Le pilier fragmenté

Chapitre 20 : La Famille s’agrandit

3068 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 01/08/2021 02:42

2 jours passent et le Sage est très... sage. Enfin, il ne nous cause pas de problèmes pour l’instant, il mange et se tient tranquillement. Julien ne lui porte pas d’attention non plus, comme il a du mal à l’interroger pour des informations qui peuvent s’avérer utiles. Il passe lui aussi son temps à se reposer, depuis hier il souffre de sa cuisse droite... Une douleur sûrement causée par l’effondrement de la boutique sur lui. Le soir, je prends soin de bien le masser à cet endroit et par la suite, masser son dos avec un remède naturel : de l’huile de fenugrec. Et il adore se faire masser, il dit qu’il dort comme un bébé ensuite. 


Il m’en reste plus de cette huile comme je l’utilisais déjà pour moi même, je m’habille et le préviens que je vais aller en chercher au marché. Il est posé sur le canapé entrain de boire du thé et s’assure que j’ai bien pris avec moi un pistolet. Je l’embrasse et m’en vais sortir. En sortant, je suis prise d’une bouffée de chaleur désagréable... je prends mon éventail mais le range directement car je ne produisait que du vent chaud. Je monte à cheval et enroule mon voile autour de ma tête comme font les touaregs dans le désert, pour éviter d’attraper une sale migraine avec ce soleil. Je galope à une allure rapide, pas trop non plus, et arrive enfin à percevoir au loin le marché. Après avoir passé quelques ruelles, je souffle en voyant le monde qu’il y’a. Je descends de mon cheval en ayant mon petit panier sur le bras et j’attache ma monture bien fort près du marché. Je scrute ce qu’il y’a sur les stands et pas grand chose m’intéresse, je me contente d’acheter quelques huiles, ainsi que celle qui faut et de l’eau de rose. En payant le vendeur,  j’entends un bruit qui m’interpelle à ma gauche, une femme semble s’être évanoui, les passants autour ne réagissent pas... c’est une noire. Je m’approche d’elle rapidement et la retourne. Je la reconnais. C’est celle que j’ai vu à mon arrivé sur cette île. Je vérifie son pouls et son front : elle respire mais elle est brûlante. J’essaie de lui faire ouvrir les yeux en tapotant légèrement sur sa joue. Rien n’y fait. Je prends l’eau de rose que j’ai acheté, sous les regards des passants intrigués, et lui en mets délicatement au visage. Elle ouvre enfin légèrement ses yeux mais semble toujours inconsciente, elle ne bouge pas. Un homme se rapproche et me demande en français ce qu’elle a, je lui répond qu’elle est peut-être fiévreuse et il m’aide à la porter, puis nous la posons sur mon cheval. Je prends ses bras et l’enroule autour de ma taille afin qu’elle ne chute pas et avant de partir, l’homme me révèle qu’il connaît son maître et que je devrais plutôt l’amener dans son domaine à quelques lieux d’ici afin d’éviter les ennuis. Je refuse et lui avoue que le plus important c’est son bien-être, sinon elle risquerait de trépasser. Il a l’air surpris de mes propos et je m’en vais sans perdre de temps. 


Je galope à une allure considérablement rapide et arrive au manoir. En descendant de ma monture, je vis Julien qui m’observa à travers la fenêtre du salon avec une moue bien étrange. Il sort du manoir en boitant avec une cane et  me contemple entrain d’essayer de faire descendre la pauvre domestique, qui s’était éveillée en route.


  • N’est-ce pas celle qu’on a retrouvé à notre arrivée sur cette île ? Me demande-t-il.
  • Si. C’est bien elle. Je l’ai trouvé au marché inconsciente, je me suis proposé de l’aider sans hésitation après avoir remarqué qu’elle était ignorée de tous. Vous allez mieux madame ? Lui demandais-je en l’aidant à se tenir debout.


Elle peine à parler.


  • Oú est... mon maître ? Demande-t-elle confuse.
  • Pour l’instant vous avez besoin de repos, vous penserez à votre maître plus tard.


Je l’emmène à l’intérieur du manoir dans une chambre et lui prépare son lit, elle refusait au début de recevoir de l’aide et comptait s’en aller rejoindre la demeure de son maître, craignant son impatience et sa colère. Je lui incite clairement de ne plus penser à lui et l’allonge sur le lit. Je lui prépare une bonne tisane, efficace contre la fièvre et imbibe une petite serviette d’eau. Je l’abreuve progressivement de cette tisane jusqu’à qu’il n’y est plus une goutte et lui dépose la serviette humide sur son front, elle a l’air très faible la pauvre.


En me levant du lit pour quitter la pièce et la laisser se reposer, elle me tient faiblement la main.


« Merci. » Me remercie-t-elle avec un triste sourire. 


Je lui souris en retour et la laisse seule.

Je pars rejoindre Julien qui est sûrement entrain de m’attendre dans nos appartements, étendu sur le lit. J’apporte mes flacons d’huiles et le vis assis sur le lit entrain de faire pression avec la paume de sa main, le muscle supérieur de sa cuisse. Il m’observe avec un regard épuisé et dégoûté, dégoûté de ne pas être libre de ses mouvements.


  • Oh... te voilà enfin pour révivifier mes membres... Souffle-t-il en s’affaissant.
  • Je ricane légèrement, vous ne m’avez pas trop attendu j’espère.
  • ... Presque. Si j’étais moins faible, je t’aurais punis avec plaisir. Grogne-t-il en tentant de me caresser le derrière.
  • Calmez vous chéri.  Dis-je en lui tapotant sa main baladeuse. Retournez vous et soyez élégant.


Il se retourne en bronchant, j’asperge délicatement son dos d’huile et le masse fortement sans lui faire de mal. Il laisse échapper un souffle profond... me laissant entendre qu’il aime tant. En le massant, j’admire son dos athlétique et légèrement tanné, je m’attaque ensuite à ses cuisses et ses mollets et le laisse complètement transporté dans un doux sommeil. 


Je lave mes mains et me dirige vers la pièce de détente, je reprend ma lecture du Malade imaginaire et me détend peu à peu jusqu’à, à mon tour, sommeiller.


Je me réveille en fin d’après-midi et me vit dans une glace, des traces de siestes ressortent sur mon visage… Je me dirige vers la chambre où se trouve la domestique. Je la remarque mal positionné sur le lit, souffrante. Je m’approche d’elle et vérifie ce qui ne va pas...


  • Madame qu’avez-vous ? Demandais-je en la trouvant toute suante et respirant fortement.
  • Mon ventre... J’ai très mal au ventre... Dit-elle avec martyre.


Je lui amène un sceau de toilette près d’elle au cas où si elle souhaiterais se soulager dedans. Elle essaye de se relever et je l’aide à tenir debout, elle gémit de douleur, contractant son visage. Est-elle dangereusement malade ? Pour l’instant, à part sa fièvre, je ne connais pas les raisons de ses symptômes. Elle se positionne sur le sceau et pousse fortement. Mon Dieu, une coulée de sang ressort de son entrejambe. Ce ne sont pas des règles qui peuvent provoquer cela, impossible. Elle pousse encore une fois et là j’ai compris... une sorte de morceau tombe dans la pisse de sang, probablement un fœtus, je lui prépare rapidement un bain et lui tend un linge mouillé pour qu’elle essuie tout ce sang marqué entre ses jambes.


  • Cette douleur provenait donc d’une fausse couche... lui dis-je en observant l’eau s’écouler dans la baignoire.


Elle se mit à pleurer, suante, essuyant la sueur de son front.


  • Je suis épuisé... si épuisé... se plaint-elle.


Quelque chose d’étrange vient de se produire. Elle a éloigné le sceau tout en ignorant intentionnellement ce qu’il y a à l’intérieur comme si... elle était détachée voire même répugnée.


  • Je suis profondément désolé... pourrais-je savoir, sans indiscrétion, qui est le père ? 


Elle continue de pleurer et peine à dire un mot.


  • C’est...


Je me penche vers elle.


  • C’est... c’est mon maître... avoue-t-elle en sanglot.
  • Il vous a enfanté ou... ou il vous a forcé ? 
  • Il m’a forcé... 


Soudainement, je ressens une profonde rage sur cet infâme. Les esclavagistes sont des fléaux.


Je m’approche d’elle et l’étreinte fortement. Elle plonge dans mes bras sans hésitation, je ressens une grande mélancolie venant d’elle, elle ce fait martyriser et je dois mettre un terme à cela. Que nous soyons dans une époque esclavagiste m’est complètement égale, je dois aider cette pauvre femme et la séparer de son maître.


  • Vous n’avez plus rien à craindre désormais... Quel est votre nom.
  • Marie-Pierre...


Avant même qu’elle puisse me répondre, quelqu’un frappe à la porte. Je regarde par la fenêtre qui c’est et je vois Julien s’entretenir durement avec un homme... qui semble riche et agé, serait-ce le maître de cette femme ? Je m’empresse de descendre à l’étage le renvoyer d’où il vient vite fait bien fait.


  • Qu’y a-t-il ? Demandais-je austèrement.
  • Êtes-vous celle qui m’a volé mon esclave ? M’agresse cet ordure.
  • Je l’ai trouvé dans un état pitoyable au marché, et je l’ai naturellement aidé.
  • J’en ai rien à fiche. Bafoue-t-il en prenant un ton de bourgeois pourrie-gâté. Amenez moi mon esclave sur le champ.
  • Ou alors ? 
  • Je la prendrais de force avec mes deux hommes. Dit-il en parlant des deux colosses près de lui.
  • Vous ne passerez pas tant que je serai là. Répond dangereusement Julien.
  • Et si... nous lui laissons le choix ? Elle est mature, réfléchie et surtout, humaine. Lui demandais-je malicieusement.
  • Hmpf. J’ai payé sa tête pour qu’elle m’appartienne, elle est nourrie et logée. Ne me demandez guère quoi faire, sarrasine.


En entendant cette insulte que je subis souvent ici, dans les Caraïbes, je contemple automatiquement Julien. Son rictus se rétracta de haine et se prépare à le frapper, bien qu’il y est ses deux garde du corps présent derrière lui. Je m’interpose en face, l’empêchant de finir son action. J’ai beau être témoin de son talent et son expérience au combat... il ne fera pas le poids devant ses deux hommes. Surtout avec sa cuisse blessée.


  • Un instant monsieur. Marie-Pierre ! Appelais-je.


On entend l’escalier grincer, c’est elle qui descend, tout en fuyant le regard de son maître. Elle s’arrête derrière moi... comme si elle recherchait notre sécurité.


  • Te voilà maudite nègre. S’empresse-t-il en essayant d’attraper le bras de Marie-Pierre.
  • Je vous interdit de la toucher ! M’écriais-je en m’interposant.


Julien pousse ce croûton hors de nous et ses gardes du corps nous menacent avec leurs armes.


  • Marie... dîtes nous ce que vous désirez le plus. Lui demandais-je avec douceur.
  • C’est complètement absurde ! S’énerve son maître.
  • Ce que je désire... le plus ? Répète-t-elle avec émoi.
  • Oui. N’ayez pas peur et soyez sincère.
  • Sincère... ? 


Elle capte timidement nos regards et finit par cracher le morceau.


  • La liberté. Affirme-t-elle.


Je sens son maître emplit de rage, prêt à la punir pour ce mot si tabou venant de la bouche d’une esclave.


  • Cette liberté... allez-vous la retrouver chez votre maître ? 


Ses yeux se mettent à larmoyer.


  • Non... Affirme-t-elle en hochant la tête.
  • Avez-vous entendu ? Elle a choisit de ne plus vous suivre. Réaffirme Julien avec mépris.
  • Elle m’appartient jusqu’à l’os. L’enfant qu’elle porte dans son ventre, m’appartient aussi. Il est de mon droit de la rappeler dans ma demeure !
  • Je l’ai perdu. Révèle-t-elle.
  • Quoi ?! 
  • Elle vient de le perdre. Réaffirmais-je.



  • Bonne à rien... tu n’es qu’une bonne à rien ! Même pas capable de remplir ton rôle de femme correctement ! S’écrie-t-il sans raison.


Elle accepte la critique en gardant les yeux posés au sol, larmoyants.


  • Que vais-je faire maintenant ?! Dis moi ! Comment pourrais-je assurer ma descendance !... 


Elle ne répond pas.


  • Tu ne me sers plus à rien. Gardez la, enfin de compte, elle me rapporte plus de problèmes que de bénéfices.


Quelle merveilleuse nouvelle ! Il a enfin fini par céder, sans violence. Cette femme, Marie-pierre, longtemps persécutée, vivra sereinement près de nous.


Tiens, et si je lui proposait de devenir notre gouvernante dans notre manoir à Great Inagua… Elle m’a l’air aimable et dépourvue de vices, et je sens qu’elle est expérimentée dans l’entretien d’une demeure et la cuisine. C’est une excellente idée.


Je me retourne avec joie et elle m’embrasse fortement, désormais esclave affranchie. Elle pleure silencieusement et ne fait que de nous remercier, Julien raccompagne son ancien maître à l’extérieur du manoir. 


  • Merci infiniment… Oh seigneur, c’est le seul moment le plus joyeux de ma vie, mes prières effectuées tous les soirs ont été entendues… je vous dois tellement de choses… dit-elle avec beaucoup d’émotions.
  • Ne me remerciez pas… et vous ne me devez rien, vivez pleinement votre vie.
  • Comment pourrais-je tout recommencer parmi ses gens qui me voit comme une animale… je doute de survivre sans un rond…


C’est malheureusement vrai. Auprès de ses européens, elle ne pourra vivre une vie décente et finira probablement par retomber de force dans l’esclavage. Elle semble bien le savoir.


  • Marie-pierre. J’aimerais vous proposer un travail auprès de nous, mon mari et mon fils. Dans notre manoir situé à Great Inagua, une crique près de Cuba, en tant que gouvernante ? Bien sûr qu’avec moi, vous avez le choix d’accepter ou refuser.


Elle me contemple longuement avec un sourire qui se trace sur son visage.


  • C’est un grand plaisir et un honneur d’intégrer votre famille, madame. Par politesse et habitude, elle essaie de me baiser la main mais je lui en empêche immédiatement.
  • Par contre, oubliez toutes ses manières rabaissantes ma chère, chez nous, vous n’aurez qu’à légèrement vous incliner.


Elle acquiesce et exécute mon conseil.


Fin Décembre et début de journée, nous allons enfin faire cap vers La Havane. Julien est complètement rétabli, il touche sa dernière conversation avec son cousin et terminent par une accolade. Marie-Pierre et moi sommes aidées par les servants de Jacques à descendre nos affaires. Quelques hommes de Julien attendent à l’entrée du manoir pour charger le carrosse de nos affaires et surtout, retenir en otage le Sage qui nous attend dans leur carrosse.


Nous arrivons au port et nous montons dans le navire, Marie-Pierre, émerveillée, observe tout autour d’elle la beauté de ce vaisseau. Nous saluons pour la dernière fois Jacques et nous quittons le port progressivement. Le Sage est emmené et retenu dans la cale, Julien multiplie la garde et la surveillance sur lui. De toute façon, il ne pourra pas vraiment s’évader en mer néanmoins Du Casse reste vigilant.


L’équipage ne semble pas méprisant envers elle, au contraire. Ils lui font découvrir tout ce dont elle a besoin de connaître pour passer un séjour sans soucis en mer. Je souris légèrement en la contemplant écouter ces hommes, mon corps affalé vers la mer. Je sens une chaleur familière m’enlacer par derrière…


  • Merci pour tout ma chérie. Il me reste très peu de patience pour notre fils… Marmonne-t-il derrière mon oreille.
  • Il me manque terriblement aussi mon amour… nous avons put capturé le Sage sans pertes, nous devons fêter ça en un festin et… dans notre cabine, ce soir… Terminais-je sensuellement.
  • Hmhm… j’ai tellement envie de te prendre à l’instant, ici ma belle… mais je vais attendre jusqu’à ce soir pour plus d’intensité… Termine-t-il avec une voix ténébreuse.


Cet homme est tellement irrésistible… mon Dieu.


C’est déjà le couché du soleil et le festin est posé sur une longue table. Boissons, entremets, crabes et homards, et enfin du sanglier et une petite volaille pour moi. Tous mangent et dansent dans la bonne humeur, Marie-Pierre est assise près de moi, pudique, entrain de siroter son verre d’eau et les admirer. Je l’espionne et son enthousiasme me rassure… Quant à Julien, ce n’est pas un fêtard ni un danseur mais il savoure délicatement du homard et du sanglier rôti pendant que tout son équipage festoie autour de lui… il a bien changé à prendre autant de temps à manger devant son plat favori.


La petite fête se termine et Léandre descends quelques restes du repas au Sage. Marie-Pierre, épuisée par sa fausse couche, se dirige vers sa cabine. Julien et moi nous retrouvons dans notre cabine afin de consommer notre nuit sans modération, nous en avons bien besoin pour décompresser après toutes les péripéties et frayeurs que nous avions vécu.


À suivre…

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