Sentiments et Ressentiments

Chapitre 2 : Chapitre 1 - Deux ans après...

7052 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 02:45

Chapitre 1 : 2 ans après...

 

C'était la fin de l'hiver en fin d'après-midi et Karin grelottait dans sa petite maison non chauffée. Elle avait posé une maigre couverture sur ses épaules tremblantes. La jeune fille n'avait plus la force de se lever... Elle était allongée sur son lit et rêvait de son dernier repas correct. Depuis que sa mère n'était plus de ce monde – il y avait deux ans que ce drame était arrivé -, les jours étaient de plus en plus difficiles à vivre.

Très souvent, pour se donner du courage, elle repensait au jeune homme qu'elle avait vu, un peu après la mort de sa mère. Karin avait perçue, non sans surprise, de l'inquiétude dans sa voix. Or les nobles, en temps normal, ne s'inquiétaient pas pour les pauvres gens comme elle qui avaient du mal à manger à sa faim.

Soudain, la jeune paysanne entendit du bruit devant chez elle. Elle espérait que ce n'était pas les hommes du village qui la harcelaient depuis la mort de sa mère. Karin n'avait pas idée de ce qu'ils voulaient faire d'elle mais elle se doutait que ce n'était pas vraiment pour l'aider.

Karin ? T'es là ? fit une voix dont elle reconnut immédiatement le propriétaire.

Il s'agissait en effet de Ichigo Kurosaki, son demi-frère. En effet, un mois après que sa mère avait quitté ce monde, elle apprit qu'elle avait un demi-frère quand il était venu frapper à sa porte, lui ayant tout expliqué, avec preuves à l'appui.

Oui, je suis là, répondit-elle d'une voix faible.

Ne bouge pas, j'entre, annonça son frère d'une voix autoritaire.

Habituellement, elle ne l'aurait pas laissé lui parler de cette manière mais la jeune fille était trop affaiblie pour protester.

Quand Ichigo vit sa sœur allongée sur le lit, il s'approcha rapidement d'elle. Karin tenta de se relever un peu mais en vain.

Tu sais, petite sœur.... commença Ichigo.

Ah non ! Tu ne vas pas recommencer à me dire de venir vivre avec toi et ta femme ! s'énerva instantanément la jeune fille en se levant d'un seul coup pour faire face à son frère. Ça fait deux ans que tu me le sors !

Et qu'est-ce qui t'en empêche, Karin ? demanda-t-il calmement. Tu sais très bien qu'Orihime est d'accord pour te prendre avec nous...

Karin soupira, perdue. Elle ne savait que trop que sa belle-sœur avait accepté de la prendre chez elle. Mais pour une fille fière comme elle l'était, cela lui pesait beaucoup d'accepter la charité de son frère.

Tu gagnes quoi à toujours refuser comme tu le fais ? s'impatienta le jeune homme. Tu t'affaiblis de jour en jour et franchement, j'en ai assez ! Est-ce que tu sais ce je peux ressentir à te voir comme ça ?

Je ne sais pas, Ichi-nii, lui répondit-elle, soupirant encore une fois.

À chaque fois que sa petite sœur l'appelait ainsi, il se sentait heureux. Le jeune homme voulait juste l'aider à mieux vivre. Quoi de plus normal pour un grand frère protecteur ?

Tu n'as pas à avoir peur, tu sais, la rassura-t-il plus calmement, un léger sourire aux lèvres. Je serai toujours là pour te protéger, tu le sais, non ?

Il fit asseoir Karin sur son lit et s'agenouilla devant elle en prenant ses mains dans les siennes :

En plus, j'ai largement assez de place chez moi pour t'accueillir, déclara-t-il, une lueur de persuasion dans le regard. Si c'est du duc que tu as peur, il ne faut pas. Il est différent des autres nobles qui se sentent supérieurs aux autres, il est humble et même prêt à rendre service.

Ichigo se releva et ajouta, comme pour achever de la convaincre :

Il a même fait agrandir ma maison, sans que je lui demande car Orihime est enceinte et il a ajouté trois chambres, donc tu pourras en prendre une pour toi, Karin... Alors accepte, je t'en prie ! Je ne supporte plus de te voir mourir de faim !

Deux choses avaient retenu l'attention de Karin, tandis que son frère lui parlait : d'abord son frère allait être papa et ensuite que le duc était différent des autres nobles... Elle ne savait plus quoi faire... Il fallait qu'elle fasse le point et son épuisement ne l'y aidait pas.

La jeune fille se dirigea vers son frère et lui tapa l'épaule avec toute la force qui lui restait.

Pourquoi tu as fait ça, petite sœur ? demanda Ichigo, interloqué.

Tu aurais pu me dire avant que j'allais être tata, le tança-t-elle gentiment avec un large sourire sur les lèvres qui cachait très mal sa fatigue extrême.

Soudain son sourire s'évanouit. Un vertige s'empara d'elle, tout à coup, et la jeune paysanne luttait pour rester debout. Cependant son frère, inquiet par le silence soudain de Karin, se tourna vers elle et l'attrapa de justesse avant qu'elle ne chute brutalement sur le sol.

Karin, tu m'entends ? s’inquiéta encore plus Ichigo, car sa sœur avait sombré dans l'inconscience.

Le jeune homme la porta jusqu'à son lit en la trouvant vraiment trop frêle, où il la déposa délicatement. « Franchement, Karin, arrête de lutter comme ça, tu vois bien que tu es trop faible pour faire quoi que ce soit » songea tristement Ichigo, restant aux côtés de sa sœur. « Qu'est-ce que tu vas gagner à refuser mon aide obstinément, comme tu le fais ? Tu vas mourir de faim ! Et ça c'est trop dur à supporter pour moi ! » s'énerva-t-il, in petto, tentant de réprimer ses larmes de frustration.

Quelques minutes plus tard – qui parurent interminables pour Ichigo, Karin gémit faiblement dans sa semi-inconscience et ouvrit les yeux pour voir son frère penché au dessus d'elle, avec une lueur d'inquiétude qui assombrissait son regard noisette.

- Alors petite sœur, tu es enfin revenue à toi ? soupira Ichigo, refoulant son intense soulagement.

Je... crois que... oui, articula faiblement la jeune fille, encore dans le brouillard. Ichi-nii, lâcha-t-elle dans un soupir, peux-tu m'aider à me redresser ? Je n'y arrive pas toute seule...

Attends une seconde, tu vas manger quelque chose pour te redonner des forces avant, lui annonça son frère. Tiens, fit-il en lui tendant une assiette de pommes de terre cuites qu'il avait trouvé dans un coin de la pièce, à côté de la fenêtre.

Ichigo avait rajouté du sel pour donner un peu de goût. Karin prit l'assiette avec reconnaissance et mangeait doucement, pour ne pas se rendre malade.

Merci, souffla Karin, prise de vertiges de nouveau.

Son frère lui sourit sans lui répondre.

Une fois l'assiette vide, Ichigo la lui prit et la mit dans le bac pour faire la vaisselle. « Elle a repris un peu de couleurs, heureusement » pensa-t-il, faisant mine de réfléchir.

Tu as meilleure mine, petite sœur...

Karin, ayant récupéré des forces, se leva doucement et se dirigea vers la fenêtre qui donnait dans son jardin. « La neige recouvre entièrement le jardin de Maman », se dit-elle tristement.

Soudain la jeune fille dressa l'oreille en direction de la porte d'entrée. En effet, elle avait entendu du bruit venant de l'extérieur. Karin n'était pas rassurée, elle ne reconnaissait pas ce son, elle ne l'avait jamais entendu... Qu'est-ce que cela pouvait être ?

Ayant entendu lui aussi l'agitation devant la maison de sa sœur, Ichigo lui intima de ne pas bouger alors qu'il allait voir de quoi il s'agissait. À sa grande stupeur, il s'aperçut bien vite qu'il s'agissait de son seigneur, le jeune duc Toshiro Hitsugaya, le cousin de Sa Majesté le Roi ! Il ignorait complètement la raison de sa visite impromptue. Et surtout comment avait-il su qu'il se trouvait précisément à cet endroit ? Vraiment, quelle étrange coïncidence...

Il vit un valet descendre du carrosse et venir frapper à la porte de Karin.

Attends-moi ici, Karin, je vais voir...

Tandis que Karin acquiesçait, ne sachant que penser, elle vit son frère sortir et s'incliner devant un jeune homme qui venait de descendre du carrosse. Puis, elle eut comme une sorte de flash quand elle vit ses yeux turquoises... Turquoises !

Ce jeune homme ! Karin n'en revenait pas ! Le noble qui l'avait aidée autrefois et le duc ne faisaient qu'un ! Elle le dévisagea, cachée derrière sa petite fenêtre, hypnotisée par ses yeux turquoises et ses cheveux d'argent. Il n'avait pas changé. Mais il y avait peu de chance qu'il la reconnaisse. La jeune fille se mit à écouter – non sans mauvaise conscience – ce qui se disait dehors.

- Alors, Kurosaki, avez-vous retrouvé votre petite sœur ? s'enquit le jeune duc, curieux de connaître cette sœur dont il avait souvent entendu parler.

Oui, c'est chose faite, Votre Grâce, répondit respectueusement son grand frère, en se relevant au signe de son seigneur. Et elle accepte même de venir vivre avec moi...

Quand Karin entendit ces mots, elle étouffa une exclamation de surprise. Elle n'avait rien accepté du tout !

J'en suis heureux pour vous, mon ami, je sais combien vous vous inquiétiez pour elle, ajouta-t-il, une lueur de soulagement dans le regard.

La brune n'en croyait pas ses oreilles. Un duc – différent du commun des mortels – avait appelé son frère son ami ! Elle se décida à sortir pour enfin se présenter convenablement à son sauveur. Ichigo la vit et lui prit la main, pour la rassurer :

Votre Grâce, je vous présente ma petite sœur, Karin Kurosaki, annonça Ichigo en voyant sa sœur faire une révérence pour saluer le duc.

Enchanté de vous rencontrer, jeune demoiselle, fit Toshiro en s'inclinant devant elle.

Moi de même, Votre Grâce, fit Karin, un sourire timide aux lèvres en exécutant une révérence.

Ichigo était rassuré en voyant l'état de sa jeune sœur. Elle semblait être en meilleure forme qu'avant. Mais il la sentait un peu bizarre, il avait cru avoir vu ses lèvres trembler alors qu'elle baissait la tête. Serait-ce une illusion ? Il verrait bien plus tard. Cependant, ce n'était pas le genre de sa cadette de montrer ainsi ce qu'elle éprouvait, son frère ne le savait que trop.

Karin, en tout cas, ressentait de la tristesse et une autre émotion – qu'elle ne saurait définir – l'envahir en constatant que son sauveur l'avait oubliée... Elle ne savait que dire... La jeune fille jeta un coup d’œil dans la direction de son frère et remarqua qu'il avait vu son émotion. Elle se mit alors à regarder le sol, en se sentant ridicule de réagir de cette manière. Pourquoi être déçue ? Elle devait s'y attendre, un noble comme lui ne pouvait qu'oublier une jeune fille comme elle. La jolie brune se reprit et afficha une mine neutre en posant ses yeux noirs sur le cheval du duc.

Ichigo se demandait se qui se passait dans la tête de Karin, par moment. Pendant un instant, on aurait dit qu'elle allait pleurer et là elle faisait comme si rien ne s'était passé. Pourquoi cet étrange comportement ? « Elle me cache quelque chose, une chose qui aurait un rapport lointain avec le duc... Peu probable » songea-t-il fixant sa cadette des yeux.

Karin, ça va ? fit-il sans la quitter du regard. Tu es bizarre...

La jeune paysanne poussa un soupir, elle se serait bien passée de cette question. Mais connaissant Ichigo, il ne lâcherait pas l'affaire tant qu'elle ne lui aurait pas répondu. Donc il lui fallait le faire même si elle n'en avait aucune envie.

Oui, ne t'en fais pas, Ichi-nii, soupira Karin en levant la tête vers son frère. Je me rappelai simplement des souvenirs douloureux, c'est tout,expliqua-t-elle d'une voix lasse. Même si je m'en serais bien passée, c'est vrai...

La jeune fille sentit des larmes affluer dans ses yeux donc elle baissa rapidement la tête car elle ne voulait pas que les deux hommes voient ses larmes couler sur ses joues. Mais trop tard... Son frère se rapprocha d'elle et la serra contre lui. Devant cette scène, le duc se sentit un peu de trop.

Tu veux en parler ? s'enquit Ichigo d'une voix douce tandis qu'elle se cachait le visage contre le torse de son frère.

Celle-ci secoua la tête, refusant d'en parler. Le duc s'approcha lentement d'elle et déclara d'une voix d'où ne perçait aucune émotion :

Vous devriez en parler à votre frère, vous savez, cela vous ferait du bien je pense.

Merci Votre Grâce, répliqua Karin en se tournant vers lui. Mais c'est passé, tout va bien.

T'en es sûre ? insista son frère.

Karin répondit par un hochement de tête positif. Elle retenait ses larmes avec peine. La jeune fille ne voulait plus pleurer devant le duc, cela ne se faisait pas. Pourtant, elle avait décidé de ne plus pleurer pour quoi que ce soit, après la mort de sa mère. Alors pourquoi cette envie incessante de le faire ? Karin ne voulait plus être faible pour qu'on ne s'inquiète plus pour elle. Elle devait devenir forte. Tenant fermement cette résolution, la jeune fille se tourna vers son frère en le regardant dans les yeux. Ce fut avec un sourire fragile qu'elle lui répondit :

Oui, c'est bon.

Toshiro la regarda, tandis qu'elle parlait avec son frère.. Ses yeux pleins de larmes lui avaient fait penser à un ciel étoilé... Sans savoir comment c'était arrivé, il était ému par cette jeune fille, lui qui ne ressentait jamais rien. Sa peine avait quelque chose qui lui rappelait la sienne et il se sentit moins seul. Il voulait la connaître davantage mais il ne devait pas, se reprit-il. Une chose importante l'en empêchait. Et cette jeune fille trop pure et innocente souffrirait par sa faute car il se doutait qu'elle s'attacherait à lui plus qu'il ne le fallait. Et lui aussi.

Je pense qu'il est temps pour moi de m'en aller, annonça soudain Toshiro. Je suis attendu au château en début de soirée.

Bien Votre Grâce, acquiesça son régisseur. Avez-vous besoin de moi ?

Non Kurosaki, restez avec votre sœur, elle a besoin de vous, refusa diplomatiquement le duc en posant un regard appuyé sur la jeune fille.

Comme vous voudrez.

Je vous souhaite une bonne fin de journée, fit Karin en exécutant une révérence tandis que le jeune seigneur montait dans son carrosse.

Merci, de même.

Après ces derniers mots, les chevaux commencèrent à avancer. Jusqu'à ce que le carrosse ne fut plus en vue, Karin ne le quitta pas des yeux car il emportait son sauveur.

Bon maintenant que le duc est parti, tu m'expliques Karin ? J'aimerais bien savoir ce qui se passe, exigea son frère en croisant les bras sur sa poitrine.

Karin soupira en fermant la porte de sa maisonnette derrière elle. Elle se doutait fortement qu'il allait lui poser la question mais elle choisit de faire l'ignorante.

De quoi tu parles, Ichi-nii ? fit-elle mine de s'étonner.

La jeune fille partit s'asseoir sur son lit non sans entendre le soupir exaspéré de son aîné. Elle savait qu'il allait réagir comme ça. Mais elle ne pouvait pas lui dire, pas maintenant.

Ne fais pas la maligne avec moi, Karin, s'impatienta-t-il en s'approchant d'elle. Tu sais très bien de quoi ou plutôt de qui je suis en train de parler.

J'ai juste pensé à Maman et combien elle me manquait, c'est tout, dit-elle d'une voix entrecoupée de sanglots qu'elle ne parvenait pas à maîtriser.Et je pense aussi à Yuzu, elle me manque, tu sais...

Yuzu était la sœur jumelle de Karin, son aînée de quelques heures. Quelques mois avant la mort de leur mère, elle avait quitté le petit village pour travailler dans un château en tant que soubrette. Elle leur envoyait de l'argent quand elle le pouvait pour les aider à mieux vivre. Mais Karin n'avait plus de nouvelles de sa sœur aînée depuis plus de deux mois et elle commençait à s'inquiéter sérieusement.

En voyant la réelle détresse de sa jeune sœur, Ichigo s'en voulut. Il ne voulait pas la faire pleurer. Mais ce qu'il ne comprenait pas c'était la raison pour laquelle elle avait réagi de façon étrange devant son jeune seigneur. Et il le saurait, même si cela prendrait du temps. Et pourquoi était-elle si sensible ? Cela ne lui ressemblait absolument pas. Peut-être un trop plein d'émotions qui ne demandait qu'à sortir...

Elle n'a toujours pas donné de nouvelles ? s'inquiéta soudain Ichigo.

Non aucune.

Karin soupira et parvint enfin à se calmer. Ichigo avait abandonné l'idée de la questionner pour le moment mais elle savait que ce n'était que partie remise. Il n'était pas homme à oublier facilement. Elle sentait son regard noisette peser sur elle et il savait qu'elle détestait ça. Elle le foudroya de ses yeux sombres en grinçant :

Arrête de me fixer comme ça, Ichigo.

Le ton présent dans la voix de sa sœur cadette alerta immédiatement le jeune roux. Il savait qu'elle n'aimait pas être observée de la sorte mais il ne pouvait pas s'empêcher de se poser des questions.

Tu n'as qu'à me dire ce qui se passe et j'arrêterai, répliqua-t-il sérieusement.

Je n'ai rien à dire, trancha la jeune paysanne d'un ton sec. J'en parlerai quand j'en aurai envie et pas avant.

Le caractère de Karin ne s'était pas bonifié avec l'âge, c'était certain, songea le jeune homme amusé. Il se rapprochait de plus en plus du sien. Ce n'était pas une Kurosaki pour rien, se dit-il fièrement. Leur père aussi était comme cela, aussi ronchon et tranchant qu'eux deux quand il était plus jeune. Mais curieusement, il s'était calmé et était devenu plus doux en vieillissant.

- Comme tu veux, mais sache que je n'abandonnerai pas, petite sœur, la prévint-il.

Ce serait trop te demander, c'est sûr, lança-t-elle moqueuse.

Soudain la jeune fille entendit Ichigo s'affairer dans la pièce. Mais elle ne put voir ce qu'il était en train de faire car elle se sentit faible et alla se coucher avant de tomber dans les pommes. « Mais qu'est-ce qu'il fait ? » s'inquiéta-t-elle. Elle ferma les yeux, ses paupières devenues lourdes.

Quelques minutes plus tard, Ichigo se dirigea vers sa sœur et constatait qu'elle s'était endormie. Décidément elle était encore bien faible, se dit-il tristement. Il la secoua pendant quelques secondes et elle ouvrit enfin les yeux.

- Qu'est-ce que tu faisais tout à l'heure ? le questionna Karin, encore un peu endormie.

Je préparais tes affaires, lui répondit-il. Tu viens avec moi aujourd'hui, je ne partirai pas sans toi, petite sœur, lui annonça Ichigo déterminé.

Quoi ? Il en est hors de question ! s'écria la jeune fille en se redressant rapidement. Je t'ai déjà dit que je ne venais pas avec toi !

Je ne te laisse pas le choix, Karin. Tu peux comprendre que j'en ai assez de te voir t'affaiblir de jour en jour ? Quel genre de frère je serais si je continuais à te laisser faire ? Dis-moi quel frère laisserait tomber sa sœur alors qu'elle ne va pas bien !

Les paroles dures d'Ichigo frappèrent la jeune fille avec force. Elle ne savait pas qu'il était autant inquiet pour elle. La colère et la tristesse transparaissait clairement dans sa voix. Karin entoura ses genoux de ses bras et baissa la tête en se sentant coupable.

La brune savait que son frère avait raison mais c'était plus fort qu'elle, elle ne voulait pas devenir un fardeau pour lui et sa femme. Il ne serait pas d'accord avec ses pensées, sans l'ombre d'un doute.

 

Du côté du duc Toshiro Hitsugaya...

Le jeune seigneur était plongé dans ses pensées confuses. Quelle était cette émotion violente qui avait fait battre son cœur en présence de la jeune sœur de son régisseur ? C'était la première fois que ce genre de chose lui arrivait et il ignorait comment le gérer. Une première pour lui qui avait emprise sur tout... Ses prunelles sombres comme une nuit sans lune ne l'avaient pas laissé indifférent.

Pourquoi un tel bouleversement dans sa vie alors qu'il allait bientôt se marier avec la femme que son père lui avait choisi ? Ce n'était vraiment pas prévu. Il fallait qu'il se reprenne et vite. « Personne ne doit le remarquer » pensa-t-il en secouant la tête. Toshiro ne savait plus où il en était et c'était vraiment frustrant pour quelqu'un comme lui. Ne plus y penser, voilà ce qu'il devait faire. Puis il sentit le carrosse ralentir, signe qu'ils étaient arrivés à destination.

Nous sommes arrivés, Monseigneur ! l'avertit le cocher.

Merci, mon brave, allez vous reposer, lui annonça Toshiro, qui désirait réfléchir avant la visite prévue de sa fiancée.

Le serviteur prit congé de son maître et le jeune duc se retrouva seul. Il monta les marches du perron où il vit la porte d'entrée s'ouvrir sur le majordome.

Des choses se sont passées durant votre absence, Monseigneur, l'informa Shin, l'air grave.

Quelles choses, Shin ? Vu l'expression de votre visage, quelque chose me dit que ce n'est pas très agréable à entendre... supposa le jeune seigneur, tandis que le majordome refermait la porte derrière son jeune seigneur.

Shin garda le silence un moment, comme pour choisir ses mots qui, il le savait, allaient changer l'humeur de son jeune maître.

En effet, Monsieur, lui confirma le majordome. Mademoiselle votre fiancée est passée pendant votre absence et veut absolument vous parler,ajouta Shin.

Il se pencha légèrement vers Toshiro et lui chuchota à l'oreille, de façon à être entendu de lui seul :

Et de vous à moi, Votre Grâce, elle m'a l'air bien remontée...

Toshiro poussa un soupir. Ce n'était pas comme s'il ne s'y attendait pas... Il confia son manteau et ses gants à son majordome qui lui indiqua que la jeune femme se trouvait dans le petit salon.

Merci, Shin, je vais aller la rejoindre, dit-il, en se dirigeant vers la pièce indiqué d'un pas lent. Veuillez nous faire parvenir des rafraîchissements, s'il vous plaît, demanda-t-il distraitement.

Bien, Monsieur, acquiesça Shin, un sourire à peine esquissé.

« Mon pauvre jeune seigneur... Sa fiancée ne le mérite pas » pensa-t-il, in petto. Il mériterait une jeune fille qui l'aimerait pour lui-même, mais ce n'était pas le cas, il faudrait faire avec. Poussant un soupir de frustration et de tristesse mêlées, le majordome alla faire porter les ordres du duc à la cuisine.

Pendant ce temps, dans le petit salon...

Une jeune femme brune, un chignon sur le haut de la tête, était assise sur le canapé, où elle attendait son fiancé. Quand elle le vit entrer, quelques minutes plus tard, son exaspération était à son comble.

Bonjour, Melle Hinamori, désolé pour mon retard, j'avais des affaires urgentes à régler, s'excusa Toshiro, hypocrite.

« Oh seigneur ! Comment vais-je tenir toute une vie à ses côtés ? » songea-t-il, désemparé. Il n'allait pas le supporter longtemps. Soudain, l'image de la sœur de son régisseur fit son apparition devant ses yeux. Pourquoi songeait-il à elle, à la fin ? Ce n'était pas du tout le moment !

Vous m'en voyez désolée, mon cher duc, répliqua-t-elle, du tac au tac. Si je suis venue vous voir, c'est pour vous parler...

Je vous écoute, mon amie, l'invita le duc.

Le jeune homme invita sa fiancée à s'asseoir sur le canapé, tandis que lui prenait place dans le fauteuil en face d'elle. Toshiro appréhendait ce que sa fiancée allait inévitablement lui annoncer, il ne voulait pas l'entendre...

 

Du côté du frère et de la sœur Kurosaki...

Un silence pesait dans la salle où ils se trouvaient. Ne supportant plus cela, Karin décida de mettre fin elle-même à ce silence de plus en plus désagréable :

Tu m'en veux de ne rien te dire, c'est ça ? demanda Karin, anxieuse. Tout ça me fait peur, je ne sais pas si je peux le gérer. Tout comme je suis effrayée de partir de la maison où j'ai vécu avec Maman et Yuzu, soupira-t-elle perdue.

Sans répondre, l'interpellé fixait sa sœur cadette, ayant de la peine pour elle. En effet, il était très difficile de quitter un endroit familier où le souvenir d'une personne disparue très chère à son cœur subsistait toujours, après plusieurs années d'absence.

C'est normal d'éprouver ceci dans ce genre de situation, Karin, déclara enfin Ichigo, après plusieurs minutes de silence qui parurent interminables à sa jeune sœur. De toute façon, tu es une fonceuse, je sais que tu y arriveras... Et non, je ne t'en veux pas du tout.

Le jeune homme aux cheveux oranges s'approcha doucement de la jeune fille perdue et posa ses deux mains sur les épaules frêles de la jolie brune.

De toute façon, je serai toujours là pour te conseiller si jamais quelque chose ne va pas, tu sais, la rassura-t-il. Ainsi qu'Orihime... Tu ne seras plus seule, tu as retrouvé une famille à présent.

Ichigo détailla sa sœur de la tête aux pieds d'un air entendu et déclara, péremptoire :

Il faudrait songer aussi à recouvrer la santé, parce tu es très faible, Karin, et je ne te laisserai pas plus longtemps dans cet état pitoyable.

A ces mots, Karin tressaillit. Elle savait pertinemment que son frère avait raison, mais c'était dur à entendre de sa bouche. La jeune fille détestait se sentir faible par-dessus tout, elle n'aimait pas qu'on la prenne en pitié... Mais, avec difficulté, elle se ressaisit pour répondre, hésitante :

Bon, j'accepte... de venir habiter... avec toi et Orihime...

Qu'il était dur pour elle de mettre sa fierté de côté de cette manière, mais Karin n'avait plus le choix. C'était soit mettre son obstination de côté et vivre au côté de son frère et sa belle-sœur ou alors la laisser prendre le dessus sur le reste et se laisser mourir de faim dans sa misérable maisonnette ouverte aux quatre vents...

Ichigo connaissait sa petite sœur mieux que quiconque : il savait à quel point c'était difficile pour Karin de faire taire son orgueil et qu'elle n'aimait pas dépendre de qui que ce soit.

Karin voyait son frère se lever et se diriger vers elle sans qu'elle ne réagisse, on aurait pu penser qu'elle était perdue dans un autre monde, plus clément... Mais, voyant qu'elle perdait pied, la jeune fille se ressaisit brusquement et interrogea Ichigo sur ce qu'il était en train de faire avec le sac qu'il avait préparé avant leur dispute.

Je vais mettre tes affaires dans le carrosse, petite sœur, annonça-t-il, l'air de rien. Tu pars avec moi aujourd'hui, Karin, répéta-t-il, en lui faisant face soudainement. Je ne peux plus te laisser ici, c'est trop dur, fit le jeune homme pour la convaincre car il sentait qu'elle trouvait toujours cela trop tôt.

Puisque je n'ai pas le choix, se résigna la jeune paysanne dans un soupir.

En effet, trancha Ichigo d'un ton ferme et définitif. Je ne peux plus rester sans rien faire à te voir mourir de faim de cette façon, fit-il en sortant de la maison avec son maigre bagage.

Karin savait que quand son frère parlait de cette manière, rien au monde – même pas sa femme – ne pourrait le faire changer d'avis. Elle se résigna donc à partir, non sans un gros pincement au cœur à l'idée de laisser derrière elle tous les souvenirs qu'elle avait avec sa mère et sa sœur.

Bon, tout est prêt, Karin, déclara son frère, un soupçon d'anxiété dans la voix. On peut y aller maintenant...

Attends, juste un instant, le pria la jeune fille, les yeux larmoyants. Je voudrais juste... dire au revoir à Maman... avant de partir avec toi...

Très bien, petite sœur, compatit le jeune homme aux cheveux roux. Je t'attendrai à l'extérieur devant le carrosse, l'informa-t-il avec un léger sourire.

Tandis que son grand frère sortait de la maison afin de mettre son peu de bagages dans le carrosse, Karin regardait tout autour d'elle en espérant avoir un signe de sa mère disparue. Un signe qui lui dirait qu'elle faisait le bon choix. La jolie brune ne savait plus où elle en était et le fait que le duc était en réalité celui qui l'avait aidée autrefois ne l'aidait pas. En effet, Karin détestait les nobles qui se moquaient de la misère des paysans comme elle, sa sœur et sa mère...

Pourquoi le duc Toshiro Hitsugaya serait-il si différent ? Mais la jeune fille ne parvenait pas à se convaincre que le jeune duc aux cheveux argentés et aux yeux turquoises puisse être comme les autres... Elle le sentait sincère dans ses paroles.

Maman, est-ce que je fais le bon choix ? Est-ce que je suis sur le bon chemin ? demanda la jolie brune à sa mère. Ai-je raison de vouloir suivre Ichi-nii ?

Soudain, Karin sentit une présence apaisante dans la pièce. On aurait que sa mère approuvait son choix...

La jeune fille entendit une voix douce et familière résonner dans sa tête :

Ma fille, ta vie est entre tes mains, fais ce que bon te semble et sache que je suis de tout cœur avec toi...

Karin serrait sa main contre son cœur, soulagée de la savoir avec elle. Avec un dernier sourire baigné de larmes, la jeune adolescente sortit de la maisonnette, avec la sensation qu'une page de sa vie était définitivement tournée.

Ichigo lui tendit la main pour l'aider à monter dans le carrosse. Une fois sa sœur installée confortablement avec une couverture sur les genoux, il grimpa à son tour, ferma la porte et fit signe au cocher que le moment était venu de partir.

La voiture se mit en marche et Karin, les larmes coulant doucement sur ses joues, regardait s'éloigner la maison de son enfance, celle où elle avait toujours vécue. Secouant la tête comme pour chasser ses sombres pensées elle tourna la tête pour regarder devant elle, pour entrevoir l'avenir qui se profilait devant ses yeux. La jeune fille ne savait pas à quoi s'attendre mais une chose était sûre : une nouvelle vie allait commencer pour elle.

Une demi-heure après, Ichigo, tout en regardant d'un air attendri sa petite sœur qui s'était endormie peu après leur départ, s'interrogeait toujours sur ce que Karin pouvait bien lui cacher. En présence du duc, ses yeux sombres avaient brillé d'un étrange éclat puis après quelques secondes, la tristesse avait remplacé cette lueur. Plus il y pensait et moins il comprenait.

À quoi est-ce qu'elle avait bien pu penser pour se sentir mal en quelques secondes ? Décidément cette histoire était de plus en plus étrange... « Karin, que me caches-tu ? » lui demanda-t-il en silence en laissant son regard errer vers le paysage enneigé.

 

Dans une maison sombre et lugubre, un homme vêtu d'une cape noire qui ne montrait rien de son visage interrogeait ses hommes.

Alors, vous l'avez trouvée ?

Sa voix d'outre-tombe fit frissonner ses interlocuteurs tandis qu'il allait s'asseoir sur son ''trône''. Cependant l'un d'eux s'avança vers lui et plaça un genou à terre en signe de respect. La réponse qu'il allait apporter à son seigneur et maître ne lui plairait pas, c'était certain.

Non toujours pas Maître, mais nous avons remarqué que le jeune Ichigo Kurosaki semblait assez impatient. Mes hommes le suivent à la trace et viendront me faire leur rapport d'ici ce soir, répondit respectueusement le jeune homme blond, craignant la colère de son maître.

Le dit maître se leva et fit les cent pas dans la pièce afin de contenir sa colère. Il se tourna brusquement vers son subordonné qui sursauta en le sentant si proche de lui.

Si demain vous ne savez toujours pas où elle se trouve, vous savez ce qui vous attend, le menaça le maître en pointant son doigt vers lui.Disparaissez !

Tandis que ses hommes prenaient congé presque en courant, le Maître retourna sur son trône et pensa à voix haute :

Où es-tu, petite Kurosaki ? Tu manques à ta sœur et elle se ferait une joie de te revoir...

Un rire machiavélique s'éleva dans la pièce. Il avait vraiment hâte de commencer le jeu.

- Ce n'est qu'une question de temps.

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