Sentiments et Ressentiments

Chapitre 11 : Chapitre 9 partie 2 - Aveux surprenants

9888 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 06:20

Chapitre 9 partie 2 : Aveux surprenants

 

Quelques heures plus tard, alors que la nuit tombait sur le château ducal, Toshiro se trouvait seul dans son bureau à ressasser tout ce qui s'était passé avec son régisseur. Décidément, c'était une journée riche en surprise ! En tout cas, le poids sur son cœur avait diminué, c'était comme une petite bouffée d'air frais.

Mais un nuage vint assombrir son humeur : il était toujours engagé envers Hinamori et s'il ne parvenait pas à prouver ses hypothèses, il était condamné à l'épouser. Il vivrait pour toujours avec une femme qu'il ne pourrait jamais aimer, quelle triste vie.

Puis la fameuse cachette de son père lui revint en mémoire. C'était le moment idéal pour ouvrir la boîte qu'elle contenait vu que le duc était seul. Les domestiques étaient rentrés chez eux, pour la plupart, il ne prendrait donc pas trop le risque d'être dérangé.

Sur cette pensée, Toshiro se leva de sa chaise et se mit devant le portrait de son défunt père. Il le contempla quelques secondes, puisant ainsi du réconfort et de la force dans les yeux si semblables aux siens. Le jeune duc sentait sa présence tout autour de lui, comme si son père lui donnait son accord.

_ Père, que dois-je faire ? chuchota-t-il en touchant la dorure qui décorait le cadre. J'aime une femme mais je suis fiancé à une autre.

Le duc Hitsugaya soupira et baissa les yeux sur ses chaussures. Comment était-il censé protéger celle qu'il aimait ? « En faisant tout pour trouver le responsable de cet enlèvement » lui balança une voix qui ne lui était pas inconnue. Tant qu'elle était toujours de ce monde, il y avait toujours un espoir de la revoir, mais Karin ne tiendrait pas éternellement.

_ Qu'auriez-vous fait à ma ma place ?

Bien sûr, le jeune homme n'obtint aucune réponse. Il soupira et s'attaqua enfin à ce qui le préoccupait depuis plusieurs semaines. Toshiro déplaça le portrait de son père et le posa précautionneusement sur le sol avant de relever la tête sur ce qui l'intéressait. Il ouvrit le coffre et en sortit la boîte avant de tout remettre en place.

Il valait mieux éviter d'éveiller les soupçons, se dit-il en posant la boîte sur son bureau. Était-ce raisonnable de l'ouvrir ici, étant donné le passage qu'il pouvait y avoir ? La réponse était non. Le jeune duc sortit d'un pas pressé de son bureau et monta dans ses appartements, la boîte sous le bras. Heureusement, il n'avait croisé aucun domestique... Il retint un soupir de soulagement avant de commencer à se dévêtir.

Quelques minutes plus tard, le voilà dans son lit, la boîte sur ses jambes. Toshiro avait hâte de l'ouvrir mais, en même temps, craignait ce qu'il pourrait y trouver.

_ Quelle surprise m'attend ? Quand il faut y aller, faut y aller !

En ôtant le couvercle, le duc Hitsugaya eut la surprise de voir de nombreux documents marqués par un étrange symbole. Il l'avait déjà vu quelque part, il en était sûr, mais où ? Il s'en préoccuperait plus tard, pour le moment, il avait autre chose à faire. Il sortit chaque dossier, un à un et les déposa devant lui.

Seigneur ! Il en aurait pour une bonne partie de la nuit, autant commencer sur le champ. Le noble aux cheveux de neige prit le premier dossier dans ses mains et commença à le déchiffrer avec attention. Il reconnut aussitôt l'écriture élégante et serrée de son défunt père. Et chaque document était authentifié par le sceau ducal apposé par l'ancien duc.

_ Qu'est-ce que ça veut dire ?

Le vieux duc avait mené une enquête très poussée sur la famille de sa fiancée. Pour quelle raison ? Tout était confus, Toshiro ne savait même plus quoi en penser. Malgré toutes les questions qu'il se posait, il continua et lut le deuxième dossier.

Des menaces ? Son futur beau-père avait menacé son père ! Ce qu'il découvrait était incroyable ! Dans ce texte, le vieux duc mentionnait un enregistrement mais où était-il ? Le jeune seigneur fouilla dans la boîte et vit un sac en tissu dans lequel étaient entreposées des bandes sonores.

_ Je n'arrive pas à y croire, chuchota-t-il pour lui-même, sous le choc de sa découverte.

Et encore, il n'avait pas fini. Trois dossiers restaient à déchiffrer. Toshiro prit une petite pause et se servit un verre d'eau. En effet, tous les soirs, Tamashi posait sur la table de nuit de son maître une carafe d'eau et un verre, pour ne pas se lever en pleine nuit. La fraîcheur du liquide transparent était très agréable et le duc ferma ses yeux un court instant.

Aussitôt, son esprit fut assailli par le visage de Karin tel qu'il se le rappelait, la dernière fois qu'il l'avait vue. Il serra les poings de frustration. Cette image lui était agréable et douloureuse, à la fois. Son cœur se serrait dans sa poitrine, elle lui manquait et il avait sans cesse peur que l'ordure qui l'avait enlevée, ainsi que sa sœur, ne lui ôte la vie.

_ Bon sang ! jura le duc tout bas. Karin...

Toshiro secoua la tête afin de chasser ces sombres pensées. Il se concentra de nouveau sur le dossier sur ses genoux et ce qu'il pouvait y voir était très intéressant. Au fil de sa lecture, ses prunelles turquoises s'agrandirent de stupeur.

 

J'ai découvert aujourd'hui même que Monsieur Hinamori n'est qu'un pseudonyme. La dernière représentante de cette famille est sa fille Momo. Hinamori est le nom de jeune fille de sa mère. Tous les autres membres ne sont plus de ce monde.

Mais alors, comment se nomme réellement son père ? Encore une énigme à résoudre... Je dois être prudent, il se doute de quelque chose et je ne veux pas qu'il se serve de Toshiro pour arriver à ses fins. Quel qu'en soit le prix à payer...

 

De quoi était réellement capable sa future belle-famille ? D'après ce qu'il avait lu, il ne fallait pas que le jeune duc montre qu'il était au courant, sinon il ne savait pas ce qui pourrait lui arriver. Donc comme ça, le père de sa promise n'était pas celui qu'il paraissait être... Intéressant.

Cette histoire ne laissait vraiment rien présager de bon. Ainsi donc, son futur beau-père savait que son père enquêtait sur lui. Un autre soupçon terrible lui vint à l'esprit, ce qui le fit vaciller légèrement. S'il se souvenait bien, son père savait d'une manière ou d'une autre qu'il allait mourir.

Se pourrait-il que, pour le faire taire définitivement, le père de sa promise aurait fait en sorte que le carrosse soit renversé ? Tout se tenait, là aussi, vu que seul son défunt père savait que les fiançailles entre Hinamori et lui n'étaient pas valides... Avant de recevoir la lettre de son père, Toshiro lui-même était persuadé que l'engagement entre les deux familles était réel.

Toshiro jeta un léger coup d'oeil à la fenêtre et vit que la nuit n'allait pas tarder à arriver à son terme. Il n'avait même pas fini de lire le dernier dossier mais ce n'était pas si grave, il continuerait plus tard. Il fallait vraiment qu'il dorme un peu donc il se hâta de tout ranger dans la boîte et cacha celle-ci sous son lit.

En tout cas, même s'ils ne portaient pas le même nom, une chose était sûre, le père et la fille ne pouvait pas nier leur lien de parenté, songea-t-il distraitement en fermant les yeux.

 

Cela faisait plus de deux heures qu'Ichigo était rentré du château et il n'avait toujours pas dit un mot. Orihime n'était pas habituée à un tel comportement venant de son mari et elle ne savait pas quoi faire pour le dérider. Il fronçait les sourcils en regardant par la fenêtre. Même durant le dîner, le jeune homme était resté silencieux alors qu'habituellement, il lui demandait comment s'était passée sa journée.

_ Ichigo, parle-moi, le supplia-t-elle en prenant une de ses mains dans les siennes. Tu es vraiment bizarre depuis que tu es rentré.

Le contact des mains frêles de sa femme ramena le jeune régisseur à la réalité. Il secoua la tête afin de reprendre ses esprits et se tourna vers la rousse en lui souriant légèrement. Ichigo ne savait pas vraiment comment lui annoncer ce que le duc lui avait dit à propos de sa sœur.

_ Excuse-moi, Hime, je réfléchissais, fit-il d'un ton rassurant.

_ Qu'est-ce qui passe, Ichigo ? Ce n'est pas ton genre d'être dans la Lune, comme ça, lui fit remarquer son épouse en soupirant.

Il le savait mais il ne parvenait pas à oublier l'aveu de son jeune seigneur. C'était impossible, bien sûr. Devait-il le dire à Orihime ou faire comme si rien ne s'était passé ? En temps normal, il pencherait pour la deuxième solution mais Ichigo n'ignorait pas que la rousse ne serait pas dupe.

_ Juste un truc, rien d'important, répondit-il tout de même.

La future mère soupira en levant les yeux au ciel. Pensait-il vraiment qu'elle allait gober tout ça ? Son mari était vraiment trop protecteur avec elle, même si elle ne disait rien. Mais là franchement, il abusait quand même. La jeune femme allait lui dire sa façon de penser et pas plus tard que maintenant.

_ Si peu important que tu ne cesses d'y penser, pas vrai ?

Orihime passa ses bras autour du cou d'Ichigo et le fit baisser la tête vers elle. Elle lui adressa un sourire tendre et le fit asseoir sur une chaise avant de prendre place sur ses genoux.

_ Arrête de chercher à me protéger, je ne suis pas en sucre...

_ Je sais mais c'est plus fort que moi, souffla le roux en posant son front sur le dos de sa femme.

Après quelques minutes de silence, Ichigo fit lever Orihime et la conduisit dans le salon. Ils prirent place tous les deux dans le canapé puis le régisseur passa un bras sur le dossier avant de se mettre face à la rousse. Son regard gris montrait de l'inquiétude et de la curiosité. Quel étrange mélange, songea-t-il.

_ Le duc Hitsugaya m'a avoué avoir des sentiments pour Karin, lâcha-t-il d'une traite.

Ichigo ne lâcha pas le visage de sa femme qui ne montrait aucune émotion particulière. Comment pouvait-elle réagir ainsi et rester aussi calme ? On aurait même dit qu'elle n'était pas surprise par cette nouvelle ! Le roux ne savait pas quoi penser de son silence.

_ Je vois, soupira Orihime.

_ Pourquoi n'es-tu pas plus surprise que ça ? Quand il me l'a dit, j'ai failli tomber de ma chaise !

En imaginant la scène, Orihime ne put réprimer un petit rire. Ça faisait du bien de rire, malgré tout. C'était le signe que la vie continuait, même si les zones d'ombres n'avaient pas disparu. Heureusement que son mari était là, pensa-t-elle en souriant. Il parvenait toujours à la rassurer par sa simple présence et aussi à la faire rire quand le cœur n'y était pas.

_ Intuition féminine, lui chuchota-t-elle à l'oreille. La façon dont il la couvait du regard ne laissait pas vraiment place à l'imagination. Une femme remarque plus facilement ces choses-là, se moqua-t-elle gentiment.

Elle prit une profonde inspiration et continua son explication sur un ton plus sérieux.

_ Ta sœur est amoureuse de lui depuis le début, Ichigo, mais je ne voulais pas qu'elle ait de faux espoir, surtout si ce que je croyais était faux. C'est pour cette raison que j'ai gardé le silence. D'autant plus que je lui avais promis de ne rien dire.

Orihime lui pinça le bras légèrement et reprit moqueuse :

_ Et en plus, je savais que ça allait t'énerver si je le disais.

Sa femme le connaissait bien. Oui, ça l'énervait mais il ne pouvait pas faire grand chose contre l'amour. Karin était sa petite sœur, elle était bien jeune pour se marier. Même si d'autres jeunes filles étaient déjà mariées, à son âge, il le savait bien.

Les sentiments ne se commandaient pas et il était bien placé pour le savoir. Chaque jour qui passait, les sentiments qu'il portait à Orihime étaient plus puissants et le bébé qu'elle attendait était une preuve de leur amour. Il espérait vraiment que Karin connaîtrait ça un jour avec le duc Hitsugaya. Même si ça lui semblait utopique...

_ Je vais bien finir par m'y faire, je n'ai pas le choix, balança le jeune homme en levant les yeux vers la rousse. C'est juste que...

_ Tu aurais aimé qu'elle reste ici plus longtemps avec toi, acheva la future mère en lui souriant. Mais Karin est une jeune femme, Ichi... Elle va voler de ses propres ailes, un jour. Il te restera Yuzu...

_ Je sais bien, de toute façon, j'ai fait savoir à Sa Grâce que je ne m'opposerai pas à ce qu'il demande la main de Karin à mon père, avoua Ichigo, les yeux dans le vague.

Orihime ne répondit pas mais posa sa tête sur son épaule en guise de réconfort. Eh oui, il devait accepter que Karin n'était plus une enfant, mais une femme. Une femme désespérément amoureuse d'un homme déjà engagé.

La mention de ses sœurs assombrit le visage du roux. Pour que tout cela ait une chance infime de se passer, il fallait d'abord les retrouver, où qu'elles soient. Ichigo avait confiance en ses sœurs cadettes, elles étaient fortes. « Yuzu, Karin, tenez-bon ! On va vous retrouver alors ne lâchez rien ! »

Le couple Kurosaki se leva et monta dans sa chambre pour se coucher. Il était très tard, et il fallait dormir car le lendemain allait être très chargé.

 

Le lendemain matin, le duc Hitsugaya n'était pas au mieux de sa forme. Après sa courte nuit, il avait encore besoin de sommeil, ses yeux fatigués en attestaient. Mais une voix féminine le sortit de sa torpeur. Oh non, pas encore elle, se dit-il découragé. Pas dès le matin.

_ J'exige de voir mon fiancé ! Où est-il ? cria Hinamori au majordome.

_ Il est inutile de crier ainsi, mademoiselle, la tempéra Shin, impassible. Sa Grâce n'est pas encore levée.

_ Alors allez le chercher sur le champ !

Et des cris en plus... Elle se croyait chez elle ou quoi ? Heureusement qu'il pouvait compter sur son fidèle majordome... Toshiro se rendit dans son bureau, il n'avait pas le temps de faire la conversation à sa chère fiancée, aujourd'hui. Si elle voulait bavarder, elle n'avait qu'à aller voir ailleurs.

_ La seule personne dont j'accepte de recevoir des ordres est le duc, la remit-il à sa place.

La jeune femme fulminait dans le vestibule. Comment osait-il la faire attendre de la sorte ? Ce domestique de malheur avait-il oublié qu'elle allait bientôt régner sur cette maison ? Si c'était le cas, elle allait le lui rappeler avec perte et fracas. On ne la bafouait pas impunément.

_ Croyez-moi, quand je régnerai sur ce château, vous serez le premier à partir.

Hinamori remarqua la présence de son promis seulement quand elle l'entendit dire d'une voix réfrigérante :

_ Shin ne s'en ira pas, il fait partie de ma famille.

Le majordome ne s'attendait vraiment pas à entendre ces mots dans la bouche de son jeune maître. De sa famille ? Rien que ça ? C'était vraiment trop d'honneur pour un simple domestique comme lui.

_ Merci Votre Grâce, fit le majordome, ému.

_ Vous pouvez y aller, je m'en occupe.

Alors que le domestique du duc s'en alla à ses occupations après un dernier regard reconnaissant, Toshiro se tourna vers sa fiancée et lui l'invita sèchement à le suivre dans son bureau. Celle-ci le suivit aussitôt, empressée. Depuis le temps qu'elle voulait être complètement seule avec lui, elle allait enfin avoir cette chance.

Le jeune homme prit place sur son fauteuil et Hinamori s'assit en face de lui, un sourire aux lèvres. Elle tritura pendant quelques secondes le collier de perles qu'elle portait au cou, pendant que le duc perdait patience, petit à petit. N'y tenant plus, il lâcha en cachant son irritation :

_ Pourquoi vouliez-vous me voir ?

_ Vous étiez absent, quand je suis venue vous rendre visite il y a deux jours, non ?

En quoi ça la regardait ? Encore une discussion stérile. Mais heureusement que son régisseur n'était pas encore arrivé, sinon il aurait fait une syncope. Il en avait assez qu'elle vienne toujours les interrompre en plein travail. Et le duc était d'accord, elle venait toujours au mauvais moment pour des prétextes fumeux. Il y avait de quoi être exaspéré...

_ En effet, répondit-il cependant. Que se passe-t-il ?

_ Où étiez-vous ?

Et puis quoi encore ? Il devait lui rendre des comptes maintenant ? Alors là, elle pouvait toujours rêver.

_ J'étais en voyage à la capitale, rien de plus.

Même si l'envie était virulente, Toshiro ne devait pas se comporter plus sèchement qu'à l'accoutumée. Ce n'était pas le moment de mettre son petit plan en l'air. Il n'aurait sans doute pas d'autres occasions.

Eh bien, il n'était pas à prendre avec des pincettes aujourd'hui, se dit Hinamori, pas vraiment atteinte par sa froideur. Habituellement, il ne lui parlait pas ainsi. Il avait dû se passer quelque chose qu'elle ignorait pour qu'il soit dans cet état de nerf.

_ Vous me semblez très tendu, lui fit-elle remarquer. Vous êtes sûr que vous allez bien ?

_ Bien sûr.

Encore une réponse brève. Hinamori savait qu'elle allait avoir du mal à le faire parler mais elle était une femme et les femmes possédaient de nombreuses armes pour faire craquer un homme. Et surtout, elle était prête à tout pour avoir ce qu'elle voulait et ce qu'elle désirait par dessus tout était le titre de duchesse. Alors ce n'était pas la distance que son fiancé mettait entre eux qui changerait quelque chose à l'affaire.

Toshiro se tenait sur ses gardes, il se doutait qu'elle mijotait quelque chose. Son regard calculateur le lui disait. Il la vit se lever et se mettre derrière lui. Qu'est-ce qu'elle voulait faire ? Le jeune duc se leva de sa chaise avant qu'elle ne puisse poser ses mains sur lui. Oh non ! Elle ne le toucherait jamais !

Un éclair de déception fugace passe dans les prunelles de la jeune femme. Lui était-il insensible à ce point ? Ça n'allait pas se passer comme ça ! Comment faire pour l'attirer dans ses filets ? Elle devait prendre toutes les précautions pour que ce mariage se fasse, alors si elle devait lui donner sa vertu, elle le ferait sans hésiter. Son père avait accepté cette idée car quoi qu'il se passe après, le duc était un homme d'honneur donc il ne la laisserait pas dans cet état de péché.

Le duc Hitsugaya profita du fait qu'elle ne le regardait pas pour esquisser un sourire satisfait. Sa mine déconfite était un vrai régal. Discrètement, il actionna un bouton se trouvant juste sous le bureau et ainsi cette conversation allait être enregistrée. Il valait mieux prendre trop de précautions que pas assez.

Récemment, Toshiro avait découvert un mécanisme installé par son père. Dans un des tiroirs de son bureau, il y avait un enregistreur vocal et de nombreuses bandes vierges. Pratique, quand même.

Du coin de l'oeil, le noble aux yeux turquoises guettait sa fiancée. Elle avait vu la copie de la lettre de menace qu'il avait posé à dessein sur la table et elle avait blêmi. Tiens donc !

_ Vous allez bien, mon amie ? s'enquit-il faussement inquiet. Vous êtes pâle.

_ Oui, oui, tout va bien, répondit-elle en tremblant.

Oh non ! Mais pourquoi son fiancé possédait-il cette lettre ? Elle ne s'y attendait vraiment pas. Elle ne se sentait pas très bien, il ne fallait pas qu'il découvre la vérité sur elle. Sinon, tout serait terminé. Et la jeune femme au chignon ne pouvait pas permettre une chose pareille, il en allait de son honneur.

Le jeune seigneur n'était pas dupe. Bien sûr, il voulait savoir ce qu'elle cachait mais autant prendre son mal en patience. Ce n'était pas une heure ou deux qui changerait quoi que ce soit à la situation. Il savait prendre son temps quand il le fallait. Mais une chose était sûre : il ne la lâcherait pas !

 

Karin ne lâchait pas prise. Elle se sentait de plus en plus faible mais ce n'était pas ça qui allait la faire céder à ce malade. Elle était une Kurosaki et en était fière. Mais sa sœur n'était pas aussi forte qu'elle, Yuzu commençait à perdre connaissance de plus en plus souvent. En même temps, depuis le temps qu'elle était prisonnière dans cette endroit, c'était normal.

Le grincement de la porte de la cellule lui fit relever la tête et ce qu'elle vit fit bouillir son sang instantanément. Elle mourrait d'envie de voir cette ordure au fond du trou, c'était ce qui lui permettait de tenir.

_ Bonjour, ma chère, comment allez-vous aujourd'hui ? questionna le ravisseur d'une voix chantante.

_ Moins bien depuis que tu es là, lâcha la brune qui n'avait rien perdu de sa hargne. Tu vas me le payer, tu peux en être certain.

_ Ne soyez pas si en colère, voyons, jeune demoiselle, la réprimanda-t-il en s'approchant d'elle.

Tiens donc, aujourd'hui, il avait décidé de jouer comme ça, se dit Karin en levant les yeux au ciel. Si ça l'amusait, grand bien lui fasse. En revanche, ça ne la faisait pas rire du tout, elle n'avait qu'une seule envie : sortir d'ici avec sa sœur et retrouver leur famille. Le cauchemar durait depuis trop longtemps à son goût.

L'homme encapuchonné voulut toucher les lèvres de Karin mais celle-ci ne se laissa pas faire et lui mordit le doigt jusqu'au sang. L'entendre rugir de douleur était une vraie satisfaction pour elle, sa bouche s'étira en un sourire narquois.

_ Sale garce !Après quelques minutes à souffler sur sa blessure dans l'espoir vain d'atténuer la douleur, il se tourna vers elle en la foudroyant du regard. Les menaces que la jeune fille vit dans ses prunelles froides lui firent froid dans le dos. Elle allait déguster...

_ Voilà votre repas, et bon appétit, lâcha-t-il de sa voix d'outre-tombe en sortant de la cellule. À tout à l'heure !

La Kurosaki frissonna, elle n'aimait pas de le ton de sa voix. Il annonçait toujours des représailles pour elle. Mais bon, ce n'était pas le moment de s'en préoccuper, elle devait réveiller Yuzu pour manger.

Elle marcha avec difficulté en direction de sa jumelle mais avec des jambes pleines de blessures infectées, ce n'était pas l'idéal. La jeune fille serra les dents et continua d'avancer, tant bien que mal.

Une fois arrivée devant sa sœur jumelle, la jolie brune reprit son souffle. « Bordel ! Il n'y est pas allé de main morte, ce fumier ! » En posant ses mains sur les épaules de Yuzu, Karin l'appela d'une voix inquiète :

_ Yuzu, réveille-toi ! On va pouvoir manger ! Yuzu !

Il s'écoula au moins quelques minutes avant qu'elle ne réagisse enfin. Les yeux encore embrumé, la châtaine murmura faiblement :

_ C'est... toi, Karin ?

_ Oui, c'est moi, il faut manger...

L'aînée des jumelles se releva lentement et se mit en position assise, soutenue par sa sœur. Les deux jeunes filles mangeaient tranquillement leur repas composé de riz froid.

Aucun bruit venant de l'extérieur n'arrivait à leurs oreilles. Étrange, se dit Karin en posant ses baguettes. Il y avait toujours du bruit, alors pourquoi pas cette fois ? La brune en était certaine, quelque chose se préparait. Pas de bonne augure pour sa sœur et elle, sans doute.

_ Karin... Pour... pourquoi as-tu... pleuré hier ? balbutia Yuzu en levant ses prunelles claires vers sa cadette.

Mince, à ce moment-là, la brune avait craqué mais seulement parce qu'elle croyait que sa sœur dormait. Les prunelles turquoises hypnotiques du duc Hitsugaya lui revinrent en mémoire. Peut-être était-il temps en effet d'en parler à Yuzu ?

_ Tu... as peur ?

Elle n'était pas loin de la vérité. Oui, Karin ne supportait pas l'idée de mourir ici sans revoir une dernière fois son frère, sa belle-sœur, Rukia, Renji et surtout l'élu de son cœur.

_ Un peu et toi ?

_ Tout le temps, fit l'aînée en tremblant.

_ Je vais te raconter une histoire, annonça Karin en s'installant contre le mur. Alors, il était une fois une jeune fille qui, sans le savoir, va faire une rencontre qui va bouleverser sa vie.

La brune continua ainsi son récit et Yuzu n'en manqua pas une miette. Ainsi, elle apprit que Karin était amoureuse d'un homme déjà fiancé appartenant à la noblesse. Elle apprit aussi que celui-ci n'aimait pas sa promise.

Les larmes aux yeux, la châtaine posa sa tête sur l'épaule de sa sœur pour la réconforter. Ça devait être difficile à supporter, en effet. Elle ressentait la douleur de Karin comme si c'était la sienne.

_ Comment il s'appelle ? questionna-t-elle doucement.

_ Sa Grâce le duc Toshiro Hitsugaya, murmura la brune, la voix tremblante. Si tu l'avais vu : ses cheveux argentés, ses prunelles turquoises... J'en suis complètement folle et lui ne me voit même pas.

Si un jour elle avait l'occasion de sortir de cet endroit, Yuzu aimerait bien rencontrer celui qui faisait battre le cœur meurtri de sa sœur.

Mais l'instant de grâce ne dura pas longtemps. Des bruits de pas rapides rapides se firent entendre et Karin sécha ses larmes rapidement. Elle ne voulait pas montrer la moindre faiblesse devant lui. Surtout pas !

_ Alors mes chères invitées, le repas vous a plu ? fit le ravisseur en entrant dans la cellule.

_ Passable, répondit Karin, provocatrice.Yuzu était pétrifiée par l'homme devant elle. La brune la voyait trembler comme une feuille alors qu'il s'approchait de plus en plus. Elle serrait les poings devant cette scène insupportable. Le comportement de ce type lui inspirait de plus en plus d'aversion. Et cette peste de future duchesse était dans le même sac.

_ Ma petite Yuzu, n'aie pas peur, voyons, la réprimanda-t-il d'un ton moqueur.

_ Laisse-la tranquille !

Le père de la future duchesse serra les poings devant cette insoumission de Karin. Oh, il réussirait à la soumettre et ce jour-là, cette victoire serait la plus belle de toute son existence. Mais patience, patience.

_ Tu sais, ma chère Karin, tu ne pourras pas toujours la protéger, la nargua-t-il cruellement. Tu ne sais pas ce qu'elle a pu subir depuis qu'elle est ici...

La Kurosaki fulmina intérieurement devant la confiance aveugle de ce type. Comment pourrait-elle arriver à lui faire perdre patience, comme le premier jour ? Quel doux souvenir... Même si la suite n'avait pas vraiment été très agréable, enfin ça valait le coup.

_ Je ne tomberai pas dans le panneau, Yuzu m'a tout racontée, révéla-t-elle aussi calmement qu'elle le pouvait.

_ Tu en es bien sûre ?

Karin jeta un coup d'oeil inquiet vers sa jumelle qui la rassura d'un léger sourire. Pendant un bref instant, elle avait craint que Yuzu puisse avoir subi une chose terrible. Mais elle faisait confiance à son aînée de quelques heures. Elle n'aurai pas pu et encore moins su lui mentir.

_ Certaine.

Elle était robuste, cette peste. Mais il avait une idée pour la faire craquer et ça le fit sourire de manière peu rassurante pour les jeunes prisonnières.

_ Ma petite Yuzu, ce n'est pas beau de mentir à sa petite sœur, chantonna-t-il en se dirigeant une nouvelle fois vers elle. Ta maman ne te l'a jamais dit ?

_ Laissez ma mère en dehors de ça ! s'écria la châtaine après un regain bref d'énergie.

La brune restait silencieuse et immobile, bien que l'envie presque irrépressible d'éloigner cette brute de sa sœur se faisait plus insistante, de minute en minute. À sa grande horreur, elle vit leur tortionnaire lever le poing sur Yuzu. Elle eut juste le temps de mettre devant elle, prenant ainsi le coup à sa place.

_ Ne touche pas à Yuzu, ordure, grinça-t-elle après avoir craché du sang.

En effet, le coup porté était d'une violence inouïe. Jamais sa jumelle n'aurait pu l'encaisser...

_ Tu ne changeras donc jamais, dit-elle essoufflée. On ne t'a jamais dit de ne pas frapper les filles ? Ce sont des manières de lâche, c'est tellement plus facile de s'en prendre à plus faible que soi.

Elle avait été si rapide qu'il ne l'avait pas vue arriver devant lui. Décidément, cette fille en avait dans les tripes. Dommage qu'elle ne lui ait pas fait le plaisir de crier de douleur. Elle restait stoïque et ne bronchait jamais, tout ce qu'il avait entendu jusqu'à maintenant, c'était des insultes. Mais il réussirait à la faire flancher, peu importe la manière dont il allait s'y prendre. Cette pensée lui donna des frissons de pur ravissement.

 

Toujours dans son bureau en compagnie de sa promise, Toshiro rongeait son frein. Il ne voulait pas aller trop vite pour éviter de commettre un impair. Il posa ses prunelles de glace sur Hinamori qui n'était toujours pas au mieux de sa forme.

_ Vous avez besoin de quelque chose ? demanda-t-il en posant une main faussement compatissante sur son épaule.

_ Serait-ce possible d'avoir un verre d'eau ? murmura-t-elle encore sous le choc.

Le duc hocha la tête et tira sur le cordon pour appeler un domestique. Quelques minutes plus tard, Shin frappa à la porte.

_ Entrez ! fit la voix de son maître.

Le fidèle majordome obéit à l'injonction de son seigneur et pénétra dans la pièce. Il ne put réprimer un sentiment de colère à l'égard d'Hinamori mais se garda bien de le montrer. Shin ne voulait pas se montrer indigne de sa position. Il attendit stoïquement la requête du jeune duc.

_ Pouvez-vous nous faire apporter de l'eau ainsi que deux verres, Shin ?

_ Bien sûr, Votre Grâce, je vous fais apporter ça tout de suite, acquiesça-t-il en s'inclinant avant de sortir de la pièce.

D'un signe discret, Toshiro avait demandé à son majordome si tout avait été exécuté selon ses plans. La réponse positive l'avait rassuré sur la tournure qu'allait prendre les événements. La bande continuait de tout enregistrer et un dispositif assez avancé permettait l'écoute de la conversation dans la pièce voisine.

En effet, ce que sa fiancée ne savait pas, c'était que deux policiers ne manquaient pas une miette de la conversation tout en épluchant les documents dans la boîte confiée par son défunt père. Les preuves s'accumulaient mais il fallait maintenant avoir celle qui déclencherait tout : les aveux. Heureusement que le duc Hitsugaya était ce qu'on pouvait qualifier d'intelligent, il avait encore plusieurs tours dans son sac.

Distraitement, le jeune homme se demanda même si Hinamori savait que leurs fiançailles étaient factices. Aucune promesse n'avait été faite dans ce sens et son père n'avait rien signé, et lui-même encore moins. Quelle joie ce serait de lui dire la vérité mais il fallait la jouer plus fine que ça. Il passa donc à l'action.

_ Vous allez mieux, mon amie ? Que s'est-il passé ?

La jeune femme au chignon leva les yeux vers lui et lui sourit, comme si rien de tout ça ne s'était produit._ Une faiblesse passagère, je crois, dit-elle dans un souffle. Merci, Votre Grâce.

Jamais Hinamori n'aurait cru qu'il puisse être aussi prévenant avec elle, cela lui mit du baume au cœur. Comme quoi, la situation pouvait encore changer en sa faveur. Son père avait raison sur toute la ligne : Toshiro Hitsugaya était un homme sur lequel on pouvait compter.

Son sens de l'honneur était connu de toute la noblesse et même le duc Kuchiki – réputé pour son manque de sociabilité – reconnaissait que son homologue était quelqu'un de confiance, malgré son jeune âge. Quelle chance pour elle ! Elle allait enfin pouvoir siéger à la Cour Royale et rencontrer Leurs Majestés, cousins de son promis. Hinamori savait qu'elle allait faire des jalouses parmi les femmes de la noblesse. Après tout, le duc Hitsugaya n'était-il pas un des plus beaux et des plus riches partis du royaume ?

La femme au chignon eut une pensée distraite envers son ancienne rivale. Cette Kurosaki lui tapait sur les nerfs, bien trop belle et innocente, elle pourrait lui couper l'herbe sous le pied. Enfin, elle aurait pu si elle et sa jumelle n'étaient pas entre les mains de son père... La future duchesse eut un léger sourire de triomphe, ce n'était qu'une question de jours à présent. Dans peu de temps, elle serait la nouvelle maîtresse de ce château et rien ne saurait avoir plus de saveur à ses yeux.

Le jeune duc ne manquait aucune des expressions faciales de sa promise et tout ce qu'il voyait l'intéressait au plus haut point. Passer par la déception, l'espoir, l'irritation et enfin de la joie, voire même du triomphe... Tout ça n'était pas anodin, il en était sûr. Et surtout, ce fut le sourire étrange de la jeune femme qui lui a mis la puce à l'oreille.

_ En tout cas, ne me faites plus une peur pareille, fit-il mine de soupirer.

Ainsi donc, il s'inquiétait pour elle, même un peu, pensa Hinamori en souriant.

_ Tout est revenu dans l'ordre, ne vous inquiétez plus.

Elle avait cru à son inquiétude, le duc ne saurait pas dire si il en était content ou irrité. Mais il devait s'activer à la faire parler, d'une manière ou d'une autre, sinon tout ce stratagème n'aurait servi à rien. Et Toshiro détestait perdre du temps alors qu'il était compté.

Puis, pendant quelques secondes, le regard de sa fiancée se posa sur la copie de la lettre de menace. Son sourire disparut aussi vite qu'il était apparu. Le jeune noble aux prunelles turquoises en était certain : la jeune femme n'était pas rassurée par cette feuille de papier.

_ Je vois que ce morceau de papier vous met quelque peu mal à l'aise, fit remarquer Toshiro, ironique. Vous dérangerait-il ?

La surprise mêlée de peur d'Hinamori ne lui échappa pas. Elle se reprit cependant très vite mais le duc n'était pas dupe une seconde.

_ Pourquoi cela me dérangerait ? Je ne sais même pas ce qu'il contient, répliqua-t-elle en tentant de garder une voix assurée.

Bon sang ! Elle n'était pas sortie de l'auberge, peut-être se trompait-elle mais la future duchesse avait la très nette impression que son futur mari mijotait quelque chose. Cela ne laissait rien présager de bon pour la suite. Il fallait à tout prix qu'elle donne le change et qu'elle parte avant de tomber dans son piège.

Elle ne réalisait bien sûr pas qu'elle était déjà entrée dedans à pieds joints.

_ Vous êtes sûre de ce que vous avancez ? Je crois pourtant me souvenir que, lorsque vous avez vu cette feuille tout à l'heure, vous n'étiez pas dans votre assiette, déclara le duc en s'asseyant de nouveau face à elle.

Toshiro avait hâte d'entendre ce qu'elle allait bien pouvoir dire. Il en avait la certitude à présent : elle était liée à l'enlèvement des sœurs Kurosaki, d'une manière ou d'une autre. Son attitude n'était pas naturelle et on pourrait croire qu'elle cherchait à gagner du temps pour s'enfuir du château. La manière dont elle attrapait sa robe montrait qu'elle n'était pas à son aise ou qu'elle craignait quelque chose.

Seigneur, non ! Il fallait vraiment qu'elle trouve une excuse pour quitter cet endroit et prévenir son père que le duc Hitsugaya en savait bien plus qu'il ne le disait. Une pensée inquiétante vint à son esprit : et si son fiancé avait TOUT découvert ? Même si Hinamori rechignait à l'admettre, Karin Kurosaki l'avait prévenue que le duc était intelligent et qu'il pourrait se douter de quelque chose. Il ne fallait à aucun prix qu'il découvre que leurs fiançailles étaient...

_ Je ne suis pas dupe, lui asséna Toshiro durement. Je sais pertinemment que vous êtes liée à tout ça, même si j'ignore encore comment.

_ Mais... enfin... pourquoi croyez-vous une chose pareille ? balbutia la jeune femme apeurée.

_ J'imagine que dans votre tête, ce doit être la confusion la plus totale.

Hinamori ne répondit pas. Elle cherchait quoi dire, tout en étant convaincante. Son mariage en dépendait. La jeune femme inspira profondément sous le regard turquoise du jeune seigneur et leva les yeux vers lui, ses prunelles reflétant la plus pure innocence.

Toshiro se dit distraitement qu'elle était vraiment bonne comédienne, il ne connaîtrait pas son côté manipulateur qu'il serait tombé dans le piège.

_ Je ne sais pas qui vous a mis cette ignominie en tête mais jamais je ne serais capable de faire une telle chose, murmura-t-elle en baissant la tête sur ses mains liées.

_ Je ne demande qu'à vous croire, vous savez, soupira le duc Hitsugaya, faisant mine d'entrer dans son jeu pour mieux la piéger. Dans ce cas, j'attends de vous que vous répondiez en toute honnêteté à cette simple question.

La brune au chignon réprima un sentiment de triomphe. Décidément, elle pouvait remercier son père de lui avoir appris à si bien jouer la comédie. « Eh oui Karin, je serais presque désolée pour toi mais c'est moi qui sera la future duchesse, le duc a cru en mon innocence ! » jubila-t-elle en détendant ses deux mains.

_ Tout ce que vous voudrez, Votre Grâce, acquiesça-t-elle docilement.

Et voilà, c'était le moment de vérité, il ne fallait pas que le noble aux cheveux d'argent se trompe de question ou il n'aurait pas d'autre chance de l'acculer ainsi, surtout qu'à présent, la jeune femme se doutait de quelque chose, il le voyait bien. Il prit un instant pour réfléchir méthodiquement à la meilleure manière de la confondre.

_ Qu'est-ce que vous êtes prête à faire pour protéger ce qui compte le plus à vos yeux ?

En entendant la question de son promis, la jeune femme écarquilla les yeux. Qu'est-ce ça voulait dire ? Elle ne comprenait pas du tout où il voulait en venir mais elle allait répondre honnêtement comme le duc le lui avait demandé.

_ Tout, je pense, surtout si on cherche à me voler l'homme que j'aime... Oh non ! s'écria-t-elle en mettant ses mains devant sa bouche.

Gagné ! Hinamori était tombée dans le panneau à pieds joints. Son désespoir se reflétait clairement sur son visage, elle avait enfin compris ce qu'il voulait lui faire dire. Jamais une victoire ne lui avait paru plus douce que celle-ci.

_ Tout ? Mais quoi exactement ? S'en prendre à une hypothétique rivale, c'est ça ? Faire en sorte qu'elle disparaisse ?

Oh non ! Tout était perdu, par sa faute ! Son père ne lui pardonnerait jamais cette erreur idiote ! Des larmes de colère et de désespoir coulèrent sur ses joues en comprenant qu'elle n'avait plus aucune chance d'accéder au trône ducal. Ce serait un énorme scandale quand toute la noblesse saurait toute l'histoire. Ce qui fallait juste au duc pour rompre leur engagement – factice, bien qu'il ne le sache pas.

Ses prunelles sombres pleines de colère foudroyaient le jeune duc, elle le tenait en partie responsable de tout ça. Mais celle que Hinamori haïssait par dessus tout était cette garce de Karin Kurosaki, si seulement elle n'avait pas existé, elle n'aurait pas eu peur de perdre tout ce qu'elle désirait. Elle n'avait plus rien à perdre à présent alors autant lâcher son venin, de toute façon c'était trop tard pour elle !

_ Je la déteste ! Si seulement j'avais pu prévoir tout ça, rien ne serait arrivé ! Il y a deux ans, c'était elle qui vous avait percuté. Quand vous êtes revenu après cet épisode, vous étiez comme troublé. Je ne vous avais pas reconnu et je n'avais pas compris ce qui se passait à ce moment-là.

Toshiro ne pensait pas que la théorie qu'il avait émise avec son régisseur était la bonne. Il en était sidéré ! Ainsi donc, ce n'était qu'une histoire de jalousie mal placée. Si ce n'était pas aussi grave, il en aurait ri.

_ Quand vous m'avez dit que Kurosaki avait retrouvé sa sœur, j'ai retrouvé cette expression sur votre visage. Le même trouble, le même regard rêveur... J'ai compris alors que quelque chose n'allait pas et mon père a mené sa petite enquête. Quand il m'a donnée une photo de Karin, je l'ai tout de suite reconnue comme la petite paysanne que vous aviez aidée.

La femme au chignon s'interrompit un instant, pour reprendre son souffle. Même si elle savait que tout était fini, elle voulait soulager sa conscience.

_ Imaginez le choc que j'ai reçu, ce jour-là ! Une fois calmée, mon père et moi avons mis au point un plan supposé être infaillible pour nous débarrasser de cette petite gêneuse.

C'était encore pire que ce qu'il avait pu imaginer. Jusqu'où cette histoire aurait pu arriver ? Toshiro préférait ne pas le savoir.

_ Et c'est comme ça que l'enlèvement vous est venu à l'esprit, n'est-ce pas ? murmura le duc, encore sous le choc de ces révélations.

La jeune fille hocha la tête pour confirmer. Comment un être humain pouvait faire une chose aussi horrible sans que ça lui pose un cas de conscience ? Hinamori ne montrait aucun remord pour son geste. C'était comme si elle avait fait ce qu'elle avait à faire, un point c'est tout. Le jeune duc refoula une nausée qui lui montait au bord des lèvres. Avoir la confirmation de ce qu'il redoutait était à la fois un soulagement et une horreur sans nom.

_ En effet. Et je dois vous dire que lorsque j'ai vu cette fille emprisonnée dans le cachot au côté de sa jumelle, j'ai pensé que c'était le plus beau jour de ma vie.

Elle ne paraissait pas se rendre compte de tout ce qu'elle disait. Cette femme était un vrai monstre, le Ciel soit loué qu'elle ne soit pas encore sa femme !

_ Une dernière chose : c'est mon père le ravisseur et l'auteur des lettres de menace... Voilà pourquoi j'ai eu peur quand j'ai vu une copie sur votre bureau.

Hinamori se leva du fauteuil comme si rien ne s'était passé et adressa un sourire à son fiancé, certaine de pouvoir s'en tirer car ce serait sa parole contre la sienne. Il n'y avait aucune preuve contre elle.

_ Je vais vous laisser, à présent, annonça-t-elle presque gaiement. Je suis attendue chez une amie pour le déjeuner.

À ce moment précis, la porte du bureau s'ouvrit brutalement et laissa entrer le fidèle majordome et deux policiers. L'inspecteur Sarugaki fixa la complice du ravisseur avec dégoût tandis qu'Hirako ne montrait aucune émotion particulière. L'officier se souvenait encore de la visite impromptue du majordome dans les bureaux de la police.

 

Flash-back, quatre heures auparavant :

 

Alors que Shinji travaillait avec acharnement sur le dossier Kurosaki dans l'espoir de trouver enfin quelque chose qui permettrait de faire avancer l'enquête, quelqu'un frappa à la porte de son bureau. Pensant qu'une pause serait la bienvenue, il leva la tête et dit d'une voix forte :

_ Entrez !

La porte s'ouvrit sur Hiyori et un homme que le policier se rappelait avoir vu chez le duc Hitsugaya.

_ Shinji, cet homme vient de la part de Sa Grâce le duc Hitsugaya nous apporter une boîte et un message.

_ Merci Hiyori.

La jeune policière blonde esquissa un petit sourire à l'intention de son collègue et alla fermer la porte afin de ne pas être dérangé. Elle prit place devant Hirako et attendit que celui-ci prenne enfin la parole.

_ Asseyez-vous, je vous en prie, pria le policier.

_ Merci, inspecteurs, fit Shin en obtempérant.

Le domestique sortit une étrange boîte en carton de son sac en tissu et le posa sur le bureau du policier.

_ Sa Grâce pense que cela vous sera utile dans l'avancement de votre enquête, expliqua-t-il obligeamment en voyant l'expression interloquée des deux officiers. Et il m'a chargé de vous demander de vous présenter au château dans une heure au plus tard.

_ Pourquoi donc ? s'étonna la blonde.

Le majordome du duc se tourna vers elle et prit une grande inspiration avant de lâcher une bombe :

_ Monseigneur a l'intention de confondre sa fiancée qu'il pense en partie responsable de l'enlèvement des deux sœurs de Monsieur Ichigo, avec votre aide. Tout est prévu dans ce sens au château.

Shinji et Hiyori n'auraient jamais imaginé cette possibilité, il en restèrent coi. Le duc Hitsugaya était réputé pour son intelligence, mais maintenant les deux policiers comprenaient pourquoi. Mais en même temps, c'était une possibilité qu'il ne fallait pas écarter. Si le duc pensait qu'elle était mêlée à cette histoire, il valait mieux le prendre au sérieux.

_ C'est d'accord, annonça Shinji. Envoyez-nous un message pour nous dire de nous rendre au château.

_ Très bien, je vous accueillerai moi-même, fit le domestique en s'inclinant. Je retourne au château, à présent. Merci de m'avoir reçu, inspecteurs.

Les deux inspecteurs chargèrent un de leurs hommes de raccompagner Shin à la sortie. Une fois celui-ci parti, Shinji laissa errer son regard sur la boîte. Quels secrets recelait-elle donc ?

 

Fin Flash-back.

 

_ Je crains que vos projets ne soient remis à plus tard, Mademoiselle Hinamori, lâcha ironiquement le policier blond.

L'inspecteur Hirako se tourna vers le duc et l'interrogea du regard. Après tout, cette femme était sa fiancée et à ce titre, Hitsugaya pouvait vouloir étouffer l'affaire afin de protéger le nom de sa famille. Mais la réaction de celui-ci lui donna tort.

_ Emmenez-la, trancha le noble sans la regarder. Le scandale ne sera pas si important quand je ferai savoir que notre engagement est rompu.

Toshiro se tourna vers la jeune fille menottée et lui adressa un léger sourire de triomphe.

_ Bien qu'il n'ait jamais existé.

Hinamori ouvrit grand la bouche, montrant ainsi sa surprise.

_ Ainsi donc, vous le saviez ? Depuis quand ?

_ Depuis presque un mois.

Les hommes de l'inspecteur Hirako emmenèrent la femme au chignon dans un concert de cris. Une fois que les voix se furent éloignées, le jeune seigneur soupira de soulagement. C'était comme si un immense poids venait de tomber de ses épaules. Libre ! Le voilà enfin libre !

_ Merci de m'avoir aidé, inspecteur Hirako, inspecteur Sarugaki, fit Toshiro reconnaissant.

_ Tout le plaisir était pour nous, Votre Grâce, assura Hiyori avec un léger sourire.

Cette enquête avait fait un immense pas en avant. Maintenant il ne restait plus qu'à retrouver les jumelles Kurosaki, ils y étaient presque. Ce n'était qu'une question de temps, à présent. Il n'y avait plus qu'à espérer qu'elles soient toujours en vie...

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