When in Rome

Chapitre 16 : La belle au bois dormant

3672 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 06/10/2020 17:08

Chapitre 16 La belle au bois dormant

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Depuis qu'il avait son âme, Angel devait reconnaître que celle-ci le poussait constamment à se faire un mouron démentiel, à l'accabler de regrets et de remords que, même ses bonnes actions obstinées, ne parvenaient pas à alléger un tant soit peu.

Il n'avait pas eu trop de mal à retrouver les coordonnées GPS du monastère où Oz vivait quasiment en reclus, heureux de pouvoir défendre les prêtres des Démons de la Lune qui les assaillaient, en échange de l'apprentissage de techniques méditatives. Ce dernier en espérait beaucoup, tentant de faire tout ce qu'il pouvait pour retenir le loup en lui, pendant les trois jours du mois qui le retransformaient en animal sauvage.

Les moines bouddhistes avaient accueilli le vampire dès son arrivée, avec force courbettes et mains jointes, semblant déjà connaître le but de sa visite et l'invitant sans crainte à franchir le seuil de leur monastère. Angel n'était pas là pour faire du tourisme, mais il reconnut que le lieu était paisible et comprenait qu'Oz ait souhaité en faire sa résidence quasi permanente depuis quelques années. Malgré tout toujours prêt à revenir leur donner un coup de main en cas de menace très grave où toutes les bonnes volontés étaient les bienvenues, le loup-garou ne restait jamais un jour de trop.

Angel supposait que c'était parce qu'il était embarrassé ou triste de voir que Willow restait identique à ses souvenirs. Et sans doute parce qu'il lui était évident aussi que la sorcière avait complètement tourné la page sur leur amour de lycée. S'il avait pu la reconquérir, il n'aurait pas hésité un instant.

Kennedy n'était pourtant pas mesquine avec lui. Ne se sentant pas menacée, elle s'était juste montrée curieuse. Elle savait que, plus jeune, sa femme n'avait fait qu'enchaîner les déconvenues avec ses petits-amis. Raison pour laquelle, elle avait peut-être décidé que ce n'était pas fait pour elle…

— Puis-je voir Oz ? s'enquit poliment le visiteur, pas très sûr de pouvoir se faire comprendre car il ne parlait qu'un chinois très ancien.

Le révérend du monastère vint à lui, s'avançant lentement entre les murs décorés avec plus de couleurs qu'il ne s'y serait attendu. Il invita son hôte à s'asseoir sur un coussin et un autre moine apporta des bols où le thé fut servi rituellement. S'exhortant à la patience, le grand vampire brun, remercia d'un mouvement de la tête.

Il connaissait les lois de l'hospitalité, et pour dévoré d'inquiétude qu'il était, il devait s'y plier. Pour s'occuper, sans trop se montrer grossier et alors qu'on lui apportait cette fois un bol de riz parfumé, il considéra la profusion de divinités peintes dans des couleurs vives, le rouge omniprésent sur les piliers et certains pans de mur, les tapis chamarrés… Au fond, siégeait la gigantesque statue de Bouddha, en tailleur les yeux mi-clos, entourée d'offrandes et ornementée richement.

Une fois que les rites de l'accueil furent terminés, après une prière ou deux, des coups de gongs interminables, l'allumage d'encens, Angel se dit que son sang allait se mettre à bouillir. Au moment où il pensait qu'il n'en pouvait plus, deux moines entrèrent en portant une petite malle tressée et la déposèrent respectueusement devant lui. Indécis, il regarda le révérend père de cette congrégation en demandant si c'était un présent. A sa grande surprise, son vis-à-vis lui répondit dans un anglais parfait :

— Une restitution plutôt.

L'abbé, si tant est qu'on puisse le qualifier ainsi, fit un signe de tête muet vers les deux moines qui avaient apporté la malle et ces derniers ouvrirent le couvercle, exposant le contenu aux yeux surpris d'Angel.

— Nous sommes tous attristés de vous l'apprendre, mais nous craignons que Daniel Osbourne n'ait été enlevé ou tué par les Démons de la Lune. Malgré nos prières, nous ne l'avons jamais vu reparaître depuis, alors qu'il revient toujours après quelques jours… Le délai habituel est dépassé de longtemps.

— Que s'est-il passé ?

— Lors de la dernière attaque, notre protecteur et un ami venu le voir nous ont défendus comme d'habitude. Nous avons prié avec ferveur pour leur victoire, comme à chaque fois. Mais contrairement à l'ordinaire, nous n'avons pas retrouvé Daniel Osbourne au matin, tremblant de froid devant nos portes. Il y avait beaucoup de sang sur la terre, et nous avons dû purifier plusieurs fois l'espace conduisant à notre havre. Mais de notre protecteur, aucune trace. Nous avons seulement retrouvé ses vêtements déchirés, ce qui ne nous a pas surpris.

— Et en voyant qu'il ne revenait pas, vous ne l'avez pas cherché ?

— Quelques-uns d'entre nous ont essayé de fouiller les alentours mais sans succès. De plus, nous étions préoccupés par l'état du visiteur qui avait aidé Daniel Osbourne à repousser l'attaque. Il était encore vivant et nous avons fait ce que nous avons pu pour le maintenir en vie, mais il n'acceptait aucune nourriture…

— Est-ce qu'il a les cheveux très clairs, des yeux bleus et un manteau noir ?

Le révérend acquiesça, validant manifestement cette description sommaire mais suffisante.

— Nous sommes heureux que vous soyez venu car faute de savoir comment le soigner, nous voyons ses forces décliner et nous pensons qu'il va mourir. Il ne se réveille pas, sauf très rarement et nous ne comprenons pas ce qu'il dit. Nous espérions que Daniel Osbourne réapparaisse et qu'il nous dise quoi faire avec son ami. Mais il n'est pas revenu du tout. Dans cette malle, se trouvent les rares possessions qu'il avait encore…

Angel en examina le contenu, reconnaissant notamment une guitare acoustique, quelques vêtements, et, plus surprenant, une bande dessinée de Hulk flambant neuve.

— Pouvez-vous me conduire à lui dans ce cas ?

Les moines se relevèrent sans hâte et le menèrent dans une petite pièce latérale à la déco beaucoup moins agressive qui devait leur servir d'infirmerie. Quelques étagères d'apothicaires sur un pan de mur, une table chargée de quelques bols de céramique et de pilons, des caisses plates où des herbes étaient mises à sécher. Au milieu de la pièce, un autre moine drapé d'un orange plus vif que les costumes de feu Lorne, se leva du pauvre tabouret usé qui le maintenait à niveau du lit bas, et s'inclina à nouveau en s'excusant manifestement d'être aussi inutile. Angel fit un geste vague qui signifiant dans toutes les langues qu'il ne lui en tenait pas rigueur, avant de scruter avec curiosité le corps immobile étendu derrière l'infirmier local.

Spike avait le teint crayeux – ou disons pire que d'ordinaire – et ses lèvres sèches, crevassées et presque décolorées, trahissaient des symptômes évidents de jeûne prolongé… D'un certain point de vue, Angel en était rassuré, mais il avait du mal à le croire. Pour survivre, il aurait suffi d'invoquer le prétexte fallacieux d'aller récupérer quelque chose dans les environs, accompagné d'un moine. Une fois à distance suffisante, il aurait été facile de le drainer jusqu'à la dernière goutte et de cacher le corps en affirmant que des Démons l'avaient emporté… Toutefois, s'il s'agissait vraiment de Djinns, ces derniers avaient probablement maintenu leurs victimes inconscientes, en leur injectant quelque puissant somnifère qui les avaient laissés entre la non-vie et la mort. Willow avait eu un mal de chien à confirmer la localisation de Spike et le pendule restait muet en ce qui concernait Oz. C'était ce qui avait décidé Angel à venir voir ce qu'il en était. Ça et le désespoir tacite de Dawn.

Le père supérieur venait de pénétrer à l'infirmerie et les trois autres s'écartèrent. Il prit aussitôt la parole.

— Notre frère soignant nous dit qu'il ne respire pas et que son corps est froid. Pourtant, il reprend conscience quelques instants par jour et semble désorienté. Il murmure des choses malheureusement incompréhensibles. Savez-vous quel est son mal ?

Angel acquiesça mais posa une autre question qui l'intéressait bien davantage.

— Que pouvez-vous me dire des Démons de la Lune ? Ont-ils attrapé certains de vos moines ? Leur ont-ils fait du mal ?

— Les Démons de la Lune ne sont pas comme les autres. Ils génèrent des illusions puissantes dans lesquelles ils maintiennent leurs victimes tandis qu'ils aspirent peu à peu leur vie.

— A première vue, cela me fait penser au mode opératoire de créatures que nous appelons des Djinns… Ont-ils une sorte de poison ou de venin qu'ils injectent ?

— Sur les corps de nos défunts, notre frère soignant a noté plusieurs séries de points rouges et une chair bleuie au creux du coude. Cet homme ici n'en avait pas beaucoup, mais deux marques rouges encadraient son front. Les cataplasmes ont atténué ces brûlures étranges.

— Mhh mhh, puis-je voir ? s'enquit Angel qui était très perplexe.

Tous se reculèrent spontanément d'un pas pour le laisser accéder. Il tourna la tête de Spike d'un doigt sur son menton. Et à dix contre un, il aurait parié pour de la foudre ou un choc électrique. Ensuite, il releva la manche de la chemise pour voir le creux du coude et y distingua effectivement des traces d'injection par aiguille qui semblaient toutes fraîches.

— Avez-vous essayé de lui inoculer quelque chose en intraveineuse ?

— Non, nous n'avons pas d'ustensiles occidentaux, nous soignons avec des herbes, et des chants.

— Et d'habitude, ça marche ?

Tous les présents approuvèrent d'un bel ensemble qui aurait pu être comique. Angel fronça les sourcils.

— Pouvez-vous me dire depuis quand vous êtes attaqués par ces démons ?

— Plusieurs dizaines d'années. Ils sont apparus un jour d'on ne sait où. L'un de nos frères, qui avait réussi à s'échapper et pu regagner notre monastère, a parlé d'un amincissement du voile entre les mondes. Notre position en hauteur semble en être l'origine. Les Démons de la Lune ne descendent jamais dans la vallée. Lors que nous allons les voir, les habitants ne nous parlent pas de cas similaires… Certains moines pensent que les Démons passent par un trou du voile et viennent enlever des victimes ici… Daniel Osbourne nous protégeait bien, qu'allons-nous devenir sans lui ?

Cette fois, ce fut Angel qui se fit un plaisir d'incliner la tête sans répondre en ayant l'air de méditer une sage réponse… Après trois minutes, il se releva et déclara pour les faire se retirer :

— Si vous voulez bien aller me chercher un peu d'eau et des linges… J'ai une médecine avec moi qui devrait lui permettre de redevenir suffisamment conscient. Il va peut-être faire de la fièvre, alors l'eau et les linges me seront utiles.

Le révérend père envoya sans un mot son infirmier et un l'un de ses acolytes obéissants chercher ce qu'il demandait.

— Mais… comment savent-ils ce que vous voulez ? s'étonna le vampire qui ne pouvait songer que ces moines communiquent par la pensée.

Les mains croisées devant le drapé compliqué de son vêtement, le chef de la congrégation sourit d'un air malicieux.

— Nous ne sommes pas télépathes. Ils vous entendent et vous comprennent mais ils ont fait simplement vœu de silence…

Le vampire sourit à son tour et demanda d'un air innocent :

— Puis-je vous demander la grande faveur de prier pour lui devant votre statue de Bouddha ?

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Une fois seul avec Spike, Angel le secoua un peu dans l'espoir qu'il revienne à lui tout seul. Mais l'autre vampire plissa à peine les paupières. Soucieux d'éviter quelque drame, Angel vérifia que personne ne les épiait dans le couloir menant à l'infirmerie, puis il retira son manteau et releva sa manche de chemise. S'asseyant auprès de Spike, il passa un bras sous ses aisselles pour le relever à demi, puis il revêtit son visage de vampire pour faire sortir ses crocs et se mordit le poignet. Quand le sang commença à couler, il le déplaça au-dessus des lèvres craquelées du dernier membre vivant de sa famille.

— Allez Spike, reviens à toi…

Plus immobile encore, l'interpellé ne sembla pas davantage entendre l'exhortation. Typique. Il ne faisait jamais ce qu'on lui demandait… Angel jeta les yeux autour de lui pour s'assurer que personne ne revenait déjà puis plaqua directement son poignet entaillé sur les lèvres du « mourant »… Le sang dut se mettre à couler suffisamment dans sa gorge car celle-ci enclencha un mouvement instinctif de déglutition. Quand il sentit ces lèvres sucer avidement le sang avec de plus en plus de voracité, il sut qu'il y avait une chance de le sauver. Le sang d'un membre de la famille était moins efficace que celui d'une Tueuse, mais ça restait un élixir de premier choix… L'affamé commença à bouger et son premier réflexe fut d'empoigner fermement cette source pour l'empêcher de se retirer, buvant à grandes goulées impatientes et soulagées à la fois.

— Spike, ça suffit pour cette fois, laisse-moi-en un peu…

Ce dernier était en effet moins pâle mais il se contenta d'émettre un son de gorge indistinct qui avait tout l'air d'une protestation. Angel essaya de retirer sa main mais l'autre ne l'entendait pas de cette oreille… Fatigué de lutter, Angel usa de son ton de commandement impératif pour lui ordonner de s'arrêter. Certes c'était un peu facile, mais si on le laissait faire ce petit gourmand goulu pouvait le vider en moins d'une heure…

Entendant des bruits de pas discrets qui s'approchaient, le plus âgé lécha sa plaie et rabattit vivement la manche de sa chemise indigo. Il se saisit de son manteau trois quarts qu'il repassa en vitesse. Les paupières de Spike frémirent et il entrouvrit les paupières.

— Bordel, c'est toi ? Tu parles d'une vision enchanteresse… Comment ça se fait que la première chose que je voie au réveil soit ta sale tronche, penchée au-dessus de moi ?

— Ingrat ! Je viens de te sauver la vie, imbécile, dit-il en le rallongeant de force d'une paume plus que ferme sur la poitrine. Maintenant tais-toi et laisse-moi parler…

Un bonze s'avançait à petits pas avec une bassine en cuivre remplie d'eau claire et le suivant portait quelques serviettes de coton. Angel les remercia. Quand ils virent les dents sanglantes de l'homme étendu, le vampire se hâta d'expliquer en y ajoutant un air navré :

— Il a fait une convulsion et s'est bêtement mordu l'intérieur de la joue. Tenez, donnez-moi un coin de serviette…

Il tendit la main pour en accepter une et nettoya la bouche de Spike avec des gestes exagérément maternels, lardé d'œillades furieuses, heureusement cachées par sa carrure.

Angel n'avait rien perdu des talents de comédien d'Angelus. Le puîné du Fléau de l'Europe savait à la perfection imiter tout un tas de personnages débonnaires ou idiots. En tous cas, des types à qui on aurait donné le bon dieu sans concession. Chaque vampire avait sa propre technique favorite pour attirer les proies. La beauté innocente pour Darla, la fragilité perdue pour Dru…

— Voilà, il est tout propre maintenant, babillait Angel pour son public. Laissez l'eau et le linge et allez prévenir votre supérieur que ses prières ont fonctionné. Dès qu'il sera assez bien, nous pourrons le questionner sur le déroulement des événements…

Les deux bonzes s'inclinèrent à nouveau et filèrent rapidement, l'air content. Angel leva les yeux au ciel et se tourna vers Spike qui boudait parce que déjà il se retrouvait exposé en état de faiblesse, et ensuite parce qu'il devait sa vie à son aïeul.

— Comment tu te sens ?

— Mieux merci, dit le plus jeune comme si ça lui coûtait.

— Alors tu vas peut-être me dire ce que t'as encore fichu ?

— Oh mais ça va bien à la fin ! Pourquoi crois-tu que j'ai toujours quelque chose à voir dans les pires galères ?

— Je ne sais pas, voyons voir… l'expérience peut-être ?

— Va te faire foutre, bougonna le blond mais sans agressivité.

— Ah, des insultes ! Je vois que tu es en meilleure forme en effet… Écoute, il faut qu'on mette au point une histoire à leur raconter. Mais avant, est-ce que tu sais ce qui est arrivé à Oz ? Il a disparu. Est-ce que les Démons de la Lune l'ont gardé, où qu'ils soient ?

— C'est une possibilité, mais je n'en suis pas sûr.

— Comment ça « pas sûr » ? Les moines ont dit que vous avez combattu ensemble pour les repousser… Vous avez échoué ? Ils étaient plus nombreux ?

— Non, on en a eu beaucoup et ils ne s'attendaient pas à ce que Oz ait du renfort, l'effet de surprise a joué à fond. Mais quand on a compris qu'il en venait toujours plus, Oz m'a demandé de rentrer au monastère. Bien sûr, j'ai pas voulu faire ce qu'il me disait et j'ai insisté pour rester… J'ai mieux compris quand il a relevé la tête et que je l'ai vu commencer à se transformer affreusement vite. Il a juste eu le temps de me demander pardon, et soudain il était là gigantesque, poilu, avec une gueule ouverte et des crocs longs comme ça…

— Aïe, ça partait mal…

— Tu parles, je suis déjà le plus paranormal des vampires. Si en plus, je m'étais fait mordre par un loup-garou, ça serait devenu vraiment compliqué… Je me suis accroupi et j'ai ramassé discrètement un caillou que j'ai balancé du côté où les Démons de la Lune rappliquaient. Oz s'est retourné, les a reniflés, il m'a oublié pendant quelques temps pendant qu'il les décimait avec une redoutable efficacité je dois dire… Crocs, griffes, coups de pattes… Il était comme enragé. Bon, comme j'avais les miens à gérer de mon côté, je ne faisais pas trop attention à lui. Et puis je l'ai entendu hurler cinq secondes à la mort : des Démons de la Lune lui avaient planté une fléchette dans le cou. Ensuite, ç'a été mon tour, j'ai senti un truc piquant s'enficher dans ma nuque… Ce que je ne comprends pas, soupira-t-il, c'est qu'on en a dézingué des tas. Comment ils pouvaient être aussi nombreux ? Comment Oz avait-il fait tout ce temps pour tenir tout seul ? Mystère…

— Bon, ça paraît plutôt plausible. On peut leur fournir cette version : vous avez combattu, mais ils étaient trop nombreux et vous ont assommés. Ils ont pris Oz et t'ont laissé sur place là où les moines t'ont trouvé. On pourra parler de la fléchette en disant qu'elle était enduite d'un lent poison, chuchota-t-il.

— M'oui, ça peut le faire.

— D'après ce que les moines m'ont décrit, j'ai l'impression que ce sont plutôt des Djinns. T'as vu des trucs pendant que t'étais dans les vapes ? Ils m'ont dit que les Démons de la Lune produisaient des « illusions ».

— Mhh mhh, fit Spike en se passant une paume sur le font. C'est vrai. Tout avait l'air parfaitement réel. Un long cauchemar dont je ne me réveillais pas.

— Comment ça « long » ?

— Des semaines, j'ai arrêté de compter au bout d'un moment.

— Euh… c'est-à-dire que… ça ne fait que ça ne fait même pas dix jours…

— Quoi ? Non, c'était sûrement plus.

Spike fronça les sourcils et puis changea soudain d'attitude, comme quelque épiphanie venait de lui tomber dessus. Il regarda pourtant son aîné plus suspicieusement que jamais. Il serra les poings, prêt à combattre, et Angel le regarda faire avec autant d'étonnement que d'amusement.

— Mais qu'est-ce qui t'arrive ? En plus, tu crois que tu pourrais te battre dans ton état ?

— Je sais pas… Mais là, je vais te poser une seule question et en fonction de ta réponse, mal en point ou pas, tu verras si je me laisse faire…

Angel écarta les bras et les laissa retomber avec impatience, l'air de prendre le Ciel à témoin, ce qui était assez drôle car l'un comme l'autre, étaient plutôt voués à l'un des multiples cercles des Enfers.

— Vas-y, pose ta question…

— Est-ce que tu sais qui est Dawn ?

En d'autres circonstances, Spike aurait été content d'amener une expression sur le visage atone de celui qu'il considérait plutôt plus comme un frère. Peut-être que sur ce plan, la fausse Fred n'avait pas complètement tort. Leurs chamailleries incessantes soulignaient assez que Spike le considérait à contrecœur comme un égal, même si Angel avait plus du double de son âge. Mais actuellement le vampire renfrogné montrait plutôt de l'incompréhension, nette et claire… Sans attendre un début de réponse, le convalescent porta une main à sa carotide et ne sentit bien sûr aucun pouls.

— Dawn ? répétait Angel en le regardant faire son manège.

— Oui Dawn !

Angel recula tout de même prudemment d'un pas car Spike semblait agacé.

— Je ne sais pas exactement ce que tu attends que je te dise… Elle m'a tanné pendant trois jours pour que je vienne te chercher… ça te va comme réponse ?

Spike se contenta d'émettre un unique sanglot qu'il camoufla vite dans une toux étranglée. Il se força à ravaler très vite une larme de soulagement indicible car ils avaient de nouveau de la compagnie orange, qui s'amassait dans la petite infirmerie. Et en plus, il préférait perdre un bras plutôt que de pleurer devant Angel.

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