Sentiments et Ressentiments

Chapitre 13 : Chapitre 11 - Joie des retrouvailles et déclaration

21648 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2016 22:50

Chapitre 11 : Joie des retrouvailles et déclaration

 

Non, ce ne pouvait pas être vrai, s'inquiéta Ichigo en galopant à travers champs. Ses deux petites sœurs ne risquaient pas de mourir, n'est-ce pas ? Il fallait vraiment qu'il arrête de se faire du mal comme ça, il verrait bien quand il serait arrivé sur place.

Le jeune homme roux ne ménageait pas sa monture, il devait se presser pour arriver sur place. Il voulait constater par lui-même la gravité de leurs blessures. Il appréhendait ce qu'il allait découvrir mais ce n'était pas un lâche. Karin et Yuzu avaient besoin de sa présence et il serait là.

Yuzu... Ichigo ne savait pas à quoi elle pouvait bien ressembler. Mais d'après ce que Karin lui avait dit d'elle, il savait qu'elle était l'exacte opposée de la brune au niveau du caractère. Il avait tellement hâte de la rencontrer.

Pour lui, c'était une chance d'avoir désormais deux petites sœurs à chérir car il avait toujours cru être fils unique. Qu'elles soient des enfants illégitimes ne changeait strictement rien, sinon jamais il n'aurait pris Karin avec lui quand elle mourrait de faim dans son ancienne maison.

« J'arrive, attendez-moi ! » les supplia-t-il intérieurement. Ses sœurs ne devaient pas mourir, non. À cette sombre pensée, il accéléra encore l'allure de Zangetsu qui ne rechignait pas. Son brave cheval devait sentir que la situation était grave. Pour le récompenser, il allait lui donner double ration de nourriture.

_ On est bientôt arrivé, Zangetsu... Accroche-toi, lui souffla-t-il à l'oreille en lui flattant l'encolure.

Dix minutes plus tard, Ichigo était enfin sur les lieux. Une bonne quinzaine de personnes s'affairaient autour de deux petites silhouettes allongées sur un lit de fortune posé à même le sol. Il attacha son cheval avec les autres puis s'approcha doucement du groupe. Mine de rien, ce déploiement était très impressionnant.

Une jeune femme brune sentit sa présence et se retourna vers lui, non sans lever les yeux au ciel. Elle s'excusa auprès de ses collègues puis vint dans sa direction d'un pas souple et rapide.

_ Qui êtes-vous ?

_ Ichigo Kurosaki, c'est le duc Hitsugaya qui m'a averti que vous aviez retrouvé mes petites sœurs, répondit-il obligeamment.

Une lueur de compréhension s'alluma dans les yeux de Lisa – oui parce que c'était bien elle – qui lui fit signe de venir avec elle.

_ Je vois, soupira-t-elle en continuant de marcher. Vos sœurs sont là-bas mais je vous préviens : ce n'est pas très beau à voir.

Un frisson d'angoisse lui parcourra l'échine. Non, il n'avait pas pu arriver trop tard ?

_ Elles sont encore vivantes, les médecins s'occupent d'elle, le rassura la policière avec un léger sourire. Venez, elles ont besoin de vous.

Lisa conduisit le roux après des jeunes filles allongées sur un lit de fortune, avant de repartir en direction de ses collègues. En constatant les dégâts que leur corps avait subis, une pulsion meurtrière s'empara de lui brutalement. Mais ce n'était pas le moment de s'emporter, ses sœurs étaient plus importantes que ça.

Jamais il n'avait vu un tel spectacle et pourtant, son père était médecin. Cette ordure avait dû s'acharner sur elles. « Tu vas me payer ça, c'est moi qui te le dit ! » pensa-t-il en serrant les poings. Comment pouvait-on être aussi abject ? S'en prendre ainsi à des personnes qui ne pouvaient pas se défendre, c'étaient des manières de lâche !

Prenant sur lui, Ichigo s'agenouilla près de Karin. Il passa sa main dans la longue chevelure noire de sa cadette, comme pour se persuader que tout ça était bien réel. Plongée dans le néant de l'inconscience, la jeune fille n'eut aucune réaction, à son grand regret.

_ Eh la marmotte, c'est fini maintenant, lâcha-t-il d'une voix hachée. Je suis là.

Karin avait toujours détesté être appelée de la sorte par son frère, il ne l'ignorait pas. Ça donnait toujours lieu à des chamailleries ponctuées de rires entre eux. Il refoula un sanglot, il ne devait pas craquer, pas maintenant.

Il se leva puis après un dernier regard inquiet vers la brune, il s'approcha de la jeune fille couchée auprès d'elle. Il n'y avait pas que dans leur caractère qu'elles étaient différentes, songea le jeune homme en s'asseyant près de Yuzu. Leur physique était comme le jour et la nuit. Autant les cheveux de Karin étaient sombres, autant ceux de sa jumelle étaient clairs. Il comprit qu'elles étaient de fausses jumelles, donc Yuzu devait ressembler à leur mère. Il se demandait distraitement de quelle couleur pouvaient bien être ses yeux.

Ichigo ne savait pas quoi faire, devant le corps meurtri de la jeune fille. Il ne l'avait jamais rencontrée mais elle faisait partie de sa famille au même titre que Karin. Elle était sa petite sœur, elle aussi et il était de son devoir de la protéger. Jamais plus il ne laisserait quelqu'un s'en prendre ainsi à ce qu'il avait de plus précieux avec sa femme.

Le jeune homme posa lentement sa main sur la chevelure châtain clair de Yuzu et esquissa un léger sourire. Depuis le temps qu'il attendait ça, il avait enfin devant lui ses deux cadettes réunies.

_ Bonjour Yuzu, chuchota-t-il à son oreille. Tu ne me connais pas mais je suis ton frère aîné, Ichigo.

Il déglutit péniblement avant de reprendre, la voix entrecoupée de sanglots :

_ Je suis... je suis si content de te connaître enfin, même si j'aurais préféré... que ça se fasse dans d'autres circonstances...

La jeune fille bougea sa main et attrapa celle de son frère qui retint un hoquet de surprise, de même que toutes les personnes présentes. Elle reprenait connaissance !

_ Onii-chan, lâcha Yuzu dans un soupir avant d'ouvrir lentement les yeux. Je sais... qui tu es...

_ Tu m'as entendu ? s'étonna le jeune homme. Et tu sais qui je suis ?

La jumelle de Karin hocha la tête avant de lui sourire avec difficulté.

_ Oui, Karin... m'a parlée de toi..., lui apprit-elle en levant ses prunelles noisettes vers lui. Des cheveux oranges... c'est bien toi...

Une quinte de toux l'interrompit brusquement. Après quelques secondes qui parurent être des heures à Ichigo, elle se calma enfin. Affaiblie, Yuzu sentait ses yeux se fermer sans qu'elle ne puisse lutter contre le sommeil.

_ Repose-toi, petite sœur, murmura le roux avant de se relever. Je ne serai pas loin.

Un homme qu'il supposa être un médecin s'approcha de lui et lui annonça les nouvelles concernant ses deux sœurs. Il avait dû attendre la fin de leur discussion pour venir le voir, le jeune régisseur lui en était reconnaissant.

_ Monsieur Kurosaki, nous avons examiné vos sœurs et nous leur avons donné les premiers soins.

Le médecin fit une petite pause avant de continuer d'une voix légèrement inquiète :

_ Mais il n'y a pas de temps à perdre. Elles sont toutes les deux dans un état grave.

Les deux hommes jetèrent un regard lourd de sens sur les jumelles inconscientes.

_ Il semble que Karin ait subi plus de mauvais traitements que sa jumelle, ses blessures sont autrement plus sérieuses.

Le praticien plongea son regard dans celui d'Ichigo avant de terminer :

_ On dirait que son tortionnaire s'est acharné sur elle.

_ Je vois, fit le frère des jumelles, trop calmement.

Le silence s'installa durablement entre le médecin et lui. Le jeune homme roux se mit à serrer ses poings tellement fort que ses paumes de main se mirent à saigner. La culpabilité l'étouffait, il aurait dû pouvoir empêcher une chose pareille de se produire. Jamais il ne pardonnerait cet acte de cruauté, même si on l'en suppliait à genoux.

_ Est-ce qu'elles vont s'en sortir ? l'interrogea-t-il sans lever la tête.

_ Je l'ignore, répondit sincèrement le médecin. Certaines de leurs blessures sont infectées et je ne peux pas vous dire la gravité de l'infection.

Avant de partir auprès de ses patientes, le docteur posa une main réconfortante sur l'épaule du régisseur avant de lui dire d'une voix rassurante :

_ Vos sœurs sont de vraies battantes, croyez en elles.

_ Merci, docteur.

Le voilà de nouveau seul avec ses peurs... Le médecin avait raison : il ne devait pas douter de leur guérison, c'était son rôle de frère aîné.

Et puis, Ichigo ne pouvait pas nier que Karin n'était pas du genre à baisser les bras face à l'adversité. Elle avait le même caractère fort que lui. Il savait qu'elle allait se battre jusqu'au bout, elle n'était pas une Kurosaki pour rien.

Mais en ce qui concernait Yuzu, le roux ne la connaissait pas assez pour dire si elle réussirait à surmonter cette épreuve. Surtout qu'elle avait été retenue bien plus longtemps que sa jumelle. Il ne voulait même pas imaginer ce qu'elle avait bien pu vivre dans cet endroit.

Tout ce qu'elle avait subi pouvait l'avoir changée, il ne l'ignorait pas mais il devait garder espoir. Yuzu était elle aussi une Kurosaki et les personnes de cette famille étaient de vrais têtus, Ichigo était bien placé pour le savoir.

Le régisseur était tellement absorbé par ses pensées qu'il n'avait même pas remarqué la présence de quelqu'un à ses côtés. Ce fut quand cette personne parla qu'il revint à la réalité.

_ Les médecins emmènent vos sœurs à l'hôpital, lui annonça l'inspecteur Hirako.

Quand l'officier avait vu le jeune homme auprès de ses sœurs, il n'en avait pas été aussi surpris que ça. De toute façon, même s'il lui faisait une remarque, le jeune homme n'en ferait qu'à sa tête. Alors autant ne pas se prendre le chou avec ça.

_ Elles seront admises dans l'hôpital Ishida ? s'enquit le roux, bien qu'il connaissait déjà la réponse.

Après tout, cet hôpital était un des meilleurs du pays et on disait que père et fils le tenaient d'une main de maître. Heureusement qu'il ne se trouvait pas si loin de chez lui, il pourrait aller leur rendre visite après son travail. Dans cet établissement, Yuzu et Karin seraient entre de bonnes mains. Et il savait que son père serait d'accord, bien que lui et Ryuken Ishida soient d'anciens rivaux.

En tout cas, Ichigo avait hâte d'annoncer la bonne nouvelle à sa femme et ses amis. Sans leur soutien, il serait devenu complètement fou. Malgré le fait qu'elles soient blessées, ses sœurs étaient en vie et c'était le principal.

_ En effet, confirma le blond en croisant ses bras. Je suppose que vous allez vous y rendre, n'est-ce pas ?

_ Je ne peux pas les abandonner, lança le frère des jumelles en jetant un œil à l'ambulance.

Bien sûr, Shinji le comprenait. Son interlocuteur avait eu tellement peur de ne pas revoir ses deux cadettes qu'il voulait être à leurs côtés.

_ Merci inspecteur, grâce à vous et votre équipe, mes sœurs sont encore en vie.

L'officier lui sourit légèrement puis s'éloigna vers l'inspecteur Sarugaki qui l'appelait à cor et à cri. Après un soupir de résignation, Hirako la rejoignit en traînant des pieds.

_ Beau travail, Shinji, le félicita-t-elle en le frappant sur l'épaule.

_ Nous les avons trouvées par hasard, tu sais... avoua-t-il en baissant les yeux.

Il ne changerait jamais, décidément, songea la blonde amusée. Toujours le triomphe modeste...

_ Et alors ? Le principal, c'est de les avoir trouvées, non ?

L'inspecteur Hirako sourit en levant les yeux vers le ciel bleu parsemé de nuages de beau temps. Cette vision l'apaisa en un instant.

_ Tu as raison...

Les deux policiers quittèrent cet endroit maudit avec un certain soulagement. Ils n'avaient pas encore terminé, ils devaient rédiger le rapport d'enquête et clore l'affaire, une bonne fois pour toutes. Une bonne chose de faite...

Un dernier regard derrière lui apprit à Shinji qu'Ichigo Kurosaki avait quitté les lieux. Il suivait sans doute l'ambulance qui contenait ses cadettes. Cette histoire morbide était enfin terminée, à son plus grand bonheur. Aucune victime n'était à déplorer.

_ Je crois que l'ordure qui a enlevé et torturé les jumelles Kurosaki va prendre très cher, fit sa collègue sans le regarder.

_ Sa fille n'est pas en reste, renchérit le blond. Ils ne sont pas près de revoir la lumière du jour, c'est moi qui te le dit.

Et encore heureux ! Ils ne s'en sortiraient pas impunément, Shinji y veillerait personnellement.

 

Pendant ce temps, dans la maison des Kurosaki, Orihime s'affairait à préparer le dîner, avec l'aide de Rukia. Les deux femmes bavardaient gaiement tandis que Renji les regardait, un sourire aux lèvres.

Le vicomte était rassuré de voir que la femme de son meilleur ami ne se laissait pas abattre. Elle reprenait petit à petit du poil de la bête. Son sourire éclatant en était la preuve, même si de temps en temps, il disparaissait.

_ Non, Hime-chan, fit la noble en mettant les mains devant elle pour se protéger.

_ Et si !

À son plus grand amusement, le jeune homme aux cheveux rouges vit sa promise se faire frapper avec un torchon, sans pouvoir répliquer. Il n'empêchait que cette scène était vraiment rafraîchissante, elle faisait retomber la pression.

Après quelques minutes, la future maman était complètement essoufflée. Elle prit place sur une chaise de la cuisine pour reprendre son souffle.

_ Ah ça fait du bien de rire, soupira la rousse.

Ses deux amis étaient on ne peut plus d'accord avec elle. Le rire n'avait pas vraiment été au rendez-vous, ces dernières semaines. L'inquiétude était bien trop présente et l'atmosphère s'en était retrouvée alourdie.

Quelques coups frappés à la porte d'entrée les firent sursauter en chœur. Qui leur rendait visite à une heure aussi tardive ? La maîtresse de maison se leva doucement de sa chaise et se dirigea vers l'entrée. En jetant un coup d'oeil par la fenêtre, elle vit un policier en uniforme portant un message. Orihime déverrouilla le loquet et ouvrit le battant.

_ Madame Kurosaki, j'ai un message urgent de la part de votre mari, annonça l'agent d'un ton pressé.

_ Merci, dit-elle en prenant la feuille.

_ Je dois y aller, au revoir.

Après un vague signe de tête, il prit congé d'un pas rapide.

La femme d'Ichigo referma la porte derrière elle et se rendit d'un pas précipité dans la cuisine où se trouvaient encore les deux fiancés.

_ Qu'est-ce que c'est ? s'enquit Rukia en montrant du doigt ce que la rousse tenait en main.

Orihime prit le temps de s'asseoir avant de lui répondre d'une voix inquiète.

_ Un message d'Ichigo, un policier vient de me l'apporter.

L'annonce jeta un froid dans la pièce. Personne n'était rassuré à l'idée d'en découvrir le contenu. Mais à un moment, il fallait bien se lancer. La jeune femme aux prunelles grises ouvrit la lettre d'une main mal assurée et en commença la lecture d'une voix tremblante :

_ « Orihime, mes sœurs ont été retrouvées vivantes et là nous sommes en route pour l'hôpital Ishida. Leur état général n'est pas super mais je te tiendrai au courant des dernières nouvelles... »

Un immense soulagement s'empara de chacune des personnes présentes. Elles étaient vivantes ! La situation n'était pas encore désespérée.

_ « J'ai eu aussi des nouvelles pour la peine encourue par les deux coupables. Ils sont condamnés à la prison à perpétuité sans possibilité de remise de peine. » C'est fini, enfin tout est fini, souffla la rousse, les larmes aux yeux.

Depuis le temps qu'elle attendait ça, c'était une merveilleuse nouvelle. Enfin tout le monde allait pouvoir se tourner vers l'avenir et ne plus penser à ces événements horribles. Elle avait l'impression de peser plus léger, le poids de sa peur s'étant enfin envolé.

Même si ses deux belles-sœurs étaient blessées, elles étaient prises en charges par un des meilleurs hôpitaux du royaume. Il y avait de bonnes chances pour qu'elles s'en sortent.

La Kuchiki retenait des larmes de soulagement, elle allait pouvoir revoir son amie et lui annoncer la nouvelle de son mariage avec Renji. Elle voulait partager sa joie avec Karin car elle savait que la jeune fille allait être contente pour eux deux. Et bien sûr, elle mourrait d'envie de rencontrer Yuzu. Elle en profiterait pour leur demander d'être ses demoiselles d'honneur.

_ Je vais me rendre sur place, annonça le rouge avec un sourire. Je ne vais pas laisser mon meilleur ami tout seul alors qu'il s'inquiète pour ses sœurs.

Les deux femmes acquiescèrent sans dire un mot. Elles s'en doutaient un peu, à vrai dire. Évidemment, elles aussi avaient envie de rejoindre Ichigo mais Orihime devait se ménager donc les voyages n'étaient pas recommandés pour elle. Surtout avec les deux malaises qu'elle avait faits.

_ Je reste avec Orihime, trancha la brune aux yeux indigo. Je t'attendrai ici.

Le vicomte était d'accord avec la décision de sa promise. La rousse ne devait pas être seule, si jamais elle s'évanouissait de nouveau. Au moins avec Rukia, son amie serait entre de bonnes mains.

Après un dernier baiser à sa fiancée, il sortit de la maison à toute vitesse pour retrouver Zabimaru, tranquillement installé dans un box de l'écurie de son ami.

 

Deux heures plus tard, Ichigo se trouvait à l'hôpital qui avait accueilli Yuzu et Karin en urgence. Le jeune homme faisait les cent pas dans la salle d'attente. Il ne savait pas si Orihime avait reçu son message l'informant des derniers événements. Il ne faisait aucun doute que son père avait reçu le sien car il le vit arriver vers lui, le visage inquiet.

_ Ichigo, où sont-elles ? demanda Isshin, la voix altérée par l'émotion.

_ Dans le bloc opératoire, répondit son fils en lui montrant la feuille rouge au-dessus de la porte. Ça fait bientôt deux heures qu'elles sont là-dedans.

Le père des jumelles prit place aux côtés de son aîné. Le silence retomba entre les deux hommes. L'inquiétude les rongeait et ils ne savaient pas à quoi s'attendre. Puis n'y tenant plus, Isshin reprit la parole :

_ Les policiers les ont trouvées où ?

Le jeune homme roux ne voulait pas se rappeler de ce détail mais son père avait le droit de savoir. Réprimant un soupir, il répondit à cette question :

_ Elles étaient dans un manoir en ruine qui se trouve non loin de chez le duc Kuchiki.

Le père de famille ne s'attendait pas à cette nouvelle. Pourquoi retenir deux jeunes filles dans un endroit si proche de leur famille ? La logique du ravisseur lui échappait totalement. Il ressentait peut-être un immense pouvoir de supériorité...

_ Je ne le dirai pas à Rukia parce qu'elle va se sentir coupable, lâcha Ichigo en regardant le plafond d'un œil morne.

_ Je suis d'accord, confirma Isshin. Il vaut mieux qu'elle ne le sache pas.

Connaissant le caractère de la sœur du duc Kuchiki, c'était préférable. D'autant plus qu'elle considérait Karin comme une amie...

L'arrivée d'une troisième personne interrompit les pensées des deux Kurosaki. Quand le roux baissa la tête pour voir qui les dérangeait, il fut soulagé de constater qu'il s'agissait simplement de Renji. D'ailleurs, comment était-il au courant ? Il devait sans doute se trouver avec Orihime lorsqu'elle avait reçu son message, le régisseur ne voyait pas d'autre explication.

_ Je suis venu dès que j'ai su, révéla le rouge essoufflé. Tu as eu des nouvelles ?

Ichigo fit signe que non, toujours rien. Un coup d'oeil sur sa droite lui indique que son paternel s'était éloigné. Il devait sans doute chercher quelqu'un qui pourrait lui dire ce qui se passait. C'était probable, son père ne pouvait pas rester sans rien faire. Il lui ressemblait un peu sur ce point, il devait l'avouer.

Renji vit que son ami était tendu à l'extrême. En même temps, qui ne le serait pas dans une telle situation ? Puis un bruit de pas attira son attention.

_ Famille de Yuzu et Karin Kurosaki, fit une voix féminine.

Sans doute une infirmière, songea distraitement le vicomte Abarai.

_ Je suis Ichigo Kurosaki, lança aussitôt le roux. Mon père est là aussi.

D'ailleurs, le voilà qui arrivait rapidement. Aussitôt qu'Isshin se trouva à côté de son fils, un médecin fit son apparition.

_ Je suis le docteur Uryu Ishida, j'apporte des nouvelles des deux jeunes filles.Le brun à lunettes feuilleta le dossier pendant un instant puis posa son regard neutre sur les deux hommes qui attendaient impatiemment qu'il se mette à parler.

_ Voilà : Yuzu est la moins gravement touchée. Ses blessures étaient certes nombreuses mais sans gravité. Seule une nous a causé du souci. Une de ses côtes cassées a failli perforer son poumon droit, il se pourrait que ça lui cause des problèmes de respiration par la suite. Elle souffre de malnutrition et est nourrie en alimentation liquide.

L'annonce cloua le père et le frère sur place. Mais il y a quelque chose qui leur échappait : pourquoi Yuzu n'était pas la plus gravement blessée ? Elle avait été retenue pendant bien plus longtemps que Karin... A moins que celle-ci ne l'ait protégée de leur tortionnaire en prenant les coups à sa place.

Le vicomte Abarai garda le silence mais ses poings serrés parlaient pour lui. Il n'aurait jamais imaginé des blessures comme celles-ci. Ça ne le rassurait pas sur l'état de Karin.

_ Venons-en à Karin : elle souffre aussi de malnutrition mais ce n'est pas ce qui nous inquiète le plus, expliqua le jeune homme à lunettes. Une jambe cassée en deux endroits, plusieurs blessures graves par arme blanche, traumatisme crânien. Il est possible qu'elle souffre d'une perte de mémoire mais tant qu'elle ne se réveille pas, nous ne pourrons pas en être certains.

Le médecin s'interrompit un instant pour leur laisser le temps de digérer la nouvelle.

_ Il est possible qu'elle garde des séquelles, n'est-ce pas ? demanda Isshin sur un ton de professionnel.

_ Elle risque de boiter pour le reste de sa vie, confirma le jeune praticien avec un regard désolé vers l'ami de son père.

Le patriarche Kurosaki s'en doutait un peu, la médecine actuelle avait déjà du mal pour guérir une fracture simple sans séquelle, alors une double... C'était quasiment mission impossible.

Enfin, il n'allait pas abandonner pour si peu, il ne s'appelait pas Kurosaki pour rien. Sans se vanter, il était réputé pour être un des meilleurs médecins du pays avec Ryuken Ishida. Peu importe le temps que ça prendra mais il ferait en sorte que sa fille puisse marcher à peu près normalement.

Ishida se retourna vers une infirmière qui lui parla à son oreille. Une fois celle-ci partie, le jeune homme brun se retourna vers les Kurosaki pour leur annoncer :

_ Yuzu vient de se réveiller, vous pouvez aller la voir mais pas plus de quinze minutes.

Sa recommandation ne tomba pas dans l'oreille d'un sourd. Alors que le médecin s'en retournait vers ses autres patients, Renji se leva de son siège pas très confortable. Dieu qu'il détestait les hôpitaux mais il n'y avait rien qu'il ne ferait pas pour son ami.

_ Je vais annoncer la nouvelle à Rukia et Orihime, fit-il avec un sourire. Je vous laisse en famille.

_ Merci d'être venu, Renji, dit Ichigo en lui donnant une accolade amicale. Je compte sur toi.

_ Pas de problème, à plus tard, le salua-t-il avant de s'éclipser.

Une fois le vicomte Abarai hors de vue, Ichigo suivit son père pour se rendre au chevet de sa jeune sœur. Il était heureux qu'elle soit enfin réveillée mais son inquiétude pour Karin faisait que son bonheur était altéré.

Ce n'était pas le moment de penser à ça, Karin était forte aussi bien mentalement que physiquement. Elle allait s'en sortir, ce n'était qu'une question de temps avant qu'elle ne reprenne conscience. Il voulait y croire et il ne devait pas en être autrement.

Son paternel frappa à la porte de la chambre où se trouvait Yuzu. La voix de la jeune fille leur parvint à travers la cloison.

_ Entrez.

Deux personnes entrèrent dans sa chambre. Yuzu savait qu'elle se trouvait à l'hôpital, la gentille infirmière, qui s'occupait d'elle l'avait renseignée. Son esprit était encore embrumé mais elle reconnut sans peine la chevelure orange de son frère aîné. En revanche, elle n'avait jamais vu celui qui l'accompagnait. Peut-être était-ce...

_ Yuzu, l'appela Ichigo. Je te présente notre père, Isshin Kurosaki.

Leur père ? Cet homme était leur père ? La jeune fille avait du mal à croire qu'elle rencontrait enfin celui qui lui avait donnée la vie.

_ Bonjour Yuzu, dit calmement Isshin, les yeux brillants. Je suis vraiment heureux d'avoir enfin la chance de te rencontrer.

Des larmes de joie firent scintiller les yeux caramel de l'aînée des jumelles. Elle ne savait pas vraiment quoi dire sur le coup. L'émotion l'empêchait de parler.

_ Tu ressembles beaucoup à ta mère, confia le père de famille bouleversé.

Isshin avait vraiment l'impression de se retrouver devant Ayame, la mère des jumelles. Les mêmes cheveux clairs et brillants, les mêmes yeux chauds et rassurants, la même douceur qui se dégageait d'elle... Karin tenait plus de lui que de sa mère.

_ Vous... trouvez ?

Même si elle ne s'en rendait pas vraiment compte, Karin le lui répétait assez souvent pour qu'elle en soit convaincue. Et son père l'avait remarqué tout de suite, alors qu'ils venaient à peine de se rencontrer.

Ichigo se maintenait en retrait, ne loupant rien de la scène émouvante qui se jouait entre son père et sa sœur. Le jeune homme était heureux de voir que Yuzu allait mieux que lorsqu'il l'avait vu pour la première fois.

_ Oui, c'est vrai.

Le chef de famille ne lâchait pas sa fille des yeux. Il se rappelait qu'il avait agi de la même façon lors de sa première rencontre avec Karin. En même temps, quel homme ne serait pas heureux d'avoir deux filles aussi belles et différentes, l'une de l'autre ? Pas lui, en tout cas.

_ Onii-chan, père, je suis... contente de vous connaître enfin, révéla la jeune fille avec un beau sourire. Karin m'a tellement... parlée de vous tous que... j'ai l'impression de vous connaître depuis toujours...

Cela ne les étonnait pas de Karin. Elle devait lui parler de leur famille quand elles étaient toutes les deux retenues prisonnières. Sans doute espéraient-elles ainsi penser à autre chose... Rien de surprenant, à vrai dire.

Le temps passait tellement vite qu'un médecin vint les avertir que la visite était terminée. Avant de partir, Ichigo se retourna vers sa cadette et lui adressa un sourire.

_ Repose-toi bien, je reviendrai demain après mon travail.

Yuzu hocha la tête, montrant qu'elle l'avait entendu. La fatigue reprenait possession d'elle et elle ne vit pas son frère refermer la porte derrière lui. Elle s'endormit paisiblement, la peur de mourir ayant enfin disparue.

Ichigo se retrouva seul, adossé contre un mur de la salle d'attente. Son père était parti demander des nouvelles de la brune mais quand il revint, quelques minutes plus tard, son visage montrait de la déception et de l'inquiétude.

_ Elle n'est pas encore réveillée, lui annonça Isshin. Il lui faudra du temps avant de reprendre connaissance.

Le roux s'en doutait un peu, vu la gravité de ses blessures.

_ Tu devrais rentrer chez toi, mon fils, lui conseilla le chef de famille. Je te préviendrai s'il y a du nouveau.

_ D'accord, papa.

Oui, il allait rentrer chez lui retrouver sa douce moitié mais avant, il devait annoncer les dernières nouvelles au duc Hitsugaya. Il devait savoir.

 

Arrivé au château ducal après une trentaine de minutes, le jeune régisseur posa pied à terre et confia son cheval à un palefrenier venant à sa rencontre.

Épuisé, Ichigo ne désirait qu'une seule chose : rentrer chez lui et se laisser dorloter par Orihime. Mais il avait autre chose à faire et ça ne pouvait pas attendre. Reprenant un instant son souffle, le roux remarqua distraitement que la nuit était en train de tomber, signe qu'il serait bientôt l'heure de dîner.

La journée avait été longue, heureusement qu'il en voyait le bout. Il monta les marches du perron et sonna à la porte. Le jeune homme attendit quelques secondes avant de voir enfin le fidèle majordome faire son apparition.

_ Bonsoir, Monsieur Ichigo, le salua le domestique d'un ton guindé.

_ Bonsoir Shin, il faudrait que je m'entretienne avec Sa Grâce au sujet de mes sœurs, c'est possible ?

_ Je vais vous annoncer.

Shin le fit attendre dans le hall pendant qu'il allait prévenir le duc Hitsugaya. Quelques minutes après, il vit le maître des lieux s'approcher, le visage anxieux.

_ Kurosaki, venez dans mon bureau, l'invita-t-il d'un ton sans réplique.

Ichigo le suivit sans dire un mot. L'endroit où ils allaient parler lui importait peu, le plus important était de lui annoncer ce qu'il savait.

_ Votre Grâce, j'ai des nouvelles, annonça de but en blanc le régisseur.

Toshiro n'en menait pas large, bien qu'il ne montrât rien. Il ne voulait pas entendre de mauvaises nouvelles mais il ne devait pas écarter cette possibilité. Il prit place à son bureau et fit signe au roux de s'asseoir en face de lui.

_ Voilà : mes sœurs sont à l'hôpital, elles ont été soignées mais il y a des risques de séquelles.

_ Quel genre ?

_ Yuzu aura sans doute des problèmes respiratoires, d'après le médecin, expliqua le jeune homme en empoignant le tissu de son pantalon. Et Karin...

Voilà le sujet qui l'intéressait. Pas qu'il ne s'inquiétait pas pour Yuzu, mais il ne la connaissait pas donc c'était plus difficile pour lui de se sentir impliqué. Le jeune duc n'était pas rassuré par l'expression du visage de son employé. Tout ça ne lui annonçait rien de bon pour la suite.

_ Karin a subi de lourdes blessures : fracture double de la jambe, traumatisme crânien... Il est possible qu'elle souffre d'amnésie...

Bon sang ! Jamais le noble aux prunelles de glace n'aurait imaginé de telles conséquences. Il se retint de cogner son poing contre son bureau. La pensée que Karin ne se souvienne plus de lui lui faisait atrocement mal dans la poitrine. Il ne pourrait pas le supporter.

_ De plus, il y a de fortes chances qu'elle boîte toute sa vie car sa jambe ne sera sans doute jamais complètement guérie, termina Ichigo sans lâcher le jeune seigneur de ses yeux noisette.

Quoi ? Toshiro n'était pas sûre d'avoir bien entendu. L'éclair de colère contenu dans les yeux de son régisseur lui assurait qu'il ne s'était malheureusement pas trompé. Mais il devait se reprendre, ce n'était pas digne de lui de montrer ses émotions de la sorte.

_ Elles ont repris conscience ? demanda-t-il posément.

_ Yuzu oui, pendant une petite heure mais Karin est toujours inconsciente.

_ Je vois...

Le duc se leva brusquement de sa chaise et se posta devant la fenêtre donnant sur le parc du château. La vue fit monter en lui un sentiment de mélancolie. Non seulement la femme qu'il aimait serait peut-être amnésique mais elle ne marcherait plus jamais normalement. Tout ça lui donnait la nausée.

Et dire que c'était à cause d'une idiote jalouse et de son ordure de père que tout ça était arrivé ! Il y avait de quoi devenir fou.

_ Vous me tiendrez au courant si elle se réveille ?

_ Bien sûr, Votre Grâce, accepta le roux.

Le régisseur n'aimait pas ce qu'il voyait dans le regard du duc Hitsugaya. Il semblait très affecté par cette nouvelle. Si ça ne tenait qu'à lui, Ichigo ne le laisserait pas seul. Mais il devait retrouver Orihime qui devait l'attendre avec une certaine impatience.

_ Karin va se battre, elle ne lâchera rien, tenta de le rassurer le roux en posant une main sur l'épaule du duc.

_ Je sais, confirma le jeune seigneur avec un léger sourire.

Toshiro ne l'avait pas beaucoup fréquentée mais il savait que la jeune fille était une vraie battante. Elle ne se laissait jamais abattre, c'était une chose qu'il aimait chez elle. Quand il y repensait, il ne lui avait fallu que peu de temps pour tomber sous son charme. La jeune fille dégageait quelque chose qui l'attirait vers elle comme un aimant.

Le duc Hitsugaya n'avait qu'une hâte : c'était de la revoir à nouveau afin de s'assurer par lui-même qu'elle allait bien. Seule la famille pouvait aller la voir à l'hôpital mais dès qu'elle serait rentrée chez elle, il ne perdrait pas une seconde de plus pour aller à sa rencontre. D'ailleurs, cela lui faisait rappeler qu'il devait avoir une conversation importante avec le père de la brune. Et le plus tôt serait le mieux...

Bien sûr, Toshiro attendrait que Karin soit sortie de l'hôpital pour parler à son tuteur. Autant laisser les choses se faire naturellement, sans se précipiter.

_ Je vais prendre congé, à présent, l'informa Ichigo en se levant.

_ Je vous en prie, passez le bonjour à votre femme.

Toshiro jaugea son régisseur d'un regard critique et vit qu'il semblait sur le point de s'écrouler de fatigue. Il était hors de question de le laisser rentrer chez lui à cheval.

Il sonna son majordome qui arriva quelques secondes après.

_ Faites venir ma voiture, s'il vous plaît.

Le jeune homme roux ne comprenait pas la raison de cette requête.

_ Bien, Votre Grâce.

Il vit le domestique s'incliner devant le duc et aller faire porter ses ordres d'un pas vif.

_ Pourquoi ? s'enquit le roux perplexe.

_ Vous êtes épuisé et je ne veux pas que vous risquiez une chute de cheval en partant de chez moi, expliqua le noble aux cheveux d'argent d'un ton sans appel.

Le régisseur aurait voulu protester mais ce serait gaspiller le peu d'énergie qu'il lui restait. Au fond de lui, il lui en était reconnaissant. L'état dans lequel il était lui vaudrait probablement d'avoir un accident et il aimerait éviter, surtout en ce moment.

_ Merci, soupira Ichigo en fermant les yeux quelques instants.

Pendant qu'il attendait de pouvoir rentrer, le frère des jumelles se repassa rapidement en tête tous les événements de cette journée complètement chaotique. Bon sang ! Deux types d'émotion se battaient en lui : la joie de voir ses sœurs vivantes et la peur qu'elles subissent les conséquences tout le reste de leur vie.

Le jeune homme nourrissait une profonde colère pour les responsables de cette horreur. Bien sûr, il était soulagé de voir qu'ils allaient payer pour ce qu'ils avaient fait mais il aurait préféré s'occuper de leur cas lui-même. Ce serait son seul regret.

 

Trois jours après avoir retrouvé les jumelles Kurosaki, Ichigo se trouvait avec Yuzu dans sa chambre d'hôpital. La jeune fille lui avait demandé de lui parler de toute leur famille. Il se faisait une joie de tout lui dire.

Elle l'avait écouté, suspendue à ses lèvres et avait été ravie d'apprendre qu'elle aurait bientôt un neveu ou une nièce à chouchouter. La jeune fille aux yeux caramel avait hâte de rencontrer la femme de son frère.

Ses yeux clairs et pétillants étaient pleins de joie de vivre. Son sourire illuminait la pièce et réchauffait le cœur meurtri de son frère. Il l'écoutait raconter son enfance avec sa sœur et sa mère, même s'il connaissait déjà tout ça. Karin lui en avait déjà parlé. Mais il ne voulait pas gâcher le plaisir de sa jeune sœur.

_ Et en plus, tu savais que Karin avait un prétendant dans notre village ?

Ah ça, par contre, la brune n'avait pas jugé bon de lui en parler.

_ C'est vrai ?

_ Eh oui, soupira la châtaine en retenant un rire à ce souvenir. Il s'appelait Ryohei et il la suivait partout. Elle avait beau le repousser à chaque fois, il n'abandonnait pas.

Eh bien, eh bien... Ichigo allait bien pouvoir charrier la plus jeune de ses sœurs avec tout ça. Il se régalait en écoutant le récit de Yuzu et il apprenait des choses bien intéressantes.

_ Au bout d'un moment, elle en a eu tellement assez qu'elle lui a envoyé son poing en pleine figure en lui hurlant dessus. Il n'est plus jamais revenu après ça.

Le roux imaginait bien la scène, il ne put empêcher un sourire amusé de naître sur son visage. Déjà quand elle était plus jeune, Karin ne se laissait pas marcher sur les pieds. Il plaignait presque son ancien soupirant.

Yuzu n'y tint plus : elle éclata de rire sous le regard bienveillant d'Ichigo. Raconter ce souvenir lui avait fait un bien fou. Il y avait bien longtemps qu'elle n'avait pas ri comme ça. Il lui fallut quelques minutes pour se calmer. Essuyant ses dernières larmes, la jeune fille reprit son souffle tant bien que mal.

Alors qu'elle allait reprendre la parole, la porte de sa chambre s'ouvrit doucement et laissa entrer une infirmière, qui leur adressa un sourire.

_ Monsieur Kurosaki, Karin vient de se réveiller et elle vous réclame tous les deux, annonça la jeune femme en uniforme en posant son regard doux sur le frère et la sœur. Par miracle, il semble qu'elle ne souffre pas de perte de mémoire.

Un soupir de soulagement se fit entendre du côté du frère aîné. Ça faisait un problème en moins.

_ Merci, fit Ichigo avec un regard reconnaissant. On y va ? demanda-t-il à sa sœur.

_ Bien sûr !

L'infirmière, aidée du roux, posa Yuzu sur une chaise roulante et les conduisit à la chambre de leur sœur cadette. Plein d'espoir, Ichigo voulait poser ses yeux sur Karin pour enfin y croire. Croire que tout serait derrière eux, désormais.

À cet instant, il eut une petite pensée pour le duc Hitsugaya. Il savait que son jeune maître voulait rendre visite à la brune mais seule la famille était admise ou la police, le cas échéant. Le roux se promit de tout lui raconter le lendemain. Maintenant, il acceptait les sentiments du duc pour sa jeune sœur, ayant vu sa sincérité.

Le bruit d'une porte qui s'ouvre le ramena à la réalité. L'infirmière qui les accompagnait s'effaça pour laisser entrer le roux qui poussait le fauteuil de Yuzu puis prit congé, appelée par une de ses collègues.

_ Ichi-nii, Yuzu, murmura Karin en se redressant avec l'aide de son frère. Ça fait du bien de vous voir.

La brune laissa errer son regard tout autour d'elle et remarqua des absents.

_ Papa et Orihime ne sont pas là ?

Ichigo secoua la tête, un air désolé sur son visage.

_ Non, papa a un patient à voir et Hime ne peut pas se déplacer, expliqua Ichigo en s'asseyant sur une chaise à proximité du lit de sa sœur.

Karin avait l'impression de rêver, était-elle vraiment en compagnie de son frère et sa sœur ? Bien que fatiguée, la jeune fille voulait profiter au maximum de cette visite.

_ Qu'est-ce que j'ai alors ?

Le jeune homme reconnaissait bien là sa cadette. Elle voulait affronter la réalité, peu importe les conséquences. Il retint un soupir de frustration et se mit en devoir de tout lui expliquer. Le regard insistant de Karin le dissuadait de mentir, même s'il n'en avait jamais eu l'intention.

Ichigo s'adossa confortablement contre le dossier de la chaise et commença à parler d'une voix posée, où on pouvait noter une petite pointe d'inquiétude :

_ Ta jambe gauche a été cassée en deux endroits, tu as eu un traumatisme crânien mais les médecins ont dit qu'il s'est résorbé en grande partie.

Il s'interrompit un bref instant avant de poursuivre, la voix cassée :

_ Tu aurais pu perdre la mémoire et tu ne marcheras plus comme avant.

Cette annonce fit l'effet d'un coup de massue à la brune. Elle s'attendait à beaucoup de choses mais pas à ça. Elle ne pourrait plus marcher, donc la danse était devenue impossible. Les larmes lui montèrent aux yeux à cette pensée. Jamais elle ne danserait de nouveau avec le duc Hitsugaya...

Une main se posa sur la sienne en signe de réconfort. Quand Karin leva ses yeux sombres brillants de larmes contenues, elle vit qu'il s'agissait de la main de sa jumelle. Elle dévia ensuite son attention sur son aîné qui lui adressa un sourire rassurant.

_ Ne t'inquiète pas, petite sœur, fit-il en la prenant dans ses bras. Papa a dit qu'il allait tout faire pour que tu récupères l'usage de ta jambe, même si rien n'est encore certain.

Elle pouvait vraiment compter sur son père pour essayer de trouver une solution. Bien sûr, elle aimerait pouvoir remarcher normalement mais le plus important était qu'elle soit en vie, après tout. Cette idée la fit sourire.

En voyant les visages heureux de Yuzu et d'Ichigo, Karin en était certaine. Oui, c'était ça le plus important...

 

Le temps était long. Tellement long que Toshiro n'arrivait plus à rien. Chaque jour, il attendait. Chaque jour, il espérait. Bien sûr, son régisseur lui apportait des nouvelles à chaque fois qu'il en avait l'occasion mais ce n'était pas la même chose. Il avait ainsi appris que la jolie brune était revenue dans le monde des vivants, quelques jours plus tôt. Par chance, elle ne souffrait pas de perte de mémoire, Ichigo l'en avait assuré.

Le jeune duc tournait en rond dans sa chambre. La nuit était tombée depuis longtemps mais le sommeil ne venait pas. On aurait même dit qu'il le fuyait. À chaque fois qu'il fermait les yeux, le visage de Karin faisait son apparition.

Il avait besoin de la voir, voir si elle allait bien. Il espérait secrètement qu'il lui manquait autant qu'elle lui manquait. Mais la jeune fille n'avait jamais laissé entendre que ses sentiments pouvaient être réciproques.

_ J'en ai assez, ça ne peut plus durer ! craqua-t-il tout bas en ouvrant la fenêtre.

L'air nocturne lui fouettait agréablement le visage. Quelconque verrait le noble duc Hitsugaya à ce moment précis aurait aperçu ses yeux brillants de larmes contenues. Le manque était tel qu'il avait l'impression d'étouffer, il ne savait plus quoi faire.

Ne rien savoir le tuait à petit feu. Toshiro n'ignorait pas que Karin l'appréciait, même si parfois elle semblait mal à l'aise en sa présence. Intimidée par son rang social ? Ce n'était pas vraiment son genre. Il y avait sans doute une autre raison qu'il ignorait.

L'apprécier ? C'était bien beau mais ça ne lui suffisait plus. Il frappa du poing sur le rebord de la fenêtre. Bon sang ! C'était ça être amoureux ? Souffrir comme un damné quand la personne aimée n'était pas à nos côtés ?

La pluie se mit tomber, brusquement. C'était comme si le ciel partageait sa douleur. Le jeune seigneur esquissa un sourire désabusé à cette idée. Il devenait terriblement niais, il ne se reconnaissait plus. Auparavant, jamais il n'aurait laissé ses émotions prendre ainsi le pas sur sa raison. Mais il n'était plus le même homme, il avait irrémédiablement changé.

Lui qui ne voulait plus s'attacher par peur de souffrir depuis la mort tragique de ses parents, le voilà en train de se torturer l'esprit par amour. Quelle ironie !

_ Toshiro, tu es pathétique...

Se détournant de la fenêtre qu'il venait de fermer, le jeune homme aux cheveux d'argent entreprit de se dévêtir rapidement avant de se faufiler sous la couette du lit ducal.

Avisant la place vide à ses côtés, Toshiro poussa un soupir triste. Il en avait assez de la solitude, elle lui pesait chaque jour un peu plus.

Puis il imagina Karin allongée à ses côtés, lui souriant tendrement avant de l'embrasser. Cette vision fit accélérer les battements de son cœur de manière significative. Il rêvait du jour où elle lui appartiendrait enfin, corps et âme. Mais pour ça, il fallait qu'elle l'aime aussi et accepte de l'épouser. Il soupira encore une fois avant d'enfin fermer les yeux.

_ C'est loin d'être gagné...

Il devait vraiment arrêter de se faire du mal, comme ça. Demain était un autre jour.

 

Aujourd'hui était un grand jour. Trois semaines s'étaient écoulées depuis la libération des jumelles Kurosaki et celles-ci s'apprêtaient à enfin rentrer chez elles. Leur poids était redevenu correct et leurs blessures superficielles étaient complètement guéries.

Durant tout leur séjour à l'hôpital, Karin avait attendu une visite en particulier mais il n'était pas venu. Ensuite, son frère lui avait expliqué la raison et elle comprit. Non sans un petit pincement au cœur, elle l'avait accepté, tant bien que mal.

Alors qu'elle se déshabillait pour se mettre en tenue de ville, Karin examina son corps avec attention. Sa peau ne portait aucune marque des sévices subis lors de sa capture, sauf une cicatrice sur la cuisse droite. Elle fit une grimace en la voyant.

_ Ce n'est pas très joli à voir, soupira la jeune fille en détournant les yeux. Bon, il faut que je m'habille... Ichigo ne va pas tarder à arriver.

La brune allait prendre sa robe verte quand une douleur intense dans sa jambe gauche se fit sentir. Elle retint un gémissement et tâcha de reprendre son souffle. Bon sang ! L'effet de l'antidouleur commençait à disparaître !

Elle espérait vraiment que la souffrance allait s'atténuer, ne serait-ce que légèrement avec le temps. Après tout, c'était ce que lui avaient dit les médecins...

Karin devait revenir dans deux mois, pour voir l'évolution de ses fractures. Une était en bonne voie de guérison, l'os s'étant cassé net. Mais la deuxième posait plus de problèmes, elle était située à quatre centimètres de sa cheville et l'os ne se soudait pas correctement. Il se pourrait qu'elle subisse une nouvelle opération.

Bien sûr, la jeune fille marchait avec des béquilles et sa jambe était plâtrée. Un vrai progrès pour cette époque !

_ Bordel ! jura la brune entre ses dents tandis qu'elle essayait d'enfiler sa robe. C'est vraiment dur de s'habiller avec ce poids mort sur cette fichue jambe.

La sœur d'Ichigo se débattit avec ce vêtement pendant dix bonnes minutes avant de réussir enfin à le mettre à peu près correctement. Elle jeta un coup d'œil dans le miroir au-dessus du petit lavabo et décréta que ce n'était pas terrible en voyant son reflet.

Son teint était trop pâle, ses prunelles sombres avaient perdu leur lumière... Et surtout, elle avait perdu pas mal de poids, ce qui lui rappelait la période avant qu'elle n'aille vivre chez Ichigo et Orihime. Elle semblait comme éteinte de l'intérieur. Dommage qu'Orihime n'était pas là, elle aurait pu faire des merveilles.

À l'idée que le duc Hitsugaya la voit ainsi à son désavantage faisait peur à la Kurosaki. Enfin, elle craignait surtout de savoir ce qu'il penserait de son handicap... Elle ne voulait surtout pas voir de la pitié dans ses prunelles de glace, ce serait pire que tout.

Mais au même instant, quelques coups se firent entendre à la porte de la salle d'eau de sa chambre d'hôpital. La voix étouffée de sa jumelle lui parvint avec difficulté.

_ Tu es prête, Karin ?

La jeune fille sursauta. Trop distraite par ses sombres pensées, elle n'avait même pas remarqué la présence de Yuzu. Elle rangea tout son nécessaire de toilette – apporté par son frère, qui avait fait la même chose pour sa jumelle – tout en lui répondant d'un ton bref :

_ Oui, c'est bon !

De l'autre côté de la porte, l'aînée des jumelles attendait tranquillement, assise sur le lit. Beaucoup de bruit venait de la salle d'eau, ce qui inquiétait beaucoup la châtaine. Elle se demandait ce qui pouvait bien se passer.

_ Tu es sûre que tout va bien ? s'enquit-elle après plusieurs secondes.

Yuzu entendit la porte se déverrouiller, sans doute une invitation à entrer. Elle ouvrit le battant et entra doucement à l'intérieur de la petite pièce. La scène qui se montra devant elle était digne de la fin du monde. Étaient entreposés pêle-mêle sur le sol une brosse à dent, du dentifrice, un savon, une brosse à cheveux. Au milieu de tout ça, la silhouette fragile de sa sœur était complètement immobile.

_ Karin ? l'appela-t-elle d'une voix douce. Tu veux que je t'aide ?

En entendant la voix de son aînée de quelques heures, la brune releva la tête, dévoilant des yeux pleins de larmes.

_ Je ne suis même pas fichue de m'occuper de moi toute seule, si ce n'est pas pathétique... soupira-t-elle désabusée.

Sa jumelle se mit à sa hauteur et posa une main réconfortante sur son épaule.

_ C'est normal, lui fit remarquer justement Yuzu. Le plâtre que tu portes à la jambe est très lourd, donc ça te déséquilibre.

Logique, quand on y pensait. Sa sœur avait raison, comme toujours.

Alors que la châtaine était partie chercher de l'aide pour l'asseoir sur un fauteuil roulant, Karin se sentait inutile. Mais elle allait se battre, se battre pour reprendre des forces et guérir. Tout ça par simple volonté. De cette manière, elle prendrait le dessus sur les ordures qui lui ont fait subir tout ça. Ils avaient voulu gâcher sa vie, la jeune fille n'allait pas les laisser faire.

Sa sœur revint quelques minutes plus tard, accompagnée de l'infirmière qui s'était occupée de Karin, durant toute la durée de son hospitalisation. Matsuko Midori était une jeune femme souriante et serviable. Ses longs cheveux blonds, cachés par sa coiffe, étaient attachés en chignon. Ses yeux d'un bleu aussi pur que le ciel d'été étaient remplis de bienveillance.

_ Alors, c'est le grand départ ? questionna l'infirmière avec le sourire.

_ En effet, fit Karin avec soulagement.

Depuis le temps qu'elle voulait rentrer chez elle, elle y était enfin. De plus, cette fois-ci, elle ne rentrait pas seule. Yuzu était présente également. Son bonheur était presque complet, seulement une personne manquait à l'appel. Mais la jeune fille savait qu'elle Le verrait, tôt ou tard.

Pendant que Matsuko poussait le fauteuil roulant à travers le labyrinthe qui formait les couloirs de l'hôpital, les jumelles sentaient leur impatience augmenter au fil des minutes. Yuzu et Karin devisaient gaiement avec l'infirmière blonde. Une fois arrivées dans le hall, les trois femmes n'arrêtèrent pas pour autant leur conversation.

_ Qui vient vous chercher ?

_ Notre frère aîné, lâcha l'aînée des jumelles. Il ne devrait plus tarder, d'ailleurs.

La brune, elle, gardait le silence. Même si elle avait hâte de revoir Orihime, la jeune fille appréhendait son retour chez son frère. Elle n'était plus tout à fait la même qu'avant son départ forcé. Comment allaient-ils s'organiser ? Karin ne voulait être un poids pour personne mais elle allait dépendre de tout le monde, tant qu'elle ne pourrait pas se déplacer librement.

Une secrétaire leur fit signer le papier de sortie, puis leur accompagnatrice les quitta pour aller s'occuper des autres patients. Matsuko fit promettre aux sœurs d'Ichigo de revenir la voir très vite.

_ Aucun problème, dirent en chœur les jeunes filles. À bientôt !

Après un dernier signe de la main, l'infirmière blonde disparut au détour d'un couloir, laissant Karin et Yuzu livrée à elles-mêmes. Ce n'était pas vraiment un problème, elles avaient tellement de choses à se dire qu'elles allaient rattraper le temps perdu.

_ Onii-chan m'a dit que tu avais dansé avec le duc Hitsugaya à son bal, c'est vrai ?

En entendant le nom de son bien-aimé, Karin ne put réprimer un sursaut, sous les yeux attentifs de sa sœur. Ce souvenir faisait remonter des émotions qu'elle pensait enfouie au plus profond de son cœur.

Le bal... Combien de fois avait-elle pu repenser à cette danse magique ? La jeune fille s'était sentie si bien dans les bras du jeune duc. Un sourire rêveur sur ses lèvres, la brune revivait cet instant bien trop court.

Mais un nuage vint assombrir cette réminiscence. À cause de sa blessure grave à la jambe gauche, ça ne se reproduirait plus. Elle essayait de se faire à cette idée mais son cœur refusait obstinément de se soumettre à sa raison. Puis elle se rappela que Yuzu attendait sa réponse.

_ Oui, c'est vrai, répondit-elle tristement. J'ai adoré... J'avais l'impression d'être une princesse de contes de fées.

_ J'aurais tellement aimé voir ça, tu devais être si jolie ! s'emballa la châtaine les yeux pétillants.

C'était ce que lui avait dit Orihime, la brune s'en souvenait comme si c'était hier. Puis elle remarqua que sa jumelle la regardait d'un drôle d'air. Elle passa sa main sur sa bouche et s'excusa.

_ Désolée, petite sœur, je te fais rappeler des souvenirs pénibles.

Yuzu se rapprocha d'elle en se penchant pour parler à son oreille.

_ Je sais que tu danseras de nouveau avec lui, je le sens.

Ces paroles redonnèrent espoir à Karin qui se mit à sourire. En effet, elle ne devait pas en douter.

_ Tu as raison, Yuzu.

L'heure du rendez-vous avec leur frère arriva enfin. L'aînée des jumelles prit en main le fauteuil roulant de sa cadette et sortit à l'extérieur pour voir l'arrivée d'une tignasse orange au loin.

Cinq minutes plus tard, alors qu'elles voyaient Ichigo arriver au loin, une grosse averse leur tomba dessus, les trempant de la tête au pied en quelques secondes seulement. La pluie les prit de court. N'y tenant plus, les jeunes filles éclatèrent de rire devant cette situation cocasse.

Leur frère arrêta le carrosse juste devant elles et quand il sortit la tête par la petite fenêtre, il ne put retenir un sourire moqueur. Il ouvrit la porte et leur dit, taquin :

_ La douche a été bonne ?

Karin leva les yeux au ciel devant cette boutade idiote de son frère. Puis elle répliqua, narquoise :

_ Toi, ça te ferait du bien, tu sais.

Le roux était ravi de retrouver cette facette de la personnalité de la brune. Elle lui avait vraiment manqué. Tant pis si c'était lui qui en faisait les frais !

Ichigo sortit rapidement de la voiture et invita Yuzu à entrer en prenant les béquilles de la brune, pendant qu'il s'occupait de son autre sœur. Il prit Karin dans ses bras, en faisant attention de ne pas cogner sa jambe blessée et l'installa aux côtés de sa jumelle. Ensuite, il partit rendre la chaise roulante à l'hôpital.

Pendant ce petit laps de temps, Karin n'avait pas pu ne pas remarquer le blason qui ornait la porte du carrosse. Un dragon blanc de glace... Elle ne se lassait pas de le contempler, d'autant plus qu'il était aussi présent à l'intérieur. Ainsi donc, le duc Hitsugaya avait prêté sa voiture à son frère pour qu'il vienne les chercher. Cette attention la touchait.

_ Dis Karin, l'appela Yuzu, un air curieux sur le visage. Je ne reconnais pas ces armoiries, à qui appartiennent-elles ?

La question innocente de sa sœur fit manquer un battement au cœur de la jeune fille brune. C'était à prévoir, elle n'avait jamais rencontré leur propriétaire. Pourtant, durant le temps qu'elle avait travaillé au domaine du père de l'ex-fiancée du duc, elle aurait pu l'apercevoir.

_ Au duc Hitsugaya, lâcha Karin brièvement.

Les prunelles turquoise du dragon semblaient la fixer, bien que ça soit impossible. Ces yeux si semblables à ceux qu'elle connaissait... Il lui tardait tant de le revoir.

Perdue dans ses pensées, la dernière de la fratrie ne remarqua pas le regard oblique que Yuzu lui lançait. Mais l'arrivée d'Ichigo la ramena à la réalité.

_ En route ! intima celui-ci en entrant dans le carrosse.

La voiture s'ébranla et se mit à avancer doucement, pour ménager la blessure de Karin. Enfin, elles rentraient chez elles... Cette histoire ne serait plus qu'un mauvais souvenir.

 

Pendant ce temps, le duc Hitsugaya se rendait à un endroit précis, chevauchant son fidèle Hyorinmaru. Il s'était enfin décidé à aller parler à Isshin Kurosaki. Il n'en pouvait plus de souffrir en silence, il devait faire avancer les choses. D'autant plus que d'après ce qu'il savait, les sœurs de son régisseur sortaient de l'hôpital le jour même. C'était le moment idéal pour passer à l'action.

Il n'y avait plus qu'à espérer que le maître de maison soit présent. Le roux lui avait dit que son père n'avait pas de patients à aller voir mais une urgence était si vite arrivée.

Une fois arrivé à destination, Toshiro descendit de son cheval et un palefrenier le prit aussitôt en charge. Après un signe de remerciement, il se rendit sur le perron avant de frapper à la porte. L'impatience et l'angoisse le rongeaient de l'intérieur mais il paraissait, comme à son habitude, calme et impassible.

Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit enfin sur celui qu'il pensait être le majordome.

_ Votre Grâce ?

Le fidèle Aoi ne s'attendait pas à une visite aussi prestigieuse. Il se hâta de le faire entrer dans le hall pendant qu'il allait annoncer sa venue au chef de famille.

Le jeune duc examina du coin de l'oeil l'intérieur du manoir des Kurosaki. Cette ambiance calme et apaisante était la même qu'il trouvait lors de ses visites fréquentes chez Ichigo. Des bruits de pas l'arrachèrent à sa contemplation.

_ Monsieur Isshin va vous recevoir, vint annoncer Aoi tandis qu'il récupérait le manteau du jeune homme.

_ Merci, fit-t-il avec un petit sourire.

Toshiro suivit le majordome à travers le manoir avant d'arriver là où se trouvait Isshin. Celui-ci se leva instantanément en voyant le duc entrer dans son bureau. Le médecin serra la main tendue et invita son invité surprise à prendre place en face de lui.

_ Votre Grâce, Aoi m'a dit que vous vouliez me voir, énonça le brun, sérieux. Un problème avec Ichigo ?

Le jeune seigneur cacha son étonnement. Son régisseur était quelqu'un de confiance, il n'avait aucun reproche à lui faire.

_ Non, aucun, Monsieur Kurosaki, assura-t-il posément. C'est autre chose qui m'amène.

Autre chose ? Quoi donc ? Isshin savait que le duc Hitsugaya n'aurait pas pris la peine de se déplacer jusqu'ici si ce n'était pas important. Il se souvenait d'avoir quelques fois conversé avec lui mais jamais très longtemps. Pourquoi arborait-il une telle expression sur son visage ? Il n'allait sans doute pas tarder à en apprendre davantage.

_ Je vous écoute, Votre Grâce, l'invita Isshin en joignant ses mains.

Voilà le moment de vérité... Toshiro se sentait acculé mais il devait aller jusqu'au bout, peu importe le reste. Il était prêt à tout pour être avec Karin. Cette pensée lui donna du courage pour se lancer.

_ J'aimerais vous demander la main de votre fille Karin.

Quoi ? Lui demander sa main ? Isshin était sous le choc. Mais pourquoi un duc tel que lui voudrait-il épouser sa fille illégitime ? Ça n'avait pas de sens !

La bombe était lancée, il n'avait plus qu'attendre. Toshiro sentait la surprise de l'homme en face de lui. Il y avait de quoi, bien sûr, mais il n'en démordrait pas. C'était elle qu'il désirait avoir pour femme et aucune autre.

_ Karin ? Vous voulez épouser Karin ?

Le jeune noble confirma d'un signe de tête. Ça n'allait pas être simple de le convaincre mais il le ferait, il n'avait pas le choix. D'autant plus qu'il savait avoir le soutien du frère de la jeune fille.

_ Ce n'est pas que je n'aime pas ma fille, Votre Grâce, mais je ne comprends pas, reprit le médecin plus calmement. Karin est une enfant illégitime, si vous l'épousez, vous feriez une mésalliance.

Toshiro ne l'ignorait pas mais ça n'avait aucune importance.

_ Je sais que mon père aurait été d'accord avec cette union, énonça-t-il calmement. Il n'était pas du genre à se préoccuper du rang social.

Une telle chose étonna le père des jumelles. Habituellement, c'était tout le contraire.

_ Vous savez, Monsieur Kurosaki, continua le duc, que je ne suis pas du genre à étaler mes émotions. Mais je vais le faire, pour tenter de vous convaincre.

Il regarda Isshin dans les yeux avant de terminer, sur un ton définitif :

_ Peu importe si ce mariage est une mésalliance ou non... Les sentiments n'ont besoin d'aucune raison. Ils sont, c'est tout.

Les sentiments... Ainsi donc, le noble duc Toshiro Hitsugaya serait amoureux de sa fille... Cette lueur dans les prunelles de glace de son interlocuteur le clouait sur place. C'était bien ça... Mais comment cela avait-il bien pu arriver alors qu'il était encore fiancé, il y avait quelques semaines ?

Isshin savait par son fils que Karin était amoureuse du duc depuis longtemps. Il ne savait pas quoi faire. Son cœur lui disait d'accepter mais ce n'était pas aussi simple. Surtout avec la blessure de la jeune fille. Hitsugaya était-il seulement au courant ?

Toshiro attendait avec impatience le verdict. En lui, l'espoir se heurtait à la raison.

_ Karin ne marchera plus jamais comme avant, lâcha le brun avec un regard froid.

On aurait dit qu'il voulait le tester mais ça ne se passerait pas comme ça. La réponse du jeune seigneur ne se fit pas attendre.

_ Je le sais déjà et ce n'est pas un handicap qui changera quoi que ce soit à mes sentiments pour votre fille.

La sincérité du noble aux cheveux d'argent ne faisait aucun doute. Isshin en était certain... Il avait voulu tester le duc et il était heureux du résultat. Dans ces conditions, le maître de maison savait ce qui lui restait à faire.

_ Je le vois bien, avoua le médecin en levant les mains dans un geste apaisant.

Le père de Karin se leva, aussitôt imité par le jeune duc. Pendant quelques secondes, rien ne se passait, mettant la patience de Toshiro à toute épreuve. Puis il tendit la main vers le noble avant de lancer avec un sourire radieux :

_ Bienvenue dans la famille, Votre Grâce !

Bon sang ! Il avait dit oui ! Le duc Hitsugaya n'y croyait plus. Depuis le temps qu'il attendait ça !

_ Merci, fit-il reconnaissant.

Le petit sourire sincère de son vis-à-vis convainquit Isshin d'avoir pris la bonne décision. Le plus important, à présent : avertir la principale concernée.

_ Je vous laisse le soin de parler à Karin, avertit le brun avec un clin d'oeil. J'imagine que vous voulez le faire vous-même...

_ En effet, confirma Toshiro.

À présent, il lui restait un obstacle à franchir, songea le duc sur le chemin du retour. Obtenir le consentement de Karin... A lui de trouver les mots pour la convaincre. Il décida d'attendre quelques jours avant de lui parler, le temps qu'elle reprenne ses marques.

Mais avant tout, il devait lui parler de tout ce qui s'était passé, ils devaient mettre les choses à plat. Seulement après, ils pourraient songer à l'avenir.

 

Tandis que son frère et sa sœur parlaient tranquillement, Karin préférait regarder le paysage. Elle se revoyait chevauchant Tsuki, en train de se promener avec Rukia. En parlant d'elle, la jeune fille espérait que son frère adoptif avait enfin accepté son mariage avec Renji...

Mariage... La brune aurait préféré ne pas penser à ça. D'après ce que lui avait dit Ichigo, le mois d'avril arrivait sur sa fin donc le mariage du duc Hitsugaya et de sa peste de fiancée avait dû avoir lieu. Elle sentit son cœur se briser en mille morceaux. Comment pourrait-il épouser une telle femme ? Karin espérait vraiment que ce n'était pas le cas.

En même temps, son frère lui aurait sans doute dit, malgré la douleur qu'elle aurait subie par la suite. Il restait encore un espoir, aussi infime soit-il, que cet engagement ait été annulé. Elle attendrait d'en avoir le cœur net. Pas de faux espoir, ce serait plus douloureux qu'autre chose.

Une exclamation de sa sœur jumelle attira son attention sur un château qu'elle reconnut tout de suite. Elle ne l'avait pas oublié...

_ Il est magnifique ! s'extasia Yuzu en joignant ses mains.

_ C'est la demeure du duc Hitsugaya, lui apprit son frère aîné avec un sourire amusé.

Le jeune homme jeta un coup d'oeil discret vers la plus jeune de ses sœurs et vit l'ombre d'un sourire rêveur sur son visage. Il savait ce que cette vue représentait pour Karin. Espoir et souffrance...

_ Karin, ça va ?

La voix d'Ichigo la fit revenir à la réalité. Elle secoua la tête pour reprendre ses esprits, avant de lui répondre d'une voix lasse :

_ Oui, je crois...

Après un bref regard vers le roux, la jeune fille repartit à sa contemplation de la demeure ducale. Pourquoi l'homme qu'elle aimait était-il duc ? Pourquoi n'avait-elle pas choisi un homme du peuple ? Leurs deux mondes étaient tellement différents, aucune chance qu'elle ne puisse un jour entrer dans le sien.

Et après tout, qui voudrait d'une femme handicapée physiquement ? Karin ne pourrait pas le blâmer, parce qu'elle-même ne l'acceptait pas. Une duchesse se devait d'être parfaite, ou presque, et elle ne pouvait plus prétendre à ce titre. Si elle l'avait pu un jour...

De penser à tout ce qu'elle avait perdu lui fit monter la rage au cœur. Si elle tenait les responsables de tout ça entre ses mains, elle leur ferait payer au centuple ce qu'ils avaient osé lui faire subir. Sans oublier les blessures de Yuzu...

Une fois le château disparu derrière les arbres, Karin se mit à regarder devant elle. Elle ne devait plus se lamenter sur le passé, seulement se concentrer sur l'avenir. Même si le sien lui apparaissait incertain.

Son objectif, à présent, serait de récupérer une bonne partie de la mobilité de sa jambe. Son père l'avait prévenue que ça n'allait pas être une partie de plaisir mais si elle devait en passer par là pour réussir, elle le ferait sans hésiter. Après tout, son paternel était un grand médecin, elle pouvait lui faire confiance pour l'aider.

_ On arrive ! annonça la voix forte de son aîné.

Karin sursauta violemment, tout en foudroyant Ichigo du regard.

_ C'est ça quand on rêve, petite sœur, se moqua-t-il gentiment.

Le rire joyeux de Yuzu était comme un baume sur son cœur blessé. La brune lui en était reconnaissante, elle avait besoin de s'aérer l'esprit.

_ Terminus, tout le monde descend !

Le carrosse ducal s'immobilisa devant la maison. Ichigo descendit le premier et prit les béquilles de Karin. Mais avant qu'il ne put l'aider à descendre, la porte d'entrée s'ouvrit brutalement et laissa sortir Orihime, Renji et Rukia. Leur joie faisait vraiment plaisir à voir, elle ne pensait pas leur avoir autant manqué.

_ Karin ! s'écria la rousse en bousculant son mari. Que c'est bon de te revoir !

_ Merci, Hime, répondit la brune émue aux larmes.

Yuzu, elle, se tenait en retrait. Voilà donc la femme de son frère. Qu'elle était belle ! Puis l'attention de sa belle-sœur s'attarda sur elle. Un sourire radieux se fit voir sur son visage.

_ Tu dois être Yuzu, devina la future mère. Tu n'as pas idée comme je suis heureuse de te connaître enfin !

Jamais l'aînée des jumelles n'aurait pensé avoir un tel accueil enthousiaste. L'émotion la submergeait, elle se sentait aimée et acceptée. Karin le lui avait expliqué mais elle avait voulu attendre de le voir pour le croire.

_ Moi aussi, Orihime, assura la châtaine, les yeux brillants, en descendant de la voiture. Ichigo et Karin n'ont pas cessé de me parler de toi.

_ Même pas vrai, nia le roux en faisant la moue.

Rukia s'avança vers lui avant de lui envoyer son poing dans l'épaule.

_ Non mais écoutez-moi le ! ironisa la Kuchiki avec un clin d'oeil en direction de Karin.

Toute cette ambiance bon enfant lui avait vraiment manqué, songea Karin.

Yuzu n'avait pas fait deux pas qu'elle se retrouva entourée par deux bras féminins. Elle sentait les larmes de la jeune femme dans son cou. Elle l'enlaça à son tour, elle avait l'impression d'être avec sa mère.

Deux paires d'yeux la fixaient avec une intense curiosité. La jeune fille se sentit rougir aussitôt. Elle n'avait pas pour habitude d'être ainsi épiée.

_ Renji, Rukia, arrêtez de la fixer comme ça, leur intima le roux, ses poings sur les hanches.

Le jeune régisseur soupira avant de se tourner vers sa cadette.

_ Petite sœur, je te présente Renji Abarai et sa fiancée Rukia Kuchiki, annonça-t-il en levant les yeux au ciel.

_ Enchantée, sourit Yuzu.

Le vicomte la jaugea pendant quelques secondes puis décréta haut et fort :

_ Ichigo, tu es un sacré veinard... Tes deux sœurs sont de vraies beautés !

Tiens donc, Karin avait déjà entendu ce refrain quelque part. Pendant que son frère l'installait dans le fauteuil roulant amené par son père, la brune ne put s'empêcher de répliquer, taquine :

_ Il faudrait vraiment penser à te renouveler, ananas rouge.

Les fiancés s'avancèrent vers elle avant de l'entourer de leurs bras. Un éclat brillant sur l'annulaire gauche de la noble attira le regard sombre de la jeune fille. Un sourire naquit aussitôt sur ses lèvres.

_ Rukia, je vois que ton frère a cédé, toutes mes félicitations à vous deux !

La fierté contenue dans les yeux indigos de son amie lui faisait chaud au cœur.

_ Bien sûr, ta sœur et toi serez mes demoiselles d'honneur, annonça Rukia d'un ton sans réplique.

Karin allait protester qu'Orihime serait un meilleur choix qu'une handicapée mais la noble l'arrêta d'un geste.

_ Je sais ce que tu vas me dire, soupira-t-elle. Mais tu es mon amie, Karin, et je veux que tu sois aussi mon témoin.

Ça alors ! La jeune fille ne s'attendait pas à une telle demande. Ils se comportaient avec elle comme si rien n'avait changé, elle leur en serait toujours reconnaissante. Mais elle ne sentait pas capable d'assumer un tel rôle.

_ Tu as un an pour rééduquer et soigner ta jambe, tu as le temps, la rassura Renji. De toute façon, ce mariage ne se fera pas sans toi.

Le silence retomba d'un seul coup. Profitant de cette légère accalmie, Orihime en profita pour inviter tout le monde à la suivre sur la terrasse.

Le vicomte s'arrogea l'honneur de pousser le fauteuil de Karin, sous les rires de celle-ci.

_ Je ne vois pas en quoi c'est un honneur, lâcha-t-elle narquoise.

Elle avait vraiment besoin de se changer les idées et il ne pouvait en être autrement avec la présence des amis de son frère. La conversation allait bon train et Yuzu parlait avec tout le monde comme si elle les avait toujours connus. Quoi de mieux pour oublier tout ce qui s'était passé que la chaleur humaine ? Karin ne connaissait rien de meilleur que ça.

Même si en son for intérieur, elle aurait aimé qu'il soit là, lui aussi. Enfin, elle ne devait pas y penser... Elle verrait bien plus tard. Pour le moment, elle profitait de ce qu'elle avait.

Sur la façade arrière de la maison, une banderole était accrochée et on pouvait y lire dessus : « Bienvenue à la maison, Yuzu et Karin ! » Cette attention émut les jumelles aux larmes.

La fête battit son plein jusqu'en début de soirée. La fatigue des convalescentes sonna l'heure du départ. La maison se vidait petit à petit. Une fois seuls, les Kurosaki poussèrent un soupir de soulagement collectif.

_ Eh bien, je ne ferai pas ça tous les jours, souffla Ichigo assis sur le canapé.

Tout le monde avait déjà dîné et ce n'était pas plus mal car plus personne n'avait assez d'énergie pour préparer un éventuel repas.

_ Je crois bien que je vais aller dormir un peu, bailla Karin en étirant ses bras. J'ai toujours la même chambre ?

_ Bien sûr, assura Orihime avec un sourire. D'ailleurs, ça me fait penser... Yuzu, suis-moi, je vais te montrer ce qui sera ta chambre.

La châtaine s'excusa auprès de son frère et sa sœur avant de suivre la rousse. Une fois seuls, Ichigo et Karin se regardaient sans rien dire, profitant simplement la présence de l'un et de l'autre. Ça faisait bien longtemps qu'ils ne s'étaient pas retrouvés comme ça...

_ Ichi-nii ?

_ Quoi Karin ?

Elle allait prendre la parole quand sa jambe se mit à la tirailler douloureusement. Elle ne put contenir un gémissement. Ce n'était pas le moment qu'elle fasse des siennes, pensa la brune avec humeur.

_ Attends, je vais chercher tes médicaments.

Le jeune homme se leva très vite et apporta rapidement les cachets anti-douleur et un verre d'eau. Dieu qu'il détestait voir sa sœur souffrir ainsi sans qu'il ne puisse rien faire pour l'aider !

_ Merci.

_ Tu veux monter te coucher ?

La brune hocha la tête avant de prendre ses béquilles et de tenter de se lever du canapé. Mais elle était encore terriblement maladroite dans l'usage de cet équipement qu'elle en perdit l'équilibre. Son frère eut juste le temps de la rattraper avant qu'elle ne touche le sol.

_ Je vais te porter, petite sœur.

Joignant le geste à la parole, Ichigo passa ses bras autour de sa sœur avant de la maintenir debout. Puis il la porta comme une princesse avant de monter les escaliers qui conduisaient à l'étage. Une fois arrivés devant la porte, le roux demanda à Karin d'ouvrir la porte, vu qu'il avait les deux mains prises.

_ Te voilà arrivée à bon port, sourit le roux en la déposant sur son lit.

_ Merci, Ichi-nii...

Le jeune homme fixa la brune pendant un instant. Il lui avait semblé apercevoir de la honte sur son visage. Que lui arrivait-il ? Ce n'était pas le genre de Karin de se sentir mal à l'aise pour si peu. Il prit place à ses côtés avant de lui demander, préoccupé :

_ Pourquoi tu as honte, Karin ?

Bon sang ! Pourquoi fallait-il que son frère soit aussi observateur ? La jeune fille soupira, ne voulant pas répondre. Mais elle savait très bien qu'Ichigo ne lâcherait pas l'affaire, même si elle lui demandait.

_ Je me sens inutile, et vous voilà obligés de vous occuper de moi comme si j'étais un bébé...

Le roux reconnaissait bien là la fierté de sa cadette. Il ne comprenait que trop bien ce qu'elle ressentait. Lui-même n'aurait pas réagi différemment s'il avait été à sa place.

_ Laisse-nous t'aider, on est là pour ça aussi, répliqua-t-il en prenant sa main. Tu n'y es pour rien, tu n'as pas à te sentir coupable.

_ Je le sais mais...

Ichigo posa un doigt sur les lèvres de Karin. Il ne voulait pas qu'elle dise un mot de plus.

_ Si tu en as assez, fais tout ce qui est en ton pouvoir pour que ça change, tout simplement.

C'était logique, quand elle y pensait. Quelle idiote elle faisait, quand même ! Karin remarqua que son frère se trouvait à la porte et s'apprêtait à la laisser. Elle lui adressa un sourire empreint de gratitude. Il savait trouver les mots pour la réconforter.

_ Merci, Ichi-nii.

Ichigo lui fit un clin d'œil avant de refermer la porte derrière lui. Alors qu'il se dirigeait vers sa chambre, il croisa en chemin Yuzu. La jeune fille lui paraissait tendue malgré le sourire qui ornait son visage.

_ Tu vas voir Karin, non ? lui demanda-t-il en s'arrêtant devant elle.

_ Oui, j'ai senti que ça n'allait pas, confirma la châtaine.

Le lien qui unissait des jumeaux était quelque chose de complètement inédit pour le jeune régisseur. Il espérait vraiment que Yuzu parviendrait à remonter le moral de leur sœur.

_ D'accord, essaie de la faire parler, tu auras peut-être plus de chance que moi...

_ Oui, Onii-chan, répondit-elle pleine de confiance. Bonne nuit !

Une fois seule dans le couloir, Yuzu entra sans frapper dans la chambre de Karin. Ce qu'elle voyait n'était pas joli. La brune s'énervait en tenant de retirer sa robe.

_ Calme-toi, je vais t'aider, lui intima la jeune fille.

Après quelques secondes, la robe était enfin enlevée. Le plâtre sur la jambe de sa cadette était vraiment volumineux, y avait-il vraiment besoin de le faire aussi gros ?

Karin enfila sa chemise de nuit et se coucha sur le lit. Heureusement que Yuzu était venue lui prêter main forte, sinon elle ne savait comment tout ça aurait terminé. Elle la vit d'ailleurs s'allonger à ses côtés, la tête tournée vers elle.

_ Si tu me disais ce qui te préoccupe vraiment ? lâcha soudain l'aînée des jumelles.

Elle allait réussir à lui faire cracher le morceau, elle n'en doutait pas. Peu importe le temps que ça prendrait.

_ Tu le sais déjà, soupira la brune sans la regarder.

Oui, Yuzu le savait mais elle voulait l'entendre dire.

_ Ce n'est pas une réponse, énonça-t-elle sérieusement. Dis-le.

Karin avait oublié à quel point sa jumelle pouvait être têtue quand elle avait quelque chose en tête. Elle ressemblait à leur frère sur ce point mais elle n'avait jamais réussi à donner le change à Yuzu, du plus loin qu'elle se souvenait. Elle ne l'aurait pas aussi facilement qu'avec Ichigo.

_ Je ne vois pas à quoi ça va servir, s'entêta la jeune fille.

_ Te confier, fit Yuzu du tac au tac. Tu ne vas pas tenir bien longtemps si tu gardes tout en toi, comme ça.

La brune le savait mais c'était compliqué pour elle d'en parler. Ce poids devenait trop lourd à porter. Comme d'habitude, sa sœur avait raison. Elle poussa un soupir résigné. Décidément, entre son frère et sa sœur jumelle, elle ignorait qui était le plus perspicace.

_ J'ai envie de le revoir, lâcha Karin faiblement. Je sais que je n'en ai pas le droit mais je veux le revoir.

Yuzu ne savait pas vraiment quoi répondre. Elle se contenta de serrer sa main dans la sienne, l'incitant à continuer.

_ Pourquoi tu n'en aurais pas le droit ? C'est ridicule.

_ Tu veux que je te dise pourquoi, c'est ça ? C'est simple, pourtant, ironisa la brune. Il est marié, Yuzu, à celle qui est responsable de tout.

La châtaine secoua la tête, désemparée. Elle ne comprenait pas la raison qui incitait sa sœur à se faire souffrir comme ça. D'autant plus qu'elle n'était sûre de rien. Ichigo l'avait mise au courant des sentiments du duc pour leur sœur mais elle n'avait pas le droit de lui en parler. Elle l'avait promis. C'était une torture de ne rien dire mais elle tiendrait.

_ Tu sais, Karin, on ne peut pas en être certaine tant qu'on n'en a pas la confirmation, tempéra Yuzu avec un sourire.

_ Je sais, souffla sa cadette, épuisée.

Il n'y avait pas que ça qui la préoccupait, l'aînée des jumelles en était persuadée. Alors qu'elle allait prendre la parole, Karin la prit de vitesse en lâchant, pleine d'amertume :

_ Et puis, son regard sur moi pourrait changer, je ne suis plus la même.

Nous y voilà... En voyant l'état de sa sœur, Yuzu décida de rester avec elle pour la nuit. Elle ne voulait pas la laisser seule alors qu'elle allait mal. Bien lui en prit car, au bout d'une trentaine de minutes, Karin s'endormit, apaisée.

 

Karin avait repris du poil de la bête, trois jours après ces événements. Elle se sentait de plus en plus à l'aise dans le maniement des béquilles. Bien sûr, elle repensait encore au duc Hitsugaya mais elle ne se laissait plus abattre. Il devait l'avoir oubliée, se dit-elle avec mélancolie.

La jeune fille se trouvait avec Tsuki, sa jument. Qu'elle lui avait manquée !

_ Bonjour, ma belle, fit-elle d'une voix douce. Tu te souviens de moi ?

La jument blanche hennit, comme si elle avait compris. Elle se rapprocha de la brune et frotta son museau contre sa maîtresse.

_ Tu m'as manquée aussi.

Pour le moment, elle ne pouvait pas la monter mais elle ne désespérait pas. C'était Yuzu qui la remplaçait en attendant. Elle essayait de s'en occuper le plus possible pour éviter de trop penser.

Elle ne resta pas seule très longtemps car elle vit Ichigo et Orihime venir vers elle. La grossesse de sa belle-sœur se voyait de plus en plus, elle la trouvait rayonnante. Elle esquissa un sourire à leur approche.

_ Bonjour, petite sœur, fit le roux.

Il venait tout juste de rentrer du château du duc. Le jeune homme réprima un sourire entendu. Si seulement Karin savait ce qui l'attendait, un peu plus tard dans la journée... Il avait hâte de voir sa réaction...

La brune rendit le salut de son aîné et se tourna vers la rousse.

_ On va manger, je suppose ?

_ Tu supposes bien, sourit la maîtresse de maison. Tu viens ?

_ J'arrive !

Le couple marcha tranquillement, pour ne pas laisser Karin en arrière. Cette idée fit sourire la jeune fille. Autrefois, c'était elle qui menait la marche... Enfin, ce n'était que partie remise.

Elle constata l'absence de Yuzu, sa sœur devait sans doute s'occuper du repas du midi. Karin n'avait pas oublié que sa jumelle était un véritable cordon bleu. Et aussi, ça déchargeait Orihime d'un poids. La brune remarquait que la femme de son frère se fatiguait plus vite, à mesure que le bébé grandissait. Elle devait se ménager.

_ On ne mange pas à l'intérieur ? s'étonna Karin en les voyant contourner la maison.

_ Il fait beau alors on a décidé de manger sur la terrasse, expliqua Ichigo avec un regard entendu vers sa femme.

C'était quoi ce regard ? Il devait y avoir anguille sous roche, la brune n'était pas dupe une seule seconde.

_ D'accord, répondit-elle, une lueur de soupçon dans ses yeux noirs.

Ce qu'elle ignorait, c'est que sa famille avait décidé d'un commun accord de mettre le sujet « duc Hitsugaya » sur le tapis. Ils avaient hâte de voir comment elle allait réagir.

Une fois que tout le monde était installé à table, Ichigo fit le service sous l'œil acéré de Karin. « Elle se doute de quelque chose, ce sera encore plus amusant » songea-t-il en faisant mine de ne rien voir.

_ Tout s'est bien passé au château, ce matin ? commença Orihime en prenant sa fourchette.

_ Depuis que cette idiote ne vient plus à l'improviste, ça se passe bien, répondit Ichigo.

Cette idiote dont parlait son frère était sans doute Hinamori... Et comment ça elle ne venait plus au château ? Elle garda le silence, ne voulant pas montrer que cette conversation l'intéressait.

_ Mais j'ai senti que le duc était préoccupé, continua-t-il, la mine inquiète.

Karin releva tout de suite les yeux, ce qui attira le regard intéressé de sa jumelle. Non, elle ne pouvait pas s'empêcher de se sentir concernée, malgré ce qu'elle avait pu dire la veille. Yuzu voyait bien que sa sœur ne pourrait pas oublier Toshiro Hitsugaya, peu importe ses efforts pour y parvenir.

_ Il s'inquiète peut-être, supposa sa femme. Après tout, il était effondré quand il a appris l'enlèvement de Karin.

Quoi ? La concernée était sous le choc de cette nouvelle. Elle n'était pas assez proche de lui pour qu'il s'inquiète pour elle. C'était ridicule. Mais en même temps, ça lui redonnait espoir. S'il avait été aussi atteint, ça voulait peut-être dire qu'il tenait un tant soit peu à elle.

_ C'est sûr, confirma le roux. Mais il veut attendre encore un peu avant de venir à la maison.

_ Pourquoi ? lâcha soudain Karin.

Ichigo se tourna vers elle, réprimant un sourire de triomphe. Sa sœur avait mordu à l'appât, il était temps.

_ Le temps que toi et Yuzu preniez vos marques, je pense.

Cette réponse évasive convainquit moyennement la jeune Kurosaki. Sa famille lui cachait quelque chose, elle en était certaine. Mais sans preuve, elle ne pouvait rien dire donc elle garda le silence.

Ichigo ne manqua pas la tristesse qui assombrissait les prunelles de Karin. Il voudrait tellement la rassurer mais il avait une promesse à tenir. Ce n'était pas à lui de tout lui dire, le duc Hitsugaya voulait le faire lui-même. Le roux comprenait bien mais ça devenait une torture de garder le secret.

Deux heures après le déjeuner, Orihime, Yuzu et Karin se trouvaient encore sur la terrasse. L'aînée des jumelles était en train de lire un roman qu'elle ne connaissait pas. Plongée dans l'histoire comme elle l'était, il était inutile de lui parler. Karin avait retrouvé avec plaisir son matériel de broderie. Celle qu'elle avait commencée avant son enlèvement avait été parfaitement conservée donc elle put la reprendre comme si de rien n'était.

_ Voilà, finie ! s'exclama-t-elle en levant son ouvrage au-dessus d'elle.

Orihime leva les yeux, un sourire amusé sur les lèvres. L'exubérance de sa belle-sœur revenait au grand galop.

_ Fais-moi voir ça, proposa la rousse en tendant sa main.

Aussitôt qu'elle tint le tissu brodé dans sa main, la maîtresse de maison se mit à l'examiner dans les moindres détails. Ainsi donc, voilà ce qu'elle ne voulait pas lui dire, constata-t-elle en regardant le motif.

Un dragon blanc avec des yeux turquoises... La référence n'était pas du tout évidente. Mise à part ça, le travail était bien réalisé, pour une première fois. Elle prendrait de l'assurance au fur et à mesure.

_ Le dragon, ce ne serait pas pour quelqu'un en particulier ? s'enquit-elle avec un regard entendu.

Karin se sentit rougir. Et puis de toute façon, il fallait bien qu'elle commence quelque part. Même si Orihime n'avait pas tort, sur ce point. Ce serait un peu comme si l'homme qu'elle aimait était toujours avec elle. C'était une sensation apaisante.

_ Je ne répondrai pas à cette question, lâcha la brune d'un ton guindé.

Alors qu'elle allait reprendre son ouvrage pour le ranger, la jeune fille entendit des bruits de sabots rapides qui venaient dans leur direction. À coup sûr, il s'agissait de son père, songea-t-elle en levant les yeux au ciel. C'était bien son genre d'arriver ainsi en fanfare.

_ Eh bien alors, Karin, la réprimanda la rousse gentiment. C'est comme ça que tu accueilles un invité de marque ?

Un invité de marque ? Qu'est-ce qu'Orihime voulait dire par là ? Une voix bien connue s'éleva soudain, manquant de la faire tomber de sa chaise.

_ Bonjour, mademoiselle Karin.

Karin se retourna doucement, comme hypnotisée. Devant elle se tenait celui qui ne quittait pas ses pensées, ses prunelles de glace la transperçant de part en part.

_ Votre Grâce, souffla-t-elle, les yeux écarquillés.

Le voilà enfin ! Puis la compréhension se fit dans son esprit. Ce n'était pas pour rien qu’Orihime et son frère avaient parlé du duc, un peu plus tôt. Elle foudroya sa belle-sœur du regard.

_ Ainsi donc, c'était ça que tu complotais avec mon frère ? Et d'ailleurs, où est-il ce crétin ?

Orihime ne fit pas attention aux paroles de la jeune fille. Elle était plutôt occupée de rapporter des rafraîchissements avec l'aide de Yuzu. La châtaine bavardait gaiement quand elle remarqua une personne en plus sur la terrasse.

Ainsi donc, voilà le fameux duc Hitsugaya. Elle comprenait mieux pourquoi sa sœur en était raide dingue. Une beauté glaciale à vous couper le souffle.

_ Monseigneur, l'appela la maîtresse de maison. Je voudrais vous présenter Yuzu, la sœur jumelle de Karin, fit-elle tandis que la jeune fille aux yeux caramel exécutait une révérence.

_ Enchanté, mademoiselle Kurosaki, assura le duc en s'inclinant devant elle.

_ Ne m'ignore pas, Orihime ! s'écria Karin, fâchée d'être ainsi mise à l'écart.

Toshiro s'amusa de la réaction de la brune. Il venait de réaliser à quel point son caractère fougueux lui avait manqué. Il la dévorait du regard, elle était encore plus belle que dans son souvenir.

Ce fut quand elle tenta de se mettre debout qu'il comprit la gravité de sa blessure. Elle faillit perdre son équilibre mais elle fut retenue par sa sœur jumelle.

_ Merci, Yuzu, murmura-t-elle à son intention.

Celle-ci lui donna ses béquilles afin qu'elle puisse tenir debout sans aide. Quand elle vit les sourcils froncés du noble aux cheveux d'argent, Karin pinça les lèvres en détournant le regard. Elle aurait dû s'en douter, cette satanée blessure changeait tout.

Mais la brune n'eut pas le temps d'y penser pendant plus longtemps car une voix qu'elle connaissait bien fit remonter sa colère en flèche.

_ Ton crétin de frère est ici, petite sœur, s'annonça Ichigo qui arrivait. Votre Grâce, le salua-t-il avec un instant de retard.

_ Toi ! gronda-t-elle en le pointant du doigt. Tu vas me le payer !

La venue de son régisseur était le signal. Sans lui laisser le temps de réagir, Toshiro s'approcha rapidement de Karin et la serra tout contre lui. Il la tenait enfin dans ses bras, se dit-il en fermant les yeux.

La brune, elle, était complètement stupéfaite, tant et si bien qu'elle en laissa tomber ses béquilles. Elle faillit même tomber mais il la maintenait contre son corps. À sa grande honte, elle se sentit même rougir. Mais enfin, que faisait-il ?

Puis son parfum de menthe musquée lui parvint au nez, lui faisant tourner la tête. Elle ne s'en lasserait jamais, cette odeur était comme une drogue pour elle. L'émotion était si intense que ça lui coupa le souffle.

_ J'ai eu tellement peur de ne pas vous revoir, murmura le jeune duc à son oreille.

Pardon ? Il avait dit quoi ? Karin constata avec un moment de retard qu'ils étaient seuls tous les deux, sur la terrasse. Où était donc passée sa famille ? Son fauteuil roulant était prêt à l'usage. Elle ne comprenait vraiment rien de ce qui se passait. Le monde avait-il décidé de tourner à l'envers, aujourd'hui ?

Toshiro ne s'était jamais senti aussi apaisé qu'en serrant la femme qu'il aimait contre son cœur. Il battait la chamade dans sa cage thoracique. Le jeune homme avait l'impression de revivre enfin vraiment.

Puis sans la prévenir, il souleva Karin dans ses bras et fit mine de ne pas voir son rougissement. Sa proximité la troublait donc, il ne rêvait pas.

_ Que faites-vous, Votre Grâce ? s'enquit la brune sans le regarder.

_ Je vous emmène quelque part, annonça-t-il en la posant sur le fauteuil roulant avec précaution. Nous devons parler, je crois.

De plus en plus bizarre, tout ça... Enfin, elle verrait bien quand elle y serait. Bon sang ! Les battements effrénés de son cœur ne voulaient pas se calmer. Il l'avait prise dans ses bras, elle n'en revenait pas ! Jamais elle n'avait été si proche de lui, même lors de leur danse. En même temps, ça aurait donné une raison à sa fiancée de la haïr encore plus. Elle ne voulait pas y penser.

De son côté, le duc Hitsugaya se tendait de plus en plus. La situation n'était pas des plus habituelles, pour lui. En fait, il ne savait même pas comment engager cette conversation. Pourquoi était-ce aussi compliqué ?

Une fois arrivés à destination, Karin retint un hoquet de surprise. Le banc où ils s'étaient parlé pour la première fois ! L'endroit était encore plus beau au printemps, songea-t-elle émerveillée. Des fleurs violettes et roses poussaient tout autour du lac et donnaient une dimension féerique à cet endroit.

Toshiro poussa le fauteuil de la jeune fille jusqu'à atteindre le banc. L'expression de son visage amena un sourire involontaire sur le sien. Qu'elle était belle ainsi ! Enfin, le temps n'était plus à la contemplation mais à l'action. Il souleva la brune de son siège pour l'installer confortablement sur le banc. Avant de prendre place auprès d'elle, il alla cueillir une fleur qu'il mit dans ses cheveux sombres et soyeux.

_ Merci, fit-elle timidement.

Le duc avait un comportement vraiment étrange, aujourd'hui. C'était comme si il était enfin lui-même. Karin ne l'en trouvait que plus beau.

_ J'aimerai vous parler de quelque chose mais c'est la dernière fois que je reviendrai dessus, annonça-t-il sans la quitter des yeux. Je ne veux pas vous faire souffrir plus que nécessaire.

_ Je ne suis pas en sucre, Votre Grâce, répliqua la brune en se tournant vers lui. Dites-moi ce que vous voulez me dire, ce sera fait.

Certes, il devait y venir mais avant, il avait autre chose à lui dire. Une chose qui ne pouvait pas attendre plus longtemps.

_ Mes fiançailles ont été rompues, lâcha-t-il dans un souffle. Nous avons découvert à temps qu'elle était une des principales instigatrices de votre enlèvement et celui de votre sœur.

Karin en resta coi. Ça voulait donc dire qu'il n'était pas marié ? « Reste calme, idiote ! » se tança-t-elle durement. Elle devait restée concentrée, c'était la moindre des choses.

_ Comment avez-vous découvert le pot-aux-roses ?

_ J'ai tendu un piège à mon ex-fiancée avec l'aide de la police, expliqua-t-il sans la regarder. Elle était tellement sûre de la réussite de son plan qu'elle n'avait même pas pensé que j'aurai pu la piéger.

Karin ne put retenir un sourire moqueur. Dommage qu'elle n'avait pas été présente lors de sa déconfiture... Le principal était qu'elle allait payer pour tout ça, de toute façon. Elle pouvait aller de l'avant, à présent.

_ Quant à son père, continua le duc, il utilisait un faux nom.

_ Un faux nom ?

_ En effet... Il utilisait le nom de jeune fille de sa défunte femme, le même que porte mon ex-fiancée.

La jeune fille avait du mal à en revenir. Il fallait vraiment être tordu pour utiliser un faux nom. Enfin, d'après ce qu'elle avait pu voir de lui quand elle était sa prisonnière, il l'était bel et bien. Elle pesta intérieurement. Quelle ordure !

La culpabilité du duc Hitsugaya n'avait pas disparu, loin de là. Il se sentait responsable de tout ce qui s'était passé mais étonnamment, la brune paraissait ne pas lui en vouloir. Peut-être qu'il arriverait à se le pardonner, un jour.

Le jeune homme aux cheveux d'argent s'adossa contre le banc et regarda le ciel bleu. La présence de Karin à ses côtés le troublait et son parfum de jasmin embaumait l'air. Il ne se lassait pas de le respirer.

_ Avez-vous découvert le vrai nom de cet homme ? fit soudain la voix de son aimée.

_ Après une enquête poussée, lui apprit le duc en baissant la tête vers elle. C'est un homme déjà connu des services de police.

Bizarrement, tout ça n'étonnait pas vraiment Karin. L'ordure qui les avait blessées, elle et sa sœur, n'en était pas à son coup d'essai, elle en était certaine. C'était tellement évident quand elle y songeait...

L'intensité des prunelles turquoise du duc la mettait quelque peu mal à l'aise. Pourquoi la regardait-il avec autant d'insistance ? Malgré tout, la jeune fille brune ne pouvait pas détourner son regard du sien. Elle aurait même pu s'y noyer s'il avait gardé le silence.

_ Son vrai nom est Sosuke Aizen.

Karin connaissait ce nom, il était tristement célèbre dans tout le pays. Dans le passé, on dit qu'il aurait enlevé une dizaine de personnes avant de les torturer et de les faire disparaître. À cette idée, elle frissonna. Elle réalisait maintenant à quel point sa jumelle et elle avaient eu de la chance de s'en sortir vivantes.

Dire que cet homme se trouvait être le père de l'ex-fiancée du duc Hitsugaya... Le monde était vraiment petit. Il devait être vraiment soulagé d'avoir tout découvert avant le mariage.

Enfin ! Toshiro en avait enfin fini avec cette histoire ! À présent, il devait en venir à la principale raison de sa visite. Bon sang ! C'était encore plus difficile qu'il ne l'avait imaginé. Il comprenait mieux maintenant la nervosité de son régisseur quand il avait demandé sa femme en mariage.

Karin sentait la tension qui émanait du corps de son voisin. Que se passait-il ? Elle ne l'avait jamais vu dans cet état de nerf. Y avait-il un problème ? Avec elle ? Elle ne savait que penser.

La jeune fille en était là de ses réflexions quand elle sentit une main chaude s'emparer de la sienne avec douceur. Elle baissa les yeux sur les mains jointes et constata qu'il s'agissait du duc Hitsugaya. En même temps, qui d'autre ? Ils étaient seuls, ici.

_ Karin, je dois vous dire quelque chose, annonça le noble sans la quitter des yeux.

_ Quoi donc ? demanda-t-elle rougissante.

La caresse du jeune homme sur sa main lui donna des frissons agréables le long de sa colonne vertébrale. Pour un homme, il avait des mains étonnamment douces, songea-t-elle avec gêne.

_ J'ai eu tellement peur quand j'ai appris que vous étiez entre les mains de ce fou, soupira-t-il en baissant la tête. Je m'étais habitué à votre présence, à votre caractère fougueux.

C'était bien la première fois de sa vie que Karin entendait quelqu'un utiliser un terme mélioratif pour décrire son caractère dur. Mais où voulait-il en venir ?

_ Et l'idée de ne plus vous voir m'a ouvert les yeux, j'ai bien cru que j'allais me noyer sous une souffrance trop difficile à supporter.

Toshiro ne voulait plus garder ça pour lui, il devait tout lui dire. Quitte à se mettre à nu devant elle !

_ C'est à ce moment-là que j'ai compris ce que je ressentais, avoua-t-il en plongeant dans les ténèbres du regard de la brune.

Karin se sentit aspirée par l'intensité des sentiments qu'elle voyait dans le fond de ses prunelles de glace. Elle le vit approcher son visage du sien et quand il colla leur front l'un contre l'autre, il ne bougea plus. Bordel ! Elle allait s'évanouir s'il continuait !

Elle sentait son souffle chaud sur ses lèvres. Cette sensation l'étourdissait. Elle ne parvenait plus à penser clairement, lui seul existait pour elle.

_ J'ai compris que j'étais tombé amoureux de vous, acheva-t-il dans un soupir.

La brune était sous le choc de cette déclaration. Elle ne s'y attendait pas du tout. Comment un homme comme lui pouvait-il bien tomber amoureux d'une femme comme elle ? Les yeux écarquillés, elle fixait le duc qui s'était légèrement éloigné d'elle. Elle n'arrivait pas à lui parler.

Toshiro, lui, guettait avec attention les expressions du visage de Karin. Elle semblait sous le choc, rien d'étonnant à ça. Lui-même avait mis beaucoup de temps avant de se l'avouer. À présent, il était sûr de lui et de ses sentiments. Il espérait simplement qu'il ne se ferait pas rejeter. C'est alors qu'il vit un sourire heureux s'épanouir sur le visage de la brune.

Après tout ça, il n'avait plus qu'une chose à faire. Le duc se leva du banc avant de s'agenouiller devant la jeune fille toujours assise sur le banc.

Qu'est-ce que... ? Ce n'était quand même pas ce qu'elle croyait ? Si ? Karin mit une main devant sa bouche ouverte. Ses larmes commencèrent à dévaler ses joues rosies par l'émotion.

_ Karin Kurosaki, veux-tu m'épouser et faire de moi l'homme le plus chanceux au monde ?

Et si... Elle avait du mal à croire que son rêve devenait réalité. Alors qu'elle avait vécu le pire, elle allait vivre le meilleur... Comme quoi, il ne fallait pas perdre espoir !

_ Même si tu n'étais pas un duc, je te dirais que j'accepte avec joie de devenir ta femme, répondit-elle avec un sourire teinté d'amour.

Le jeune duc était au comble du bonheur. Non seulement il allait épouser la femme qu'il aimait, mais en plus elle l'aimait aussi. Il sortit de sa poche un écrin en velours bleu roi et l'ouvrit avant de passer la bague à l'annulaire gauche de Karin.

_ Elle est magnifique, s'extasia la brune en contemplant le bijou.

Composée de petits diamants qui entouraient un topaze bleu ciel, la bague que venait de lui offrir son nouveau fiancé – quel mot agréable – ne pouvait pas être plus belle. D'ailleurs, sa couleur lui rappelait la teinte si particulière des yeux du duc.

_ Elle appartenait à ma mère, lui apprit Toshiro. Elle me l'a confiée en me disant : « Tu l'offriras à la femme que tu aimes »

Son bonheur était tel que Karin allait éclater. Elle vit le jeune homme se relever avant de s'installer à côté d'elle. Son visage était étonnamment sérieux tout à coup. C'est alors qu'il se pencha vers elle et posa ses lèvres douces sur les siennes.

La jeune fille ferma les yeux pour profiter à fond de ce baiser et des sensations qu'il faisait naître en elle. Elle posa doucement ses mains de chaque côté du visage de son fiancé alors qu'il la collait à lui.

Toshiro interrompit cet échange en s'écartant doucement de sa promise. Il passa ses doigts sur la peau veloutée son visage.

Mais alors qu'il allait l'embrasser de nouveau, un bruit sur sa droite attira son attention. Sortirent de derrière le buisson la famille Kurosaki au grand complet, ainsi que le vicomte Abarai et sa fiancée. L'expression joyeuse de leur visage laissait penser qu'ils avaient tout vu et tout entendu.

_ C'était trop demander que ça reste privé, je vois, ironisa Karin avant de lever les yeux au ciel.

Le duc s'amusait de cette petite surprise. Et la réaction de sa jolie fiancée valait le détour. Elle fusillait du regard toutes les personnes qui étaient venues les déranger.

_ Bienvenue dans la famille, Votre Grâce, fit Orihime avant de le serrer brièvement contre elle.

_ Alors Karin, ça fait quoi d'être fiancée ? s'enquit Rukia en prenant place à ses côtés.

La jeune fille soupira devant cette question stupide.

_ C'est inutile que je t'explique, tu le sais, je crois...

Puis n'y tenant plus, toutes les femmes présentes – Karin y compris – se mirent à éclater de rire devant le ridicule de la situation.

Jamais la jeune fille ne s'était senti aussi heureuse, se dit-elle en sentant son fiancé l'enlacer par derrière. Entourée de toutes les personnes qu'elle aimait, la vie ne pouvait que devenir encore meilleure.

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