Remember

Chapitre 1 : Chapitre 1.

1446 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2016 02:44

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Je me souviens de la chaleur qu’il faisait dehors, du soleil qui me faisait plisser les yeux et de mes mains moites qui tenaient fermement la bandoulière de mon sac en cuir. Je me souviens de la foule qui se pressait dans le terminal, de ces inconnus qui se disaient au revoir et de cette petite fille qui dormait dans les bras de son père. Je me souviens des yeux larmoyants de ma mère, de la fierté qui retenait mon père de dire quoique ce soit et du regard fuyant de mon frère.De toute façon, pourquoi m’aurait-il enfin regardé ? 16 ans qu’il ne l’avait jamais fait, 16 ans qu’il m’ignorait et me reniait. Renier par son propre sang. Et pourquoi ? Certaines questions restent sans réponse car elles ne sont jamais posées, elles restent coincées dans la gorge car la vérité est trop effrayante. Je n’ai jamais été courageux et je ne le serais jamais. L’ignorance de mon frère, j’ai appris à vivre avec. Et même ce jour-là, même lorsque je m’apprêtais à quitter le sol de ma ville natale, je n’ai rien fait, je ne lui ai pas dit au revoir et j’ai tourné le dos pour m’envoler vers l’Angleterre sans avoir revu la seule personne qui m’importait vraiment à cette époque. 

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4 ans plus tard.

Un rayon de soleil perçait entre les rideaux fermés. Il venait chatouiller les yeux clos d’Ame qui roula sur lui-même, enfonçant son visage dans l’oreiller. Pour une fois qu’il faisait beau à Londres, il fallait que soit lors d’une de ces journées maudites où se lever relève du miracle. Des doigts vinrent se glisser dans ses cheveux ébènes. Prise de conscience. Il n’était pas seul dans le lit. Il pesta intérieurement, il s’était pourtant promis de ne pas refaire la énième erreur : ramener un ou une inconnu d’une de ses soirées. Il savait que le lendemain, c’était toujours compliqué de leur faire prendre la porte le plus rapidement possible. Sans émettre le moindre mot, il se releva pour sortir de son lit, sans même un regard vers la personne allongée de l’autre côté du lit.

 

« Désolé je suis pressé, il faut que tu t’en ailles. »

Pas la peine d’attendre la réponse, il était déjà sorti de la chambre pour se diriger vers la salle de bain. Il s’y enferma et s’appuya sur le dos de la porte en soupirant. A vrai dire, ce n’était pas un mensonge, il n’avait plus beaucoup de temps pour finir sa valise et ranger sa chambre, demain il repartait. 4 ans après être parti de Tokyo, il retournait enfin chez lui. Pas une seule fois pendant ces 4 années, il n’était retourné au Japon. Et aujourd’hui, il ne savait plus trop s’il était excité ou effrayé à l’idée de devoir y remettre les pieds. Sa ville, son pays, sa famille. Il allait retrouver tout cela, mais impossible d’ignorer cette boule au ventre qui le paralysait à chaque fois qu’il y pensait.Il n’écoutait que d’une oreille les jurons qui venaient de l’autre côté de la porte. Au timbre de la voix, il semblait que ce soit une jeune londonienne un peu trop vexée par le comportement d’Ame. Ce n’était pas la première fois, et surement pas la dernière… Il se glissa sous la douche et laissa le jet d’eau chaude recouvrir sa peau. Dans quelques heures seulement, il allait quitter cet endroit. Y reviendrait-il ? En 4 ans, il avait créé des liens, en avait brisé d’autres, il avait pris goût à cette vie si particulière. A Tokyo, les choses seraient surement différentes et il allait devoir de nouveau s’adapter à un autre mode de vie. Non, à y réfléchir, il ne le ferait pas. Le garçon qu’il était devenu aujourd’hui, enfin l’homme, il l’acceptait totalement, son mode de vie avec. Il surprendrait, choquerait surement, mais il s’assumait parfaitement. Il avait muri, s’était enfin ouvert au monde et s’était affirmé sans se soucier du regard des autres. Plus jamais il ne se ferait marcher sur les pieds. Plus jamais on ne se moquerait. Plus jamais il ne laisserait son propre frère avoir le dessus sur lui. Plus jamais.

 

Trainant derrière lui sa grosse valise, Ame était enfin arrivé à l’aéroport. Devant la file de l’enregistrement, il hésita encore quelques secondes. Devait-il réellement rentrer ? N’était-il pas maître de ses propres décisions ? La fuite était encore possible. Mais la dernière conversation qu’il avait eue avec sa mère lui revint en mémoire et il se décida enfin à avancer.

A bord de l’avion, il ferma les yeux, essayant de calmer sa respiration qui s’était accélérée au fur et à mesure que le décollage approchait. Dans seulement quelques minutes, il laisserait derrière lui une partie de lui-même, au fond de lui, il le savait. Ces années passées à Londres avaient été pour lui sa rédemption, l’endroit où il avait enfin pu déployer ses ailes sans que personne ne le retienne. Un endroit où il avait pu devenir quelqu’un d’autre, où il était simplement devenu lui-même.Il posa sa tête contre le hublot, détaillant son léger reflet qui dansait sur la fenêtre. Ses cheveux noirs de jais étaient bien plus longs qu’avant, ses yeux par contre, avaient toujours cette couleur noisette presque dorée. Mais ce qui surprendrait plus encore ceux qui ne l’avaient pas vu durant ces dernières années, c’étaient ses tatouages qui ornaient son bras ainsi qu’une partie de son dos, tout comme les différents piercings qui trônaient sur ses oreilles et ainsi que celui au coin de sa bouche. Il eut un léger ricanement en essayant d’imaginer la stupeur de son frère quand il allait voir sa tête mais surtout lorsqu’il se rendrait compte que désormais, avec son mètre quatre-vingt-cinq, il le dépassait largement.

Et un frisson lui parcourut alors quand il essaya de devenir la réaction que « lui » allait pouvoir avoir. Mais pourquoi le reverrait-il ? A vrai dire, comment cela pourrait-il être possible ? Il ne savait pas où il était, ce qu’il faisait, et s’il se souvenait encore de lui… A 24 ans, il devait avoir bien d’autres préoccupations que celle d’un gamin de 20 ans qui rentraient de plusieurs années passées à l’autre bout du monde. Oui, Ame ne devait être qu’un vague souvenir, celui du gamin incapable de se défendre lui-même et à qui on avait besoin de tendre la main pour qu’il se relève, et cette main, c’était toujours « la » sienne.

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