Remember

Chapitre 2

1483 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 15/06/2016 17:22

Ca y est. Il foulait de nouveau le sol japonais. Chacun des gestes d’Ame se faisait dans une lenteur extrême depuis que l’avion s’était stoppé. Cette façon d’essayer de gagner encore un peu de temps était parfaitement inutile, il le savait. Dans quelques instants, il allait revoir le visage souriant de ses parents qui l’attendaient impatiemment dans le terminal. Il était évident que son frère ne serait pas là, pourquoi se donnerait-il autant de peine ? Il ne serait surement pas à la maison à l’attendre non plus. Il donnerait une excuse ridicule que tout le monde ferait semblant de croire. Cela avait toujours été ainsi, rien ne changerait.

 

Ame était persuadé que même sa maison était restée à l’identique, à l’exception des deux chambres vides que lui et Hisao avaient laissés derrière eux. Apparemment, son grand frère avait trouvé un appartement peu de temps après son départ en Angleterre, ce qui n’était en rien surprenant lui qui avait toujours été tant avide d’indépendance. Cela avait été d’ailleurs un soulagement pour Ame de savoir qu’il n’allait pas devoir composer avec la présence de son frère à chaque fois qu’il mettait un pied chez ses parents. Car bien sûr, il ne comptait pas non plus reprendre possession de sa chambre de façon permanente, c’était inenvisageable. Il était désormais parfaitement autonome et vivre chez eux n’allait être que temporaire de façon à ce qu’il puisse reprendre ses marques. Pour la première fois, Ame réalisa à quel point sa famille semblait s’éclater petit à petit. Il était tout naturel que les enfants finissent par prendre leur envol mais lui et Hisao l’avaient fait de façon si particulière, sans entretenir les liens qui les unissaient, en s’éloignant tant physiquement que psychologiquement et ce, pour des raisons bien différentes.

 

Toutes ses pensées s’évaporèrent à l’instant où il aperçut sa mère se précipiter vers lui les yeux brillants. Il était bel et bien chez lui, et un sourire illumina son visage lorsqu’il serra sa mère contre lui.

 

« Tu vois, j’ai fini par rentrer à la maison. »

 

Et son regard se tourna vers son père, toujours aussi droit et fier. Mais les traits marqués, les joues creuses et le regard moins vif qui le caractérisait pourtant si bien. Une boule se forma dans le creux du ventre d’Ame mais il ne laissa rien transparaître, il se devait de rester digne. Le cancer avait pris le pas, c’était indéniable, mais c’était un homme respectueux avant d’être un malade. Alors Ame se contenta de poser une main sur son épaule, rien de plus, rien de moins.

 

Il avait vu juste, rien ne semblait s’être passé depuis qu’il était parti de chez lui. Même les meubles de sa chambre n’avaient pas bougé et lorsqu’il posa ses affaires au milieu de celle-ci, la nostalgie s’empara de lui. C’était sa chambre, son antre, sa forteresse. Ici, personne ne pouvait l’atteindre, il était le maître de ses lieux.

 

_____

 

 

Je cours dans les escaliers à toute vitesse. Je claque la porte de ma chambre. Je m’enferme et me précipite sur mon lit pour m’enfouir sous la couette. Ici, personne ne viendra m’embêter, ici je suis en sécurité. Et je n’arrive plus à contenir mes larmes, elles coulent sans s’arrêter sur mes joues. Je serre mes poings, j’ai envie de crier, de fuir, de disparaître. Tous les jours je dois supporter leurs regards, leurs moqueries, et c’est de plus en plus dur de feindre l’ignorance. Je ne me rappelle plus quand ça a commencé, et je n’ai toujours pas compris pourquoi. Hein, pourquoi ?? Je n’ai rien fait. Je ne mérite pas ça. Et mon propre grand frère ne prend même pas ma défense. A quoi ça sert d’avoir un grand frère s’il n’est pas là pour empêcher qu’on vous fasse de mal ?

 

Et j’entends qu’on toque à la porte, je retiens ma respiration et tend l’oreille.

 

« Ame, ça va ? »

 

C’est sa voix, la sienne. Je suis capable de la reconnaitre entre mille. Hisao ne vient même pas voir comment je vais mais lui, il le fait, toujours. Et j’en suis venu toujours à espérer entendre ses pas qui se dirigent vers moi, sa voix douce qui me rassure, son regard réconfortant. Il est le seul qui voit mes pleurs et essaie d’effacer toutes ces larmes. C’est insensé. C’est lui qui aurait dû être mon grand frère.

 

Il réussit à déverrouiller la porte, à force, il a appris comment faire. Je l’entends se rapprocher de mon lit, je ne bouge pas, je suis recroquevillé sous ma couette. Je sens une main qui se pose doucement sur moi, je frissonne.

 

« Ne les écoute pas. Ce sont des idiots, ils sont simplement jaloux de toi. »

 

« Je voudrais qu’ils disparaissent, tous !! »

 

Ma voix voix s’étrangle dans ma gorge et je renifle maladroitement. La tristesse laisse la place à la colère, c’est toujours comme ça. Mais je suis toujours incapable de faire quoique ce soit, de changer le court des choses, et tout cela me semble de plus en plus injuste.

 

« Tu sais, c’est toi qui sortira vainqueur de tout ça. Je suis sûr que tu seras capable d’accomplir pleins de choses mais pas eux. Un garçon aussi intelligent que toi, c’est sûr que tu iras très loin.  »

 

Je soulève la couette qui recouvre mon visage. Et ses yeux m’électrisent instantanément.

 

« Mais c’est parce que je suis intelligent que tout le monde me déteste. »

 

Il me sourit, ce sourire que je connais par cœur et qui me réchauffe instantanément.

 

« C’est faux, tout le monde ne te déteste pas. »

 

Et comme à son habitude, sa main se pose sur mes mèches brunes avant de m’ébouriffer les cheveux dans un éclat de rire. Et mes larmes ne coulent plus, je ne sais pas quand est-ce qu’elles ont cessé. Seulement lui est capable de me rassurer de cette manière, Mitsuki, le meilleur ami de mon grand frère.

 

_____

 

 

Et c’est dans un sursaut qu’Ame se réveilla dans son lit. Le regard perdu, fixant le plafond. Pourquoi devait-il se rappeler d’un tel souvenir ? C’était il y a quoi…10 ans maintenant ? Et pourtant, il s’en rappelait encore comme si c’était hier toutes ces fois où il avait admiré ce visage si réconfortant. Il roula en boule sur lui-même. Au fond de lui, il voulait désespérément revoir celui qui l’avait toujours aidé à se relever, tel un premier amour indélébile, marqué au fer rouge sur sa peau…

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