Never Light Without Darkness

Chapitre 3 : Rêve éveillé

4137 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 20/09/2017 15:25

L’après-midi, en travaux pratiques de chimie, je découvris le visage radieux d’une Tsunata au comble du bien-être tandis qu’elle versait avec précision et frénésie les divers composants nécessaires à la réalisation de notre expérience. Comme nous étions à présent voisins de table, nous nous retrouvions dans le même laboratoire – à la différence du premier trimestre –, mais aussi et surtout, nous formions un binôme.

J’aurai pu craindre d’être une gêne pour elle, du fait de mon ignorance en la matière, mais elle s’amusait tellement à mesurer, mélanger, prélever, examiner… que je compris qu’elle pourrait manipuler les yeux fermés et terminer dans les temps.

–  Il faut faire attention en utilisant ce produit, m’expliqua-t-elle, parce que c’est un réducteur, et l’autre est un oxydant. Si tu les mélanges sans prendre garde, c’est l’explosion assurée !

Croyez-moi si vous le voulez, mais en parlant d’explosion, son regard s’est mis à scintiller d’une lueur qui me donna quelques sueurs froides. Toutefois, j’écoutai religieusement chacun de ses conseils et l’observai avec beaucoup d’admiration s’affairer aussi joyeusement.

Après l’avoir aidé plus que je ne l’aurai pensé en suivant ses directives à la lettre, nous avons tous les deux fini en avance sur le reste du groupe, et Tsunata étant présente à mes côtés, Kurotsuchi-sensei, le professeur de travaux pratiques en laboratoire, nous donna la permission de sortir. Tandis que nous reprenions nos affaires dans notre salle de classe, je saisis mon courage à deux mains et lui fis la proposition que j’avais maintes fois imaginée depuis la veille.

–  Tu veux que je te raccompagne ?

Elle se tourna promptement vers moi et m’interrogea du regard. Une main dans la nuque, je balbutiai :

–  C’est… c’est pour te remercier pour cet après-midi. Grâce à toi, je crois que ma moyenne va augmenter bien plus que je ne l’espérais.

Elle hissa son sac sur son épaule droite et y rangea le téléphone qu’elle venait d’en sortir.

–  D’accord, mais arrête de te dévaloriser sans cesse où je vais vraiment m’énerver.

Elle passa devant moi et me sourit une fois encore de toute la sincérité qui la caractérisait. Apaisé, et fou de joie, je lui emboitai le pas et nous quittâmes ensemble le lycée.

Durant les premières minutes de notre marche, Tsunata m’avoua vivre dans le quartier de Kasazaki, près de la rivière Karasu, ce qui n’était pas pour me déranger, bien au contraire, puisque nous devrions donc marcher un long moment avant de devoir nous séparer. De plus, Kasazaki et mon quartier, Komatsu, se trouvaient du même côté de Karakura, et tous deux étaient traversés par le train de Karakura-Honchô, ce qui me permit de rassurer ma camarade sur les circonstances de mon retour et du fait qu’un détour aussi minime n’était pas pour m’incommoder.

Nous discutâmes ainsi de choses et d’autres, comme si nous nous connaissions depuis toujours. Malgré ma timidité face à elle, Tsunata était quelqu’un qui savait mettre les autres à l’aise, et je m’étonnai de me sentir si bien en sa compagnie. Cependant, je sentis que quelque chose la préoccupait, aussi l’incitai-je à me faire part de ses tourments. C’est de la sorte qu’elle me posa la question qui semblait habiter son esprit depuis quelques temps déjà.

–  D’où viennent tes cicatrices ?

Les yeux écarquillés, je rougis soudainement en ayant un bref mouvement de recul. Elle sembla en tenir compte et s’arrêta près de moi en poursuivant son interrogation du regard. Comprenant qu’il s’agissait d’une question des plus innocentes, et non d’un doute que j’aurai potentiellement pu éveiller chez elle comme il en était souvent question avec les autres, je lui expliquai qu’un soir, alors que je n’étais encore qu’un enfant, j’arpentais une ruelle noyée de pénombre, et qu’un animal sauvage a surgi des ténèbres pour me dévorer. Je ne me souvenais plus très bien de l’incident, mais c’était Kensei Muguruma, un trentenaire de passage, qui m’avait sauvé la vie. Depuis, ce dernier avait pris l’initiative de me venir en aide, et chaque mois, sous le titre de parrain, celui-ci m’envoyait la somme d’argent nécessaire à ma survie.

–  Tu es orphelin, toi aussi ?

–  Moi aussi ? répetai-je sous la surprise. Je croyais que tu avais une famille ?

–  En réalité, je vis chez les Yoshida, ma famille d’adoption. Chisami, la seule mère que je n’ai jamais eue, est morte quelques jours avant de signer les papiers officialisant ma nouvelle identité. Akio a fait des pieds et des mains pour que je puisse rester à Kagamino, dans le studio annexé à la maison familiale, mais il a fallu le vendre et donc je suis venue habiter chez lui et sa fiancée.

Je connaissais enfin les raisons qui avaient poussée Tsunata à déménager à Karakura, mais aussi son histoire personnelle. Je doutais qu’elle soit du genre à raconter ses problèmes sur tous les toits, aussi me sentis-je privilégié d’être l’oreille à qui elle confiait son passé.

Un silence s’imposa entre nous, mais cela n’avait rien de gênant. Au contraire, je pouvais apprécier le bruit de chacun de ses pas, ainsi que le souffle du vent qui faisait légèrement virevolter ses cheveux en arrière. Soudain, elle me regarda de nouveau et dit avec beaucoup d’aplomb :

–  Je trouve que tes cicatrices te vont très bien.

–  Je te demande pardon ? m’empourprai-je encore.

–  Eh bien, au lycée, tout le monde dit que ça te donne l’air d’un délinquant ou je-ne-sais-quoi, mais moi, je trouve que ça te donne un charme supplémentaire.

Supplément… Je décidai de ne pas l’embarrasser en lui demandant d’expliciter ce qu’elle entendait par là, et détournai le sujet de la conversation vers ce qui semblait réellement la tourmenter.

–  Tu ne devrais pas te faire de souci pour moi, lui assurai-je. L’avis qu’ils me portent m’importe peu.

–  Même ! riposta-t-elle. Ils n’ont aucun droit de te juger sans te connaître et d’être aussi hostiles à ton égard ! D’autant plus que tu es vraiment quelqu’un de bien !

Je m’arrêtai et l’observai avec intérêt : elle semblait vraiment en colère, ses sourcils étaient froncés dans une moue adorable, et ses joues se coloraient tandis que ses yeux brillaient de rage et de consternation.

–  S’ils apprenaient à te connaître, ils verraient comme tu es doux, gentil, prévenant et attentionné ! Et puis d’abord, c’est quoi leur problème avec ton style ? Le look punk, c’est vraiment trop cool, et en plus, ça te va super bien !

Alors qu’elle bouillonnait sur place en gratifiant nos camarades de classe de divers noms d’oiseaux, je ressentis dans mon âme une émotion jusque là inédite. Jamais de ma vie quelqu’un n’avait tenu de si belles paroles à mon égard, encore moins avec tant de passion. En dépit de mon cœur battant à tout rompre, j’étais déterminé à lui montrer ma reconnaissance. Je posai ma main sur le dessus de sa chevelure ramenée en arrière par son ruban de la couleur de notre uniforme, ce qui eut pour effet de la calmer, mais surtout de lui épargner le spectacle de mes joues rouge sang.

–  Je suis persuadé que tu as faim, dis-je. On va s’arrêter au fast-food.

Sans même lui laisser le temps de protester, ce que j’étais convaincu qu’elle ne se serait pas privée de faire, je l’entrainai vers le restaurant rapide le plus proche par le poignet. Qu’à cela ne tienne, je ne me rendis compte de mon geste que lorsque nous arrivâmes devant la façade vitrée et que je dus la lâcher pour pouvoir lui ouvrir la porte.

Une fois attablés, je pris l’initiative de nous commander deux de leurs spécialités avant qu’elle ne m’affirme haut et fort qu’elle n’avait besoin de rien. De plus, j’étais quasiment sûr et certain que Tsunata ne s’était jamais aventurée ici, et lui faire découvrir l’une des choses que je préférais dans cette ville m’emplissait de fierté. A cet instant, je ne pensai pas même au fait que j’allais dépenser ce que je n’avais pas, car ma seule envie était de lui faire plaisir, de lui rendre la pareille pour tout le bien qu’elle me faisait depuis deux jours et que je souhaitai qu’elle continue de me procurer à l’avenir.

Son petit air gêné n’était vraiment pas pour me déplaire, et elle ne releva le regard de ses pieds que lorsqu’on nous servit tous les deux. Là, ses yeux s’agrandirent, parcourus par d’innombrables petits éclats lumineux.

–  Qu’est-ce que c’est ? me demanda-t-elle.

Je ne m’étais pas trompé, cet endroit que j’affectionnais tant lui était totalement inconnu. Je saisis donc la paille de la grande flûte en plastique que l’on venait de m’apporter et lui répondit en en sirotant le contenu :

–  Goûte, tu verras bien.

Il ne lui en fallut pas plus pour se lancer et porter ses lèvres sur la grande paille qui traversait le milkshake géant que je lui avais commandé. Le parfum d’origine était celui de la banane, mais ce restaurant y incorporait diverses sortes de bonbons sur plusieurs étages, ce qui donnait au tout les couleurs de l’arc-en-ciel et un goût inimitable.

Tsunata but une gorgée et redressa son visage emprunt de lumière vers moi, puis elle reprit sa dégustation sans se faire prier. La voir ainsi m’arracha un gloussement qui la fit rougir et s’interrompre l’espace d’un instant pour me dire :

–  Arrête de rire, c’est pas de ma faute si c’est trop bon !

–  Donc, j’en déduis que tu aimes ? la narguai-je.

Tout en sirotant, elle opina vivement du chef. C’est alors que mon regard se perdit sur sa bouche parfaitement dessinée, colorée d’un rose qui m’obnubilait. Ses lèvres devaient être douces, au moins autant que sa peau que j’avais eu le privilège un peu plus tôt de caresser. Au gré où je me perdais dans ma contemplation, l’envie de les goûter devint de plus en plus présente.

Elle sembla sentir peser sur elle mon regard et redressa le sien pour rougir un peu plus encore en me découvrant si concentré sur les détails de son visage. Alors qu’elle lâchait sa paille dans un mouvement que je trouvai étonnamment sensuel, je sentis s’abattre sur mes épaules un poids non négligeable.

–  Salut, Shûhei !

–  Ran… Rangiku, mais qu’est-ce que tu fous ? suffoquai-je.

–  Je suis venue te saluer, tiens donc ! Je t’ai vu dans la vitrine et je me suis dit qu’on pourrait peut-être discuter de tes petits problèmes personnels du moment, qu’en dis-tu ?

–  Mais de quoi est-ce que…

–  Hé, me coupa-t-elle avec autorité, c’est quoi ta boisson de licorne ? Ça a l’air bourré de sucres ! Je dis pas ça uniquement parce que t’as un match samedi, mais aussi parce que si tu veux faire ton effet auprès de tu-sais-qui, faut que tu fasses un peu plus att…

–  Rangiku ! vociférai-je.

C’est alors que Tsunata gloussa de ce rire dont je me délectais allègrement, et que Rangiku redressa promptement la tête dans sa direction en écarquillant les yeux.

–  Oh mon Dieu, lâcha-t-elle.

–  Salut ! Je suis Tsunata Nara, enchantée de faire ta connaissance !

Mon amie d’enfance papillonna d’un air interdit, avant de s’écrier en se jetant sur mon invitée et en l’oppressant contre sa poitrine :

–  Tsunata-chan ! Alors c’est donc toi ! Shûhei n’arrête pas de nous parler de toi ! Maintenant que je te vois, je comprends mieux pourquoi !

Je sentis mes oreilles me brûler tandis qu’une veine se mit à palpiter sur ma tempe droite. Rangiku relâcha Tsunata et s’installa à côté de moi. Comprenant qu’elle en avait trop dit, notre manager essaya de se rattraper en prétextant :

–  Eh bien, ce n’est pas souvent que quelqu’un s’intéresse à Shûhei et le considère autrement que comme le mal incarné.

Je fulminai silencieusement : Tsunata ne pourrait jamais avaler une telle excuse, d’autant plus que l’on ne se côtoyait que depuis la veille. Je la regardai avec vigilance et maudis Rangiku d’être aussi bavarde en voyant les grands yeux verts de la jolie blonde dilatés à leur paroxysme. Puis son visage se radoucit, et elle avoua avec beaucoup de sincérité :

–  Depuis le début de l’année, le seul qui me semble être une personne digne de confiance est Shûhei. Les autres ne l’ont pas remarqué, car ils ne s’attardent que sur les différences.

Celle que je considérais comme ma meilleure amie se pencha vers ma camarade, les joues rougissantes.

–  Et toi, ça ne t’inquiète pas ? Son apparence de yakuza, son comportement de loup solitaire, ses…

–  Rangiku, bon sang ! m’égosillai-je. Tu cherches à faire fuir la seule qui ne me dévisage pas du matin au soir ou quoi ?

Ce n’est qu’après coup que je réalisai la manière avec laquelle je venais de réagir : dans l’excès, comme d’habitude.

–  Ça n’a rien à voir, idiot ! protesta-t-elle en me frappant le front. Je voulais simplement savoir pourquoi Tsunata-chan ne raisonnait pas comme les autres abrutis qui peuplent votre classe.

Tsunata éclata de rire, captivant ainsi toute notre attention. Alors qu’elle essuyait une larme au coin de son œil gauche, elle expliqua :

–  Le jour de la rentrée, lui et moi nous sommes croisés devant notre salle, et nous nous sommes regardés. C’est là que j’ai compris que malgré l’air désagréable qu’il essayait de se donner, Shûhei n’avait rien de mauvais. C’est tout.

C’est tout ? Pour moi, c’était bien plus que ça : elle se souvenait de notre première rencontre, alors que nos regards s’étaient simplement croisés et que je m’étais convaincu qu’elle n’y avait pas prêté plus d’attention que nécessaire. Je n’en revenais pas. Je me demandais sincèrement si je n’avais pas été la victime d’un accident la veille et rêvais actuellement, plongé dans un profond coma.

Les yeux de Rangiku brillaient de mille feux tandis qu’elle mettait visiblement tout en œuvre pour ne pas se jeter à nouveau sur elle et l’étouffer entre ses bras. Mais le téléphone de Tsunata se mit à vibrer et elle quitta la table pour prendre son appel qui, à en voir l’expression de son visage, semblait être important. Mon amie d’enfance profita de cette occasion pour se pencher vers moi et dire dans un enthousiasme à peine dissimulé :

–  Shûhei, mais comment t’as fait ? Elle est parfaite !

Je ne savais pas si je devais le prendre comme un compliment ou me sentir offensé par ce qu’elle sous-entendait, mais l’excitation que je ressentais me fit répondre d’un air subjugué :

–  Oui, parfaite.

–  Ecoute, mon grand, il faut que tu te réveilles ! Une fille comme ça, on n’en croise pas tous les jours. Si tu veux la séduire, il va falloir mettre les bouchées doubles !

–  Et comment je dois faire, selon toi ? soupirai-je de désespoir.

J’étais conscient qu’il fallait que je fasse des efforts pour l’impressionner, mais je n’avais aucune idée de comment m’y prendre. Rangiku réfléchit à la question un instant, puis parut traversée par une idée lumineuse.

–  Tu nous as bien dit qu’elle adorait les sciences ?

Je répondis par la positive.

–  Eh bien voilà ! s’exclama-t-elle.

–  Quoi ? m’écriai-je, les yeux exorbités.

–  Tu vas te mettre aux sciences, toi aussi !

–  Mais Rangiku, les sciences et moi, on n’a jamais fait bon ménage ! Je ne comprends rien à tous ces calculs et je me demande sincèrement comment des gens ont pu passer leur vie à se creuser les méninges pour nous pondre des formules pareilles !

–  Un jour, Tsunata sera sûrement l’une d’entre eux, alors tu devrais surveiller ton langage. Et puis, elle t’a dit qu’elle avait confiance en toi et qu’elle savait que tu en avais les capacités, non ? Prouve-lui qu’elle a raison, et l’affaire est dans la poche !

Je voulus rétorquer pour ma défense, mais la jolie blonde refit irruption avant que je n’ai eu le temps d’ouvrir la bouche.

–  Désolée, fit-elle, c’était mon grand frère.

–  Oh, tu as un grand frère ? demanda ma meilleure amie. Que fait-il, dans la vie ?

–  Il fait des études d’ingénieur et travaille à mi-temps dans une banque.

–  Ingénieur ? releva Rangiku. Ça alors, vous en avez dans la tête dans votre famille !

–  Oui, on peut dire ça comme ça.

La manager de notre club de basket m’adressa un clin d’œil discret que je fis mine d’ignorer.

–  Il s’inquiétait pour toi ? questionnai-je sans m’apercevoir du manque de tact dont je faisais preuve.

–  Non, rit Tsunata, je ne rentre jamais avant la fermeture de la bibliothèque, d’habitude. Il me demandait simplement de passer au konbini sur le chemin du retour.

–  Quelle chance tu as ! jubila Rangiku. Shûhei va se faire un plaisir de t’y accompagner, n’est-ce pas ?

–  Je comptais le faire avant que tu le suggères, grognai-je de consternation.

Tsunata semblait vraiment s’amuser à nous regarder nous chamailler comme des frères et sœurs tout en continuant de siroter le milkshake que je lui avais offert. La voir ainsi rayonner me faisait vraiment chaud au cœur.

–  Dis voir, Tsunata-chan, tu as quelque chose de prévu samedi après-midi ?

–  Je ne crois pas, dit-elle après un instant de réflexion.

–  Ça te dirait de venir au match ?

Je m’étouffai avec ma boisson lactée et me retins de tout recracher.

–  Eh bah alors, Shûhei, bois plus doucement ! se moqua-t-elle.

–  La rencontre aura lieu dans quel lycée ?

Je tournai sur elle des yeux écarquillés de surprise, à l’instar de mon amie d’enfance qui, décidément, n’avait rien trouvé de mieux à faire que de me mettre à mal pendant cet instant privilégié avec l’objet de mes pensées.

–  A celui de Naruki, s’enthousiasma-t-elle. Tu devrais vraiment venir, je suis sûre que ça ferait plaisir à Shûhei ! Et puis, comme ça, tu pourras rencontrer les membres de l’équipe ! Ils sont tous impatients de te connaître !

Mais qu’est-ce que j’avais fait au bon Dieu pour mériter un châtiment pareil ? Et où était Kira quand on avait besoin de lui ? Je décidai de tenter le tout pour le tout pour l’en dissuader, car j’avais parlé tellement de fois de Tsunata à mes amis du club que j’étais persuadé que, si elle mettait un pied dans le gymnase, tous se jetteraient sur elle et lui énumèreraient ô combien je l’idolâtrais depuis son arrivée.

–  Ne te sens pas obligée de venir parce que Rangiku te le propose. Je sais qu’on a un test la semaine prochaine en maths, donc si tu préfères réviser, je ne t’en tiendrai pas rigueur.

Alors qu’elle me détaillait silencieusement, visiblement surprise par mon discours, je me tournai vers notre manager et sifflai :

–  Quant à toi, réfléchis un peu avant de parler !

–  Mais j’en savais rien, moi, geignit-elle.

–  C’est fou ce que tu peux débiter comme conneries à la seconde !

–  Dis donc, tu sais à qui tu t’adresses ?

Nos chamailleries prirent fin quelques instants plus tard devant une Tsunata amusée par notre comportement. Rangiku décida enfin de nous laisser seuls pour rejoindre son petit-ami, et je pus souffler de retrouver ce calme qui m’avait tant manqué. La jolie blonde ne semblait pas s’être formalisée du fait que j’avais précédemment tenté de la dissuader de venir me voir jouer le week-end suivant, et avait terminé son verre en me remerciant pour cette délicieuse découverte. Je lui assurai que ce n’était rien, et c’était vrai : c’était ma façon à moi de lui témoigner ma reconnaissance d’être entrée dans ma vie et de l’ensoleiller chaque seconde un peu plus.

Nous décidâmes d’un commun accord de quitter le restaurant et rejoignîmes le konbini dans lequel elle semblait avoir l’habitude d’aller. Une fois à l’intérieur, elle prit ce que son frère lui avait demandé : des carottes, des oignons, ainsi que du miel pour préparer le curry qu’ils mangeraient le soir. La petite-amie de son aîné avait arrêté ses études et restait à la maison toute la journée, donc se chargeait de préparer le repas pendant l’absence de la fratrie recomposée. Si Tsunata passait à la supérette à sa place, c’était uniquement parce qu’elle aimait se promener dans les rues de Karakura le soir, lorsque tout devenait calme. Seulement, aujourd’hui, elle n’avait pas passé son temps libre à flâner dans les rayonnages de la bibliothèque de la ville et s’y était donc rendue alors que les rues grouillaient de monde, ce qui n’avait plus rien à voir avec l’instant de sérénité dont elle m’avait parlé. Je jubilai à la simple idée farfelue qu’elle avait accepté pour pouvoir prolonger notre tête-à-tête.

Nous arrivâmes finalement devant le portail d’une petite maison de ville sur lequel trônait le nom des Yoshida. Une jeune femme un peu plus enveloppée que Tsunata aux cheveux bruns mi-longs sortit en nous voyant arriver et fit de grands signes à la jolie blonde. Celle-ci se tourna vers moi et me remercia encore pour l’après-midi que nous venions de passer, ce à quoi je répondis que ce n’était rien et que c’était plutôt à moi de la remercier pour tout ce qu’elle faisait pour moi. Elle me sourit et rentra chez elle ; quant à moi, je restai un instant sur le trottoir à observer d’un air absent la façade de la demeure de celle qui habitait chacune de mes pensées, puis décidai de retourner chez moi.




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