Fiston

Chapitre 1 : Veille sur toi

Chapitre final

3296 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 30/12/2021 00:56

Cette fanfiction participe aux Défis d’écriture du forum Fanfictions .fr : Coupez ! On la refait - (novembre décembre 2021).


« Petit… Essaie de veiller sur toi, tu veux ? »

Tels furent les derniers mots qui s’échappèrent de la bouche de Mike avant qu’il ne s’en aille. Le vieillard serra alors la main du jeune homme et avoua à demi-mots qu’ils ne se reverraient sans doute plus jamais. Après une telle affaire, il fallait qu’il raccroche. Adieu le travail de garde du corps ou d’assassin… Bonjour le retour à une vie normale.

Après s’être assuré que ses anciens ‘collègues’ se tairaient auprès de son associé Dan, il entendit à sa radio pirate que la fichue brigade des Stups allait débarquer chez lui. Rien d’anormal pour l’instant, ce n’était que la dernière étape avant la liberté. Maison vidée, passeport, argent et flingue de secours planqués en cas d’urgence… Ils pouvaient venir, se disait-il.

Sans surprise, après une interrogation poussée, aucune preuve de son implication dans le cartel de Fring ne subsistait. Même pour un vieil homme comme lui, cette liberté avait un goût différent. Ses pensées se dirigèrent donc directement vers Kaylee.

Quel grand-père ne rêverait-il pas d’un ange pareil dans sa vie. Il alla donc la chercher chez sa mère pour passer du temps avec elle, mais cette fois-ci, avec le cœur libre. Il désirait partager un moment au parc avec elle, mais la petite gourmande réclama d’abord un goûter. Et comme il ne pouvait pas lui résister, il accepta de lui en concocter un qui lui ferait extrêmement plaisit. Mike assit Kaylee devant la télévision puis se rendit à la cuisine pour lui préparer des tartines à la crème de marrons. Ce n’était pas tâche aisée de s’en procurer au Nouveau-Mexique mais il savait que c’était le péché mignon de Kaylee.

Le goûter englouti, ils se rendirent ensemble au parc. Il la regarda se diriger gaiement vers la balançoire puis s’assit sur un banc et regarda l’horizon tout en se laissant aller à quelques réflexions. Fring ? Mort. Ses associés ? Silencieux… Walter ? Plus son problème. Il sortit un jeu de mots croisés et il eut enfin l’impression que le temps avait cessé sa course folle.

Ce fut sans compter sur la sonnerie aiguë de son téléphone qui vint déranger ce bonheur si paisible. Il décrocha avec un soupir.

« Oui ? 

– Mike, c’est moi, vous pouvez parler ? »

Dan… Que pouvait-il bien lui vouloir ? Il commença à expliquer qu’il y avait eu un souci avec l’argent et qu’il fallait se voir immédiatement. Le vieillard lui indiqua son emplacement sans grande envie et raccrocha. Il remit son téléphone dans la poche en espérant que c’était bien la dernière fois qu’il verrait Dan. Il eut à peine le temps de se remettre les idées en place que son téléphone sonna à nouveau. Walter ? C’était vraiment la journée des emmerdeurs… Mais il eut raison de décrocher. Il apprit que quelqu’un – Dan, ce sale chien, à n’en pas douter – avait vendu la mèche, et que les Stups étaient en route. Il se leva pour s’enfuir avec Kaylee, mais en apercevant une voiture de flics se garer, il commença à s’éloigner… Sans sa petite fille.

Ces sacrifices, ces morts, ce maudit boulot… Il avait fait tout cela dans le simple but de permettre à Kaylee d’avoir une bonne vie. Il s’était mille fois fait à l’idée que ce boulot aurait pu finir par le tuer ou le faire capturer sans pouvoir lui dire adieu, mais cela n’avait jamais été grand-chose comparé au soulagement de la savoir dans une bonne situation. Pourtant, quand il la voyait se balancer, devant ses yeux, son cœur en faisait de même. Il ne voulait pas partir, encore moins sans lui dire au revoir. Une seconde voiture de police le fit reculer de plus belle. Pourvu qu’elle ne se retourne pas, disait-il. S’il voyait ne serait-ce qu’une once de tristesse dans ses yeux, il aurait couru vers elle, quand bien même il se serait jeté dans la gueule du loup par la même occasion. Il serra son poing et ne laissa pas le temps aux larmes de tomber, et s’enfuit bien qu’il eut l’impression que son cœur se déchirait.

Il essaya en vain d’aller récupérer son sac de secours à l’aéroport mais… C’était également là que les Stups l’attendaient. Il ne lui restait… Qu’une dernière solution. Il dégaina son téléphone et contacta à contre-cœur Saul Goodman. Il avait beau être l’avocat le plus véreux du coin, c’était un type d’une débrouillardise sans fin. Il lui expliqua la situation… Quelqu’un devait aller récupérer son sac à l’aéroport et lui ramener. Vite. Jesse se proposa… C’était vraiment un bon gamin. Mais hors de question, c’était trop dangereux. Walter se porta à son tour volontaire et Mike accepta alors. Il se rendit loin de la ville, près d’une rivière aux alentours boisés pour attendre l’arrivée de son sac et de White.

Au moment où il entendit une voiture arriver, il retourna à la sienne, le silence aride du désert seulement dérangé par le craquement des feuilles mortes et le ronronnement léger d’un moteur. La véhicule se gara et Walter en sortit. Encore une fois, Mike se mit à songer. Pitié, faites que ce soit la dernière fois qu’ils se voyaient.

Le ‘cuisinier’ ne lui donna pas son sac immédiatement, il lui réclama en échange les noms des neuf associés. Évidemment… L’argent pour les faire taire avait probablement été saisi, et donc… Ce lâche craignait pour sa vie. Mike refusa et saisit de force le sac. Walter hurla soudainement un « De rien ! » dans le dos du vieillard. Il attendait qu’on le remercie, en plus. Pour le grand-père, c’était plutôt l’inverse. Il lui expliqua alors ceci, que tout ce ‘merdier’ était sa faute. White osa rétorquer que la fuite n’était pas une option pour lui car il avait une famille. Mike ne comprit pas ce qui le retint à ce moment-là de lui mettre son poing dans la figure. Lui aussi avait une famille, qu’il dut abandonner pour la protéger. C’était bel et bien un lâche, se dit-il. Il retourna vers sa voiture, laissant un Walter mortifié au milieu de la petite plaine.

Mike s’installa au volant et regarda dans le sac. L’argent… Le passeport. Mais pas d’arme. Alors qu’il se rendit compte de cela, il entendit des pas se rapprocher bruyamment vers lui.

 

 

« Petit… Essaie de veiller sur toi, tu veux ? »

Jesse pensa à ces mots… Il était presque heureux d’entendre Mike au téléphone, mais ce n’était clairement pas le moment de se réjouir. Si le vieillard venait à se faire attraper par les Stups, c’en était fini de lui. Jesse proposa d’être celui qui pouvait aller récupérer ses affaires à l’aéroport, mais Mike refusa, préférant l’aide de Walter. Alors que le jeune homme voyait le cinquantenaire sortir de la pièce, il plongea dans ses propres pensées. Walter avait connu, au fil du temps, une vraie métamorphose. Il était passé d’un vieux prof doué mais d’un banal affligeant à… Un baron de la drogue sans pitié. Jesse ressassa leur discussion, celle où il exprima à Walter son envie d’arrêter de créer de la meth. Il avait beau dire qu’il avait été affecté par la mort de cet enfant que Todd avait tué avec son grand sourire de taré… Jesse n’en croyait pas un mot. Quand White avait un obstacle sur sa route, un enfant ou encore Gale, il fallait le supprimer coûte que coûte, c’était comme ça. Il était certain que Walter n’était pas serein en sachant qu’il pouvait être découvert... Soudain, le jeune homme put presque sentir son cœur s’arrêter l’espace d’un instant. Et s’il venait à s’en prendre à Mike ?

Jesse sortit en courant, s’assurant que Walter était déjà parti, puis s’engouffra dans sa voiture et conduit jusqu’au point de rendez-vous des deux hommes. Il fallait prendre beaucoup d’avance pendant que White faisait son chemin vers l’aéroport. Il fit bien attention en arrivant au lieu de rendez-vous de se garer aussi loin et hors de vue de la route que possible. Il fallait être discret, observer la situation et laisser se dérouler l’échange. N’intervenir qu’en cas de problème. Il se mit alors à attendre l’arrivée de Walter. Mike était en vue, faisant des ricochets sur la rivière. Cette attente était insoutenable, à laquelle s’ajoutait l’humidité désagréable des hautes herbes dans lesquelles il se cachait. Toutefois, il tenait bon. Ce qu’il était en train de faire, il le faisait pour Mike. Bien que le vieillard eût refusé son offre, il ne faisait plus confiance à Walter.

Après presque une heure d’attente, White débarqua enfin… Jesse se mit à marcher à pas feutrés afin de suivre Mike jusqu’à sa voiture. Il eut du mal à entendre la discussion des deux hommes jusqu’à ce que le vieux prof de chimie hurle « De rien ! » Il avait reconnu son ton sarcastique, tout comme Mike qui parut assez énervé. Après ce qui eut l’air d’une réprimande de la part du vieillard, celui-ci rejoignit sa voiture et s’enferma dedans, puis Walter fit de même. Jesse soupira de soulagement. Cela ne s’était pas ‘bien’ passé, mais Mike allait s’enfuir sain et sauf.

Soudain, il vit Walter rebrousser chemin et avancer d’un pas déterminé vers le vieillard… Une arme à la main ! C’était par peur d’une situation comme celle-ci que Jesse était venu. Il n’eut pas le temps de se poser des questions et sortit des fourrées, son arme pointée vers White.

« Certainement pas, M’sieur White ! Je savais que vous alliez faire ça !

– Jesse ?! Qu’est-ce que tu fais là ?! »

Mike, qui avait alors probablement remarqué que son arme n’était plus dans son sac, regarda dans le rétroviseur. Mais son attention se dirigea aussitôt sur le jeune homme.

« Petit ! Qu’est-ce que…»

Walter leva les mains. Aussi pathétique et grotesque qu’à son habitude, il commença à manipuler la situation à son avantage, comme il l’avait toujours fait. Mensonges, mensonges et encore des mensonges. Cette fois-ci, cela ne fonctionnerait pas, se disait Jesse. Il avait assez vu ‘Heisenberg’ à l’œuvre pour reconnaître ce jeu d’acteur vaudevillesque.

« Vous êtes un monstre, m’sieur White ! Gale… Cet enfant… Et maintenant Mike ? Pourquoi encore, pour protéger vos petites miches ? Pour soi-disant protéger votre famille ? Parce que vous faites confiance à personne ! Alors je vous conseille de…»

À ces mots, Walter pointa son arme sur Jesse. Il détestait qu’on lui dise quoi faire. Il voulait qu’on lui courbe l’échine. Qu’on reconnaisse la grandeur d’Heisenberg, un alias qui cachait en fait un lâche de la pire espèce.

« Et toi, Jesse ? Tu ne me fais pas confiance ? Tu viens ici pour m’empêcher de faire quoi, au juste ?

– Vous alliez tuer Mike ! Je l’ai vu… Ce regard. C’était pas celui de Walter White, c’était celui d’Heisenberg ! Vous alliez vous débarrasser de lui parce qu’il allait pas vous donner ce que vous vouliez !

– Et ? S’il ne me donne pas ce que je veux, ton implication dans cette affaire pourrait ressortir. Tu finirais tes jours en prison. Toi qui es si jeune… Si idéaliste… Tu vois ce que je veux dire n’est-ce-pas ? Ce vieux allait finir par nous balancer ! »

Walter était devenu si imperméable au mal et à la douleur qu’il causait au fil du temps, se dit alors Jesse. Lui qui avait encore cette lueur de peur dans ses yeux il y a quelques mois, lui qui était juste dans cette affaire pour sa famille… Il avait laissé son égo s’emparer de lui. Il ne faisait plus cela pour les autres mais bel et bien pour lui. Plus rien ne pouvait l’arrêter dans sa course à l’égo. Mike sortit la tête par l’encadrement de la fenêtre de sa voiture et fronça les sourcils. Jesse et lui étaient arrivés à la même conclusion, au même moment. Mais c’était le vieillard qui parla pour les deux.

« Dites-moi, White… Pourquoi pointer votre arme sur Jesse ? Il n’est pas un obstacle pour vous. S’il disait tout, il irait en prison, comme vous. Je vais vous dire pourquoi : vous avez vraiment un grain. Vous voulez être seul tout en haut de la tour que Jesse vous a aidé à construire.

– C’est vrai… Vous avez refusé de me donner ma part de l’argent. Je suis sûr que si j’avais insisté, vous m’auriez tué dans votre labo ! »

Heisenberg soupira et visa la tête de Jesse. S’il n’agissait pas, ils allaient finir par le tuer ou le balancer.

« Je t’avais bien dit que tu ne savais rien faire de bon dans la vie, Jesse. Tu n’aurais jamais dû te retourner contre moi. Gâcher ton seul et unique talent, comme ça, pour se faire passer pour un saint. Tu étais pathétique au lycée, un vulgaire junkie raté quand je t’ai retrouvé quelques années après… Et aujourd’hui… Sache que ta soi-disant morale ne te rend pas moins pitoyable. Au revoir, Jesse. »

Alors que Jesse se mit à trembler, rabaissé comme il ne l’avait jamais été auparavant, Mike recula violemment en direction de Walter. C’était lui ou eux. White dirigea son arme vers la voiture, prêt à vider son chargeur dans l’espoir d’en tuer au moins un des deux. Alors qu’il s’apprêtait à tirer, Jesse envoya une balle dans le sol, juste devant Walter, le faisant sursauter et lâcher son arme.

« M’sieur White… Walter… Je vous tuerai pas. Je m’abaisserai pas à votre niveau. »

Au moment où Walter allait se faire percuter, il sauta sur le côté pour éviter la mort. Jesse courut vers Walter et l’assomma avec la crosse de son arme. Il fut vite rejoint par Mike. Les deux enfermèrent le vieux professeur de chimie dans sa voiture, en jetant les clefs dans la rivière puis appelèrent la police en disant avoir trouvé Heisenberg, donnant au passage l’adresse de Todd, le nouvel associé de Walter et meurtrier de ce pauvre gamin. Qu’ils les croient ou non, cela allait leur permettre de s’éloigner suffisamment loin pour que Walter ne les retrouve jamais. Jesse et Mike montèrent dans la voiture de ce dernier et partirent immédiatement après avoir détruit le téléphone dont avait été émis l’appel pour éviter de se faire tracer.

« Allez-y, Mike, on n’a pas le temps ! Appuyez sur le champignon… Tous les champignons que vous pouvez, même. Si on se fait choper, on est finis ! »

La nuit tombée, les deux collègues s’arrêtèrent en plein milieu du désert. Mike décida enfin de briser le silence et posa sa main sur l’épaule de Jesse.

« Petit ! Qu’est-ce qui t’a pris ? Tu aurais pu te faire tuer ! Je t’avais pourtant dit de veiller sur toi !

– Je sais bien, Mike. Mais il fallait bien que quelqu’un veille sur vous, non ? J’avais cette intuition qu’il était en train de vriller. S’il vous avait tué, je sais pas ce que je…

– Merci petit, fit-il en soupirant, comme un père qui pardonnait la bêtise de son enfant. Maintenant… Si White venait à nous balancer, il faudrait que toi aussi, tu sortes du pays… Mais tu n’as pas de passeport. 

– Ce n’est pas grave. Laissez-moi ici… Tant que vous êtes encore en vie, ça me suffit.

– Non, Jesse. Je te dois bien ça… J’ai une solution. Tu connais Best Quality Vacuum ?

– Non… Qu’est-ce que c’est que ce machin ?

– C’est l’adresse où j’ai pu obtenir mon faux passeport… On va en créer un pour toi et ensuite, on commencera une nouvelle vie.

– Mais Mike… Ça va… Me coûter cher, non ?

– T’inquiète pas, petit, rassura le vieillard en tapant légèrement son sac rempli d’argent. J’ai tout ce qu’il nous faut.

– C’est… Tout ce qu’il vous reste, c’est ça ? Vous aurez plus rien après.

– Oublie ça, gamin. On… Se débrouillera. »

En disant cela, Mike offrit un sourire franc à Jesse. Le jeune homme posa sa main sur l’épaule du vieillard.

« Où que vous alliez, je viens avec vous. Je trouverai un travail et je ferai en sorte… Que nous ne manquions de rien.

– Hé, petit, je veux pas être redevable une deuxième fois !

– Mike… Ce n’est pas une histoire de redevable ou de… Faveurs… C’est uniquement grâce à vous que j’ai réussi à me rendre compte que ça tournait pas rond. Vous êtes comme… Un genre de… Grand-père sympa pour moi… Ou un truc comme ça… C’est normal de vous aider… »

Le vieillard pencha la tête et mit ses mains sur le volant, puis reprit la conduite. Il croyait ne plus jamais être appelé grand-père de sa vie et bien que cela soit douloureux de laisser Kaylee derrière, il en était mieux ainsi. Elle ne devait pas courir de risque, surtout par sa faute, il ne se le pardonnerait jamais. Mike ne put s’empêcher d’imaginer sa si précieuse petite-fille. Sûrement devait-elle pleurer à chaudes larmes en ce moment-même, ignorant pourtant qu’elle ne le reverrait plus jamais.

Elle était son monde. Il avait tout fait pour son bonheur, et aujourd’hui, il lui avait laissé de quoi se construire une belle vit. Il en était content, ou plutôt, il tentait de s’en contenter. Les souvenirs qu’ils avaient partagés valaient pour lui bien plus que n’importe quelle production de meth, bien plus que n’importe quel sac rempli à en déborder de fins billets imprimés. Ils étaient inestimables, et l’accompagneront où qu’il soit.

Un léger sourire se dessina alors sur ses lèvres.

« Je pense que tu peux laisser le ‘vous’ de côté maintenant, fiston. »


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