Bioshock : Le Dernier Cauchemar de Rapture

Chapitre 5 : Refuge et Retrouvailles

5058 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 14/06/2022 20:33

Elizabeth était heureuse, libre. Le soleil lui réchauffait le visage tandis qu'elle admirait les péniches naviguant paisiblement sur les eaux de la Seine. La majestueuse Tour Eiffel semblait presque luire dans la journée, comme une gigantesque lance de lumière. Dans la rue voisine, des musiciens chantaient une ballade entraînante, faisant danser plusieurs personnes dans la joie et la bonne humeur. Elizabeth était assise à table sur la terrasse d'un restaurant modeste mais charmant, vêtue de sa grande robe bleue, et ses cheveux étaient courts. Elle sourit en voyant Sally, vêtue d'une jolie robe blanche ornée de dentelle rose, jouer avec un ballon rouge juste devant le restaurant et s'amuser avec d'autres enfants qui riaient.

_ "Maman ! Regarde maman, regarde-moi." dit joyeusement Sally en dansant avec le ballon flottant au bout de sa ficelle.

_ "Bravo, Sally. Tu danses très bien." répondit Elizabeth en lui souriant.

_ "Bonjour mademoiselle." dit poliment un homme richement vêtu, levant son chapeau pour la saluer en passant devant elle et marchant vers la rue en sifflotant.

Le visage d'Elizabeth se figea d'une stupeur morbide pendant une seconde... Elle sembla le reconnaître... Booker... C'était... lui ? Mais comment...?

Un vent glacial se leva soudainement et en deux secondes le ciel bleu paisible au-dessus de la ville se couvrit de nuages ​​noirs menaçants, masquant le soleil. Elizabeth se leva, un mauvais pressentiment la traversant comme un avertissement, mais...

_ "Sally... Sally ?... Sally !"

Sally avait disparue, comme si elle n'avait jamais existé, et son ballon s'envolait lentement au gré du vent. Le paysage s'assombrit et une légère pluie tomba sur la ville devenue sinistre et vide de toute présence humaine. Elizabeth, effrayée, cria le nom de Sally avec désespoir. Des échos sinistres de rires d'enfants retentirent en guise de réponse. Le vent apporta aux pieds d'Elizabeth un journal abîmé. Sur la page était écrit en grosses lettres noires : "Pile ou Face ?". Sous les lettres se trouvait une photo des jumeaux Lutèce, neutre, les yeux tournés vers Elizabeth, comme si la photo la regardait. Un éclair a explosé dans le ciel et les visages neutres des Lutèce se sont transformés en un sourire effrayant.

Elizabeth préféra s'éloigner et se mit à courir au milieu de ce Paris complètement mort, le hurlement du vent devenant de plus en plus menaçant. Elizabeth passa également devant plusieurs bâtiments, dévorés par des incendies. Alors qu'elle continuait à chercher Sally, elle tomba sur une sorte de petite clinique au coin d'une rue, et le panneau affiché au-dessus de l'entrée fut dévoilé par un nouvel éclair et la glaça d'horreur : Lobotomie Trans-orbitaire.

_"Non... non..." haleta la jeune femme avec peur en reculant.

Devant elle, la porte de la petite clinique de lobotomie commença lentement à s'ouvrir dans un grincement des plus sinistres, des ténèbres insondables se révélant de l'autre côté et des rires morbides et étranges provenant de l'intérieur. Elizabeth eut un hoquet d'horreur en voyant, petit à petit, un bras d'homme commencer très lentement à émerger de l'obscurité, brandissant dans sa main une clé anglaise couverte de sang dégoulinant sur le sol, le rire psychotique et presque inhumain se rapprochant de plus en plus.

Effrayée, Elizabeth recula de quelques pas jusqu'à ce que son dos heurte quelque chose. Elle se retourna rapidement, et fut paralysée par la terreur... Atlas... Il était là, debout juste devant elle, les bras croisés, son visage terne la fixant avec un sourire diabolique.

_ "Non ! Ne vous approchez pas de moi !" dit Elizabeth, tremblante et reculant.

Atlas décroisa les bras, s'avança vers elle et pointa son doigt vers elle. Ses yeux et l'intérieur de sa bouche se mirent à briller d'une lumière inquiétante.

_"Il ne pourra pas te sauver... Tu vas mourir, tout comme lui... Rapture est à moi !"

Sa voix avait doublé de puissance et paraissait presque inhumaine. Elizabeth était prête à fuir, mais de lourds pas de fer se firent entendre derrière elle, se rapprochant de plus en plus vite.

Un Protecteur furieux surgit derrière elle, son grognement métallique résonnant dans l'air et sa perceuse tournant à toute vitesse prête à déchiqueter Elizabeth.

_ "AAAAAH !" cria-t-elle, plaçant ses mains devant elle comme une piètre défense et ferma les yeux, s'attendant à être frappée par le monstre.


Lorsque ses yeux se rouvrirent, Elizabeth était allongée sur un lit, dans une petite pièce faiblement éclairée, avec des murs métalliques et une fenêtre donnant sur les fonds marins. Le visage transpirant à grosses gouttes, respirant fortement, elle s'assit sur le lit, complètement perdue. Quel horrible cauchemar... Il semblait si réel...

Reprenant un peu ses esprits et retrouvant une vue correcte, elle vit le lit simple aux draps blancs sur lequel elle était allongée, et sentit quelque chose dans l'un de ses bras. Voyant mieux, elle vit une petite seringue dans son bras, et reliée à un petit câble transparent menant à une petite poche, comme dans les hôpitaux. L'air confus, Elizabeth était sur le point de retirer la seringue de son bras, mais...

_ "Je ne ferais pas ça si j'étais vous."

La jeune femme fut un peu surprise par l'intervention de cette voix de femme mûre, marquée d'un accent germanique. Levant les yeux davantage, elle put voir cette femme aux cheveux grisonnants attachés en chignon, au visage marqué et vêtue de manière neutre. Elle était assise à un petit bureau en métal dans un coin, fumant une cigarette tout en regardant distraitement l'océan. Elle tourna finalement son regard vers Elizabeth, se leva de son bureau et se dirigea vers le sac d'injection intraveineuse pour vérifier qu'il pompait toujours du liquide à travers le petit tube relié à la seringue.

_"Votre résurrection a bouleversé votre corps. Cette injection vous donne les nutriments dont vous avez besoin pour permettre à votre corps de se réadapter. Vous allez bientôt récupérer." expliqua la femme.

_ "Qui... Qui êtes-vous ?" demanda Elizabeth, encore un peu fatiguée, mais laissant résonner la méfiance dans sa voix.

_"Docteur Brigid Tenenbaum." répondit immédiatement la femme, n'essayant pas de se cacher. « Et si vous voulez savoir où vous vous trouvez, vous êtes dans mon refuge. C'est Jack qui vous a amené ici il y a un peu plus d'une heure."

Tenenbaum ? Elizabeth se souvenait vaguement avoir lue une note manuscrite d'elle dans le laboratoire caché de Suchong. C'était donc elle. Mais à la mention de Jack, Elizabeth montra une expression inquiète.

_ "Et Jack ? W... Où est-il... ?"

_"Ne vous en faites pas." Tenenbaum la rassura en lui faisant signe de s'allonger. "Il est juste allé chercher de la nourriture à rapporter. Il m'a contacté, il sera là dans quelques minutes. Sachez qu'il n'arrêtait pas de me demander comment vous alliez et je devais sans cesse lui dire que tout allait bien, que vous étiez hors de danger. Il semble très inquiet pour vous, Miss Elizabeth Dewitt."

_ "Comment connaissez-vous mon nom?" demanda la jeune femme.

_ "Jack me l'a dit, bien sûr." répondit Tenenbaum en allant écraser sa cigarette dans un vieux cendrier sur le bureau, pour en prendre une autre aussitôt et l'allumer.

Question idiote, pensa Elizabeth en y réfléchissant. Elle resta quelques instants silencieuse, fixant pensivement le plafond, tandis que Tenenbaum s'asseyait à son bureau et semblait passer le temps à lire de vieux dossiers tout en soufflant la fumée de sa clope. Pas la plus bavarde des personnes, semblait cette Brigid, pensa Elizabeth en la regardant du coin de l'œil, mais au moins elle n'essayait pas de la tuer comme le reste de la population de cette ville folle.

Quelques minutes plus tard, la porte du bureau s'ouvrit et Jack entra, tenant dans ses mains un vieux sac en plastique dans lequel il avait recueilli la nourriture encore comestible qu'il avait pu trouver en fouillant les alentours. Elizabeth s'assit sur le lit quand il arriva et il lui sourit.

_ "Je suis content de voir que vous allez mieux." il a dit.

_"Tu vois, tu n'avais aucune raison de t'inquiéter pour ça." rétorqua Tenenbaum. "J'ai dû pousser Jack à aller chercher de la nourriture, sinon il serait encore à votre chevet pour veiller sur vous, Miss Dewitt."

Elizabeth sourit, amusée de voir Tenenbaum s'adresser à Jack comme un adolescent, mais aussi touchée de savoir qu'il voulait tellement veiller sur elle. Une telle marque d'attention était rare, elle n'y était pas vraiment habituée depuis un certain temps…

_ "Dr Tenenbaum. J'ai une dette envers vous." dit Elizabeth.

Tenenbaum secoua mollement la tête, rejetant l'idée de la main.

_ "Pas de ça avec moi, jeune fille. Vous ne me devez rien. C'est plutôt Jack que vous devriez remercier, car sans lui, vous seriez toujours morte à l'heure qu'il est."

Elle avait raison, et Elizabeth remercia encore une fois Jack, même si lui aussi ne semblait pas vouloir imposer de dette à la jeune femme, se contentant de rester souriant et ravi d'avoir pu le faire. Une telle gentillesse dans son regard surprit presque Elizabeth. Il ressemblait parfois presque à un enfant, voulant faire le bien.

Mais soudain, l'attention d'Elizabeth fut saisie par un détail qui lui fit l'effet d'un choc électrique. La date sur le petit calendrier de bureau... 1960 ?! La voyant choquée, Jack et Brigid fronçaient les sourcils, intrigués.

_ "Elizabeth ? Ça va ?" demanda Jack avec inquiétude.

_ "Mon dieu, c'était il y a plus d'un an... Plus d'un an s'est écoulé depuis..." Elizabeth soupira.

_"Mais de quoi parlez-vous ? Expliquez vous." demanda Tenenbaum assez brusquement, ce à quoi Jack lança un bref regard noir.

_"C'était lors du réveillon qui célébrait le début de l'année 1959..." expliqua Elizabeth, une pointe de honte pénétrant dans sa voix. "J'avais été forcé d'aider Atlas et ses hommes à revenir à Rapture et à commencer leur révolution contre Andrew Ryan... C'était le seul moyen pour moi d'aider Sally. Mais bien sûr, Atlas n'a pas tenu parole, et c'est comme ça que je suis morte ... Tout ce qui s'est passé... La chute de cette ville, toutes ces morts, ces souffrances, ces vies détruites... Et la venue de Jack à Rapture malgré lui... Tout cela est de ma faute…"

Tenenbaum avait écouter et était restée silencieuse, mais quelque peu surprise par toutes ces révélations. Jack, déjà au courant, ne put montrer qu'un regard désolé. Elizabeth gardait son visage baissé, triste, au sol, elle n'osait même pas les regarder dans les yeux. Lentement et sans dire un mot, Jack s'approcha d'elle et la serra dans ses bras. Bien sûr, il avait d'abord été en colère contre elle pour ce qu'elle avait fait, mais ensuite, en découvrant toute la douleur et les épreuves qu'elle avait endurées... N'importe qui, en désespoir de cause, l'aurait fait pour sauver une personne chère. Lui-même lors de son voyage à travers Rapture avait pris de nombreuses vies, car après tout, les Chrosômes étaient autrefois des humains normaux, des gens qui avaient des familles, des enfants, des vies... Il serait hypocrite de sa part de juger une personne sur ses actes.

Elizabeth leva les yeux vers Jack, qui sourit en signe de soutien. Elle le remercia d'un timide hochement de tête, même si le sentiment de culpabilité était toujours présent. Tenenbaum a choisie de ne rien dire, car elle aussi ne pouvait pas se permettre de faire la morale étant donné son passif.

_"Chacun vit avec le poids de son passé." dit Brigid. "C'est à nous de devoir vivre avec en essayant de l'alléger un peu."

Sur ces mots remplis d'une certaine sagesse, elle désigna la grande baie vitrée située d'un côté de la pièce, invitant Elizabeth à regarder de l'autre côté, ce qu'elle fit en s'approchant. Par la grande fenêtre, elle pouvait voir une autre pièce plus grande, ressemblant presque à un dépotoir mais avec une rangée de lits. Vingt petites filles, toutes vêtues de robes similaires de couleurs différentes, jouaient innocemment avec des peluches et autres jouets. Les yeux d'Elizabeth s'illuminèrent. Les petites sœurs... Elles étaient vivantes, et guéries en plus... C'était un vrai miracle. En voyant ces petites filles jouer et rire ensemble malgré les horreurs et les dangers qui les entouraient, Elizabeth sentit l'espoir renaître dans son cœur.

_ "Comment avez-vous fait?" demanda-t-elle toujours en regardant les filles.

_ "Avec un plasmide que j'ai créé moi-même dans le plus grand secret." Tenenbaum avoua. "Un plasmide capable d'annuler les effets néfastes des limaces de mer sur les filles, pour les rendre à nouveau normales. Jack les a sauvées et les a guéries avec."

Jack ne s'en vantait pas, mais souriait fièrement d'avoir pu ramener un peu de lumière dans les ténèbres de Rapture. Elizabeth le regarda, plus que reconnaissante. Il l'avait fait. Comme elle l'avait vue dans sa vision... Le voyant attraper prudemment une petite soeur dans ses bras... La petite soeur se débattant, criant non et voulant partir, mais Jack réussissant à la calmer, posant sa main sur son front, un , lueur rassurante émanant comme un miracle et libérant la jeune fille de sa cage monstrueuse…

Cette fois ce fut Elizabeth qui se leva et sans un mot vint d'abord se blottir contre Jack, le serrant dans ses bras.

_ "Merci, Jack." dit-elle.

En voyant cette belle jeune femme contre lui, Jack rougit un peu, timide mais toujours souriant.

_ "C'est... ce n'était rien..." balbutia-t-il en se grattant l'arrière de la tête.

_"Toujours aussi modeste." soupira Tenenbaum. "Et arrête de rougir comme ça, tu ressembles à une tomate trop mûre."

_"Hé!" Jack était indigné par la remarque du médecin, tandis qu'Elizabeth eut un petit rire amusé.

Soudain, la porte de la chambre s'ouvrit, et laissa entrer une petite fille aux cheveux blonds et vêtue d'une robe noire et rouge. Voyant qui c'était, Elizabeth haleta, couvrant sa bouche de surprise. Quant à la petite fille, son regard tomba sur Elizabeth, et s'illumina...

_ "Sally..."

_"Jolie dame!" cria Sally avec une joie sans pareille et se précipita dans les bras d'Elizabeth et toutes deux s'étreignirent avec amour.

Jack sourit de les voir enfin réunis après toutes ces épreuves et croisa les bras, restant à l'écart et les laissant à leurs retrouvailles. À la réaction de Sally, Tenenbaum fut d'abord surpris, puis perplexe.

_"Hmm... Vous êtes de sa famille ?" demanda le docteur.

_ "D'une certaine manière, je dirais oui..." répondit Elizabeth.

Avec des larmes de joie couvrant ses joues, Elizabeth ne lâchait pas Sally, presque comme si elle avait peur de la voir disparaître à nouveau.

_ "Pardonne-moi, Sally... Je ne te quitterai plus jamais, c'est promis."

La petite fille lui sourit innocemment et lui fit un bisou sur la joue. Après l'étreinte, la petite fille sautilla de joie et vint prendre Elizabeth par la main, comme si elle voulait l'emmener quelque part.

_"Viens avec moi." dit Sally. "Les autres veulent te rencontrer. Je leur ai promis et nous devons toujours tenir nos promesses, pas vrai Gentil Monsieur?"

Jack hocha la tête avec amusement à la déclaration de Sally. Elizabeth accepta de suivre Sally qui l'a immédiatement emmenée dans le grand dortoir d'à côté. A peine était-elle entrée que les 19 autres filles accouraient et se rassemblaient pour la voir. Dans tous ces visages d'enfant, Elizabeth en reconnaissait quelques-uns, comme Masha ou Leta. Jack entra également dans la pièce et quelques petites filles s'approchèrent de lui.

_ "C'est la jolie dame, Sally ?" demanda l'une des filles.

_ "Oui, elle m'a sauvée du méchant. Et pour dire merci, le Gentil Monsieur l'a sauvée." répondit Sally, tenant toujours la main d'Elizabeth.

_"Elle est si belle, comme une princesse." Leta a commenté.

_ "Mais ce n'est pas une princesse, elle n'a pas de robe de princesse." Masha a rétorqué.

_ "Et alors ? Le Gentil Monsieur n'a pas d'armure, mais c'est un chevalier, parce que les chevaliers sauvent les jolies dames." Leta a affirmé.

Elizabeth et Jack regardèrent la petite dispute innocente entre les deux filles, écoutant avec amusement alors qu'elles les comparaient à des personnages de contes de fées. D'autres filles se sont jointes à cette conversation.

_ "Mais alors... est-ce que ça veut dire que si il l'a sauvée, le Gentil Monsieur devra se marier avec la jolie dame ?"

_"Non, il peut pas. Il l'a pas embrassée, donc il peut pas se marier avec. Tout le monde sait ça."

_"Je les ai vus se faire un câlin derrière la vitre."

_"Un câlin ça compte pas."

_ "Hé, Gentil Monsieur, vous avez embrassé la jolie dame ? Vous allez vous marier ?"

Jack ne savait pas quoi dire, riant un peu mais rougissant un peu en rencontrant le regard d'Elizabeth, qui était aussi amusée mais aussi gênée par les nombreuses questions des petites filles pleines d'énergie.

_ "Regardez ! Ils rougissent tous les deux !" dit Macha.

_"Ils sont amoureux ! Ils sont amoureux !" Les petites filles se mirent à chanter d'une manière moqueuse mais pas méchante, sautillant autour d'Elizabeth et de Jack.

Un petit clappement de mains de la part Tenenbaum mit fin au chahut qui commençait. Toutes les filles étaient silencieuses.

_ "Allez, allez, les filles. Laissez-les tranquilles." dit Brigid sans les gronder. "Ils ont tous les deux besoin d'un peu de repos. Pendant ce temps, vous allez ranger vos jouets et vous préparer pour le dîner."

_ "Oui, maman Tenenbaum." dirent en chœur les filles, un peu déçues mais obéissantes tout de même.

Sally sourit à nouveau à Elizabeth avant de lâcher sa main et de rejoindre ses amies. Elizabeth hésita un instant à la laisser partir, mais savait au fond d'elle qu'elle était en sécurité ici. Elle n'avait rien à craindre, et revint avec Jack et Tenenbaum dans le bureau de ce dernier. Intérieurement, Elizabeth était également rassurée de voir que le docteur Tenenbaum, malgré son caractère un peu froid au premier abord, se comportait comme une mère ou une nounou envers les filles et s'occupait bien d'elles.

Quelques minutes plus tard, Elizabeth était assise sur son lit et Tenenbaum terminait de vérifier sa tension artérielle. Voyant le résultat, le médecin sembla satisfait et retira très soigneusement la seringue du bras de la jeune femme, appliquant un petit pansement pour empêcher un petit filet de sang de couler.

_ "Toutes les constantes sont normales, Mademoiselle Dewitt. Vous aurez encore besoin de repos, mais votre corps est en parfaite santé." Tenenbaum affirma.

_"Merci." répondit Elizabeth, ressentant en effet encore un peu de fatigue dans son corps.

Pendant ce temps, Jack était resté vers le fond du bureau, fumant une cigarette tout en s'appuyant contre le mur, regardant silencieusement le fond marin à travers la vitre. Voyant que le docteur en avait fini avec Elizabeth, il revint vers eux pour entamer une nouvelle conversation.

_ "Qu'est-ce qui va se passer maintenant?" demanda Elizabeth.

_ "Fontaine m'a provoqué." Jack répondit assez sombrement. "Il m'attend quelque part, et je suis déterminé à répondre à son invitation."

Atlas, alias Frank Fontaine. Un nom qui envoyait encore des frissons de terreur dans le dos d'Elizabeth rien qu'à l'entendre. Lors de sa mission forcée pour le compte de cet enfoiré, elle avait pu découvrir sa cachette secrète dans ce bar, à travers de mystérieuses notes. Ainsi, elle avait pu découvrir une véritable cache remplie de masques et autres accessoires de déguisement divers et variés, ainsi que plusieurs notes écrites par Fontaine lui-même, et même un journal audio. C'est ainsi qu'elle avait découvert, malheureusement trop tard, que les deux ne faisaient qu'un.

_ "C'est très risqué." Elizabeth a finalement répondu à l'idée de Jack. "Fontaine est rusé. Il aura sûrement fait appel à toute son armée de Chrosômes pour vous arrêter."

_"Je sais." Jack ajouta en guise de soutien. "Mais après tout ce qu'il nous a fait, à nous tous, j'ai bien l'intention de le faire payer, et ce n'est pas une armée de fous armés et défigurés qui va me faire peur."

Elizabeth ne put que sourire face à la détermination de Jack. Les petites filles avaient en quelque sorte raison de le comparer à un chevalier, même sans armure, prêt à se battre jusqu'au bout pour vaincre le méchant.

Tenenbaum, en revanche, assise à son bureau et tirant sur une cigarette, était plus terre à terre.

_"Andrew Ryan est mort, Sander Cohen aussi. Fontaine est désormais la seule menace qui nous empêche de partir d'ici."

_"Andrew Ryan est mort?" demanda Elizabeth en haussant un sourcil.

Elle parut surprise. Elle n'avait jamais rencontré Andrew en personne mais lui avait parlé à travers un écran. Il lui avait semblé tout-puissant, malgré la révolution de Fontaine contre lui. Elle se souvenait de ce qu'il lui avait dit. Qu'elle n'était rien, qu'Atlas allait la trahir et il avait raison. Il lui avait proposé une alternative : travailler pour lui. Elizabeth se demandait ce qui ce serait passer si elle avait accepter. Une partie d'elle lui murmurait qu'elle aurait dû accepter le marché, mais l'autre restait méfiante. Trahir Atlas alors qu'il tenait encore Sally aurait signé l'arrêt de mort de la petite fille, et cela, Elizabeth n'aurait jamais pu le concevoir.

_ "Il m'a forcé à le tuer, avec son propre club de golf." Jack avoua, ne montrant aucun regret mais pas vraiment fier non plus.

Des images de la scène lui revinrent. Andrew lui faisant face, l'air possédé, lui ordonnant de s'asseoir, de courir, de s'arrêter et de le tuer. "L'homme choisit. L'esclave obéit... L'homme choisit. L'esclave obéit..." La phrase de Ryan se répétait en boucle dans l'esprit de Jack, comme un fantôme revenant le hanter.

_"L'homme choisit. L'esclave obéit." Jack ajouta pensivement.

_"Quoi?" dit Elizabeth.

_ "C'est ce qu'a dit Ryan." répondit Jack. "Il voulait me montrer que je n'étais qu'un esclave, et qu'il avait choisi de mourir à sa manière, comme un homme... C'est juste après que j'ai assassiné Ryan que Fontaine s'est révélé au grand jour et a tenté de se débarrasser de moi, car, comme un vieil outil, je ne lui étais plus utile."

Jack montra une expression triste en se souvenant de cela, et Elizabeth se sentit désolée et responsable. Elle s'approcha de lui et le serra de nouveau dans ses bras, à la fois pour le soutenir mais aussi pour lui demander pardon.

_ "Il n'y a rien qui puisse arranger ce que je t'ai fait, Jack." dit-elle.

_ "Au contraire..." lui dit Jack. "Sinon, j'aurais passé le reste de ma vie dans une illusion. Et ce n'est pas ce que j'appelle vivre."

Après l'étreinte, Elizabeth retourna s'asseoir sur le lit tandis que Jack soufflait, préférant ne pas s'attarder sur ce passé douloureux.

_ "Quant à ce type, Sander Cohen... J'ai vu beaucoup de folie dans Rapture, mais ce mec battait tous les records... Il m'a forcé à tuer ses anciens acolytes, un par un, pour exposer les photographies de leurs des cadavres sur une sculpture, prétendant que c'était son chef-d'œuvre... Et quand il a finalement accepté de m'accorder l'accès à la bathysphère, j'ai choisi de le tuer parce que je ne pouvais pas laisser en vie un homme aussi dangereux."

Elizabeth était dégoûtée, mais pas surprise, car elle savait qui était Sander Cohen, mais n'allait sûrement pas regretter de savoir qu'il était enfin mort.

_ "Au fait, Miss Dewitt... Je ne savais pas que vous travailliez pour lui." dit Tenenbaum, désignant quelque chose que Jack lui avait montré.

Une vieille affiche qu'Elizabeth reconnaissait facilement, la montrant présentée comme la nouvelle chanteuse de Sander Cohen, son nouvel "oiseau chanteur" comme on l'appelait. Elle n'a pas essayé de le nier. Tenenbaum n'avait pas semblé accusatrice, mais plutôt curieuse.

_"Quand je suis arrivée à Rapture, je ne savais pas où j'allais. Je me suis faites passer pour une jeune chanteuse à la recherche d'un emploi et j'ai été sélectionné parmi d'autres candidats par Sander Cohen. En réalité, je voulais en savoir plus sur le trafic d'enfants dont il était soupçonné et le lien qu'il pouvait avoir avec Sally. Je n'ai jamais eu de sympathie pour Cohen. Il était fou et dangereux et je ne mentirais pas en disant que sa mort est un soulagement."

Jack et Tenenbaum avaient écouté. Elizabeth hésita un instant, mais elle ne révéla pas tout, ne disant pas que sa première venue à Rapture était d'éliminer le dernier Zachary Comstock qui avait échappé à la purge engendrée par Elizabeth elle-même, afin d'effacer définitivement cette version maudite de son père. Elle n'osait pas en parler à Jack et Tenenbaum, craignant leurs réactions mais aussi qu'ils la prennent pour une folle. Un jour, elle se promit de tout leur dire, mais là, à un moment aussi crucial, ce n'était pas le moment...

Quelques brefs souvenirs revenaient à Elizabeth du temps où elle travaillait pour Cohen... Sa toute première représentation avait eue lieu à la Forteresse Folâtre, à Poseidon Plaza, dans une salle appelée Even's Garden. Cet endroit ressemblait plus à un bar et une maison close qu'à un vrai théâtre, et Elizabeth se souvenait s'être sentie plutôt mal à l'aise dans cet endroit, mais devait garder son rôle malgré tout... Les images lui revenaient... Elle, vêtue d'une longue et magnifique robe bustier noire comme la nuit et constellée de sequins argentés étincelants, de longs gants noirs montant jusqu'aux coudes, une rose dans les cheveux et son tour de cou noir... Elle se tenait devant la petite scène, chantant dans la microphone et tous les yeux braqués sur elle. Tous ces hommes aux regards lubriques qui la regardaient... Elle pouvait les ignorer et faire son show mais pouvait presque sentir leurs regards pervers transpercer sa robe...

Et derrière, plusieurs jeunes femmes en tenues plutôt légères et colorées se tenaient côte à côte, également derrière des micros et chantaient les chœurs tout en exécutant quelques petits pas de danse, tandis que des musiciens jouaient sur un côté de la scène, dont Kyle Fitzpatrick, le pianiste de Cohen. Elizabeth se souvenait s'être liée d'amitié avec l'une de ces danseuses, Jasmine Jolene, une magnifique femme aux cheveux blonds, et avoir discuté avec elle un peu dans les coulisses après le spectacle. Jasmine a dit qu'elle était impressionnée par la performance d'Elizabeth mais qu'elle était déçue qu'Andrew Ryan ne soit pas venu voir le spectacle, car selon elle il avait des choses importantes à régler. C'était la première et la dernière fois qu'Elizabeth parlait avec cette Jasmine. Elle se demandait ce qu'elle était devenue depuis.

Elizabeth sortit de ces souvenirs et préféra reprendre la conversation avec Jack et Tenenbaum.

_ "Et comment avez-vous échappé au contrôle de Fontaine ?" elle a demandé.

_ "Grâce au Dr Tenenbaum." Jack répondit. "Sans elle, je serais mort en ce moment."

Elizabeth était rassurée. Elle se sentait mal pour Jack. Né pour être esclave, utilisé pour devenir un instrument de destruction. Comme elle l'avait été, enfermée dans sa tour à Columbia, utilisée par Comstock pour ses pouvoirs. Elizabeth était compatissante avec le destin de Jack, les deux ayant une chose en commun. Elle posa une main sur l'épaule de Jack, lui faisant comprendre qu'il n'était pas seul. Mais ensuite, Tenenbaum s'est impatientée.

_ "Il faut agir maintenant, Fontaine n'est pas loin. Je l'ai entendu proférer ses menaces dns les haut-parleurs. Il a dit qu'après avoir tué Jack, il viendrait ici et tuerait les filles une par une."

Quel monstre ! Elizabeth constatait que Fontaine, ou Atlas, peu importe, était toujours le même, voire pire. Brigid avait l'air horrifiée rien qu'à l'idée d'imaginer Fontaine massacrant les petites filles, mais Jack la rassura.

_ "Il ne les touchera pas, tant que je serai là. Ce connard m'a manipulé tout du long, mais c'est fini." Jack affirma.

_ "Fais comme nous avons dit." dit Tenenbaum. "Tu trouveras les pièces d'armures de protecteur à l'endroit que je t'ai indiqué, tu seras donc prêt à affronter Fontaine."

Elizabeth les écoutait, se demandant quel plan ils auraient pu mettre en place. Déterminée à vouloir agir et aider du mieux qu'elle pouvait, elle se leva du lit.

_ "Je viens avec vous, Jack." elle dit.

Cependant, malgré les nutriments apportés à son corps pour le restaurer, la fatigue n'avait pas encore complètement disparu et Elizabeth le sentit, un léger vertige s'emparant d'elle. Tenenbaum l'empêcha d'aller plus loin et la prenant par les épaules, la força à s'allonger sur le lit.

_ "C'est hors de question. Vous devez vous reposer." Tenenbaum ordonna.

Elizabeth était sur le point d'insister malgré sa fatigue, mais vit alors Jack s'approcher, lui prenant doucement la main dans la sienne pour la rassurer et lui adressant un sourire confiant.

_ "Je reviendrai. Je vous en donne ma parole." il a dit.

Elizabeth voulait absolument venir, mais s'il ne revenait pas, elle et Brigid seraient la dernière ligne de défense pour les petites. Il avait raison. Elle toucha la joue du jeune homme.

_"Faites attention." souffla-t-elle.

Elizabeth resta allongée là, Jack l'embrassant sur le front et quitta la pièce, ramassant toutes ses armes et guidé par une petite sœur, il disparut derrière une porte. Tenenbaum s'assied à son bureau, nerveuse, allumant une nouvelle cigarette et priant pour que Jack soit victorieux. Elizabeth a pensivement partagé cette prière avec elle. Malgré la peur et la nervosité, elle ne sût pas comment, mais elle sombra finalement dans un sommeil sans rêves.


Laisser un commentaire ?