Moi Siegfried, chevalier d'Asgard

Chapitre 1 : La terre d'Asgard

586 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 14/04/2020 23:10

Je n’avais que 10 ans quand j’ai découvert l’extrême nord d’Asgard, la « terre sacrée » comme nous l’appelons, avec ses côtes escarpées plongeant dans l’océan glacé. Arbres et rochers y sont perpétuellement couverts de neige, et le vent les attaque comme une lame de couteau.

A mesure que notre bateau s’approchait du port, où des marins couverts de gros manteaux s’activaient sous les rafales de neige, je me serrai de plus en plus contre ma mère, le visage mordu par le froid, sentant monter en moi une sourde angoisse. Ma mère, muette, essaya de me sourire pour me rassurer, sans y parvenir. Sur le quai était apparue une silhouette haute et puissante, drapée dans une épaisse fourrure noire, semblable à celle d’un ours. Malgré la distance, je devinai que c’était là l’homme qui nous avait ordonné de venir : le seigneur Sieghur de Dube. Mon père.


Jusqu’ici, j’avais vécu avec ma mère, héritière de l’un des grands blasons de l’Asgard, la vie d’enfant d’une aristocratie fidèle à la tradition et insensible à la modernité du monde. On m’enseignait la musique, la littérature, l’histoire. J’apprenais à monter à cheval et à manier l’épée, comme l’avaient fait tous mes ancêtres avant moi. Et surtout, je parcourais librement les steppes et les forêts pendant des heures, pendant des jours.

Lorsque j’atteignis ma 10ème année, mon père réclama notre présence auprès de lui, à l’extrême nord de la terre d’Asgard, où seule une poignée d’hommes vivent encore, dans un état quasi sauvage. Cet homme que je n’avais jamais vu bouleversa ma vie par une seule lettre. Il ordonnait à ma mère de le rejoindre sur-le-champ, et elle obéit sans un mot. Sans doute l’aimait-elle, ce fier viking dont je portais le nom, et peut-être au fond le craignait-elle aussi. Pour moi, à cette heure, je ne voyais qu’un enfer glacial où l’on enterrait mon enfance pour toujours.


L’entraînement

Jamais je n’ai su quel amour il portait à ma mère, mais avec moi il était dur et même brutal. Il mit toutes ses forces et sa passion dans un seul but : m’endurcir, encore et encore. Je dus apprendre à me battre contre lui, à l’épée, au javelot, au poing, souffrant de ses coups sous la morsure des vents du Nord. Je dus apprendre à me déplacer comme une ombre dans les immenses forêts glacées que la nuit recouvrait, aux heures où les redoutables meutes de loups sortent chasser. Apprendre à rester immobile, pour ressentir autour de moi le flux de la nature.

Je ne comprenais rien à tout cela. Qu’est-ce que je représentais pour lui ? Chaque soir, épuisé et meurtri, je pleurais sur ma couche, craignant déjà l’aube, le réveil sans ménagement et la journée de douleur qui viendrait s’ajouter à toutes les autres.

Je ne comptais plus rien, je ne savais plus depuis combien de mois, d’années j’étais arrivé sur cette terre inhospitalière, cette prison de glace, où la neige vous tombait dessus déjà cristallisée, rendue tranchante par le vent, et vous arrachait la peau. Je devenais fou, lentement, privé de volonté, mû seulement par l’autorité implacable de mon géniteur.





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