Un puissant monologue

Chapitre 1 : Un puissant monologue

Chapitre final

570 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/10/2022 18:03

À la suite de l’ordre de Créon de n’enterrer qu’un seul des frères, Antigone s’exprime sur cette injustice qui la tenaille et la bouleverse…

 

Antigone entre dans sa chambre, se jette à terre et se lamente. J’avais espéré, vainement, que les liens du sang seraient plus forts. J’avais, hélas, espéré que Créon réaliserait que le cœur est plus fort que la rancœur. Dès que ses ordres injustes et insignifiants eurent atteint mes oreilles, une révolte se réveilla au fond de moi, et je n’eus alors qu’une envie : celle de clamer haut et fort que Créon n’est pas digne d’être roi. N’est-il pas vrai qu’un homme a un devoir, celui d’enterrer un mort ? Je ne sais comment Créon apparaît, à présent, aux yeux des autres, mais pour moi, cet ordre qu’il a donné le qualifie d’animal. Il considère mon défunt frère comme un étranger : pour moi, il est également indigne d’être humain. Comme si cela ne suffisait pas, il condamne à mort quiconque recouvrirait Polynice, ne serait-ce que d’un peu de terre. Que ce soit permis ou non, j’irai enterrer mon frère comme il se doit. Les yeux embués de larmes, le regard voilé d’espoir, elle lève les mains au ciel. Est-ce de la folie ? De la rébellion ? Ou bien de la désobéissance ? Je ne veux pas être une petite fille bien sage qui obéit toujours aux règles, non, je veux faire preuve de bravoure, je veux me révolter ! Ismène n’aura qu’à se lamenter lorsque je serai morte : elle est lâche. Je ne nie pas qu’elle aura essayé de me retenir ; mais donner une sépulture en bonne et due forme à mon frère est une cause qui vaut la peine de mourir. De plus, la douleur de ma mort ne saura être pire que la blessure que m’a causée l’ordre de Créon. Antigone s’assoit. Oui, Polynice était un traître, mais les liens du cœur passent d’abord. Cela me concerne autant que Créon. Peu m’importe que Polynice ne m’aimât pas ; il était mon frère avant d’être un traître, de même qu’il fut d’abord le neveu de Créon avant de prendre les armes et de s’allier à la ville d’Argos. On dit de Créon qu’il est un homme responsable et qu’il assume ses décisions ? Ce n’est pas un fait que je puis affirmer avec ferveur. Il a commis une injustice envers Polynice, il l’a considéré comme un étranger, le fait qu’il soit son neveu ne représentait plus rien pour lui. Il ne nous a pas plus considérées, Ismène et moi. N’est-ce pas suffisant que nos deux frères soient morts ? Faut-il en plus ajouter la colère à la peine ? La provocation à la tristesse ? C’est sur ces paroles que je quitte cette chambre qui aura eu la bonté de m’écouter, qu’avec dignité je vais aller enterrer mon frère. Antigone sort alors de la chambre.

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