The Rescue's Hope

Chapitre 0 : Prologue

2072 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 28/08/2017 00:13

02 Décembre, Inuzuri, Rukongai.


Tandis qu’une pénombre des plus épaisses semblait étouffer l’ensemble de la Soul Society dans une atmosphère lugubre, un froid lancinant lacérait ses jambes nues ; bien qu’il eut tenté de se cacher derrière un monticule de débris dans une bâtisse au bord de l’effondrement, une bande de scélérats motivés par la première victime potentielle qu’ils auraient le malheur de croiser avait fini par le débusquer. A présent, courant à en perdre haleine, il mettait tout en œuvre pour échapper au destin tragique que lui réservaient ses poursuivants.

La lune disparut sous un masque nuageux lorsque le garçon s’engagea dans un bosquet des plus effrayants. Sans chaussures – trop pauvre pour ne serait-ce que songer à un tel luxe –, il sentit peu à peu sa peau fragile céder aux diverses branches mortes aiguisées à souhait et aux ronces qui jonchaient le tapis de feuilles au sol.

Il haletait, l’air glacé lui calcinant les poumons chaque fois qu’il avait l’audace de s’oxygéner pour éviter d’offrir aux sauvages qui le talonnaient la seule chose qu’il était sûr de posséder : sa propre vie. Malgré tous les efforts qu’il mettait en place pour échapper à son heure, les criminels ne cessaient de réduire la distance entre eux et menaçaient de bientôt l’attraper.

Il jeta un coup d’œil par-dessus son épaule pour s’imprégner de la situation. Combien étaient-ils, en tout ? Sept ? Huit ? Non, ce devait être bien plus encore. Cependant, il était conscient que leur nombre importait peu : du moment où ils parviendront à l’arrêter, il ne verra pas le jour se lever.

Les hommes dans son dos hurlaient et brandissaient quelques armes de fortune dans les cieux : des faux, des pelles oxydées aux trois-quarts de leur surface, des bâtons taillés en pointe… finissant de le persuader que, s’il avait le malheur de trébucher, certains – voire même l’ensemble – de ces engins de torture à l’hygiène précaire finiraient dans son torse, ses membres, ou il-ne-savait quelle autre partie de son corps rongé par la faim.

L’adrénaline lui faisait tourner la tête : par de nombreuses reprises, il faillit perdre l’équilibre et finir sa course dans l’arbre le plus proche. Un silence de mort régnait, comme si la forêt elle-même en avait décidé de son sort. Personne ne semblait là pour lui venir en aide, pour le sauver des griffes acérées de ces assassins qui ne s’emparaient de la vie d’autrui que pour évacuer la frustration engendrée par leur misère commune.

Par le biais d’un miracle inexplicable ou d’une quelconque intervention divine, le garçon parvint à s’extraire de son enfer boisé. Aussi, sans ralentir sa cadence démesurée, il poursuivit sa course. Ses jambes commençaient à se faire lourdes, ses muscles le brûlaient et ses tendons le faisaient souffrir le martyr ; pourtant, il ne cessa pas même un instant de courir.

Alors qu’il traversait ce qui lui semblait être le soixante-dix-septième district de Rukongai, le sol se déroba sous ses pieds ensanglantés. Il tomba lourdement, face contre terre, dans un sinistre hoquet de surprise. Les assaillants en profitèrent pour se rapprocher de lui dans de grandes enjambées. Il sut alors que c’en était fini de lui, qu’ils avaient fini par l’avoir, lui, le jeune homme qui n’avait rien demandé. La réalité de cette partie reculée de la ville des âmes errantes était des plus horribles, et ne faisait aucune exception : ici, la chose la plus à craindre n’était ni les Hollow, ni les Shinigami tyranniques et sanguinaires, mais bel et bien ses propres voisins.

Lorsqu’il entendit près de lui les foulées de ses ennemis marteler le sol, il déglutit péniblement. Son corps tout entier était secoué de violents spasmes, vestiges de sa course folle pour la préservation de ses jours et de l’effroi qui le submergeait.

Un des malfrats – un homme grand, baraqué, au kimono marron rendu à l’état de guenille et aux cheveux noir corbeau graisseux – s’approcha de son visage en tapant dans le creux de sa main le manche écaillé de la fourche qu’il détenait, comme pour mieux l’intimider – ce qui, il fallait l’avouer, faisait entièrement son effet.

–  Alors, p’tit gars, t’as fini de jouer les gazelles ?

Le garçon était bien trop tétanisé pour répondre, ce qui ne cessa d’amuser ses bourreaux. Il tremblait tellement que les larmes ne parvenaient plus à s’échapper de ses yeux dilatés par la peur. La fraîcheur de l’hiver ne le dérangeait même plus : il sentait sa vie toucher à son terme, et baissa lentement ses paupières en priant silencieusement pour que cela soit rapide et sans douleur.

–  Allons-y ! s’écria un autre en percevant sa résignation. Il est à nous !

Il perçut sous son corps épuisé les vibrations émises par leurs pas de buffles tandis qu’ils s’élançaient vers lui d’un commun accord. Ses dents se crispèrent dans l’attente interminable de sa fin. Le seul avantage qu’il pouvait tirer de cette situation désespérée était de ne plus avoir à vivre dans cette misère atroce dont le reste du monde se fichait éperdument : chaque jour, il fallait se battre pour un quignon de pain, deux ou trois dragées au goût insipide, ou même quelques gouttes d’une eau à peine potable. C’en serait donc définitivement terminé de cette vie d’errance, de douleur et de faim. Ainsi, il finit par se sentir soulagé de mettre fin à cette existence qui, à son goût, était bien trop hostile pour lui.

Tout à coup, deux morceaux de fer s’entrechoquèrent à quelques centimètres de sa tête. Ses yeux s’ouvrirent en grand. Aucune douleur – si ce n’est celles qui avaient d’ores et déjà pris possession de son être – ne lui parvint. Pourtant, le grincement métallique ne cessait de crépiter au-dessus de lui.

–  Hé, toi ! s’exclama une voix à son adresse. Sauve-toi, vite !

Dans un élan qui lui vint des cieux, il redressa son visage et toisa d’un air interdit son interlocuteur : c’était un homme de grande taille, aux cheveux châtains et au kimono bleu dans un état similaire au sien. Celui-ci repoussait de son mieux la horde de sauvages qui le traquait depuis le début de la nuit, lui donnant ainsi la possibilité d’échapper à leurs griffes.

Il restait rarissime qu’un tel événement se produise dans les bas-fonds de Rukongai : la solidarité n’était en rien compatible avec l’extrême pauvreté dans laquelle ils devaient survivre. Seule la loi du plus fort primait. Toutefois, ce jeune homme intriguant lui tendait une main qu’il décida de saisir.

Un nouveau jet d’adrénaline, et il fut remis sur pieds. Il s’inclina solennellement devant son sauveur, puis pris ses jambes à son cou et détalonna dans les rues aussi désertes que miteuses du district de Rukongai où sa vie avait failli lui échapper de façon irréversible. Il sollicita intérieurement les Dieux pour que celui qui venait de lui donner une chance de vivre une journée de plus puisse lui aussi en réchapper, sans pour autant se bercer d’illusions inutiles.

Du coin de l’œil, il parvint à repérer un trou par lequel il n’aurait aucun mal à se faufiler. Il s’assura rapidement que personne ne le suivait, puis s’y engouffra sans plus de cérémonie. Il se rendit alors compte que l’ouverture donnait suite à une vieille grange abandonnée, mais néanmoins en meilleur état que tous les endroits insalubres où il avait dû se cacher durant les dernières décennies, ne serait-ce que le temps d’une nuit. L’air y était tiède, et personne ne semblait y avoir élu domicile avant lui. En somme, il venait de dénicher la cachette parfaite pour attendre les premières lueurs du faible soleil de décembre. Il alla se blottir dans un coin, camouflé par un tas de bricoles poussiéreuses, entoura ses jambes de ses bras épais comme de la paille et observa pensivement l’entrée par laquelle il venait de passer, avant de sombrer dans un sommeil soudain.

Quelques temps plus tard, une main se posa sur son épaule et le réveilla dans un violent sursaut. Le cœur battant la chamade, il considéra l’autre d’un air ahuri, avant de découvrir dans un soulagement perceptible qu’il s’agissait ni plus ni moins de l’homme à qui il devait aujourd’hui la vie.

–  Hé, petit, ça va ? s’inquiéta celui-ci.

Il secoua légèrement la tête pour lui assurer que oui, ce qui fit sourire l’inconnu.

–  Tant mieux, alors. Tu as faim ? Je n’ai pas grand-chose sur moi, mais il faut savoir se contenter du peu qu’on a, pas vrai ?

Le châtain plongea l’une de ses mains sévèrement égratignées dans la poche de son kimono bon marché et en sortit quelques unes de ces fameuses dragées au goût comparable à celui de la poussière. Il avait sur les joues plusieurs coupures héritées de son affrontement contre les criminels pour épargner la vie du garçon, mais cela restait superficiel.

Dans un nouveau sourire, plus grand encore, le jeune homme lui tendit ses provisions.

–  Vas-y, insista-t-il, c’est pour toi.

Hésitant d’abord, il finit par se saisir de la moitié et fit comprendre à l’autre que le reste était pour lui.

–  Merci beaucoup, petit. Au fait, comment tu t’appelles ?

Pour toute réponse, il se contenta de l’observer avec des yeux ronds, portant silencieusement une des friandises à sa bouche.

–  Ah, je comprends : tu ne peux pas parler, c’est ça ? Ce n’est pas grave, va. C’est un endroit assez dangereux ici, il vaut mieux se méfier. Moi, ça ne fait qu’une journée que je suis là, et je n’en peux déjà plus.

Il sentit que cet homme d’une vingtaine d’années tout au plus n’avait rien à voir avec le commun des prédateurs vivant dans les derniers districts de la ville des âmes errantes, sûrement parce que la faim et le désespoir ne l’avaient pas encore corrompu. Il lui retourna alors un maigre sourire, ce qui parut suffire à l’inconnu.

–  T’as eu sacrément de chance, tout à l’heure. Tu sais pourquoi ces types en avaient après toi ?

Le garçon fit non de la tête.

–  Je pense que c’est à cause de ta pression spirituelle. Elle est très forte, tu sais : c’est grâce à elle que je t’ai trouvé, et je pense qu’il en a été de même pour eux.

Il continua d’écouter religieusement son sauveur parler, opinant de temps à autre en guise de démonstration de son entière concentration.

–  Ça fait longtemps que tu es là ? A la Soul Society, je veux dire.

Il acquiesça vivement.

–  Bien, sourit le jeune homme. Tu vas peut-être pouvoir m’aider : tu y connais quelque chose en Shinigami ?

Il fit comprendre que oui.

–  Parfait ! Je suis à la recherche de l’une d’entre eux. Oh, mais au fait, j’en viens à oublier les bonnes manières ! Je ne me suis même pas présenté.

Le châtain se redressa et lui tendit sa main dans une douce expression débordant de sincérité.

–  Je m’appelle Akio Yoshida ! Ravi de te rencontrer !




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