Si seulement tu savais à quel point tu me manques...

Chapitre 3 : Partie 3 - Retrouvailles mouvementées

Chapitre final

7314 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 00:11

Partie 3 : Retrouvailles mouvementées

 

Cette voix à la fois sérieuse et narquoise lui avait tellement manqué. Karin en ressentait des frissons dans tout son corps. La jeune fille ne pouvait pas détacher ses prunelles de nuit du shinigami qui se tenait devant elle. Il avait indéniablement grandi, songea-t-elle abasourdie.

Ses cheveux argentés lui tombaient sur le front et caressaient sa nuque. Sa silhouette était plus massive que dans ses souvenirs, son corps s'était endurci à force des entraînements et des combats. Et il portait toujours son zanpakuto dans son dos. Il n'avait plus du tout l'apparence d'un gamin mais bel et bien d'un homme. À cette idée, le cœur de Karin se mit à battre la chamade. Seul son regard de glace était resté le même, à la fois froid et moqueur quand il se posait sur elle.

_ Tu as perdu ta langue ? fit-il en se rapprochant d'elle.

_ N'importe quoi, imbécile.

Toshiro lui non plus ne parvenait pas à détourner les yeux devant cette vision. Qu'elle était belle et fière ! Son caractère emporté n'avait pas disparu, loin de là. Mais l'éclat de colère qu'il pouvait apercevoir dans ses yeux aussi sombres que la nuit ne lui plaisait pas. Il aurait dû s'en douter, elle n'avait pas accepté son absence.

Karin avait changé : la gamine qu'elle était à douze ans avait laissé place à une vraie femme. Son corps avait gagné en courbes et le son de sa voix l'enivrait. Sa séduction inconsciente ne le laissait pas indifférent. Son myocarde battait à toute vitesse dans sa cage thoracique. Ses prunelles sombres et intenses l'hypnotisaient et il éprouvait beaucoup de difficultés à s'échapper de leur emprise.

_ Je t'ai demandé ce que tu venais faire ici, Toshiro, cracha presque la brune en le pointant du doigt.

_ Je suis simplement venu voir comment tu allais, répondit-il en croisant les bras.

Les nerfs de Karin étaient à deux doigts de lâcher. Elle serrait les poings, s'efforçant de contenir sa rage et sa douleur.

_ Il t'a fallu quatre ans pour te décider, tu me prends pour une idiote ou quoi ? cria l'adolescente en le foudroyant du regard. Tu te rends compte de ce que tu dis ?

_ Je ne pouvais pas venir avant, il faut que tu comprennes, tenta-t-il de l’amadouer.

Karin restait plantée devant Toshiro, sans faire un seul geste. Si elle bougeait ne serait-ce qu'un doigt, elle avait peur de le frapper. Les lèvres pincées, la brune baissa la tête. Elle ne supportait pas l'intensité des prunelles turquoises du jeune capitaine. Et surtout, elle ne voulait pas lui pardonner aussi facilement.

_ Pour toi, je suis quoi, Toshiro ? Tu peux me le dire ?

La voix dangereusement calme de la jeune fille ne laissait rien présager de bon pour lui, Toshiro le savait. C'était le calme avant la tempête et il fallait s'y préparer.

_ Ma meilleure amie, voilà ce que tu es.

La jeune sœur d'Ichigo ignora le pincement au cœur que lui causa la réponse du shinigami aux cheveux d'argent. Elle secoua vivement la tête et tentait tant bien que mal de parler calmement. Mais c'était trop lui demander car ce fut avec un énervement croissant qu'elle rétorqua :

_ Et c'est dans tes habitudes de disparaître pendant quatre années sans donner de nouvelles à tes amis ?

Le shinigami garda le silence devant cette accusation. Karin avait raison d'être fâchée contre lui, même s'il ne le supportait pas. La colère qui brillait dans ses yeux noirs la rendait encore plus belle. Fière et sauvage, toujours la même.

_ Non.

La jeune fille avança d'un seul pas, tout en serrant les poings. Elle n'en revenait pas : au bout de quatre ans de silence, il revenait la voir comme si de rien n'était et il espérait qu'elle lui pardonne, en plus ! Et puis quoi encore ?

_ Tu crois vraiment que je vais me contenter de ça ? se mit-elle à crier en le fusillant de son regard noir. Je sais que tu as des obligations, je ne suis pas stupide mais ça ne t'a jamais empêché de venir nous rendre visite, avant !

Elle ne voulait pas perdre la face devant lui en lui révélant réellement ce qu'elle avait éprouvé lors de son absence prolongée.

_ Tu as manqué des tas de matchs vraiment sympas... soupira la brune, à bout de force.

Karin tourna le dos au jeune capitaine et tentait tant bien que mal de retenir ses larmes de frustration. Si elle craquait devant lui, elle perdrait sa fierté et il en était hors de question. Quitte à perdre son amitié.

_ Je sais que tu m'en veux...

_ Oh ça oui ! le coupa sèchement la brune sans se retourner.

Le capitaine Hitsugaya retint un soupir d'exaspération. Si elle ne le laissait pas terminer, leur discussion n'irait pas bien loin. Il savait que ce serait difficile mais pas à ce point. Le shinigami posa ses yeux turquoises sur le dos de Karin et un éclat de tendresse apparut au fond de son regard pendant quelques secondes.

Décidément, son caractère avait empiré, elle était encore plus indomptable qu'avant. Ce n'était pas pour lui déplaire, sauf dans le cas présent. Comment faire entendre raison à une tête de mule ? Elle n'était pas la sœur d'Ichigo Kurosaki pour rien.

_ Écoute-moi, s'il te plaît, la pria-t-il calmement. Je sais que je t'en demande beaucoup mais...

_ Vas-y, qu'on en finisse ! accepta-t-elle d'un ton où perçait sa lassitude.

Karin savait qu'elle était impolie mais elle ne voulait pas perdre son temps. Elle voulait dormir et oublier cette conversation. Elle se retourna vivement vers lui et croisa les bras sur sa poitrine dans un signe d'impatience.

La jeune fille n'avait pas vraiment envie d'écouter ses explications mais son cœur – lui – mourrait d'envie de savoir la raison pour laquelle Toshiro n'était pas revenu plus tôt.

Le shinigami prit place sur le lit de Yuzu et enleva son haori de capitaine pour être plus à l'aise. Il ne savait pas vraiment comment commencer son récit, à vrai dire. Devait-il révéler la vraie raison ? Il l'ignorait.

_ Depuis la dernière guerre, tous les capitaines n'avaient plus une seule minute à eux et …

_ Pour quelle raison ? demanda Karin interloquée.

Il ne savait que penser de cette question. Mais il reprit son explication en retenant un petit sourire en coin. Toujours aussi curieuse...

_ Il fallait reconstruire entièrement la Soul Society et tous les bras étaient nécessaires. Même ton frère est venu nous prêter main forte, se souvint-il.

_ Oui je me rappelle, concéda la brune. Mais il vous a fallu quatre ans pour tout remettre en place ?

Le jeune capitaine se gratta la tête en signe de gêne et Karin le perçut instantanément. Elle ne l'avait jamais vu aussi embarrassé devant elle. Lui cachait-il quelque chose qu'elle ne devait pas savoir ? L'idée méritait d'être approfondie.

_ Tu n'imagines pas à quel point le Seireitei peut être grand, répondit Toshiro en levant la tête devant lui.

Karin venait de prendre place en face de lui, sur son lit. Elle s'adossa au mur et croisa les bras sur sa poitrine en le fixant de ses prunelles sombres.

_ En plus, beaucoup de nos hommes avaient péri lors de la dernière offensive et nous avons perdu notre Commandant...

Se rappeler de ces événements n'était pas pour lui faire plaisir. Des frissons désagréables lui montèrent le long de la colonne vertébrale en se souvenant de l'annonce de la mort du Commandant Yamamoto. Au début, Toshiro ne parvenait pas à y croire mais il avait fallu se faire une raison.

_ Ça a dû être un véritable chaos, j'imagine, fit remarquer la brune.

_ Tu n'as même pas idée...

_ Il y a un nouveau commandant ou pas ? demanda Karin sceptique.

La lueur d'intérêt qui brillait dans ses yeux noirs rassura le capitaine Hitsugaya. Il ne parlait pas dans le vide, comme il le craignait au départ.

La sœur d'Ichigo n'imaginait pas que ces dernières années avaient été à ce point difficiles pour les shinigamis. Son frère ne lui avait rien dit sur les problèmes qu'ils rencontraient là-bas. Elle pourrait presque lui pardonner les souffrances éprouvées. Presque...

_ Oui, depuis peu, répondit le capitaine Hitsugaya avec un instant de retard. Beaucoup d'hésitation avant de le nommer, en fait.

La brune le toisa pendant quelques minutes, sans dire un mot. Elle savait que Toshiro ne mentait pas car il n'avait pas le droit de lui raconter ce qui se passait à la Soul Society. Il avait pris le risque de s'exposer à des représailles pour lui révéler la vérité sur son absence. Elle ignorait comment réagir. La jeune fille ne pouvait nier que ces événements étaient vraiment importants mais cela n'excusait pas tout.

Le regard perçant de la sœur d'Ichigo mettait le shinigami très mal à l'aise. Ce silence pesant n'était pas pour le rassurer et connaissant le caractère emporté de la demoiselle, il n'allait pas être au bout de ses peines. Il appréhendait un peu sa réponse, en espérant qu'ils pourraient conserver cette amitié qui était importante pour lui – à défaut d'avoir son amour.

_ Je peux comprendre que tout ça a été difficile pour vous mais tu sais, un simple message m'aurait suffi, fit Karin en tournant la tête vers la fenêtre. Mais jamais tu ne m'en as envoyé, ce n'était pas faute d'espérer avoir de tes nouvelles.

Toshiro ne savait quoi penser de cette réponse. Il avait mal agi, c'était un fait mais il avait espéré qu'elle comprendrait à défaut d'approuver. Toujours est-il que l'éclat de colère dans ses yeux bleu nuit avait disparu, remplacé par de la souffrance et de la solitude. Le jeune homme remarqua que Karin évitait son regard mais pour quelle raison ? Sa vue lui était-elle à ce point insupportable ? Si c'était le cas, il ne pourrait pas se le pardonner.

_ Il n'y aurait eu que moi, je t'aurais contactée quand je l'aurais pu mais je ne savais pas si tu aurais voulu me parler, révéla-t-il en se levant pour prendre place à côté d'elle.

Karin feignit d'ignorer le trouble qui l'avait envahie quand le capitaine frôla son bras nu avec sa main par inadvertance. Pourquoi était-elle aussi sensible à sa présence ? Elle retint un soupir d'agacement.

_ Je te pensais plus courageux que ça, souffla la brune avec ironie sans le regarder. Ce n'est pas ce qui t'aurait empêché de prendre contact avec moi, avant.

Elle avait raison, le shinigami aux cheveux d'argent ne le niait pas. Au fur et à mesure que le temps passait, il avait perdu le courage de lui parler. Il aimerait lui dire tellement de choses mais il décida de les garder sous silence. Il souffrirait seul dans son coin.

_ Écoute Kurosaki, je... commença Hitsugaya hésitant.

Karin tourna vivement la tête vers lui tout en le foudroyant du regard. Elle se leva pour se poser devant lui, le visage plein de colère et de souffrance.

_ Appelle-moi Karin, bon sang ! s'impatienta-t-elle tout à coup en le toisant de toute sa hauteur.

La jeune fille en avait assez de la distance que Toshiro mettait délibérément entre eux en l'appelant par son nom. On aurait dit qu'il ne voulait pas se rapprocher d'elle mais qu'avait-elle fait pour mériter cela ? Quatre ans... Quatre longues années qu'ils ne s'étaient pas vus et le shinigami n'était pas fichu de l'appeler par son prénom ! Quel imbécile !

_ Tu t'obstines à toujours m'appeler par mon nom de famille ! Depuis le temps qu'on se connaît, tu pourrais au moins m'appeler par mon prénom ou c'est trop te demander, Toshiro ? l'accusa la jeune fille en retenant à grand peine ses larmes de frustration.

Le jeune capitaine garda le silence. Pourquoi cet élan de colère soudainement ? Il ne comprenait pas. Les gouttes d'eau qu'il voyait perler à ses paupières lui brisaient le cœur. Il n'aurait jamais pensé qu'elle aurait autant souffert de son absence prolongée.

_ Désolé Karin, soupira le shinigami aux yeux de glace. Je ne sais pas trop quoi penser de tout ça et de toi, en particulier. Tu as tellement changé, j'ai du mal à te reconnaître...

_ A qui la faute, Toshiro ? fit-elle d'une voix pleine d'amertume. Tu as disparu du jour au lendemain sans laisser de trace et tu reviens comme une fleur quatre ans plus tard... Tu croyais vraiment que j'allais t'accueillir les bras ouverts ?

Karin croisa les bras sur sa poitrine en tournant son visage vers la fenêtre.

_ Je te connaissais moins naïf que ça...

L'ironie amère de son amie – il ne savait s'il pouvait encore la considérer comme telle – lui fit monter des frissons désagréables le long de sa colonne vertébrale.

_ Mais je pourrais en dire autant sur toi, lui reprocha-t-elle en le fusillant du regard. Toi aussi, tu as changé. Avant, jamais tu ne m'aurais laissée sans nouvelles de toi pendant plusieurs années. Pourquoi as-tu ignoré mes appels ? Pourquoi as-tu fait comme si je n'existais pas ? Pourquoi, Toshiro ? demanda-t-elle en martelant le torse du capitaine de coups de poings.

Le jeune homme ne disait mot, il laissait Karin exorciser sa souffrance. Les coups arrêtèrent de pleuvoir et il sentit qu'elle cachait son visage contre lui. Sans doute que sa fierté lui interdisait de lui montrer ses larmes.

Sans que Karin ne puisse les empêcher, ses larmes se mirent à couler en abondance sur ses joues. Elle enfouit son visage contre le shihakusho du shinigami mais elle se doutait qu'il la sentait pleurer contre lui. Puis les bras de Toshiro vinrent entourer son corps secoué de sanglots et il se mit à la serrer tout contre le sien en lui murmurant des excuses à son oreille.

Peu à peu, les larmes de la brune se tarirent et elle s'écarta d'Hitsugaya non sans rougir.

_ Je ne sais pas quoi te répondre, Karin, avoua-t-il en lui prenant sa main. Je sais que ça n'enlèvera rien de ce que je t'ai fait endurer, mais sache que tu m'as vraiment manquée, toi aussi. Demande à Matsumoto à quel point j'étais insupportable pendant ces quatre dernières années...

_ Ça c'est vrai ! fit une voix malicieuse venant du couloir.

La porte de la chambre s'ouvrit pour laisser passer une femme rousse aux formes généreuses dont le visage affichait un grand sourire à la vue de Karin.

_ Karin-chan ! Tu m'as tellement manquée ! s'exclama la vice-capitaine sous l'oeil courroucé de son supérieur.

_ Toi aussi, Rangiku-san, répliqua la brune en lui rendant son étreinte. Ça me fait plaisir de te voir ! Comment vas-tu ?

Matsumoto n'était pas dupe du faux sourire de la jeune fille. Cependant, elle choisit de ne rien dire pour le moment – le regard menaçant de son capitaine y était pour beaucoup.

_ Mieux que toi, en tout cas, fit-elle en prenant Karin par le bras. Mon Capitaine m'en a fait voir de toutes les couleurs et eux ont failli ne pas s'en remettre, ajouta-t-elle en désignant sa poitrine de son doigt.

Une veine apparut sur la tempe de Toshiro qui n'appréciait pas cette interruption. Il serra les poings dans son dos, tentant de réprimer son impatience. Et de plus, sa vice-capitaine avait le droit à un meilleur accueil que lui, ce qui l'énerva davantage.

_ Matsumoto, l'appela-t-il d'une voix faussement calme.

À l'entente de son nom, la jeune femme tressaillit violemment. Elle se retourna doucement vers Hitsugaya et son visage prit une expression de chien battu.

_ Oui, Capitaine ? répondit-elle d'une toute petite voix.

_ Peux-tu m'expliquer ce que tu fiches ici ? Et où est Abarai ?

_ Je voulais rendre visite à Karin-chan mais je ne savais pas que vous étiez ici, vous aussi. Et Renji est resté à la boutique d'Urahara, enfin je crois... dit-elle en triturant ses doigts nerveusement.

Toshiro ne savait plus quoi faire d'elle. Elle le faisait sortir de ses gonds tellement souvent qu'il se demandait s'il ne devait pas la tuer. Il ne valait mieux pas sinon il aurait des comptes à rendre au Commandant. Et puis, il s'était attaché à elle malgré sa personnalité un peu étrange.

_ Laisse, Toshiro, soupira Karin sans le regarder.

Évidemment, la jeune sœur d'Ichigo n'allait pas avouer qu'elle était heureuse de cette interruption. Cela lui avait permis de se remettre les idées en place.

_ Et au moins, Rangiku-san me donnait des nouvelles chaque semaine, elle.

L'insinuation voilée déplut fortement au jeune homme aux yeux de glace. Bon sang, combien de temps allait-elle le lui reprocher ?

_ Je vous l'avais dit, Capitaine...

_ Matsumoto ! la coupa vivement Toshiro. Pars ou je te refroidis avec Hyorinmaru !

Rangiku posa son regard bleu sur Karin en lui souriant tristement.

_ Ce n'est pas grave, Rangiku-san, l'apaisa la brune. On se verra plus tard, quand j'en aurai fini avec l'autre imbécile.

Rassurée, la shinigami partit non sans lui faire un signe de main et l'encourager. En tournant la tête vers le jeune capitaine, Karin comprit pourquoi Rangiku n'avait pas répliqué. Toshiro était à bout et la petite réflexion qu'elle avait lancé n'avait pas été pour arranger les choses. Mais ce n'était pas ça qui allait effrayer la jeune fille et elle n'attendit pas pour lui envoyer froidement :

_ Tu étais obligé de la renvoyer de cette façon ? Elle ne faisait rien de mal !

_ Elle me dérangeait, voilà tout, répondit Toshiro sur le même ton.

La Kurosaki sentit l'atmosphère de la pièce se refroidir rapidement et comprit que c'était le jeune homme le responsable. Elle sentait sa pression spirituelle augmenter en intensité et commença à ressentir les effets du froid.

_ Si je veux avoir froid, je peux descendre dehors... Pas la peine de transformer ma chambre en congélateur, le tança-t-elle en le pointant du doigt.

Elle inspira profondément et balança, non sans mesquinerie :

_ C'est moi ou tu es devenu détestable ?

Toshiro écarquilla brusquement ses yeux turquoises en entendant la remarque de sa meilleure amie. Il est vrai qu'il n'avait pas vraiment fait preuve de tact envers sa vice-capitaine mais cela ne concernait pas Karin. Et de toute manière, Rangiku en avait l'habitude et ne lui en voulait jamais longtemps.

_ La façon dont je me comporte avec Rangiku ne te regarde pas et de toute façon, on ne parlait pas de ça, trancha le jeune homme.

_ Ah oui, c'est vrai, ironisa l'adolescente en croisant ses bras sur sa poitrine. On parlait du fait que tu n'as pas donné signe de vie pendant quatre ans, j'avais oublié...

Si elle disait qu'il était devenu détestable, elle devrait se regarder dans un miroir, songea Toshiro avec irritation. Elle ne s'était pas améliorée, elle non plus.

_ A moins que tu t'en fous de moi et que tu as préféré couper les ponts pendant quelques temps ? Qui sait ce que...

_ Arrête ça, Karin ! explosa le capitaine de la Dixième Division. Tu crois que je ne me le reproche pas assez comme ça ?

Devant l'explosion de colère du shinigami, Karin était muette de stupeur. Jamais elle ne l'avait vu aussi hors de lui. Elle reconnaissait l'avoir provoqué mais elle était arrivée au résultat qu'elle désirait plus vite que ce qu'elle avait prévu.

De son côté, Hitsugaya tentait de contrôler sa colère tant bien que mal. Mais sa pression spirituelle menaçait de céder sous le coup de l'émotion. Décidément, la jeune fille avait toujours la rancune aussi tenace. Et dire qu'il avait espéré ne pas en être la victime, autrefois. C'était raté, c'est le moins que l'on puisse dire. Il soupira profondément en baissant la tête. Comment réussir à la calmer ? Son cœur ne pouvait supporter d'être haï à ce point par Karin.

_ Quel genre d'homme crois-tu que je sois ? Penses-tu réellement que je me fiche complètement de toi ?

La souffrance contenue dans la voix de Toshiro fit monter les larmes aux yeux de la brune. Elle ne savait plus quoi penser. Pendant ces dernières années, elle avait cru qu'il ne voulait plus la voir et qu'il se fichait totalement de ce qu'elle devenait par sa faute. Mais Karin ne pensait pas que Toshiro lui mentait, la sincérité apparaissant dans ses prunelles de glace était flagrante.

Karin reprit sa place sur son lit mais resta au bord. Décidément elle était bien faible, se dit-elle sombrement. Le pouvoir que Toshiro Hitsugaya avait sur elle n'avait pas diminué avec les années, il s'était même accentué. Elle sentit deux mains se poser sur les siennes et plongea son regard dans celui turquoise du shinigami. Sa douleur faisait écho à la sienne.

_ Tu ne peux pas savoir à quel point je m'en veux... souffla-t-il en baissant son regard sur leurs mains entrelacées. Je sais que rien ne t'oblige à le faire, mais je te demande tout de même pardon, Karin.

Le jeune capitaine s'était agenouillé devant l'adolescente qui ne pipait mot depuis un moment. Il ne savait pas du tout ce à quoi elle pouvait bien penser mais il espérait qu'il n'était pas trop tard pour leur amitié.

_ Je sais que tu es sincère, Toshiro, mais franchement, je ne sais plus quoi penser de tout ça, murmura Karin dans un souffle.

À ces mots, Hitsugaya leva la tête et plongea ses yeux turquoises dans ceux de son amie. Il fut instantanément happé par la profondeur de ses prunelles sombres comme la nuit. Il posa doucement sa main sur la joue de Karin et la peau était encore plus douce qu'il ne l'avait imaginé. Toshiro ressentit des picotements dans tout son corps mais il les ignora pour essuyer les larmes qui coulaient sur les pommettes de la jeune fille.

En sentant la main du capitaine sur sa joue, Karin ne put s'empêcher de fermer les yeux. L'émotion était trop forte pour qu'elle puisse la contenir et des gouttes d'eau salées se mirent à descendre le long de ses joues pour finir leur course dans les doigts de Toshiro.

_ Pourquoi ?

_ Quoi ? s'étonna-t-il en continuant son geste.

_ Pourquoi m'as laissée seule pendant tout ce temps ? Et cette fois, je veux la vraie raison.

La perspicacité de la jeune fille l'étonnerait toujours. Elle avait senti qu'il ne lui avait pas tout dit à propos des raisons de son absence. Mais il ne fallait pas qu'il lui dise ou il aurait de sérieux problèmes et elle aussi. Il retira sa main et tenta de se relever mais il fut retenu par Karin, qui agrippait la manche de son uniforme.

_ Tu te fais des idées, lâcha-t-il en tentant d'être le plus convaincant possible. Je te l'ai déjà donnée, la vraie raison...

_ Je ne crois pas, non.

La brune leva les yeux au ciel devant le mensonge flagrant de Toshiro. Pourquoi ne lui disait-il pas la vérité ? Avait-il... peur ? Non, pas possible.

_ Si tu m'as dit la vérité, pourquoi fuis-tu mon regard ?

Hitsugaya retint un hoquet de surprise. Il ne s'en était même pas rendu compte... Décidément, le fait de se retrouver face à elle lui faisait complètement perdre les pédales ! Il fallait vraiment qu'il se reprenne.

_ Tu veux une réponse ? lança narquoisement le jeune homme aux cheveux d'argent.

Tout en parlant, Toshiro se rapprocha de plus en plus de Karin et le parfum de sa peau l'enivrait au plus haut point. Il ferma un bref instant les yeux puis les rouvrit aussitôt en posant son front sur celui de la jeune fille.

L'intensité contenue dans les prunelles turquoises du shinigami fit rougir la brune qui ne savait plus où se mettre. Mais qu'est-ce qu'il était en train de faire ?

_ Mais qu'est-ce que tu fabriques, Toshiro ? s'impatienta la Kurosaki en le foudroyant de son regard noir.

Elle voulut s'éloigner de lui mais le capitaine la retint et la maintenait fermement contre lui. Karin sentait des papillons virevolter dans son ventre et son corps brûlait à chaque contact de la main d'Hitsugaya sur elle. Son souffle froid lui faisait perdre la tête mais elle devait résister, elle n'était pas aussi faible que ça, bon sang ! Son trouble était si intense qu'elle sentit ses jambes se dérober sous elle. Toshiro la rattrapa avant qu'elle ne s'affaisse sur le sol.

_ Qu'est-ce qui te prend, enfin ? Je ne te reconnais plus, tu es bizarre... Peux-tu me di...

L'adolescente ne put achever sa phrase car le capitaine de la Dixième Division avait capturé ses lèvres dans un baiser passionné. Les yeux écarquillés, la jeune fille ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Elle était aux portes de l'inconscience, seules existaient les lèvres de Toshiro sur les siennes. Karin posa timidement sa main entre les omoplates du shinigami et ferma les yeux, approfondissant le baiser.

Les sensations qui envahissaient le corps du jeune homme étaient vraiment dévastatrices. Jamais il n'aurait cru qu'un simple baiser pouvait être aussi troublant. Peut-être que c'était dû à Karin, tout simplement. Il ressentait des picotements tout le long de sa colonne vertébrale et son corps commençait doucement à s'échauffer. Il rompit le baiser à cause du manque d'oxygène et plongea ses prunelles turquoises dans celles sombres de la jeune fille.

_ Tu comprends maintenant ? souffla-t-il en caressant sa joue de son doigt. Je ne pouvais rien te dire avant et c'est pour ça que je ne pouvais pas venir te voir...

Karin était toute retournée. Elle ne s'attendait vraiment pas à ce que Toshiro l'embrasse, et surtout de cette manière. Elle peinait encore à reprendre son souffle. Les joues rouges, la jeune fille partit s'asseoir sur son lit en espérant calmer les battements effrénés de son cœur si elle s'éloignait un peu de lui.

_ Mais enfin, tu sais aussi bien que moi que les relations entre les humains et les shinigamis sont interdites... C'est même toi qui m'en a parlé,lui rappela la brune en serrant ses bras contre elle.

_ Ton frère et ton père sont des shinigamis, donc tu n'es pas une humaine ordinaire, répliqua Toshiro en prenant place à côté d'elle. Et puis de toute façon, que ce soit autorisé ou non ne change rien à la situation et tu le sais.

Certes il avait raison mais après ? Karin aimait Toshiro, elle en était certaine mais elle savait aussi que lui étant un shinigami, leur amour n'était pas possible dans l'état actuelle des choses. Devait-elle le repousser pour le sauver ? En aurait-elle seulement la force ?

Le capitaine prit la main de la jeune fille dans la sienne tout en songeant aux obstacles qu'il leur faudrait traverser. Nul doute que la Chambre des 46 allait interdire leur relation mais Toshiro était prêt à se battre pour être avec celle qu'il aimait. Il ignorait encore la manière dont il allait s'y prendre.

Soudain la porte de la chambre de Karin s'ouvrit et Ichigo pénétra dans la pièce à reculons. Son visage exprimait la stupéfaction en voyant leurs deux mains enlacées. Heureusement qu'il n'était pas entré plus tôt sinon son frère aurait eu une crise cardiaque, se dit Karin avec soulagement.

_ Karin, je croyais que tu devais te reposer mais je vois que Toshiro est avec toi...

_ C'est Capitaine Hitsugaya pour toi, Kurosaki ! gronda le shinigami en serrant les poings.

_ Pas quand je te vois prendre la main de ma sœur, répliqua le roux en avançant un peu.

Ces deux-là s'entendaient toujours aussi bien, songea Karin avec amusement. Pas un pour rattraper l'autre.

_ On dirait deux gamins dans une cour de récré, je vous jure, soupira la jeune fille sur un ton narquois. Vous avez quel âge, franchement ?

La voix de Karin stoppa net la dispute entre les deux shinigamis qui se tournèrent pour la regarder. Elle réprimait un sourire moqueur en voyant l'expression interloquée de leur visage.

_ Vous vous ressemblez plus que ce que vous croyez, en fait.

_ Ça va pas non ? firent-ils en chœur.

_ Qu'est-ce que je disais...

Là, Ichigo et Toshiro comprirent enfin qu'elle se moquait d'eux depuis le début. Ils se regardèrent alors en soupirant, se disant qu'ils étaient ridicules de s'être faits prendre au piège.

Quelques minutes plus tard, Ichigo était assis en face de Karin et Toshiro se tenait devant la fenêtre, regardant les flocons de neige tomber doucement sur le sol.

_ Dis Toshiro, commença Ichigo en croisant les bras. Qu'est-ce que tu viens faire dans le monde des humains ?

La capitaine Hitsugaya se retourna à cette question et regarda le frère de sa bien-aimée dans les yeux.

_ Tout ce que je peux te dire, c'est que Matsumoto, Abarai et moi avons été envoyés sur Terre mais j'ignore encore pourquoi.

_ Aucune raison particulière, alors ?

_ Pas jusqu'à maintenant, en effet, confirma Toshiro. Je dois avouer que c'est étrange quand même...

Ichigo était d'accord avec lui : la Soul Society n'envoyait pas un capitaine et deux vices-capitaines dans le monde des humains sans une menace sérieuse. Et il arrivait très bien à s'en sortir avec les quelques Hollows qui apparaissaient dans Karakura. Il n'y en avait pas plus que d'habitude, alors pourquoi ?

_ Ça ne serait quand même pas... ?

Toshiro avait de comprendre de quoi il retournait. Il allait la tuer !

_ Matsumoto, qu'est-ce que tu as foutu, bon sang ?

Les deux Kurosaki ne comprenaient pas la soudaine colère du jeune capitaine. Soupçonnait-il Rangiku d'avoir manigancé quelque chose à son insu ? En même temps, de la part de Rangiku Matsumoto, plus rien n'étonnait Ichigo. Il commençait à bien la connaître depuis le temps et il savait qu'elle était parfaitement capable de comploter quelque chose afin de permettre à Karin et Toshiro de se revoir.

Et d'ailleurs, en parlant d'eux, qu'est-ce qui pouvait se tramer entre ces deux-là à son insu ? Malheureusement, il avait peur d'avoir saisi. S'aimaient-ils ? C'était fort possible.

Karin observait son frère du coin de l'oeil. Son regard noisette la fixait intensément, comme s'il essayait de lire en elle. Cela la mettait quelque peu mal à l'aise.

_ Bon, maintenant vous allez me dire ce qui se passe entre vous.

La phrase du shinigami remplaçant jeta un froid dans la pièce. L'expression du visage Karin lui signifia qu'il avait vu juste.

_ Vous êtes amoureux, c'est ça ?

C'était plus une affirmation qu'une question. La perspicacité d'Ichigo étonna le capitaine Hitsugaya. Le jeune homme n'était pas réputé pour savoir repérer les sentiments des autres. Comme quoi, même un idiot pouvait changer en mieux.

_ Vous aller me laisser faire la conversation tout seul comme un crétin ou quoi ? s'énerva le roux.

_ C'est une bonne idée, tiens, se moqua sa jeune sœur en souriant.

_ Pour un idiot comme toi, ça me semble approprié, renchérit Toshiro sans le regarder.

Une veine battit sur la tempe du frère de Karin et il serra les poings pour résister à l'envie de frapper Toshiro.

_ Vous avez fini de vous payer ma tête, oui ?

_ Ichi-nii, tu es tellement prévisible...

Karin se leva et posa ses deux mains sur les épaules de son aîné en soupirant.

_ Orihime-chan n'a pas dû apprendre à contrôler ta colère parce que tu n'es vraiment pas doué pour ça.

La brune avait raison, il fallait vraiment qu'il apprenne à se contrôler. Il était un adulte, à présent.

_ Désolé, petite sœur. Je suis un peu tendu, en ce moment.

Ichigo soupira pour évacuer toute sa frustration et posa ses yeux noisettes sur Toshiro qui se tenait toujours devant la fenêtre, sans les regarder. Puis il prit la parole sur un ton empreint d'amertume et de souffrance :

_ Tu sais Kurosaki, je n'ai pas choisi de tomber amoureux de ta sœur, tout comme elle n'a pas choisi de m'aimer. C'est ainsi et on n'y peut rien mais sache une chose : je ferai tout pour qu'elle soit heureuse, quitte à disparaître de sa vie pour de bon.

_ Non, Toshiro ! Tu...

_ Laisse-moi finir, Karin, la coupa-t-il gentiment. Il faut qu'il sache, c'est ton frère après tout...

Le capitaine Hitsugaya fit face à Ichigo avec toute la détermination dont il avait toujours fait preuve. Dans ses prunelles de glace brillait un éclat peu commun que le roux ne lui avait jamais vu, depuis qu'il le connaissait.

_ Je suis prêt à tout, tu sais comment je suis quand j'ai pris une décision, non ?

_ Ouais, je sais, acquiesça le remplaçant en soupirant. Mais ça m'étonnerait que là-haut, ils acceptent facilement.

Ichigo fronça les sourcils et pointa Toshiro du doigt en le fixant.

_ Pour le bonheur de ma sœur, je suis prêt à vous aider, vu qu'ils m'en doivent pas mal... mais à une condition.

_ Laquelle ? s'enquit Karin nerveusement.

Son frère aîné inspira profondément avant de donner sa réponse. Un bref sourire apparut sur ses lèvres et il posa sa main sur la tête de l'adolescente.

_ Je te préviens, Toshiro : si ma sœur est malheureuse à cause de toi, tu peux être sûr que tu me le paieras très cher.

_ Ichi-nii ! protesta la jeune fille.

_ C'est d'accord, assura la capitaine en tendant sa main.

Ichigo la serra puis sortit de la chambre après un dernier regard d'avertissement en direction du jeune homme aux yeux de glace.

Une fois la porte refermée, Toshiro laissa échapper le soupir de soulagement qu'il retenait depuis quelques secondes. Même s'il n'était que shinigami remplaçant, Ichigo Kurosaki savait être intimidant – surtout quand le bonheur de ses sœurs était en jeu.

_ J'y crois pas ! s'exclama Karin abasourdie. Mon frère nous a donné son accord, je ne comprends plus rien !

_ Ton frère est impossible à comprendre, tu le sais aussi bien que moi, dit Toshiro en lui souriant légèrement.

Le capitaine de la Dixième Division prit tendrement les mains de Karin dans les siennes et l'attira à lui. Il n'arrivait plus du tout à se passer de sa présence. Comment avait-il pu y renoncer durant quatre longues années ? Il n'avait pas la réponse mais une chose était sûre : jamais plus il ne pourrait vivre sans elle. Toshiro sentait le souffle chaud de la jeune fille dans son cou et son cœur se mit à battre la chamade. Elle était là, dans ses bras, c'était tout ce dont il avait besoin pour avancer. Il posa doucement ses lèvres sur la joue de la brune et remarqua le frisson qu'elle tentait de lui cacher.

À souffler le chaud et le froid comme il le faisait, Toshiro allait la rendre folle. Mais jamais Karin ne s'était sentie aussi bien depuis plusieurs années. Elle se savait à sa place dans les bras du shinigami. Elle se blottit tout contre lui et releva légèrement la tête pour rencontrer les yeux turquoises du jeune homme. La brune pouvait lire dans le fond de ses prunelles l'intensité des sentiments qu'il lui portait et cela la rendit toute chose. Décidément, il savait comment la faire chavirer avec un simple regard...

La glace se fondit dans les ténèbres et trois mots sortirent du plus profond de leur cœur dans un souffle.

_ Je t'aime.

Après quatre années de séparation, après quatre années de souffrance, ces deux âmes-sœurs étaient enfin réunies. Il scellèrent leur amour dans un baiser en se promettant que, quoi qu'il puisse arriver à présent, rien ni personne ne pourrait les séparer.

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