Zangetsu n'aime pas la pluie

Chapitre 1 : Zangetsu n'aime pas la pluie

Chapitre final

2876 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 05/08/2021 14:46

Une douce nuit régnait à Karakura, ni les habitants, ni les Shinigamis n'avaient à craindre les Hollows, absents depuis plusieurs jours. Préparaient-ils un assaut ou s'entretuaient-ils au Hueco Mondo, formant de nouveaux Menos ? Cette situation des plus inhabituelles permettait à Orihime de retourner à une vie tout à fait ordinaire. Retrouvant chaque matin sa table en bois face à l'estrade, elle revoyait avec plaisir ses camarades. Malgré tout, une boule d'angoisse continuelle dormait en elle : "Chad serait-il là aujourd'hui ? Et Ishida ?", des murmures incessants lui rappelant qu'un désastre pourrait briser ce répit.

Mais ses deux amis répondaient toujours présents, seul une place demeurait vide et une chevelure atypique manquait à la jeune femme.


Au milieu du calme nocturne, il y avait un endroit qui ne dormait jamais, où les lames se croisaient à tout heure, où Kido et affrontement ne cessaient de faire trembler murs et mobiliers. Pour le plus grand malheur de Yoruichi, Urahara Kisuke et Ichigo avaient décidé d'un commun accord d'exploiter cette période de paix pour parfaire leur maniement du Zanpakuto et former un peu plus le jeune Shinigami remplaçant.

La puissance brute d'Ichigo était sans pareil, la femme-chat pouvait compter chacun de ses coups aux vibrations créées dans l'eau de son thé. Diantre, ne s'arrêtaient-ils jamais de s'entraîner ? Même Chad et Renji, qui avaient tous deux débuté les sessions dans le sous-sol avec Ichigo, avaient fini par profiter de cet instant de grâce inédit.

Tessai, quant à lui, avait assuré au départ la "sécurité" lors de la pratique abusive de ces combats, mais il avait abandonné ce poste il y a deux jours, les sourcils froncés, la peau rougie et la moustache pleine de cendres, il était remonté en criant de rage :

"Qu'ils se tuent ! Qu'ils fassent sauter la boutique si ça leur chante ! Je n'en peux plus, ce sous-sol n'est pas prévu pour du Kido de niveau 90 !"

Depuis, tous les occupants de la boutique Urahara supportaient le vacarme infernal du sous-sol.


Jour après jour, Ichigo apprenait des coups supplémentaires. Si le Getsuga Tensho était son attaque maîtresse, elle quelquefois bien insuffisante face à l'habileté de l'ancien capitaine de la douzième.

Peu importe les gouffres que le Shinigami remplaçant dessinait dans le sol à chaque frappe, s'il ne travaillait pas son attaque dans la totalité, une simple esquive pouvait suffire. Le jeune homme avait rapidement opté pour son Bankai : rapidité, légèreté, précision, ce dernier compensait tous les défauts de son style de combat.

Mais ce jour-là, il ne porta aucun coup. Quelques minutes après avoir prononcé les mots fatidiques, il jura avoir entendu un écho, puis se réveilla au sol, une silhouette chapeautée qu'il connaissait bien au-dessus de lui.

"Allons, allons, Kurosaki. Je souhaite inculquer un peu de grâce et d'adresse à ton style, ton Bankai n'en a pas besoin. Alors, disons qu'ils sont proscrit ? Veux-tu ?

— Qu'est-ce que tu m'as fait, Geta-boshi ? demanda le jeune homme en se relevant.

— Oh, rien de bien méchant, rassures-toi."

Bien évidemment, le petit sourire en coin qu'affichait l'homme n'apporta aucun réconfort à Ichigo, qui au contraire, s'empressa d'inspecter chaque partie de son corps avant de retourner à l'assaut :

"Très bien, reprenons !"


Le ballet reprit avec la même énergie folle qui animait les deux combattants, les jours passèrent et finalement, une forme de finesse émergea dans les attaques du rouquin. Feintes et parades firent leur apparition, ouvrant de nouvelles possibilités, Ichigo ne se contentait plus de frapper, esquiver, frapper et frapper encore plus fort jusqu'à ce que son adversaire cède. Il nuança ses coups, en variant la force, la vitesse, il créa ses premières diversions. Son Getsuga Tensho fut magnifié, avec de telles ouvertures pour son attaque, il força son mentor à passer sur la défensive.


Le jour suivant, Ichigo usa de stratagèmes de plus en plus surprenants, une telle attitude déstabilisa complètement Urahara, la brute était devenu un astucieux maître de la lame. Caché à l'ombre de son chapeau, à l'abri de tous les regards, le Shinigami affichait un grand sourire, il était fier des progrès du jeune homme. Ce dernier avait beaucoup évolué depuis le jour où il l'avait attaché au fond d'un trou entre la vie et la mort.

Le rouquin enchaînait assauts sur assauts, tantôt à pleine puissance, tantôt en mode subtile, il était entrain de créer une forme qui lui convenait et qui lui ressemblait, bien évidemment, la puissance restait prédominante, mais il suffisait d'un petit artifice pour changer tout une bataille.

Et c'est ce style qu'il s'efforça d'appliquer après trois Getsuga Tensho à la suite, Ichigo laissa volontairement un de ses flancs exposés, sans surprise, Urahara Kisuke fit mine de s'y précipiter. Le maître de la tromperie ne se laisserait pas si facilement abuser. Deux autres feintes et déviations suivirent, les deux parties portaient leurs attaques comme on joue aux échecs, jusqu'à cet instant fatidique où Ichigo n'effectua aucune parade et préféra pivoter d'un quart de tour et dévier la fine lame de Benihime de sa main tout en portant une attaque avec Zangetsu de l'autre côté.


Ce contact opportun mit fin à l'affrontement, mais ne donna aucun vainqueur. Kisuke, surpris, resta de marbre, porté par beaucoup de satisfaction envers Ichigo. Ce dernier retira ses doigts du Zanpakuto de son mentor aussi vite qu'il l'avait saisi. Devant ses yeux d'horribles flammes dansaient et il y avait cette colère, une rage grondante comme l'orage qui montait en lui.

Le temps du combat, le jeune homme avait oublié cette faculté qu'il possédait, cette sensation que lui procurait le contact avec le Zanpakuto d'autrui. Il répondit au sourire d'Urahara par un regard troublé et des sourcils froncés contre sa volonté.

"Je,... Faisons une pause. Je dois m'absenter, pour mon père… Aujourd'hui. Je reviens demain.." Balbutia Ichigo.


Depuis presque une semaine qu'il était dans ce sous-sol, jamais Ichigo n'avait formulé le besoin ou l'envie d'une pause. Mais il devait trier les images dans son esprit, quelque part, il avait la sensation de s'être introduit dans l'intimité du Shinigami. La relation entre un Zanpakuto et son propriétaire est des plus personnelles, lorsque cette situation était arrivée à Ichigo avant, il ne connaissait pas aussi bien son adversaire qu'Urahara. Il n'était pas du tout à l'aise avec cette idée et cette puissante sensation qui l'avait envahi.


Il sortit de la boutique en ignorant l'air surpris des buveurs de thé et passa le reste de l'après-midi chez lui, profitant finalement du calme de sa chambre.

Le temps passait et de son côté, Urahara méditait en solitaire dans le sous-sol, Benihime sur les jambes, sous l'œil suspicieux de Yoruichi.


La nuit tombée, Ichigo ne trouva plus le repos, à chaque fois que ses paupières se fermaient, les flammes jaillissaient devant lui et il y avait cette femme, une voix qui hurlait sans répit au milieu du désastre. Bien entendu, cette dernière ne correspondait à aucune de ses connaissances, mais il avait bien une idée de son identité. Avait-il seulement le droit de l'entendre ? Peu importaient les minutes, le sommeil ne venait pas et les flammes dansaient si bien qu'Ichigo jurerait avoir réellement chaud.


Au bout de deux heures, le Shinigami remplaçant se décida, s’éclipsant en douceur par la fenêtre, il prit la direction de la boutique Urahara afin d'alléger ce poids.

La lumière s'échappait de la porte ouverte lorsqu'il arriva et il fut invité à entrer par une chatte noire postée telle une sentinelle à l'entrée.

Il redescendit au sous-sol lentement et y trouva sans aucune surprise Urahara, ce dernier l'attendait, assis au bord d'une falaise fictive. Le Shinigami remplaçant vint se poser à ses côtés et parla sans attendre.

" Quand je touche le Zanpakuto d'un autre, je

— Tu ressens des choses ? l'interrompit Urahara.

— Oui, acquiesça le jeune homme, quand l'avez-vous remarqué ?

— J'ai vu une colère que je connais bien dans tes yeux tout à l'heure."

Ichigo baissa la tête, légèrement hésitant, il voulait savoir, comprendre, mais il n'était pas sûr que l'homme accepte de partager si facilement des informations personnelles.

"Que signifient les flammes ? D'où viennent-elles, se risqua-t-il à demander.

— Allons, allons, Ichigo, tu sais très bien d'où viennent les flammes.

— Et la voix, c'était Benihime ?"

Kisuke ne put s'empêcher de dévisager le jeune homme lorsqu'il prononça le nom de sa princesse.

"En effet.

— Pourquoi ? Pourquoi hurle-t-elle ? Et cette colère, Urahara-san, je n'imaginais pas votre Zanpakuto comme ça.

— Tu n'avais pas à l'imaginer, chaque Shinigami à sa propre relation avec son Zanpakuto, tu comprends le tien, je comprends Benihime. Nous n'avons pas à nous introduire dans un autre duo."


Malgré toute l'affection qu'Urahara portait au fond au jeune homme, la simple idée qu'il est vu les flammes l'irritait. Qui sait combien il avait vu, peut-être même avait-il perçu l'incarnation de Benihime ? Il ne voulait aucune faille dans les façades qui l'entouraient au quotidien.

"Zangetsu n'aime pas la pluie."

Les mots tombèrent aussi doucement qu'une feuille morte en automne. Une simple affirmation qui n'attendait aucune réponse libéra Kisuke de ses pensées et de ses émotions négatives. L'ancien capitaine, détendu et perplexe chercha à comprendre le sens précis de ses mots, alors, il accepta la discussion.

"Pardon ?

— Zangetsu me l'a avoué une fois alors que nous discutions dans mon monde intérieur. Il se tenait face à moi, recroquevillé dans son grand manteau noir, et m'a simplement dit qu'il détestait quand la pluie tombait.

— Ce n'est pas quelque chose que tu devrais partager aussi simplement Ichigo.

— Et pourquoi? Encore une règle de Shinigami ou de la Soul Society à laquelle je ne comprends rien ?"


Urahara sourit simplement à ses mots, il aimait beaucoup la défiance qui animait le jeune homme vis à vis des codes préétablis qu'il ne trouvait pas justifié.

"Ainsi, il pleut dans ton univers ? demanda avec curiosité Urahara.

— Cela dépend, se contenta de dire Ichigo satisfait."

Il n'en dirait pas plus sans obtenir quelque chose en retour, il avait fait le premier pas et ouvert la voie, Kisuke n'avait plus qu'à suivre ses traces, ce qu'il fit en souriant.

"Benihime a peur du feu.

— Peur ? s'étonna Ichigo, comment un Zanpakuto peut-il craindre quelque chose ? Est-ce que ça agit aussi sur la lame ?"

Le silence lui répondit et Urahara ne bougea pas d'un pouce, l'ancien capitaine était prêt à suivre, mais pas à mener, pas encore. Ainsi Ichigo reprit son propre récit et garda ses questions.


"Mon monde est comme une immense cité, il n'y a que des grattes-ciel à l'horizon, nous nous retrouvons souvent sur un toit et le vide s'étend en dessous, il n'y a pas de fin, je le sais parce que je suis tombé une fois.

— Et c'est une ville au climat pluvieux ?

— Non, mais Zangetsu m'a appris que lorsque je laisse mes émotions me déborder, il pleut. Dire qu'il n'aimait pas la pluie c'était sa façon à lui de me dire qu'il n'aimait pas me sentir mal.

— Il n'y a aucune image quand je dis que Benihime a peur du feu. J'évite le combat quand mon adversaire possède un Zanpakuto aux propriétés similaire à celle du Général, ou alors je favorise le Kido.

— A-t-elle toujours été comme ça ?

— Benihime a toujours été la princesse qui gouverne mon univers, elle était dévoué à son domaine et à moi, elle était bien plus calme autrefois.

— D'où vient la colère alors ? Cet après-midi, quand je l'ai eu en main,... je voulais tout détruire, le temps d'une seconde.

— Je n'en doute pas."


C'était un sentiment qu'Urahara connaissait trop bien, à chaque fois qu'il libérait Benihime de son sceau, qu'il utilisait son Shikai, il partageait cette rage. Un effort continu lui permettait de ne pas y céder, mais elle restait toujours à ses côtés.


"Un jour, j'ai failli me noyer lorsque je me suis rendu auprès de Zangetsu. J'avais délaissé mon monde. J'ai laissé la peur, la colère et la tristesse guider mes actes pendant plusieurs jours. Je voulais simplement sauver les autres... Mais la pluie tombait en continu pendant ce temps. À mon arrivée, la ville entière était submergée, Zangetsu a bien failli m'achever ce jour-là et j'avais perdu sa confiance. Je lui ai promis de ne plus faire tomber la pluie."

C'était un souvenir assez désagréable et Ichigo préféra taire la partie avec son lui alternatif, cette version Hollow qui vivait en lui et qui rêvait de prendre le contrôle à la moindre occasion. Finalement, Kisuke se décida à partager avec lui son histoire.


"Mon monde intérieur était comme un village traditionnel, les maisons se suivaient à travers les rizières et les montagnes. Benihime veillait sur chaque arbre, chaque pierre, elle aimait que l'on se promène ensemble le long du domaine lors de nos conversations. Il n'y a jamais plu, nous ne connaissions que le soleil.

— Vous parlez au passé, un monde intérieur peut-il changer ?

— Tu as réussi à arrêter l'inondation, mais ta ville aurait pu être submergée définitivement.

— Qu'est-il arrivé au village ?

— J'ai été banni de la Soul Society. Le jour où Aizen m'a fait accuser pour ses crimes sur la Hollowfication, la première flamme a émergé. Les rizières que nous chérissons ont séchés, lentement le feu a progressé vers le village, Benihime a regardé une partie de son domaine brûler. Puis le Central 46 a révoqué ma place de Shinigami et de capitaine, alors que je fuyais la Soul Society comme un traître, le feu avait gagné le village. Les habitations se sont embrassées les unes après les autres, Benihime m'a dit avoir fuit les flammes qui s'approchaient de plus en plus. Quand je me suis finalement arrêté, à l'abri dans le monde des Humains, j'ai retrouvé mon monde dans un état désastreux, Benihime se tenait sur un roche, elle hurlait. Un mélange de peine et de haine. Le feu à tout détruit, aujourd'hui, les vestiges du domaine jonchent toujours le sol, il reste des braises encore chaudes dans le bois des poutres, des cendres et des débris recouvrent tout à perte de vue, ce n'est pas un lieu accueillant.

— Il n'en reste rien ?

— Il y a une montagne qui surplombe tout, depuis les ruines de l'ancien village, des escaliers de pierres permettent de rejoindre un monastère au sommet qui a survécu à la destruction. C'est le nouveau domaine de Benihime, il n'est pas bien grand, une petite pièce et un vieil arbre à l'entrée sous lequel ma princesse s'assoit sur un banc de pierre.

— Si j'ai arrêté l'inondation, le village ne pourrait-il pas être reconstruit ?

— Le feu ne s'est jamais éteint Ichigo, lorsque je scrute l'horizon, je peux voir des flammes s'élever et menacer de détruire ce qui subsiste de mon monde. J'étais un homme différent, lorsque j'étais capitaine. J'avais la confiance de ma division, des autres capitaines, je partageais ce sentiment. Tous mes actes depuis, même s'il n'avait pour objectif que la chute d'Aizen, ne me permettent pas de retrouver cette vie. Elle est derrière moi, tout comme le village est détruit.

— Qu'en est-il de la colère que j'ai ressenti ?

— C'est Benihime, elle craint tous les jours de voir à nouveau son domaine partir en fumée devant elle. Jamais elle n'a pardonné la Soul Society, elle les hait. Tous, capitaines, Shinigamis, le Central 46 et par-dessus tout Aizen.

— Et… C'est un sentiment que vous partagez ?

— Non, je ne leur ai jamais pardonné également, mais, je ne tiens pas non plus à éviscérer tout le monde.

— Éviscérer ?!?

— Allons, allons Ichigo, pensais-tu que la princesse écarlate était une référence aux roses ?"


Le jeune Shinigami remplaçant ne put s'empêcher de pâlir. Évidemment, toutes les capacités de Benihime avaient toujours eu un lien avec le sang, c'était un Zanpakuto bien plus violent que les apparences ne laissaient penser.

"Verrais-je un jour votre Bankai ? demanda Ichigo, intrigué par l'ultime forme de la dite princesse écarlate.

— Tu l'as malheureusement raté. Peut-être un autre jour, si je réduis la Soul Society en cendres."


Et sur ces mots, l'ancien capitaine quitta la pièce, satisfait par cette conversation. Il laissa Ichigo nager dans le doute : Kisuke n'avait-t-il pas dit qu'il ne souhaitait aucun mal à la Soul Society, à moins que le jeune homme n'ait mal compris ?

"Vous n'êtes pas sérieux, hein ?"

Ichigo répéta plusieurs fois sa question en vain, alors il se contenta de rentrer chez lui, à la fois libéré de la femme qui hurle et à la fois hanter à l'idée de voir un jour Urahara Kisuke lancer un assaut sur la Soul Society, car au fond, ne l'avait-il pas déjà fait une fois en envoyant Ichigo libérer Rukia ?

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