Les Ombres du Hokage

Chapitre 1 : Les Ombres du Hokage

Chapitre final

2201 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 29/11/2025 15:51

Naruto était en retard. Encore. Le soleil commençait à décliner sur Konoha, répandant sur les toits orangés une lueur chaude, presque nostalgique, comme un souvenir doux-amer du passé. La lumière glissait lentement sur les tuiles, accrochant parfois des reflets d’or pur, comme si le village lui-même respirait au rythme du crépuscule. Dans les rues, l’air portait l’odeur familière du bois chauffé, des brochettes grillées et du bouillon de miso encore fumant des stands qui fermaient à regret. Les voix se mêlaient dans une harmonie tranquille : des marchands qui rangeaient leurs étals en discutant doucement, des mères appelant leurs enfants, et surtout, ces éclats de rires cristallins près de l’Académie, où quelques garnements s’entêtaient à jouer un peu plus longtemps, profitant de la dernière lumière du jour. Les ombres s’étiraient comme des kunai parfaitement aiguisés, dessinant sur les pavés des lignes longues et mouvantes qui semblaient guider ou défier quiconque s’y aventurait. Et Naruto, lui, sprintait à perdre haleine, dévalant la rue principale comme s’il avait encore quinze ans… ce qui, soyons honnêtes, n’est plus vraiment le cas. Son manteau blanc de Septième Hokage claquait derrière lui, fouetté par la course, semblable à une bannière indisciplinée qui refusait obstinément d’obéir au vent. Le tissu battait contre l’air comme un rappel constant de ce qu’il représentait : un héros, un symbole… et, ce soir encore, un Hokage en retard.

« Aaah, je vais encore me faire engueuler… » grogna-t-il en zigzaguant entre deux stands de ramen.


Son souffle formait de petits nuages dans l’air tiède du soir, tandis que ses sandales frappaient les pavés avec un rythme précipité. Des effluves de nouilles chaudes et de bouillon épicé lui chatouillaient le nez au passage, presque assez pour le détourner de sa route. Teuchi, qui essuyait le comptoir de son stand, leva un sourcil en le voyant débouler comme une bourrasque blonde.

« Naruto ! Tu viens manger ce soir ? » lança-t-il d’une voix forte, couvrant le bruit du grill qui crépitait encore.

« Promis ! Je dois d’abord aller quelque part ! » répondit-il sans ralentir, levant la main comme un enfant pris en faute qui s’enfuit avant la punition.



Il fusa hors du cœur du village, laissant derrière lui les lanternes qui s’allumaient une à une, éclairant les rues d’une lueur orangée. L’air devenait plus frais à mesure qu’il montait, et le bruit du village s’estompait, remplacé par le chant des insectes du crépuscule. Au sommet, la roche imposante dominait tout : les visages des Hokage, immenses, majestueux, figés pour toujours dans la pierre. La lumière déclinante soulignait les traits gravés, comme si le soleil voulait leur donner vie avant de disparaître. Le sien, tout en haut à droite, paraissait presque trop propre, trop neuf. Comme un parchemin qui n’a pas encore été marqué par le temps. Naruto s’arrêta enfin. Ses épaules se soulevèrent et s’abaissèrent à un rythme rapide, et il posa les mains sur ses genoux pour reprendre son souffle. La brise du soir fit légèrement claquer sa cape derrière lui. Il leva les yeux.

« Tch… Ils m’ont encore fait le menton un peu trop pointu. »


La remarque aurait pu passer inaperçue, mais un éclat léger, presque cristallin, retentit derrière lui. Naruto se retourna. Hinata se tenait là, à quelques mètres, comme apparue d’entre les ombres douces du soir. Son petit panier accroché au bras se balançait légèrement, et ses longs cheveux noirs ondulaient sous le souffle du vent, captant la lumière comme de la soie. Ses yeux perle, illuminés par les reflets du crépuscule, semblaient presque irisés. Le kimono clair qu’elle portait épousait ses mouvements avec une grâce tranquille, contrastant avec l’agitation maladroite de son mari.

« Tu as dit ça la dernière fois aussi, Naruto-kun, » murmura-t-elle avec un sourire tendre.



Il se gratta la nuque, riant d’un rire un peu honteux.

« Ouais, mais c’est vrai ! On dirait que je vais perdre une dent si je parle trop fort… »


Hinata s’approcha, son pas léger glissant presque sur l’herbe qui commençait déjà à absorber la fraîcheur de la nuit.

« Tu t’es encore échappé du bureau, n’est-ce pas ? »


Naruto détourna le regard, gonflant les joues comme pour protester.

« Hé ! J’ai pas "fui" ! J’ai… pris une pause stratégique. C’est différent. »


Hinata ne répondit pas immédiatement. Son sourire s’élargit à peine, mais son regard disait clairement : Bien sûr, Naruto-kun. Elle tendit le panier, ses doigts fins effleurant brièvement les siens.

« J’ai apporté des onigiri. Je me suis dit que tu n’avais peut-être pas eu le temps de manger. »


Les yeux de Naruto brillèrent aussitôt comme ceux d’un enfant devant un bol de ramen fumant.

« Hinataaa… tu lis dans mes pensées ! »


Il s’assit sur l’herbe fraîche, face aux visages de pierre. Le sol légèrement humide du soir ramena à sa mémoire des nuits passées à cet endroit, seul et bruyant. Bien loin de ce calme rassurant. Hinata s’installa à ses côtés, sans un bruit, comme si l’espace se mettait lui-même au diapason de sa douceur. Le vent caressait la cime des arbres en contrebas, emportant quelques pétales tombés d’une fleur tardive. Le village, miniaturisé sous leurs pieds, baignait dans une paix presque irréelle. Pendant quelques instants, ils mangèrent sans dire un mot. Le froissement du papier, le bruit discret des bouchées, et le souffle du vent composaient une mélodie simple, intime, presque sacrée. Puis Hinata rompit doucement le silence.

« Tu avais dit… que tu voulais venir ici ce soir. Pour une raison particulière. »


Naruto s’arrêta net, l’onigiri levé à mi-chemin de sa bouche. Il avala de travers, toussa légèrement, puis baissa la main.

« Ah… oui. »


Son regard se posa sur les visages sculptés : Hashirama, Tobirama, Hiruzen, Minato, Tsunade… puis le sien. Chaque visage portait la marque de son temps, de ses combats, de ses doutes et tous semblaient le fixer en retour.

« Tu te souviens… du Naruto d’avant ? » demanda-t-il soudain, la voix plus basse, sans quitter les statues des yeux.


Hinata tourna légèrement la tête, attentive.

« D’avant ? »

« Celui qui courait partout, qui criait qu’il serait Hokage alors que tout le monde se moquait de lui… Celui qui faisait des bêtises juste pour qu’on le regarde. Celui qui refusait d’abandonner, même quand il était seul. »


Un sourire effleura ses lèvres, mais son regard restait chargé d’une gravité inhabituelle.

« Je me souviens, oui, » répondit Hinata.

« Parfois, j’ai l’impression de… de ne plus le voir, » avoua-t-il en posant son onigiri.


Ses doigts se resserrèrent autour de ses genoux, comme pour empêcher quelque chose en lui de vaciller.

« Je passe mes journées à signer des papiers, à écouter des disputes entre clans, à lire des rapports interminables… Je sais que c’est important, mais… »


Il inspira, profondément, comme pour se donner le courage d’admettre ce qu’il n’avait jamais formalisé.

« Mais quand je regarde ces visages-là… »


Il désigna la montagne.

« Je me demande : est-ce que j’ai laissé celui que j’étais se perdre en chemin ? »


Hinata ne répondit pas tout de suite. Elle observa son profil éclairé par les derniers reflets du jour. Ses yeux bleus un peu voilés, la tension sur ses épaules, le poids invisible qu’il portait. Elle posa doucement sa main sur la sienne. Un contact minime, mais assez fort pour l’ancrer.

« Naruto-kun… »


Il releva les yeux vers elle, surpris par la douceur mêlée de fermeté dans sa voix.

« Je sais que tu te poses beaucoup de questions, ces derniers temps, » continua-t-elle doucement. « Boruto m’a dit que tu semblais plus fatigué que d’habitude. Et Himawari l’a remarqué aussi. »


Naruto grimaça, comme s’il venait d’être pris en flagrant délit.

« Sérieux, ils voient tout, ces gamins… »


Hinata eut un rire discret, presque musical.

« Toi aussi, tu voyais tout, quand tu étais petit. Tu voyais la solitude des autres… même si personne ne voyait la tienne. »


Naruto baissa les yeux, incapable à cet instant de contredire cette vérité. Hinata serra un peu plus sa main, la chaleur de ses doigts se mêlant à la sienne.

« Le Naruto d’avant n’a pas disparu. »


Il releva la tête, surpris. Elle continua :

« Il a juste grandi. Il a appris que protéger les gens… ce n’est pas seulement se battre. Parfois, c’est remplir des formulaires, écouter les plaintes, gérer les problèmes qu’on ne voit jamais dans les livres d’histoire. Ce n’est pas moins héroïque. C’est juste… différent. »


Les épaules de Naruto se relâchèrent légèrement. Un demi-sourire, timide mais sincère, étira ses lèvres.




Plus tard, alors que la nuit était tombée pour de bon et que Hinata et les enfants étaient repartis, le silence enveloppa peu à peu la montagne. Les derniers murmures du village s’éteignirent comme des lanternes qu’on souffle une à une. Seules demeuraient les étoiles, suspendues au-dessus de Konoha comme des veilleuses immobiles. Naruto resta seul face aux visages de pierre. Le vent, plus froid à cette hauteur, glissait contre sa peau, soulevant par moments les pans de sa cape blanche. La lune, presque pleine, baignait le relief sculpté d’une lumière pâle, dévoilant les ombres douces qui soulignaient les traits de chaque Hokage. Il fit un pas en avant et leva une main vers le visage de Minato. Il ne pouvait pas le toucher réellement, mais son geste effleurait la pierre comme on touche un souvenir.

« Papa… »


Le mot quitta ses lèvres comme un souffle chaud dans la nuit, et résonna contre la roche. Pas un écho bruyant : un écho intime, discret, presque respectueux.

« Je crois que je commence enfin à comprendre. »


Il inspira longuement, laissant la fraîcheur de l’air emplir ses poumons.

« Être Hokage, c’est pas seulement se battre sur le champ de bataille. C’est porter les regrets, les erreurs, les sourires… et ne jamais oublier pourquoi on s’est levé le matin. »


Il s’approcha un peu plus, levant cette fois sa main vers son propre visage sculpté à flanc de montagne. Il ne pouvait en atteindre qu’une minuscule parcelle, à peine un morceau de pierre à la base, mais son geste comptait plus que la réalité physique.

« Le gamin d’avant est toujours là. »


La confession lui échappa dans un sourire. Un sourire sincère, presque nostalgique.

« Il est juste devenu papa… et Hokage. Un peu plus fatigué, peut-être. Mais toujours prêt à continuer. »


Un souffle chaud traversa sa poitrine. Une présence. Fugace, mais tellement familière qu’il en eut le cœur serré. Kurama n’était plus là… et pourtant, il était partout. Dans ses cicatrices, dans sa force, dans son souffle. Dans le silence qui l’entourait ce soir-là.

« T’inquiète, Kurama, » murmura-t-il en posant une main sur son ventre, exactement là où autrefois résidait la bête. « On va continuer à avancer. Ensemble. Avec eux. »


Il ferma un instant les yeux. La chaleur qu’il ressentit n’était peut-être qu’un souvenir… ou peut-être autre chose. Un lien qui ne s’éteindrait jamais vraiment. Il se redressa, regarda le village endormi et s’étira longuement, comme s’il chassait définitivement les derniers relents de doute qui étaient restés accrochés à ses épaules.

« Bon ! »


Son sourire s’élargit, retrouvant cette énergie éclatante, solaire, qui avait toujours été sa marque.

« Demain, je me lève tôt et je finis tous les dossiers en retard ! Et après… ramens chez Ichiraku avec tout le monde ! »


Il fit un signe de la main en direction des visages gigantesques. On aurait presque dit qu’il leur parlait comme à des anciens camarades.

« Vous verrez, je serai le Hokage le plus incroyable que ce village ait jamais connu ! »


Le vent souffla plus fort à ce moment-là, comme pour ponctuer sa déclaration. Sa cape blanche claqua avec vigueur, dévoilant un instant entièrement les kanji « Septième Hokage » qui scintillèrent sous la lumière de la lune. Naruto entama alors la descente du chemin pierreux. Chaque pas résonnait doucement, régulier, confiant. Le cœur plus léger, les épaules moins voûtées, l’âme apaisée. Le gamin qui courait autrefois seul dans les rues de Konoha courait toujours. Mais il ne courait plus pour qu’on le voie. Il ne courait plus pour qu’on le reconnaisse. Sauf qu’aujourd’hui, il ne courait plus vers un rêve lointain. Il courait dedans.


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