Jeux d\'enfants

Chapitre 1 : Jeux d'enfants

Chapitre final

Catégorie: K+

Dernière mise à jour 09/11/2016 03:57

 

Auteur : Diri-chan
 
Disclaimer : A la croisée des mondes appartient à Philip Pullman. Ce qui suit est la création d'une fan qui n'en tire aucun bénéfice financier.
 
 
Jeux d'enfants
 
Lyra s'avance, droite et fière comme se doit d'être une aventurière. Elle saute par-dessus le ruisseau, ses chaussures glissent sur le talus d'herbe humide, mais elle réussit à le gravir sans se salir les mains. Elle se retourne, l'adrénaline encore dans ses veines. Elle doit faire vite, elle a un message des plus important dans son sac. La clef de la victoire sans doute. Les ennemis la poursuivent déjà et son avance est mince. Elle avance d'une quarantaine de mètres avant de referme le trajet en sens inverse, prenant garde de rester dans ses propres traces. Arrivé au ruisseau, elle saute dedans sans faire plus d'histoire et court en son sein. Ses poursuivants ont sans doute des chiens ! Il faut les feinter pour les ralentir. Autant de fausses pistes qui ne pourront que l'aider. Elle court, saute, fait des cabrioles et Pantalaimon à ses côté vole à vive allure sous forme d'un aigle royal, absolument magnifique ! Par moment, il s'envole pour faire de grands cercles dans le ciel, repérant leurs adversaires avant de fondre à toute vitesse sur Lyra pour la presser davantage encore. Ils la rattrapent. Le souffle court, erratique et rapide, la petite fille se presse encore. Sa mission est capitale, elle pourrait changer la guerre ! Non, elle va changer le cours de la guerre. Entendant les bruits de courses de ses poursuivants se rapprocher, elle plonge dans le tronc d'un arbre pour se cacher. Pantalaimon se pose tout en se métamorphosant dans l'instant. Les ennemis passent sans avoir conscience de leurs présences. Ouf, ils sont sauvés pour le moment, il n'y a plus qu'à reprendre la route. Se faire aussi discrète qu'une petite souris, aussi rapide qu'un léopard des neiges et surtout plus rusée qu'un singe.
 
Soudain, Lyra  s'arrête et se redresse vers son ami. Ces sourcils sont froncés et une moue adorable plaquée aux lèvres alors qu'elle s'écrit d'une voix contrariée :
 
"En hiboux, pas en pigeon... Pan ! Ce n'est pas crédible sinon !"
 
Autour de l'enfant, une robe bleue chiffonnée forme un ruisseau quasi-infranchissable au pied du lit en bois. Là, se dresse une formidable montagne de coussin et un peu plus loin, une armoire entrouverte est devenu l'immense arbre qui la cachait à la vue de tous. L'imagination n'a visiblement pas de frontière, si ce n'est celle de la coopération de son daemon. Pantalaimon se transforme doucement avant de poser ses grands yeux jaunes sur l'enfant, mais il est déjà trop tard ! Il a cassé le jeu et maintenant, Lyra va vouloir sortir faire plein de bêtises. Il ulule d'indignation avant de prendre une forme qui lui est un peu plus confortable. Il aime courir plus qu'il n'aime voler et il n'y a guère la place d'étendre ses ailes entre ces murs. Gérer plus d'un mètre cinquante d'envergure n'est pas toujours une mince affaire.
 
Lyra n'a pas encore refermé la porte de sa chambre que déjà elle s'élance dans le Jordan College. Elle en connait presque chaque recoin. L'explorer est un véritable jeu bien que maintenant, il ne lui reste plus que les pièces les plus interdites à découvrir ! Bien-sûr, les explorer peut lui rapporter des punitions... Mais ce ne sont que des mauvais moments à passer, bien futile face à la joie de la découverte ! Chaque jour, elle entend les érudits parlaient de la guerre imminente. Dans les couloirs de l'Université, l'ambiance devenait tantôt électrique, tantôt conspiratrice. Les hommes parlent à voix basse, s'emballant par moment avant de regarder autour d'eux, inquiet d'être entendu, puis le flot de murmure reprend de plus belle. Ils ne prennent pas garde à Lyra, elle est invisible à leurs yeux. Elle ne saisit d'ailleurs pas toutes les nuances des politiques qui secouent leur monde, mais elle comprend que tout risque de changer.
 
Les enfants sont comme des éponges. Ils reçoivent des milliers d'informations : les mots, le ton des personnes, leurs postures, leurs expressions, leurs émotions... Ils les digèrent plus ou moins correctement avant de les ré-afficher à leurs façons. Parfois maladroitement et souvent avec plus de violence et de colère qu'il n'en faudrait.
 
L'après-midi même, la façade qu'elle escalade est tout à fait réelle. Ses souliers dérapent, ils ne sont vraiment pas fait pour l'aventure, et s'abîment sans qu'elle n'y prenne garde. Elle pose une main sur sa poche, vérifiant son précieux contenu avant de pousser une ultime fois contre le mur. Elle se hisse alors sur le toit, se dissimulant à la vue de tous. Elle souffle un instant avant de se redresser, heureuse. Les tuiles sont tièdes sous ses doigts. Lorsqu'il a plu ou tôt le matin, elles sont humides et glissantes. Pantalaimon s'inquiète toujours lorsqu'elle y monte dans ses cas là, mais aujourd'hui, tout va bien. Sur le toit, Roger l'attends en compagnie de Salcilla. La petite chienne dort tranquillement à côté de lui. Elle a pris la forme d'un fox terrier blanc avec un cercle noir sur l'oeil et un poil lisse. Le tee-shirt de Roger est tendu sous le poids des prunes qu'il y porte. Lyra sort les derniers trésors sucrés de ses poches et les ajoutent au tas.
 
Les deux amis commencent alors leurs dégustations en riant. Ils mangent une prune, la savourent, font rouler le noyau dans leurs bouches puis ... ils attendent qu'un Erudit passe sous leurs cachettes et projettent les noyaux. Les hommes râlent, pestent, jurent même parfois alors que les enfants se cachent. Ils posent leurs mains pleines de jus sur leurs bouches pour étouffer leurs rires. Lorsque les Erudits finissent par partir, les enfants recommencent et rient plus franchement. Ils continuent ainsi jusqu'à ne plus avoir de prune ou jusqu'à ce que leurs coeurs se soulèvent tant ils ont mangé.
 
La vie des enfants d'Oxford n'est pourtant pas toujours de tout repos. Non, non, à chaque sortie en ville il faut slalomer entre les passants pressés et affronter les étudiants ennemis. Une guerre sauvage règne entre les écoles. Les adultes le savent certainement, ils y ont participé eux aussi. Seulement, c'est si vieux qu'ils ont oubliés. Maintenant, ils jouent à des guerres de Grands, des guerres dont les enfants rêvent. Ceux là s'imaginent sergents, généraux, rois, empereurs, aventuriers, mercenaires ... guerriers de tout bord et de tout horizon venu participer à la bataille.
 
Ce n'est qu'un jeu, sinon pourquoi les soldats chanteraient-ils joyeusement ?
 
Les enfants rêvent de ces guerres bien avant d'apprendre à les craindre. En attendant d'avoir l'illustre honneur d'y participer, ils s'entraînent, répètent avec la sauvagerie même des instincts. Ils se poussent, se frappent, s'écorchent et déchirent leurs vêtements avant que leurs mères ne viennent les saisir par l'oreille pour les gronder. Lyra n'a pas de parents, pas de mère au visage rougit par la colère devant ses robes froissés et noircit de terre, pas de père à la fois rassurant et inquiétant. Alors, elle rentre lorsque la fatigue la fait flancher.
 
Lyra ne connait peut-être pas le sens du mot famille, mais fraternité et camaraderie font partie de son quotidien. Elle en est fière ! Durant toute l'après-midi, ils ont mangé des prunes au petit soir, ils sont bien fatigués d'avoir ri. Ils se laissent glisser le long des tuiles avant d'atterrir en bas. Roger n'est pas vraiment comme elle, l'Intercesseur le lui répète régulièrement. Il dit qu'elle est une enfant de Haute Naissance et lui, un simple domestique qui oublie un peu trop souvent le chemin des cuisines pour se retrouver sur les toits !
 
Elle -une enfant de Haute Naissance !- le soir dans sa chambre elle regarde le plafond et s'interroge. Roger a des parents qui l'attendent en cuisine et qu'il doit aider. Sa mère à la peau douce et chaude, elle le serre contre elle et lui murmure qu'elle l'aime à l'oreille. L'étreinte d'une mère la fait rêver parfois, puis elle secoue la tête et affiche un petit air buté en se disant qu'elle a vraiment mieux : elle, elle est indépendante ! Déjà adulte ! Ou... presque en tout cas. Elle déplore qu'on ne la laisse pas partir voir le monde et peu à peu, alors que ses paupières se ferment, elle se revoit en fière combattante, laissant ses ennemis de leurs butins et de leurs informations avant de changer le fil d'une guerre à elle toute seule. Elle est bien assez rusée pour cela ! Les yeux fermés, son souffle devient régulier. A côté d'elle, Pan s'endort lui aussi... demain... demain sera une nouvelle journée.

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