BioShock Infinite - Le mariage de Preston E. Downs

Chapitre 1 : Le mariage de Preston E. Downs

Chapitre final

7275 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 28/02/2023 22:56

BioShock : Le mariage de Preston E. Downs

 

« L'heure a sonné. Le faux berger est là. Ce n'est pas le jour annoncé, mais la prédiction du Prophète est tombée juste, une fois de plus. Le… sujet de notre mission doit être capturé vivant. Si elle meurt... l'oiseau nous le fera payer. Et il n'aura pas la moindre pitié pour nous. C'était ma sixième cigarette. Je ne supporte vraiment plus d'attendre. »


Mon doigt tremblotant appuie sur le bouton du voxophone[1], et le disque stoppe sa course immédiatement. Mon thorax se contracte à nouveau et cette sensation pesante me rappelle ce que j’ai ressenti lors de ma toute première mission en solo pour le compte du Père Comstock. A l’époque, je pensais que ce serait une réussite relatée dans tout Columbia, mais le succès s’est révélé plus mitigé que je l’espérais : vingt-trois personnes sont mortes ce jour-là et voilà qu’aujourd’hui, alors que vient le temps d’accomplir mon devoir le plus important, arracher l’Agneau[2] des griffes de ce faux berger[3], je ne peux m’empêcher de douter de ma réussite et de redouter la mort comme jamais.

Je me retrouve seule, broyant du noir dans la station de la nacelle menant à Soldier’s Field, en attendant que l’Agneau et son ravisseur veuillent bien se montrer. J’ai beau tenter de m’épancher auprès de mon voxophone, rien à faire, je n’arrive pas à me calmer. J’ai toujours été la plus nerveuse dans ma famille, de toute façon. Faut bien que je me fasse une raison, je mourrai sûrement d’une crise cardiaque avant d’avoir cinquante ans.

Et ce n’est pas cet imbécile de Wilbur Sykes qui m’aidera, en se précipitant dans le bureau comme il le fait. Mes supérieurs l’ont foutu en poste avec moi, mais ce gars-là se fout complètement de ce job. Un blondinet tout droit sorti de l’armée de Columbia, qui sait à peine tenir une arme, parce qu’il est trop occupé à aller boire des coups dans les bars pour faire la différence entre un fusil et une bouteille de whiskey.

« Comment ça va, la bleue ? » me lance-t-il, tout sourire, un journal à la main.

Il sait pertinemment que ça m’énerve quand il m’appelle comme ça. C’est lui, le bleu ! J’ai bien plus d’expérience que lui, mais il ne cesse de me rabaisser parce que je suis une femme et que d’après lui, je n’ai rien à faire là.

« Tu pourrais frapper avant d’entrer ! grogné-je, après la frayeur qu’il venait de me faire. Tu te souviens qu’on est en opération secrète, putain ?

— Je sais, je sais, mais c’est toujours aussi calme, là, dehors !

— Pour l’instant, espèce de crétin. C’est le principe d’une planque ! On attend qu’il se passe quelque chose. »

Il soupire, avance nonchalamment. Il me propose la seule cigarette qui lui reste. J’hésite pendant un instant, avant de refuser. Il faut vraiment que j’arrête ou je vais faire une syncope. Alors, il grille sa dernière clope et s’assoit sur le bureau à côté de moi.

« D’t façon, on se fait toujours chier, ici !

— Oh oui ! surtout quand tu es là ! »    

J’avais presque réussi à me persuader que j’allais me calmer, mais il a tout fichu en l’air. Il me donne des envies de meurtre celui-là, avec son sourire narquois. La pression se mêle à la colère, et m’en fait voir de toutes les couleurs. Quand l’angoisse m’étouffe comme aujourd’hui, il m’arrive même de penser à mon frère. Contrairement à moi, on pouvait l’engueuler, le pousser à bout, il restait toujours de marbre. Je l’ai toujours admiré pour ça, je dois dire. De nous deux, cependant, j’étais de loin la plus maligne et ça me désespère de devoir passer mon temps avec des idiots comme Wilbur Sykes. Comment ai-je fini par atterrir ici pour qu’on me foute ce bleu dans les pattes ?

D’abord, j’ai rencontré le Père Comstock à l’Exposition Universelle de Chicago, en 1893. Je bossais alors dans un commissariat de police. Je n’étais que secrétaire, mais j’avais le nez pour mener les hommes sur les bonnes pistes, et ils me respectaient pour ça. Et quand le Père Comstock a fait ma connaissance, je crois qu’il l’a senti aussi. Ce n’était pas simplement du baratin, il croyait vraiment en moi. Il m’a proposé d’habiter dans sa jolie cité dans les cieux, en me confiant un poste dans sa police. Sa police ! Je n’ai pas hésité une seconde. Mes parents étaient morts, et mon frère et moi, on avait coupé les ponts depuis un bout de temps déjà, alors plus rien ne me retenait sur cette terre.

En 1895, deux ans après avoir emménagé ici, sa femme, notre regrettée Lady Comstock, a été assassinée par Daisy Fitzroy, cette anarchiste à la peau sombre qui n’en finit plus de nous mettre des bâtons dans les roues, avec sa Vox Populi. Des Irlandais, des noirs, des asiatiques et des Italiens qui se réunissent pour pourrir la vie des honnêtes gens de cette ville en formant une armée, en voilà un cocktail explosif.

Mais toute cette mascarade est grotesque, car s’ils pensent pouvoir renverser les Fondateurs[4], ils se mettent le doigt dans l’œil. Hélas, je sais très bien que les forces sont en train de se déséquilibrer petit à petit. En plus de ça, on a un faux berger sur le dos pour couronner le tout ! Rien que d’y penser, j’ai de l’urticaire. Ah ! vite ! Il me faut une cigarette ! Je sais que je ne devrais pas mais c’est plus fort que moi ! Je cherche dans ma veste, dans les poches de mon large pantalon, mais il n’y a rien. Dans un réflexe routinier, je me mets à farfouiller dans les tiroirs du bureau. Evidemment, aucun paquet à l’horizon, mais un vieux journal poussiéreux. Intriguée, j’y jette un coup d’œil et là, je suis prise au dépourvu : ce fichu bout de papier date du jour de ma première mission et il parle de moi !

« Qu’est-ce que t’as trouvé ? » m’interroge Sykes.

D’un geste vif, il me prend le journal des mains. Je le fusille du regard, mais on dirait que ça ne lui fait ni chaud ni froid.

« C’est quoi cette histoire, encore ? dit-il d’un ton dédaigneux. Comme si c’était toi qui était responsable de cette catastrophe ! »  

Eh bien ! ça me donne une idée ! Je me dis qu’il est peut-être temps de mettre le bleu au parfum. Avant que nos cibles pointent le bout de leur nez, il doit nous rester un peu de temps. Alors, je me mets à lui raconter l’histoire de ma première mission. Avec un peu de chance, il la ramènera moins. On va voir lequel de nous deux a le plus d’expérience.  

 

oOo

 

Tout a commencé par un beau jour de printemps, lorsque le Père Comstock m’a convoqué sur son vaisseau de guerre, la Main du Prophète. Il voulait me parler. En privé. Quand mon chef m’a appris ça, mes mains sont devenues moites et mon cœur s’est emballé, on aurait dit une fillette. Tout le monde n’avait pas la chance d’être convoqué tous les jours par notre Prophète. Mais ce n’était pas tant cela qui m’inquiétait : en regardant ma montre, j’ai réalisé que j’étais déjà en retard, comme d’habitude. J’avais du boulot à revendre, après le vol de centaines de flacons de toniques, dans l’usine Finkton. Ces trucs-là, il ne valait mieux pas les laisser traîner dans la nature : une gorgée d’une seule de ces bouteilles pouvait transformer un gars banal en maître de l’électricité, en pyromane infernal ou même en expert de la lévitation. Mais un zeppelin m’attendait déjà sur le toit du commissariat, alors tant pis – on ne pouvait rien refuser au Prophète.

Celui sur lequel je me suis retrouvée était un vieux modèle, lent et peu maniable, qui fonctionnait encore à l’hydrogène. Les nouveaux modèles bénéficiaient de la technologie inventée par Rosalind Lutèce, la scientifique qui avait créé cette ville, pour se passer du gaz hautement inflammable. Je me suis assise à l’arrière, les yeux rivés sur le conducteur, sans pouvoir contrôler le mouvement frénétique de mon pied contre le sol. Le battement des hélices était assourdissant, mais pas suffisamment pour empêcher le conducteur d’entamer la conversation en chemin.

« Ça va, derrière ? m’a-t-il lancé depuis la salle des commandes.

— Vous n’avez pas moyen d’aller plus vite, avec votre coucou ? ai-je vociféré.

— J’y travaille, madame », a-t-il répondu d’un ton dédaigneux.

J’ai jeté un œil par la vitre. Nous avions quitté la ville depuis quelque temps, quand un vaisseau géant a émergé des nuages, un requin de plusieurs tonnes déchirant l’écume du ciel avec son aileron. La Main du Prophète, aussi imposant que la figure du Prophète lui-même ; une armada volante capable d’annihiler n’importe quel village de la Sodome inférieure[5]. J’avais déjà fait le calcul : avec toute sa flotte, le Prophète pouvait donc réduire à néant une grande ville comme New York en quelques minutes. Cette seule information suffisait à faire courir des frissons le long de mon échine. Le zeppelin m’a déposé sur le troisième pont, sur lequel se trouvait les quartiers personnels de notre Prophète et son Sanctuaire, un lieu qui lui permettait de se ressourcer avant d’abattre la colère de Dieu sur ses ennemis et sur tous ceux qui se mettraient en travers de sa route.

Il m’attendait devant les fonds baptismaux qui trônaient au centre d’un écrin artificiel de verdure. Au-dessus de lui, un large vitrail énigmatique filtrait une douce lumière tamisée. Comme toutes les visions du Prophète, le véritable sens qui se dégageait de cette œuvre n’appartenait qu’à lui, tandis que nous ne pouvions que tenter de déchiffrer cette prédiction, sans pouvoir réellement l’appréhender.

On y voyait une jeune femme, la progéniture du Prophète, l’Agneau en personne, qui se tenait debout, vêtue d’une robe bleue, enlaçant deux jeunes enfants au milieu des badauds habillés de costumes et de robes, trop modernes pour venir de notre époque. Derrière sa fille, une statue du Prophète observait l’horizon avec fierté et sagacité. Il fallait être idiot pour ne pas concevoir que c’était là le futur que le Prophète envisageait pour Columbia et qui attendait les hommes et les femmes vertueux qui avaient choisi de demeurer ici, loin de la Sodome Inférieure. Et quel futur radieux !

« Entrez, ma chère, m’a enjointe le Prophète, de sa voix pénétrante qui a résonné dans son église comme le tonnerre dans un ciel silencieux.

— Que puis-je pour vous, Prophète ? » ai-je demandé, en posant mes mots avec soin tout en me mettant à genou devant lui. La rosée artificielle qui recouvrait l’herbe s’est infiltré à travers les tissus au niveau de mon genou, provoquant en moi comme un choc thermique qui m’a donné plus de frissons que je n’en avais déjà.

— Mademoiselle Mailer, a-t-il commencé, vos talents en matière d’espionnage sont divins et je pense que vous êtes la personne qu’il me faut pour une mission de la plus haute importance.

— Je suis à votre service, ai-je rappelé avec ferveur.

— Demain, à l’heure où nous parlons, Preston Downs se liera à une autre femme pour l’éternité devant notre Seigneur. Le début de la cérémonie aura lieu à l’aérodrome du Première Dame et il désire que ce soit moi qui lui accorde ma bénédiction en présidant cette union dans mon dirigeable.

— Je ne comprends pas, Prophète. Pourquoi le laisser célébrer leur mariage dans un lieu si cher à votre cœur ?

— L’Archange m’a offert de lui accorder cette faveur, car il m’a révélé autre chose, mon enfant : le célèbre Preston E. Downs n’est qu’un judas qui cherche à conspuer contre moi !

— En êtes-vous certain ?

— Eh bien ! Osez-vous donc remettre en doute les visions qui me parviennent depuis les cieux éternels ?

— Non, bien-sûr que non, Prophète.

— La vision était claire : quand mon vaisseau ne se présentera pas à l’heure prévue et que les invités commenceront à s’interroger, vous devrez intervenir. Et grâce à vous et à notre Seigneur, je pourrai enfin mettre un terme aux agissements de ce traître.

— Vous souhaitez que… je l’élimine, mon Père ?

— Pas dans l’immédiat, non. Je veux que vous le rameniez, sain et sauf. Et, par la grâce des Pères Fondateurs, je déciderai de son sort.

— C’est comme si c’était fait, mon Père.

— Une dernière chose avant que vous ne partiez, mademoiselle Mailer : je n’ai pas à vous rappeler le sort de ceux qui échouent.

— Songbird, ai-je prononcé presque à part moi, en déglutissant.

— Je m’attends donc à ce que votre mission se passe… dans les meilleures conditions.

— Bien sûr, Prophète. »

J’ai acquiescé avant de reprendre la route vers le commissariat. Une goutte de sueur avait coulé sur mon front pendant ma conversation avec lui et je ne m’en étais même pas rendu compte. Quand je suis arrivée dans le dirigeable, j’ai enfin pu souffler et essuyer cette fichue goutte. L’après-midi risquait d’être longue avant de voir le jour fatidique se lever.

 

 

Evidemment, je n’ai pas pu dormir cette nuit-là, trop préoccupée par le sort que notre Prophète me réservait. J’ai eu beau me tourner, et me retourner, tout se mélangeait dans ma tête, la moindre pensée me donnant des sueurs froides. Et quand le sommeil s’est enfin emparé de moi, tout ce que j’ai vu dans mes songes était Songbird, l’oiseau-chanteur de Comstock, son nouveau monstre fait de cuir et de métal, prêt à me déchiqueter.

Le lendemain, la nouvelle avait déjà fait le tour de tout Columbia : le chasseur Preston E. Downs, commerçant et showman reconnu dans le monde entier grâce à son spectacle de l’Ouest Sauvage, était sur le point de se marier. En 1896, Preston effectuait sa première tournée à Columbia, après avoir embarqué à Portland. A mon humble avis, Downs n’était qu’un dinosaure, un cow-boy mal éduqué, un homme de Cro-Magnon égaré en plein milieu de la civilisation. On pouvait même dire qu’il faisait tache dans le paysage : en principe, un athée qui ne traiterait que par la violence ne ferait pas partie de la liste des gens triés sur le volet à Columbia, si ce n’était pas par la seule volonté du Prophète. Vraiment, on ne pouvait pas dire de lui qu’il faisait tout pour se faire bien voir.

Pourtant, les gens l’aimaient et l’admiraient, et malgré toute la mauvaise volonté dont il faisait preuve, je n’arrivais pas non plus à laisser aux oubliettes tout le respect qu’il m’inspirait. Cet énergumène avait tout de même voyagé à travers le monde, avait combattu les plus grandes bêtes que cette Terre n’avait jamais portées, sans jamais ni trembler ni flancher. En dépit de sa vie frénétique, je trouvais son spectacle un peu trop dépouillé à mon sens : un simple piano, quelques peaux de bêtes à admirer, quelques animaux empaillés à acheter, et c’était à peu près tout.

En ce 6 avril 1896, l’heure était à la fête, pour lui, comme pour tout Columbia. Downs avait choisi le jour du lundi de Pâques pour son mariage. Un affront ? Sans doute. Ou un moyen de s’assurer que le Prophète soit forcément de sortie afin d’assister aux festivités. Ce qu’il semblait ignorer, c’était que le Prophète ne comptait certainement pas y assister.

Il était 15h et depuis midi, sans discontinuer, les cloches sonnaient à la volée, les feux d’artifices tonnaient au-dessus de nos têtes et les acclamations s’élevaient dans le ciel, baignant la ville dans une douce symphonie, comme si tous les anges des cieux chantaient en chœur. C’était magnifique ! Tout une ville plongée dans l’allégresse, amplifiée par sa proximité avec notre Seigneur, tous les habitants célébrant à l’unisson leur joie dans ce nouvel Eden. Hélas, je n’ai pas vraiment eu le loisir d’assister aux festivités de Pâques, car j’étais attendue.

A peine le temps de passer une lourde robe jaune à corset que j’avais horreur de porter, de poser mon chapeau de grande dame sur ma tête après m’être coiffée, de glisser un revolver dans mon porte-jarretière et de me parfumer, qu’il était déjà l’heure d’emprunter la nacelle vers l’aérodrome du dirigeable nommé le Première Dame, véritable musée volant à la gloire de la Mère du Pardon. Parmi les vingt-trois personnes les plus en vue de Columbia, je suis pratiquement passée inaperçue. Le reflet que m’a rendu la vitre de la nacelle en posant mon regard sur l’aérodrome flottant me donnait l’impression de voir quelqu’un d’autre. Pour me faire passer pour un autre, je dois dire que j’étais plutôt douée.

Une fois, quand on était encore que des adolescents, j’avais accompagné mon frère contre son gré. Il sortait souvent avec les jeunes de notre quartier, à Chicago, pour faire les quatre cents coups. Il avait honte de moi, donc il m’avait interdit de sortir avec eux. Alors, j’avais attaché mes cheveux, pris la perruque de notre paternel – Dieu ait son âme–, j’avais piqué les vêtements de mon frère, et je l’avais suivi. J’étais arrivée comme si de rien n’était au milieu de leur groupe et j’avais joué les gros bras. Ces imbéciles n’y avaient vu que du feu ; ils m’avaient accueilli comme l’un des leurs. Mon frère, lui il n’était pas dupe. Il m’avait regardé avec ses grands yeux, en me lançant son regard de dur-à-cuire et il s’était tu, sans broncher. On avait passé le reste de la journée ensemble, et je crois que finalement, il avait adoré ça. Hélas, les temps ont changé et cette époque est bien loin derrière moi.

Quand la nacelle est arrivée, on nous a conduits, moi et les autres invités, dans le hall de l’aérodrome, là où les mariés nous attendaient, seuls au milieu de cette majestueuse entrée. Plus je m’approchais, moins mes yeux comprenaient ce qu’ils voyaient. Il m’a fallu arriver presque nez-à-nez avec eux pour que mon cerveau comprenne.

Preston E. Downs était méconnaissable : la moustache taillée, les cheveux plaqués en arrière avec de la brillantine, propre sur lui, on eut dit un autre homme, un homme nouveau. A vrai dire, il était presque séduisant, dans son costume trois-pièces fait sur mesure. Avec une déférence surprenante, il nous a salué les uns après les autres. Où était-donc passé le rustre tireur d’élite, qui s’amusait à abattre les animaux et les gens sans vergogne ?

A ses côtés, une femme, toute vêtue de blanc, drapée dans une solide dentelle, semblait ne faire qu’un avec lui, agrippée à son bras comme une liane se nouant autour d’un roc solide. Dans le soleil du matin, elle brillait de mille feux. Mais telle que je la voyais, abritée derrière son épais voilage, son identité demeurait un mystère. Voilà une donnée qui compliquait l’équation : cette femme inconnue était peut-être celle qui tirait les ficelles dans l’ombre, après tout. “Je finirai bien par en avoir le cœur net”, me suis-je alors dit à moi-même.

J’ai relevé les épaules, pour prendre l’allure d’une dame bien élevée, et ai épousseté la plume sur mon chapeau. Comme Preston jouait vraisemblablement son rôle à la perfection, moi aussi, je me devais de ne pas oublier le mien. Je me suis approchée de lui, toute pimpante.

« Bonjour, Preston ! » ai-je salué, en tendant délicatement la main vers le gentleman nouveau-né.

Preston est resté interdit pendant quelques secondes, avant de se pencher pour le baise-main de rigueur, un sourire précieux effleurant son visage. J’ai failli presque retirer ma main en le voyant sourire, parce que tout le monde savait qu’il ne souriait jamais, à part quand il allait scalper des gens ou des animaux, bien sûr – il en avait d’ailleurs fait sa spécialité.

Etrangement, Preston a semblé me reconnaître. Sans doute le Prophète avait-il intercédé, en lui évoquant le nom que j’avais choisi pour cette mission. Tout ce que j’espérais, c’est qu’il n’allait pas griller ma couverture, d’autant plus que de jouer la dame de haute société n’était pas tellement dans mes habitudes à cette époque – j’ai depuis rattrapé cette lacune grâce à une grande assiduité lors des soirées mondaines auxquelles j’ai assistées.   

« C’est un honneur de vous avoir parmi nous, mademoiselle Bell », s’est réjoui Preston, d’une voix suave et posée.

J’ai alors posé les yeux sur lui, empreinte d’une certaine tendresse, comme si ce n’était pas un quarantenaire moustachu qui se tenait là, mais un enfant adorable qui me faisait la révérence.

« Quelle chance d’avoir pu organiser ce mariage si rapidement, ai-je signifié à mon hôte.

— Oh ! vous avez raison, Anna, a jubilé Preston avec un léger accent britannique qui m’a fait sourire, en levant légèrement le sourcil. N’est-il pas ? Notre mariage s’annonce merveilleux ! »  

D’où lui sortait cet accent ? Un Américain pure souche comme lui n’était pourtant pas du genre à parler d’un air distingué. Il s’est tourné vers sa future femme, qui n’a pas soufflé un mot, malgré mon regard insistant à son égard. Une femme muette comme une tombe et un mari trop gentil pour que cela soit vrai : décidément, ces deux-là formaient un couple bien singulier !

Sans poser plus de questions, je me suis empressée de les saluer une dernière fois avant de me cacher parmi les personnes triées sur le volet présentes ce jour-là. De là, je pouvais observer tranquillement mes cibles, tout en me mêlant aux conversations toutes plus inintéressantes les unes que les autres. Le pinacle de l’ineptie a cependant été atteint lorsque Jeremiah Fink, le célèbre homme d’affaires, est venu me parler de sa méthode de travail à la chaîne dite de l’abeille, dont je ne comprenais pas un traître mot. Heureusement pour moi, il n’était là que pour faire son intéressant pendant quelques minutes et n’a même pas daigné assister au mariage, trop pris d’après lui par le boulot qui l’attendait – apparemment, même les jours fériés ne l’empêchaient pas de travailler.

Après cette rencontre malheureuse, j’ai remarqué que c’était avec le cœur lourd que certains invités s’attardaient devant la reproduction miniature du dirigeable, auquel notre bien-aimée Lady Comstock prêtait son nom. Très vite, pourtant, les commérages ont fini par battre leur plein, notamment sur l’identité de cette étrange mariée et sur la gentillesse surprenante dont faisait preuve Preston : oubliée la fin tragique de Lady Comstock, la nostalgie laissa place aux festivités.

La journée ne faisait que commencer et elle s’annonçait radieuse.

 

 

Preston était encore en train de flatter la vingtaine d’invités prestigieux par des remarques dont la niaiserie me sidérait, avec sa future femme qui ne le lâchait pas d’une semelle au bras, lorsque le dirigeable est enfin parvenu à l’aérodrome. Au loin, nous avons aperçu le ballon, couvert d’or, avec une grande image de notre Première Dame flanquée sur son côté, tandis qu’une figure de proue étincelante menait la marche. La manœuvre paraissait périlleuse, mais le dirigeable réussit sans mal à s’attacher au quai d’embarquement, sous les applaudissements des convives, moi y compris.

Ensuite, le programme était simple : le sacrement devait être célébré sur le Première Dame, en plein vol, puis ce dernier gagnerait le Square de la Nouvelle Eden afin d’y accoster. De là, nous aurions pu gagner le Blue Ribbon, un restaurant populaire où nous aurions fêté l’union comme il se devait. Je n’avais pas encore idée à quel point tout ne se passerait pas comme prévu. La seule chose sur laquelle j’avais une visibilité était le repas, car nous avions déjà eu un aperçu du menu, puisqu’on nous l’avait distribué à notre arrivée à l’aérodrome – c’était déjà ça de pris, même si c’était bien inutile vu qu’il n’y aurait pas de repas.

J’étais justement en train d’y jeter un œil avant que le Première Dame n’arrive pour faire passer le temps, et quelque chose paraissait étrange :

 

MENU

Entrées :

Magret de canard et sa salade

Soupe de potimarron et croûtons de pain

Plats :

Ragoût de navet à l’agneau

Cochon de lait rôti à la broche

Purée de petits pois et son agrément d’asperges

Desserts :

Pièce montée et sa farandole de desserts

 

Outre l’aspect plutôt rustique du festin affiché qui ne ressemblait pas vraiment à un dîner de fête, certaines lettres étaient écrites comme en surbrillance. Était-ce une erreur de la part des mariés et de l’imprimerie ? Ou un acte volontaire ? Je m’apprêtais à me pencher là-dessus lorsque Preston, pourvu d’une illumination enfantine dans le regard, nous a encouragés à monter à bord du Première Dame. Lentement, la procession s’est mise en route en montant les escaliers en métal vers l’entrée Art Nouveau du quai d’embarquement. J’ai eu un mal à fou à grimper ces quelques marches, à cause de cette robe affreusement encombrante. Chaque pas avec ce corset me donnait l’impression de me casser une côte. Au bout de la plateforme, le dirigeable nous attendait. A l’intérieur, seul le conducteur était présent. En montant à bord, je n’ai pas perdu de vue les deux mariés. Ils ne se quittaient pas, la femme chuchotant de temps à autre des choses à l’oreille de Preston. Parfois, elle semblait me fixer derrière son voile, et je repartais dans mes conversations, l’air de rien, en ne sachant pas si elle me regardait ou non.   

Une fois que tout le monde s’est trouvé à bord, les employés ont détaché les mâts d’amarrage et le dirigeable a pu quitter le quai sans encombre. Le Première Dame devait passer près de la Baie du Cuirassé pour assister aux feux d’artifices tirés depuis la plage artificielle puis rallier le centre-ville pour ne pas louper le passage du célèbre quartet d’Albert Fink, le frère de Jeremiah, non loin du restaurant. Mais d’abord, notre Prophète devait nous rejoindre pour célébrer le mariage depuis son propre zeppelin.

Dans un silence religieux, tout le monde avait le regard rivé sur les larges vitres du dirigeable, attendant de voir le ballon du Prophète fendre les airs pour débarquer, triomphant.

Mais il n’en fut rien.

Les minutes se sont égrenées, et les chuchotements étonnés se sont répandus dans cet espace confiné qui attisait les commérages. Bien-sûr, je savais pourquoi il ne viendrait pas, mais d’une certaine manière, j’étais déçue. Je m’étais presque faite à l’idée amusante de voir Preston se marier avec cette femme devant notre Prophète, sa longue barbe blanche et son visage impassible. Pour autant, je ne devais pas oublier mon rôle : ici, j’étais la main et les yeux du Prophète.

Et justement, d’après ses prévisions, il était pour moi l’heure d’intervenir ; seulement, je ne savais pas d’où proviendrait le danger. L’ancien chasseur apparemment repenti ? l’un des convives ? ou bien cette étrange mariée ? Depuis plusieurs minutes, j’avais observé tout le monde, et je n’aurais vraiment su dire qui était dans le coup. Mais tous mes soupçons se portaient maintenant sur cette femme, qui n’avait pas retiré son voile ou dit un mot depuis le début de la cérémonie, et qui s’accrochait à Preston comme un bigorneau sur son rocher. Elle dégageait un sentiment de malaise insidieux, comme un ectoplasme errant dans ce monde, sans autre but que de hanter ce pauvre homme.

Malheureusement, quand ma théorie s’est confirmée, il était trop tard. Trois masses se sont frayé un chemin vers nous en perçant le coton des nuages, trois dirigeables parés de drapeaux entièrement rouges. A leur bord, des hommes et des femmes, armés jusqu’aux dents, et des munitions à revendre le long de leurs ceinturons. Je n’ai eu aucune peine à reconnaître la Vox Populi, mais les invités ont été plus longs à la détente. Ce n’est que lorsque l’alarme si caractéristique de la Vox a déchiré le ciel qu’un vent de panique a soufflé sur la vingtaine de personnes à bord. Dès cet instant, tous mes sens se sont mis instantanément en alerte, mon regard se déplaçant de visage en visage, de mains en mains, prêt à y voir un revolver surgir à tout instant, jusqu’à croiser celui de Preston.

Quelque chose en lui s’est brisé, je l’ai lu dans son expression désemparée. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que sa femme n’était plus cloué à son bras, mais qu’elle tenait maintenant en joue le pilote avec son arme.

 

oOo

Le bleu fronce les sourcils.

« Et maintenant ? me demande-t-il, impatient.

— T’en as pas eu assez, Sykes ? dis-je avec amusement.

— Non ! Qu’est-ce qui s’est passé ensuite ? »

Mon regard se pose sur le journal et je souris, en repensant à l’expression de Preston pendant l’interrogatoire que j’ai mené après la catastrophe, une sorte de désillusion mêlée à de l’incompréhension. Heureusement, au fil de son récit, les évènements sont devenus limpides dans son esprit, si bien que j’ai pu répondre à mes propres interrogations.

Après tout, s’il y a bien une personne qui sait mieux que moi ce qui est arrivé, c’est lui, parce qu’il l’a vécu de l’intérieur.

Alors voilà comment il m’a présenté les choses.

 

oOo

 

Une putain de murge. Je me sentais aussi frais que si je me réveillais après une putain de murge, comme la fois où j’avais failli péter la vitre d’un bar de Californie. Nauséeux, la bouche pâteuse, la vue trouble, un véritable florilège de sensations toutes plus horribles les unes que les autres, sans oublier une envie de pisser absolument intenable. Que s’est-il passé ?

C’est marrant, mais pendant quelques jours, j’ai le souvenir d’avoir été heureux, épanoui. J’avais rencontré la femme de ma vie. Comment l’avais-je rencontrée, au fait ? Pas moyen de m’en souvenir, mais ça n’est pas important. Ce qui compte, c’est que c’était un coup de foudre, ça ne s’expliquait pas, tout simplement. Elle avait fait de moi un autre homme, voilà ce qui importait le plus à mes yeux à cet instant précis. Finis les scalps à gogo, finies les chasses à l’homme à travers les jungles amazoniennes, les courses-poursuites en plein milieu du désert, je savais que je devais me ranger si je voulais être heureux. Et à aucun moment, je n’ai remis en question ma réalité. C’était comme si cette femme susurrait à mon oreille, tout le temps.

Elle voulait se marier, inviter tout le gratin de Columbia, tous ceux qui avaient financé mon spectacle de l’Ouest sauvage, et demander au Père Comstock lui-même de célébrer notre union. Bien sûr que j’ai accepté ! Je l’aimais, je ne pouvais rien lui refuser. Petit à petit, en même pas un jour, la nouvelle de notre union s’était déjà répandue, grâce à moi. Et le lendemain, quand le moment est arrivé, je suis devenu tout excité. Face à tous ces gens, elle était là pour me soutenir, comme elle s’apprêtait à le faire jusqu’à l’heure de notre mort. Elle réchauffait mon cœur, me réconfortait, me montrait la voie à suivre, celle d’un homme bien élevé, respectueux, humble.

Pourtant, au fond de moi, ma conscience hurlait. Mon âme pervertie tentait de s’extirper de sa possession, sans parvenir à briser le sort sous lequel cette sorcière m’avait placé. Car c’est bien de ça qu’il s’agissait, une putain de Possession, un simple tonique dont elle avait appris à maîtriser tous les sombres secrets. Par un simple contact, elle avait réussi à me faire danser comme une marionnette du début à la fin de notre “relation”, même si toutes ses manigances ne sont devenues claires que bien après mon réveil.

Quand j’ai enfin repris conscience, quand elle a enfin lâché mon bras, le lien qu’elle avait créé entre elle et moi s’est brisé et mon esprit a ricoché ; comme un ressort, il s’est tendu et distendu, avant de revenir dans mon corps. Face à moi, il y a eu tout d’un coup tous ces gens qui me dévisageaient.

Quoi ? j’ai pensé, en tâtonnant ma face avec affolement. J’ai un truc sur la gueule ?

J’ai froncé les sourcils : ce n’était pas ce qu’un gentleman digne de ce nom devait dire, ni même penser… mais je n’étais pas un gentleman. Plus maintenant. Le vrai Preston était de retour. Et ça faisait un bien fou !

J’ai suivi le regard d’une femme devant moi, qui m’a conduit à me retourner. Et là, tout a percuté. C’était elle, cette sorcière, qui avait fait de moi son Pinocchio de service. Elle avait une arme à la main et le canon était pointé sur la tempe du pilote du zeppelin qui nous maintenait tous à flots. Autrement dit, je n’étais plus le seul qu’elle comptait mener à la baguette et dont la vie pesait dans la balance.

Tout à coup, avec son autre main, elle a retiré son voile dans un accès de rage. Tout autour, les gens ont eu un hoquet d’étonnement, sauf moi. C’était qui, cette gonzesse, nom de Dieu ? Une femme noire, les cheveux ébouriffés, les yeux marron emplis d’une colère sourde, c’était elle, ma femme ?

« Que personne ne bouge ! a-t-elle hurlé. Ou je nous emmène tous en enfer !

— Lâchez votre arme, Fitzroy ! » a répliqué une voix fébrile.

Sur ma gauche, j’ai vu cette femme, encorsetée dans sa robe pleine de frous-frous, une arme à la main, qui avait la mariée dans le viseur. D’où sortait-elle ? Je ne n’y comprenais plus rien !

La dénommée Fitzroy a déplacé son regard dans le dirigeable, sûrement en quête d’une échappatoire, avant de jeter un œil à travers les vitres. Trois zeppelins parés de rouge se rapprochaient. Rien qu’en voyant ces drapeaux couleur sang, il ne m’a pas fallu longtemps pour comprendre que cette armada venait de la Vox, prête à aider son leader. Fitzroy s’est mis à secouer la tête, pleine de réticences, avant de lentement lever son arme vers le plafond.

C’est là que l’impensable s’est produit.

Le coup de feu est parti ; le bruit a résonné dans tout le dirigeable, jusqu’à ce qu’une explosion, plus sourde, plus forte, ne retentisse. Le Première Dame a entamé sa descente en piquée vers le bas, secouant tout le monde à l’intérieur. Une chaleur intense provenant du ballon s’est répandue en un instant. Le dirigeable prenait feu ! La panique a éclaté parmi les invités, qui voyaient déjà leurs derniers instants arriver.  

Puis, tout s’est passé très vite : Fitzroy, consciente de ce qui allait arriver, avait pris les devants et quittait déjà le dirigeable par la grande porte pour sauter sur l’un des vaisseaux de sa flotte. La femme à la robe jaune a tangué, elle s’est raccrochée à la statue du Prophète, lâchant son arme par la même occasion. Malheureusement, la révolutionnaire s’est échappée avant qu’elle ne puisse faire quoique ce soit. Cependant, elle a eu assez de temps pour réfléchir à sa propre survie – et apparemment à la mienne, puisqu’elle m’a agrippé par le bras, a brisé l’une vitre et m’a forcé à sauter, alors que le dirigeable était en chute libre. Voilà qu’après quarante-cinq ans passés sur cette terre, j’effectuais mon baptême de l’air pour la première fois ! En-dessous de nous, la Baie du Cuirassé et la plage artificielle de Columbia nous attendaient. Je n’ai pas réfléchi et je me suis élancé, main dans la main avec la femme à la longue robe.

Plus nous chutions, plus la chaleur des flammes faiblissait et plus le vent lacérait notre visage, m’obligeant à plisser les yeux. Les débris et les cendres du Première Dame virevoltaient autour de nous, dans un ballet infernal. Après quinze secondes qui m’ont paru durer une heure, notre saut de la foi s’est terminé par un violent plongeon, qui a bien failli me briser les jambes. Les remous ont occulté ma vision pendant quelques instants avant que mon regard ne perce les eaux claires de la baie. Au loin, j’ai aperçu la femme et sa robe qui l’entraînait vers le fond ; son apparat allait causer sa perte. J’ai battu des bras et des jambes pour la rejoindre et l’ai ramenée à la surface, en y mettant toutes mes forces. En émergeant, nous avons tous les deux repris notre souffle.  

La jetée n’était qu’à quelques brasses de là où nous nous étions échoués. A l’horizon, le dirigeable en feu s’écroulait maintenant vers les habitations en contrebas, réduit en poussière.

Nous étions épuisés, essoufflés, mais nous avons fini par gagner le rivage, en sécurité. Je me suis écroulé de fatigue, elle me talonnait et s’est allongé à un mètre de moi. Les plaisanciers qui ont assisté à la scène sont restés plantés là, ébaubis comme des idiots.

« Comment vous vous appelez, ma jolie ? ai-je demandé, haletant, en détaillant les nuages dans le ciel, n’ayant même plus la force de me tourner vers elle.

— Esther… Esther Mailer.

— Eh bien, ma belle ! vous en avez une sacrée paire ! Ma parole, jamais vu une fille aussi courageuse !  

— Vous étiez plus poli avant que je vous sauve les miches, m’a-t-elle dit.

— Je le sais, mais que voulez-vous, on peut pas me changer, moi. »

 

oOo

Sykes me fixe toujours du regard, dubitatif. Puis, il soupire.

« Eh bien ! Je comprends pourquoi tu es aussi stressée ! Si j’avais eu à gérer cette Fitzroy en face-à-face, je crois que je serais mort. Je suis désolé de t’avoir sous-estimée, Esther.

— Excuses acceptées, le bleu ! Maintenant, essaye de fermer plus souvent ton caquet, ça fera du bien à tout le monde. »

On commence à rire tous les deux, jusqu’à ce que la radio se mette en marche. Un grésillement se fait entendre, puis une voix forte, celle de notre chef, posté dans la Baie du Cuirassé.

« L’Agneau rentre au bercail ! Je répète : L’Agneau rentre au bercail ! »

C’est le signal ! Pas de temps à perdre : le bleu et moi, on s’élance pour rejoindre les autres. Le moment que je redoutais tant est arrivé. Et je ne suis toujours pas calmée. Mais que voulez-vous, on ne peut pas me changer moi.  

 

 

FIN

 

 


[1] Les voxophones sont l’équivalent des journaux audios du premier BioShock.

[2] L’Agneau est le surnom donné à Elizabeth, la jeune femme que doit retrouver le joueur (Booker DeWitt) dans BioShock Infinite.

[3] Le faux berger est le surnom dont est affublé Booker dans BioShock Infinite.

[4] Les Fondateurs sont une faction de citoyens affiliée au Père Comstock, qui promeut l’ultra-nationalisme et la suprématie blanche, en totale opposition à la Vox Populi et à ses idéaux.

[5] La Sodome Inférieure est le nom donné par les habitants de Columbia à la terre ferme. 

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