centrale de la Sécurité Publique se joigne à vous.

— Très bien, dit-elle un peu circonspecte.

Et Thomas de rajouter :

— Je m'en doutais un peu. Sur quoi alors allons-nous travailler ?

— Tenez ce dossier. Vous pouvez commencer à creuser sur le trajet, répondit Vaudrel en tendant la pile de feuille à Thomas.

Fabienne fit part de son étonnement à son capitaine :

— Etrange que cela ne soit pas numérisé.

— Vous allez voir ; cela colle assez bien avec cette communauté ...

 

 

 

Chapitre 3 - Le Prieuré de Saint Savenn.

 L'immeuble, situé dans une rue un peu vieillotte du centre-ville, ne payait pas de mine. Seule, la porte imposante laissait imaginer que la demeure était ancienne. Au fronton, rien ne laissait présager de la présence d'une communauté vivant recluse derrière ces murs.

En chemin, Thomas s'étonna :

— Comment peut-on chercher à vivre, retiré du monde, en pleine ville ? Personnellement, j'aurai opté pour une ferme au bout du monde.

Thomas épluchait les coupures de presse et les tracts du prieuré de Saint Savenn. A la base, les sœurs de Saint Savenn étaient établies depuis plus de cent cinquante ans dans la ville mais leur mode de vie et leurs positions radicales leur avaient valu une dissolution de leur ordre par le Vatican, il y a cinq ans de cela.

Fabienne poussa la lourde porte et découvrit une cour d'entrée arborée, entourée par des murs de deux étages. Face à eux, une immense cible de tir à l'arc. La victime gisait sur le côté, le cœur transpercé par une flèche. Autour du corps, deux scientifiques de la brigade criminelle relevaient les échantillons au sol.

Un agent, qui était déjà présent, s'approcha d'eux :

— La "mère supérieure" ? C'est comme ça que l'on dit, je crois. Bref, elle vous attend dans son bureau. Je crois que votre collègue ferait mieux d'attendre avec moi ...

Fabienne ne comprit pas sur le moment et intima l'ordre à Thomas de la suivre. Ils traversèrent la cour puis passèrent un premier couloir où étaient postés deux agents qui semblaient attendre. Le couloir déboucha sur une seconde cour faisant face au bureau de la mère supérieure. A l'intérieur, l'affolement monta d'un cran quand nos deux protagonistes entrèrent dans la cour. Un bruit de pas se fit entendre dans l'escalier extérieur et une femme, assez énervée, interrompit l'arrivée du duo au milieu de la cour.

Elle cria :

— Dites à votre collègue masculin de rebrousser chemin ! Pas d'homme dans notre sanctuaire ! Votre présence porte atteinte à notre communauté, je me tue à l'expliquer !

Deux membres féminins des forces de l'ordre restaient aux côtés des sœurs venues soutenir leur hiérarchie dans un vacarme notable.

Thomas fit remarquer :

— C'est bon, je reste dans le coin. Je vais voir le corps pendant que vous l'interrogerez.

La commissaire Sentac acquiesça et le départ de Thomas ramena un semblant de paix dans les lieux.

Fabienne posa les questions à la femme qui lui faisait face :

— Vous êtes donc la mère supérieure ?

— Appelez-moi ainsi si vous voulez. Nous ne sommes plus une communauté religieuse mais une association ouverte à toutes. Je suis la personne responsable de cette association et, par respect pour tous ses membres, je refuserai qu'un homme entre dans notre sanctuaire tant que je serai vivante !

— Comme vous voudrez. Est-ce-que vous connaissiez l'individu couché au sol ? C'est un homme si je ne me trompe pas ?

— Nous l'avions déjà rencontré et nous l'avions déjà accueilli comme il se doit. Je ne pensais pas qu'il reviendrait.

— Votre accueil ? C'est avec un arc et des flèches, je présume.

— Il sera important de savoir se défendre quand ce monde s'écroulera ; c'est pour cela que nous nous entrainons au tir à l'arc. Aucun des membres n'a tué cet homme, si c'est ce que vous voulez entendre.

— C'est vous qui le dites. Enfin, je veux croire que votre mouvance vous interdise de côtoyer les hommes mais de là à les tuer !

— Nous ne sommes plus une communauté religieuse et chaque membre de l'association est libre de partir ou de rester. Nous ne sommes pas une secte vengeresse et encore moins apocalyptique ! Il n'empêche que nous vivons dans un monde qui court à sa perte à cause du dérèglement climatique, de la pollution, de la surpopulation, des guerres et de la domination masculine des rapports de forces. Simplement, nous préparons, chaque femme ici, à survivre au grand cataclysme.

— Je veux bien vous croire sur la domination masculine mais il n'empêche qu'un homme a été retrouvé mort à l'intérieur. Qui a trouvé le corps ?

— Dame Aude a trouvé le corps à cinq heures du matin.

Une femme s'approcha et fit signe de la tête. Elle était anxieuse et ne disait mot.

La mère supérieure reprit :

— Dame Aude a été profondément choquée par la découverte du corps et m'a rapporté sa découverte malheureuse. J'ai contacté immédiatement la police.

A ce moment-là, un agent féminin vint interrompre l'échange :

— Commissaire Sentac, votre collègue fait n'importe quoi. Vous devriez descendre.

— Mais pourquoi, je n'ai rien entendu ? Pas de Talkie, ni de coup de téléphone ?

— Les ondes ne passent pas dans l'enceinte principale du prieuré, répondit la mère supérieure.

L'agent de police confirma et se proposa de garder un œil sur la communauté, le temps que Fabienne comprenne ce qui se passait à l'extérieur.

En traversant le couloir menant de la cour principale à la cour arborée, elle observa les murs et nota une fine couche métallique posée sur les bâtiments. Un grillage fin faisait office de moustiquaire aux fenêtres mais elle comprit que l'objectif principal d'un tel système était d'isoler les bâtiments dans une grande cage de Faraday.

Thomas se disputait avec un scientifique en combinaison quand Fabienne débarqua sur la scène de crime.

— Qu'est-ce-qui se passe ici ? elle demanda.

— Eloignez votre collègue ! Il pollue mes échantillons avec ses empreintes et son ADN ! s'exclama le scientifique de la criminelle.

Passablement énervé, Thomas s'approcha d'elle :

— Ecoutez-moi. Ce n'est pas une sœur qui a tué cet homme !

— Qu'est-ce-qui vous prend de toucher les pièces à conviction d'un crime !

— C'est comme cela que je fonctionne et je vous dis qu'il nous faut chercher une arbalète !

— Non mais nous sommes aux vingt-et-unième siècle ! Laissez faire le laboratoire d'analyse !

Le smartphone de la commissaire bipa à ce moment-là. Elle jeta un œil au message et attrapa son consultant par la manche.

— Allez, venez avec moi ! Vous, les hommes, vous n'êtes pas les bienvenus ici.

— Ok, j'avais compris.

— La femme de la victime nous attend au commissariat.

 

 

 

Chapitre 4 - Destins tragiques

Retour au commissariat central

 Thomas questionna la commissaire Sentac, tout en feuilletant la documentation fournie par le capitaine :

— Si vous avez lu l'origine du prieuré de Saint Savenn alors vous serez encore plus étonnée par la suite du mouvement. Est-ce-que vous connaissez la collapsologue célèbre Jeanine Huchet ?

— C'est un médecin célèbre qui a inventé une nouvelle discipline, c'est ça ?

— Vous avez de plus en plus d'humour. Non, c'est une théoricienne de l'effondrement de notre civilisation qui a fait fortune en vendant des livres. C'est elle qui a rachetée l'établissement des sœurs du prieuré de Saint Savenn et qui l'a sauvé de la démolition.

— En plus d'une sauveuse, les sœurs y ont trouvé un nouveau maitre à penser.

— Jeanine Huchet est décédée l'année dernière, en Suisse. Le dossier précise que c'est un trust familial qui gère sa fortune, depuis.

— Je suppose que les murs appartiennent à ce trust. L'association n'est que locataire alors ?

Un agent vint interrompre alors leur discussion :

— Madame Soudine vous attend dans une salle. Elle est traumatisée. Nous avons préféré la mettre un peu à l'écart.

— Merci, répondit Fabienne.

Ils se dirigèrent, ensemble, vers la salle indiquée.

A l'intérieur, la jeune femme fondait en larmes. Elle était venue pour signaler une disparition et on lui avait annoncé le meurtre de son mari. Thomas Adam se sentait gêné.

— Ce n'était pas un homme méchant. Qui a pu faire cette chose horrible !

— Votre mari avait-il reçu des menaces, ces derniers temps ? demanda Fabienne.

— Pas plus que d'habitude. Son patron lui demandait de faire du chiffre. Ses clients en quête de vente le relançaient très souvent. Il y avait aussi des locataires peu satisfaits des visites de leur logement en vente. C'était le quotidien de son travail mais de là à vouloir le tuer ....

— Est-ce qu’il vous avait parlé d'un dossier lié au prieuré de Saint Savenn ?

— Oui, lors de la visite d'un client, il avait été accueilli par des femmes au beau milieu d'une séance de tir à l'arc. Je crois que la visite avait été interrompue. Seule la femme du client avait pu continuer la visite des lieux. Pourquoi vous me parlez de ça ?

— Son corps a été retrouvé là-bas, ce matin.

— Oh mon dieu ! Dix bonnes années à faire ce métier, il a organisé des visites beaucoup plus dangereuses que celle-là ! Il a failli se faire tirer dessus lors de la vente de la villa d'un ancien chef de gang. Non, il avait plaisanté en me racontant le déroulement de cette visite. Il me disait qu'il croyait avoir eu affaire à une peuplade de femmes disparues ou légendaires, je ne sais plus ...

— Des amazones ? compléta Thomas.

— Oui, c'est ça. Mais quelles sauvages ! finit de dire la jeune femme éplorée.

La commissaire Sentac ajouta :

— Nous n'avons pas encore arrêté le meurtrier ou la meurtrière mais nous mettons tout en œuvre pour arrêter cette personne. Est-ce-que vous auriez en votre possession le téléphone de votre mari ?

— Non, il l'avait toujours sur lui.

— Nous ne l'avons pas retrouvé sur son corps. Nous devons continuer l'enquête, madame Soudine. Nous vous recontacterons dès que nous aurons du nouveau.

Nos deux protagonistes quittèrent la salle.

— Il nous reste à parler au patron de l'agence, cet après-midi, conclut Fabienne Sentac.

 

 

 

Chapitre 5 - Survie en ligne

Agence Immobilière Luxhall, milieu d'après-midi.

 Sur la porte de l'agence, il était mentionné : fermeture exceptionnelle aujourd'hui.

Le patron s'était rendu disponible pour la visite des agents de Police. L'homme, au crâne chauve et à la cinquantaine bien portée, était sportif et de bonne composition. Il vint accueillir le petit groupe :

— Entrez, entrez ! J'ai donné l'après-midi à mes autres salariés quand j'ai appris la nouvelle. C'est horrible ce qui est arrivé ! J'ai rassemblé toutes ses affaires dans une boite.

Le policier Jean-François Marleau accompagnait Thomas Adam et Fabienne Sentac pour récupérer les effets personnels de la victime. Avant que l'agent n'emporte le carton, Thomas voulut y jeter un œil. Tandis qu'il touchait les bibelots, stylos et documents ayant appartenu à Emmanuel Soudine, la commissaire échangea avec le dirigeant de l'agence :

— Vous connaissiez Monsieur Soudine, j'imagine.

— Oui, cela faisait cinq ans que Manu nous avait rejoint. Pardon, Emmanuel, je voulais dire. Je l'avais déjà invité à diner chez moi. C'est une petite agence d'une dizaine s'employés. Nous nous connaissions tous, en effet.

— Est-ce qu’il avait des problèmes ? Avait-il reçu des menaces récemment ?

— Je ne connais pas trop sa vie personnelle. Si vous parlez dans son activité professionnelle, il s'entendait bien avec tout le monde ici. Je crois qu'il y avait eu quelques tensions avec ce couvent de bonnes sœurs survivalistes, en centre-ville. Rien de bien méchant.

— C'est derrière les murs de cette association que son corps a été retrouvé. Que faisait-il là-bas ?

— Ah ben mince alors ! Nous avons un client désireux de vendre cette grande demeure. Manu avait commencé par faire un état des lieux pour l'estimation du bien. L'affaire trainait depuis plusieurs semaines et le client ne cessait pas de le relancer.

— Où peut-on trouver cette personne cliente de votre agence ?

— En fait cela va être un peu compliqué. Nous avons reçu la demande de vente en ligne en provenance d'un trust basé en Suisse. Tout passe par l'intermédiaire de notre site internet.

— Un trust et alors ? Il y a bien une personne à l'autre bout qui vous a demandé de vendre son bien et vous avez, donc, son adresse dans vos fichiers, interrogea Fabienne.

Le patron de Luxhall était moins catégorique :

— En fait un trust est une entité non nominative qui gère un ensemble d'actifs pour le compte d'une ou plusieurs personnes ...

— Vous voulez dire que je ne peux pas contacter les personnes derrière un trust.

— Je peux vous donner l'adresse email du gérant du trust. C'est un cabinet d'avocat basé à Genève.

— Ok, donnez-moi toujours cette information.

Thomas sortait, un par un, les objets décoratifs ayant appartenu à Emmanuel Soudine. C'est en attrapant un stylo plume richement orné qu'il fut frappé d'une vision. Il se tourna alors vers le patron de l'agence :

— Pardonnez mon interruption. Est-ce qu’il y avait une autre femme dans la vie de votre employé ?

L'homme, un peu surpris, se gratta la tête et finit par répondre :

— Pas à ma connaissance. Je possède une agence immobilière pas une agence matrimoniale. Il faudrait que vous demandiez à ses proches.

Fabienne le remercia pour les effets personnels de la victime et ils quittèrent tous les lieux.

La commissaire ne cachait pas sa curiosité et elle voulut en savoir plus, sur le retour au commissariat :

— Vous pensiez à une liaison extra-conjugale, toute à l'heure ?

— Oui, il y a pas mal d'objets échangés entre Emmanuel Soudine et une autre femme. Ce n'est pas celle que nous avons rencontrée au commissariat et ses stylos et mugs sont chargés affectivement. Trop chargés pour ne venir que d'une cliente de cette agence ...

— Est-ce qu’il y a, au moins, un téléphone dans cette boite ?

A l'arrière du véhicule, l'agent Marleau fouilla dans le carton, en vain. Il répondit par la négative.

 

 

 

Chapitre 6 - Indices

Commissariat central, fin d'après-midi

 Un agent déposa deux feuilles sur le bureau de la commissaire Sentac. Thomas l'interpella :

— Vous avez le listing des messages et de ses derniers appels ?

— Le téléphone a borné pour la dernière fois au prieuré de Saint Savenn. Il y a seulement les numéros entrants. C'est étrange car il n'y a pas beaucoup de numéros en dehors de l'agence.

— Pas mal de transfert d'appel de l'agence immobilière. Y a-t-il des appels personnels ?

— Là, il y a un numéro qui revient. Une carte prépayée ...

— Le numéro du fameux client ?

— Ce n'est pas un numéro suisse et le téléphone est souvent localisé dans la zone autour de l'agence immobilière.

— Ce n'est pas celui de sa femme non plus. Peut-être un ou une collègue de travail ?

— Je vais demander la liste des mobiles professionnels de tous les employés au patron de l'agence.

— Des nouvelles du trust en Suisse ?

— Une réponse standard comme quoi, le cabinet d'avocat n'était pas physiquement représenté par une personne ici en France et qu'Emmanuel Soudine ne répondait que trop rarement à leurs relances. Bref, rien.

— Une autre piste ?

— Il nous faut revenir interroger les sœurs du Prieuré, demain. Vous avez parlé d'une femme, non ?

 

 

 

 

Chapitre 7 - La clef

Prieuré de Saint Savenn, le lendemain matin

 Thomas Adam et Fabienne Sentac furent, de nouveau, accueillis par la responsable de l'association. Comme la dernière fois, l'accès était interdit à Thomas aussi la cour arborée servit au rendez-vous.

— Cela faisait deux mois que l'agence immobilière Luxhall préparait la vente des murs de notre sanctuaire. Nous n'avons rien à gagner avec ce meurtre car cette affaire va en déprécier le prix et attirer encore plus d'acheteurs, confia la mère supérieure.

— Est-ce-que vous connaissez les propriétaires ?

— Nous connaissions très bien l'ancienne propriétaire. Elle a été notre mentor et a séjourné très souvent avec nous, ici même.

— Vous parlez de Jeanine Huchet, la collapsologue célèbre.

— Oui, notre plus grande survivaliste qui nous inspire encore aujourd'hui. Notre demeure reste désormais la propriété de la famille Huchet après son décès survenu il y a un an.

— Et sa famille ? A qui versez-vous un loyer maintenant.

— Jeanine Huchet ne souhaitait pas percevoir de loyer. Ses volontés ont été respectées après sa mort. Nous ne connaissons pas le reste de sa famille, à vrai dire. Je crois qu'elle avait une sœur dans la région.

— Que va-t-il se passer après la vente pour votre association ?

— Avant sa mort, l'agent immobilier nous avait parlé d'une ferme dans les montagnes appartenant à la famille Huchet. Jeanine était effectivement originaire d'un village dans les Pyrénées. 

— La famille comptait vous faire déménager là-bas si je comprends bien.

— Oui, c'était l'idée. Nous nous préparons à reconstruire ce monde alors une ferme délabrée ne nous fait pas peur mais nous étions bien ici.

— Vous aviez tout refait ici.

— Oui, Jeanine avait dépensé sans compter.

Thomas écoutait de loin la discussion entre les deux femmes. Il allait entre les arbres sous le regard toujours suspicieux de la mère supérieure quand deux traits au spray jaune fluorescent, marqués au sol, éveillèrent sa curiosité. Il se retourna :

— Ces marques n'étaient pas là hier ?

— La position estimée du tireur suivant l'angle de tir, répondit Sentac, habituée à ce type de marquage au sol.

— Intéressant. La nuit, cet endroit est un angle mort sans lumière.

Les deux femmes observèrent les alentours. Elles se trouvaient à l'endroit où avait été retrouvé le corps de la victime.

Fabienne constata la présence d'un lampadaire visible au-delà du mur d'entrée, dans la rue adjacente :

— D'ici, l'éclairage public de la rue doit inonder la cour. Le meurtrier, se tenant dans le coin sombre avait clairement la vue sur sa victime.

— Cette cour est une sorte de zone tampon de notre sanctuaire avec l'extérieur. Nous ne pouvons pas échapper aux ondes radios, ni aux bruits et aux lumières de l'extérieur, ici. La nuit, le couloir que vous avez emprunté la veille, est fermé à clef.

— J'imagine que l'entrée principale était fermée à clef, elle aussi. Nous n'en avons retrouvé aucune de votre établissement sur Emmanuel Soudine. Est-ce qu’il avait accès à toutes les pièces de votre établissement pour ses visites ?

— Non, il n'avait que la clef de l'entrée principale. Oh mon dieu ! Cela veut dire que l'assassin peut entrer à sa guise, ici ?

— Oui, vous feriez mieux de changer votre verrou. Juste une autre question : Ses visites ne se cantonnaient qu’à cette cour, si je comprends bien ?

— Ce n'est pas la vérité. Nous lui avons dit qu'il pouvait proposer la visite libre à une personne de sexe féminin, sans son accompagnement. Il respectait notre sanctuaire et l'absence souhaitée d'homme dans ces lieux.

— Merci madame pour ces renseignements.

— J'espère que vous allez rapidement attraper ce criminel ! Notre communauté est ébranlée par ce meurtre, vous savez. Certaines de nos membres souhaiteraient rentrer dans leurs familles, après les fouilles et les interrogatoires de la veille.

— Votre association survivra à ce drame si aucune de vous n'est coupable. C'est le principe même de votre communauté, conclut Fabienne avant de quitter les lieux.

 

 

 

Chapitre 8 - Jeanine et Margaret

Commissariat Central

 Une liste de numéros de téléphone s'affichait sur l'écran de l'ordinateur de Fabienne Sentac. Thomas nota un lien avec l'enquête :

— Regardez ! Dans la liste des appels reçus par ce portable professionnel, il n'apparait que deux fois ces derniers jours mais c'est bien le dernier numéro à avoir appelé Emmanuel Soudine.

— C'est le portable du patron de l'agence Luxhall.

— La personne n'est pas inconnue !

En s'adressant à l'agent Marleau :

— Pouvez-vous appeler le patron de l'agence immobilière et lui demander l'identité du numéro ?

Thomas prit alors la parole :

— J'ai fait quelques recherches sur Internet et Jeanine Huchet est bien née dans une ferme des Pyrénées. Le lieu est à l'abandon depuis des décennies, il suffit de regarder les images satellites sur Internet pour s'en apercevoir. La sœur de Jeanine Huchet s'appelle Margaret. Elle est âgée de quinze ans de moins.

Jean-François Marleau revint vers la commissaire avec du nouveau :

— Je viens d'avoir le patron au téléphone et il m'a dit que ce numéro appartenait à sa femme.

— Il en sait plus que ce qu'il nous a dit. Quelle est l'adresse de son domicile ? On y va. Merci pour l'info et prenez vos affaires. Et vous aussi Thomas ...

 

 

 

Chapitre 9 - Photo souvenir

Maison du patron de l'agence Luxhall

 La demeure était située dans une banlieue paisible et huppée de la ville, entourée de collines verdoyantes et à l'écart de grands axes routiers.

Le patron accueillit le trio qui frappait à sa porte. Fabienne n'y alla pas par quatre chemins :

— Peut-on parler à votre femme ?

— Elle n'est pas là.

— Quand revient-elle ?

— Ca va être compliqué ...

Thomas sentit immédiatement le problème en attrapant la poignée de la porte :

— Vous vous êtes disputés. Elle est partie en claquant la porte.

— Oui, nous sommes en instance de divorce.

— Elle avait un amant.

— C'est relativement pénible pour moi d'en parler. J'imagine que Margaret est chez lui.

— Je doute fort. Est-ce qu’elle avait de la famille dans la région ?

— Non pas depuis la mort de sa sœur, il y a un an. Elle a commencé à changer depuis cette date.

— Vous ne savez pas où nous pouvons la trouver, par hasard ? Son numéro ne répond plus.

— Elle a jeté la carte SIM. Elle se disait harcelée par mes appels alors que ce n'est pas vrai. Tenez, ceci est la dernière lettre qu'elle m'a laissée aujourd'hui.

Thomas attrapa la lettre tendue et, sans jeter un œil au contenu, un flash lui apparut dans son esprit :

— Un hôtel en face d'une châtaigneraie et de grands espaces verts, cela vous parle ?

L'agent, à leurs côtés, pensa immédiatement à plusieurs lieux et égrena trois noms d'hôtel.

Fabienne Sentac nota l'hôtel d'un golf qu'elle savait entouré de châtaigniers et proposa d'y aller sans plus tarder.

La commissaire photographia avec son smartphone le portrait de la femme dont une image restait en souvenir de vacances passées à l'autre bout du monde.

Avant de partir Thomas se retourna :

— Est-ce-que vous avez des armes chez vous ?

— Oui, quelques-unes. Vous ne pensez quand même pas que j'ai tué mon propre employé !

— Est-ce-que vous avez un arc ou une arbalète ?

— J'ai une arbalète effectivement. Je peux vous montrer toutes mes armes comme preuve de ma bonne foi.

Il les amena au sous-sol, dans la réserve, où il stockait plusieurs dizaines d'armes à feu derrière une vitrine. L'arbalète n'était plus là.

— Je ne comprends pas. Elle était là ...

— On manque de temps. Elle parle de disparaitre et quitter la France dans sa lettre, s'écria Thomas qui lisait la missive en même temps.

— Ok on y va, tout de suite. Quant à vous, le commissariat de votre quartier va vous convoquer. J'espère que vos autorisations sont en règle, lança la commissaire Sentac en faisant une seconde photographie avec son smartphone de l'arsenal bien rangé derrière son écrin de verre.

Ensemble, ils quittèrent les lieux et ne mirent pas longtemps avant d'atteindre l'hôtel du golf et d'appréhender la femme du patron qui s'apprêtait à partir.

 

 

 

Chapitre 10 - Confrontation

 Margaret tenait des propos incohérents sur le trajet du retour au commissariat central. Une heure plus tard, elle commença par se calmer. L'interrogatoire put alors commencer.

La commissaire Sentac n'en revenait toujours pas :

— Votre téléphone bornait dans la zone, le soir du meurtre. Votre nom de jeune fille est Margaret Huchet, sœur de Jeanine. J'imagine que votre nom est un de ceux derrière le trust Suisse. Pourquoi s'attaquer à un employé de votre mari si vous lui en vouliez autant ? La vente n'allait pas assez vite, c'est ça ?

— C'est horrible ...

— Pourquoi avoir tué votre amant avec une arbalète ? ajouta Thomas.

— C'est une énorme erreur. S’il n'avait pas mis son téléphone en mode silencieux ...

La femme s'effondra en larme et leur avoua le crime et le mobile : Elle se refusait à se voir déposséder d'une partie de ce lieu par son mariage avec un homme qu'elle ne supportait plus.

 Thomas et Fabienne quittèrent alors la salle d'interrogatoire et l'agent de Police avec eux passa deux appels pour confirmer ses dires :

— Elle a bien demandé à son mari de la rejoindre au Prieuré de Saint Savenn. Il savait que la sœur de sa femme avait séjourné là-bas et il commençait à croire qu'elle voulait y entrer elle aussi.

— Déformation professionnelle : il lui a envoyé l'employé qui suivait la vente. Sans le savoir, c'est l'amant qui s'est présenté au rendez-vous. Dans la pénombre et de dos, impossible de distinguer le visage d'un homme et c'est lui qui a pris la flèche en plein cœur, commenta Thomas.

La capitaine Vaudrel finissait sa journée et passa féliciter le trio pour l'arrestation de la meurtrière :

— Un meurtre avec préméditation, élucidé en moins de quarante-huit heures. Vous avez fait du bon boulot, je tenais à vous le dire ! Dommage que le capitaine Berheim soit revenu un peu plus tôt que prévu. Elle va vous affecter sur une nouvelle mission. Allez, bonne soirée. Ne restez pas trop tard.

 Fabienne faisait la moue. Quelques zones d'ombre restaient à élucider. Elle tenait entre ses mains le courrier adressé par la meurtrière à son mari et elle questionna Thomas :

— Ne me dites pas que vous avez eu la vision d'un hôtel entouré de châtaigniers quand vous avez attrapé cette lettre ! Vous êtes allergiques au pollen de châtaignier !

— Oui c'est probablement ça, j'imagine.

— En tout cas, vous vous êtes trompé car c'est une femme qui a tiré la flèche et pas un homme.

— La flèche, tout comme l'arbalète, appartenait au mari.

— Vous n'en avez pas la certitude !

Jean-François Marleau zooma sur l'image prise par la commissaire dans l'armurerie du patron de l'agence Luxhall et il fit remarquer :

— L'arme n'a pas été retrouvée mais le profil et le motif des ailettes des flèches correspondent avec les autres flèches.

— Non mais comment vous avez deviné cela, Thomas, avant de connaitre l'existence de ce stock d'arme ? s'exclama Fabienne.

Le consultant estima que son travail était fini pour aujourd'hui et profita du moment pour s'échapper. L'affaire était close mais Thomas Adam laissait la commissaire Sentac sur sa faim.

 

 

 


Laisser un commentaire ?