Aucun repos
TK, maintenant douché et rasé, portait un t-shirt propre et un jogging confortable. Il tenait Jonah sur ses genoux, les bras passés autour de sa taille.
— Tu veux du sirop sur tes crêpes ou juste des fraises ? demanda Carlos, penché sur la poêle, la spatule dans une main, l’autre calée sur la hanche.
— Les deux ! répondit Jonah avec enthousiasme.
Carlos leva les yeux au ciel avec un sourire amusé.
— Je me demande pourquoi j’ai posé la question…
Il jeta un coup d’œil à TK, qui s’était affalé contre le dossier de la chaise, les paupières lourdes mais le cœur visiblement accroché à ce moment.
— Va te coucher, soupira Carlos.
— Après avoir mangé avec vous… promit TK, la voix voilée de fatigue.
Carlos apporta les assiettes fumantes à table et s’installa à côté d’eux. Jonah attaqua sa montagne de crêpes avec l’énergie d’un pompier au petit-déjeuner, tandis que TK piquait mollement une bouchée.
— T’as eu une nuit horrible, hein ? demanda Carlos doucement.
TK leva les yeux, fatigués mais sincères.
— Une horreur, ouais. Une garderie, une explosion, un incendie, une désincarcération… Et je suis sûr que j’en oublie.
— T’as oublié les tacos que t’as pas eu le temps de manger, lança Carlos
— Crime contre l’humanité, marmonna TK. Je suis à peu près certain que Mateo les a ramenés à la fin de la garde…
Après un moment de silence, le tintement des fourchettes sur les assiettes s’atténua. Carlos posa la sienne, tendit la main par-dessus la table et effleura les doigts de TK.
— Tu veux que je sorte avec Jonah ? Que tu dormes un peu ?
— Non, refusa TK sans hésiter. Je veux… être ici. Avec vous. Même si je m’endors à moitié sur le canapé.
Jonah leva la tête de son assiette, les joues pleines et les yeux brillants.
— Tu peux dormir pendant que je te lis une histoire, si tu veux !
Il sauta à terre, revint aussitôt grimper sur les genoux de TK, sans même demander la permission. TK laissa échapper un rire doux et posa sa tête contre l’épaule de son fils.
— Marché conclu.
— Mais c’est moi qui choisis le livre ! ajouta Jonah, très sérieux.
— Évidemment. C’est toi le patron.
Carlos les regardait, le cœur serré d’un amour tranquille.
TK se laissa tomber sur le canapé avec un long soupir, ses jambes s’étirant jusqu’au bout du repose-pieds.
Jonah grimpa à côté de lui, un grand livre illustré coincé sous le bras.
— Aujourd’hui, je vais te lire L’histoire du chien astronaute, annonça-t-il solennellement.
TK esquissa un sourire, les yeux presque fermés.
— Wow… Tu peux me lire ça, toi ?
Jonah lui lança un drôle de regard.
— Ben non, papa, je sais pas lire… Mais je vais inventer !
Il ouvrit le livre à l’envers, le tourna dans tous les sens, puis le posa à plat sur ses genoux. Il observa les images avec attention, fronça les sourcils, inspira profondément et déclara d’un ton théâtral :
— Il était une fois… un chien. Il s’appelait… euh… Biscuit. Et un jour, il a construit une fusée avec des blocs. Et il est allé sur la Lune.
TK ferma les yeux, amusé.
Jonah tourna les pages lentement, s’arrêtant parfois pour agiter les mains et ajouter des rebondissements.
— Et là, y’avait un chat… un chat qui gardait la lune. Avec un chapeau. Et il voulait pas que Biscuit atterrisse, alors…
Il s’interrompit, voyant que TK ne réagissait plus. Intrigué, il se pencha vers lui, les sourcils froncés.
TK dormait. Sa tête avait glissé légèrement de côté, lèvres entrouvertes dans un souffle calme et régulier.
Jonah le toucha du bout du doigt.
— Papa ? Tu dors ?
Il secoua doucement son épaule.
— Papa… c’est pas fini, mon histoire…
Carlos entra alors dans le salon. Il s’arrêta un instant, attendri par la scène : TK endormi et Jonah, fidèle à lui-même, hésitant à réveiller son père pour une histoire inventée.
Carlos s’approcha, s’accroupit près du canapé et parla à voix basse :
— Laisse-le dormir, mon cœur. Il a eu une grosse nuit.
Jonah le regarda, un peu déçu, toujours avec le livre en main.
— Mais j’avais pas fini…
Carlos sourit doucement, lui caressa les cheveux.
— Tu pourras me la raconter dehors. Viens, on va au parc, toi pis moi.
Jonah hésita une seconde, puis hocha la tête, l’air déjà curieux de la suite qu’il allait inventer.
Carlos déposa un baiser sur le front de TK, puis attrapa la couverture posée sur le dossier du canapé et la tira doucement sur son amoureux.
— Repose-toi, souffla-t-il dans un murmure.
Il tendit la main à Jonah, qui l’attrapa avec enthousiasme. Ensemble, ils quittèrent le salon à pas feutrés, laissant TK plongés dans une paix bien méritée.