Si shakespeare m'était conté..

Chapitre 6 : Suite et fin de l'histoire

Chapitre final

2613 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 23/04/2015 20:16

Mon cœur s’emballa dans ma poitrine alors que je m’immobilisais sur scène à l’endroit marqué d’une petite croix sur le sol. Dissimulé derrière son loup aux plumes noires, Lysandre avança son visage vers le mien. Mon cœur manqua un battement alors que ses lèvres effleurèrent délicatement les miennes avant de s’écarter, son haleine chatouillant ma peau.

ROMÉO.-Vos lèvres ont effacé le péché des miennes.

JULIETTE. - Mes lèvres ont gardé pour elles le péché qu'elles ont pris des vôtres.

ROMÉO. - Vous avez pris le péché de mes lèvres ? ô reproche charmant ! Alors rendez-moi mon péché.

Je restais immobile alors qu’une fois encore ses lèvres se posèrent sur les miennes, une seconde à peine plus longtemps que le premier baiser. Je mourrais d’envie à l’instant d’envoyer valser nos masque et de l’embrasser à mon tour mais je me contentais de lui dire tout ce que j’en pensais des yeux alors que mon texte sortais de mes lèvres d’une façon on ne peut plus authentique.

JULIETTE. - Vous avez l'art des baisers.

Kim s’approcha de nous et je serrais la main qui retenait la mienne avant de rejoindre Constance après que la nourrice envoie Juliette à sa mère. Je rejoignais ensuite les coulisses où je laissais Rosalya ôter mon masque sans abimer le maquillage dessous, utilisant ensuite un disque pour réajuster le fond de teint sur mon visage pendant que j’essayais de rassembler mes esprits et de calmer les battements de mon cœur.

-On dirait que la vie est belle !

Je sursautais.

-Hein ?

Je venais de me rendre compte que mon visage était figé dans un sourire extatique on ne peut plus niais. J’y remédiais autant que possible sous l’œil narquois de mon amie à qui je tirais la langue. Je n’arrivais malgré tout pas à effacer complètement mon sourire de mon visage.

Mais nous n’avions pas le temps d’échanger deux mots que déjà je devais rejoindre mon « Balcon ». Je grimpais sur l’escabeau pieds nus pour m’assurer une meilleure prise puis me penchais à ma « fenêtre » comme prévu dans le script pour continuer le spectacle.

Les scènes s’enchainaient à une vitesse folle alors que les répétitions me semblaient durer des heures. Habillée de ma dernière tenue, celle qui devait servir aux noces de Paris et de Juliette et qui servira finalement de tenue mortuaire, j’attendais que les éléments de la scène se mettent en place alors que le rideau fermé laissait les spectateurs dans l’attente. J’avalais le verre d’eau que me tendais Rosalya d’une traite tant ma gorge me semblait desséchée, puis m’installait sur ce qui devait être le tombeau de Juliette, pour la scène finale de la pièce. Je m’allongeais en joignant les mains sur mon ventre, un chapelet me liant plus ou moins les poignets, Rosalya mettant en place la robe pour que les plis soient esthétiques. Je fermais ensuite les yeux sachant que bientôt, les spots illumineraient ma tombe en m’aveuglant autant qu’il est possible de le faire.

Tout le monde se sauve, je reste seul sur la scène les yeux fermés, allongée sur mon lit mortuaire. Le claquement des bottes de Kentin puis celle de Roméo se font entendre comme en écho dans l’amphithéâtre.  La scène du combat, puis Roméo vient retrouver sa Juliette, l’embrassant une dernière fois avant de boire le poison qui lui donne la mort. Lysandre fait semblant de s’effondrer sur moi, sa tête reposant sur ma poitrine. Je ne peux pas m’empêcher de rougir, et j’ai l’impression que mon cœur cherche à tout pris à sortir de ma poitrine pour sauter au visage du pauvre garçon dans un remake gore digne des scènes du célèbre film d’horreur Alien…

Lorsque c’est le moment, je fais mine de me relever, laisse mon texte sortir de ma bouche avant d’attraper le faux poignard de Lysandre pour m’en transpercer le cœur, Juliette rejoint son Romeo dans la mort, je m’effondre au sol, la tête tournée vers Lysandre.

Les autres continuent de jouer, la pièce n’est pas encore finie mais notre rôle à nous s’arrête là. Nous sommes quasiment tête contre tête, couchés l’un à côté de l’autre, dans la mort, Juliette tiens la main de son Roméo à qui elle a dérobée un ultime baisé. Je sens le souffle de Lysandre sur ma peau, je ferme les yeux et me laisse emporter dans des rêveries un peu mièvres où Lysandre aurait apprécié de jouer ce rôle autant que moi j’ai pût le faire grâce à lui.

-Lou ?

Mon prénom murmuré dans un souffle me fait ouvrir de nouveaux les yeux, plongeant mon regard dans ces deux joyaux différents mais si beaux, placés comme nous le sommes les spectateurs ne peuvent pas voir nos visages, et en murmurant si bas, ils ne peuvent pas nous entendre.

-Oui ?

-Je savais que les couleurs foncées t’iraient comme un gant, tu es magnifique.

Mon cœur manquait soudain un battement. Qu’avait dit Rosa déjà ? Suggestion d’un garçon qui avait le béguin pour moi ? Je n’osais pas croire les déductions que mon cerveau faisait dans ma petite tête toute surchauffée et rougissante.

-Merci.

Sa main étreignit un peu plus fort la mienne, ses doigts s’entremêlaient aux miens et je ressentais ce simple effleurement comme plus intime qu’il ne l’est vraiment.

-Tu as magnifiquement joué, on aurait vraiment dit que Juliette aimait son Roméo.

Je me lance ? Je ne me lance pas ? Je me lance ? Allez ! Je me lance !

-Juliette aimait vraiment son Roméo.

J’avais l’impression que mon souffle me faisait maintenant défaut alors que Lysandre esquissa un sourire que je n’arrivais pas à décrypter.

La dernière phrase de la pièce venait d’être dite, les rideaux se fermèrent et Peggy vint nous pousser du pied.

-Debout vous deux, ce n’est pas le moment de dormir.

De l’autre côté du rideau, les applaudissements étaient quasi étourdissant. L’ensemble de la classe se réunit sur la scène, je jetais un regard suspicieux à Castiel qui semblait avoir autant d’entorse que moi et il me répondit d’une révérence en se marrant avec Iris.

Le rideau s’ouvrit, les applaudissements redoublèrent. Les personnages étaient appelés au fur et à mesure, j’attendais mon tour en applaudissant avec les autres.

-ROMEO et JULIETTE ! LYSANDRE et LOU !

Je saisis la main que me tendait Lysandre puis m’avançait sur le devant de la scène pour faire une révérence avant de repartir en arrière afin de saisir la main de la personne la plus proche. L’ensemble de la classe, main dans la main, s’avança sur le bord de scène afin de faire une révérence, une fois, deux fois, trois fois, puis se retira derrière le rideau qui se fermait sous les applaudissements des parents et autres personnes réunies à l’occasion de la fête de fin d’année.

On se sautait dans les bras les uns les autres, heureux d’avoir réussis à mener à bien ce projet et pour ma part, heureuse d’en avoir fini avec ça ! Peggy me serra dans ses bras en me disant que je l’avais bluffée et qu’elle ne s’attendait pas à ça en comparaison avec les répétitions. Nathaniel m’embrassa encore une fois sur la joue en me remerciant d’avoir fait tant d’efforts. S’il savait le pauvre…. Je finissais par me sentir un peu trop bousculée par tout le monde, pour le coup, je prenais la poudre d’escampette et je me faufilais dans les coulisses sombres pour échapper un instant à toute cette exubérance qui ne collait pas avec mes émotions du moment.

Je faisais attention où je mettais les pieds pour ne pas me rétamer en trébuchant sur un tas de cordes et c’est en remarquant des chaussures qui n’étaient pas les miennes sur mon chemin que je finissais par lever les yeux pour finalement me trouver nez à nez avec Lysandre.

Je sursautais, surprise de trouver quelqu’un ici, je pensais qu’il était resté avec les autres à fêter l’évènement.

-Lysandre ! Qu’est-ce que tu fais là ?

Je relâchais le devant de ma jupe qui se remit en place en froufroutant autour de mes chevilles.

-Je n’aime pas trop les bousculades hystériques comme celles-ci, ou alors à petite dose.

Je souriais en me disant que ça nous faisait encore un point commun à rajouter à la liste.

-Moi non plus je n’aime pas ça.

-J’en suis ravi.

Je rougissais fortement, et ce n’était rien encore en comparaison avec le sang qui me monta au visage lorsque Lysandre franchit d’un pas le peu de distance qui nous séparait l’un de l’autre. Debout face à moi, si près, je devais lever légèrement la tête pour continuer de fixer son regard. L’une de ses mains se posa sur mon coude, glissant le long de mon bras avant de saisir ma main et je tremblais sous cette caresse légère comme une plume.

-Belle Juliette, me laisserais-tu être ton Roméo ?

Son visage était à présent si proche du mien que je sentais le souffle de sa respiration contre mes lèvres, mon regard captif du sien.

-Pourquoi voudrait-tu être mon Roméo ? Soit Lysandre et je serais ta Lou.

Dis-je en me rapprochant plus encore de lui, le tissus de nos costumes respectifs se touchèrent d’abord, puis je sentais son corps contre le mien alors que son autre bras passait dans mon dos, l’une de mes mains toujours prisonnière de la sienne, je posais l’autre sur son épaule pour prendre appui et éviter de tomber en avant sur lui, comme dans nos leçons de danse.

-Qu’il en soit ainsi.

Sa main quitta la mienne pour venir se perdre sur ma nuque alors que la mienne prenait place sur son autre épaule. Ses lèvres effleurèrent les miennes tendrement. Comme lors du premier baiser de Roméo et Juliette. Puis elles se firent plus insistantes et j’entrouvrais les miennes alors que la langue de Lysandre venait de chatouiller ma lèvre supérieure. Je venais à sa rencontre, d’abord hésitante, puis nous nous goutions l’un l’autre, savourant ce premier baiser comme on pourrait déguster une sucrerie nouvelle. Avec douceur et gourmandise.Lorsqu’à bout de souffle, nous nous séparions l’un de l’autre, un sourire comblé aux lèvres, j’avais l’impression de flotter sur un petit nuage, mes pieds ne touchaient plus terre, le temps même semblait s’être suspendu durant ce baiser. Combien de temps s’était écoulé ? Une heure ? Une minute ? J’aurais bien été en peine de répondre à une telle question.

-Nous devrions rejoindre les autres avant qu’ils ne se rendent compte qu’on a disparus.

J’hochais la tête même si je n’en avais pas vraiment envie, j’aurais pût rester dans les ombres des coulisses des heures avec lui, ça ne m’aurait posé aucun problème. Mais Rosalya voudrait probablement récupérer les tenues de scène pour la boutique de Leight et je n’avais pas l’intention de rester habillée comme ça.

Les autres étaient toujours en train de fêter notre réussite sur la scène, il ne devait pas s’être écoulé tant de temps que ça finalement. La dernière phrase de la pièce me revint en mémoire et j’esquissais un sourire alors que les lumières de la scène baignaient de nouveaux mon visage. A mes côté, Lysandre me demanda ce qui me faisait sourire ainsi. Lui qui connaissait les dialogues complets de la pièce saurait saisir mes pensées.

-« Car jamais aventure ne fut plus douloureuse que celle de Juliette et de son Roméo » si Shakespeare m’était conté, je dirais qu’au contraire, jamais aventure ne fut si douce.

-Je suis on ne peut plus d’accord.

Et c’est main dans la main qu’on rejoignait sur scène nos amis euphoriques.

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