When in Rome

Chapitre 22 : Sous la terre des Pythies

4921 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 28/10/2020 21:09

Chapitre 22 Sous la terre des Pythies

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Il était assis sur le canapé vert depuis des heures, les yeux dans le vague, le panier de Laïta sur les genoux à faire semblant de surveiller ses œufs. Elle avait fait un nid en garnissant l'osier d'une couverture en polaire qu'on pouvait rabattre si la température descendait. Bon, c'était rare dans ce pays, mais ça pouvait arriver. Il savait qu'elle avait déjà perdu plusieurs serpenteaux. Certains morts dans leur coquille, d'autres ne survivant pas plus de quelques jours après l'éclosion. Elle faisait tout ce qu'elle pouvait pour que ça marche et se désolait de ses échecs. La question qu'il ne s'était pas autorisé à poser, c'était où diable pouvait-elle rencontrer d'autres Ophidiens mâles ?

Comme c'était un soir où elle bossait encore dans un club de strip-tease, elle était rentrée tard. Ou tôt, selon. Une fois sur deux, elle allait travailler avec Willow à la préparation de potions, dans des tenues bien plus opaques et plus couvrantes… Spike supposait que c'était plutôt une bonne chose pour Laïta de se faire une alliée de la sorcière, même s'il soupçonnait des motifs légèrement égoïstes de la part de cette dernière. Cela ne le regardait pas.

Elle enleva son manteau qu'elle posa sur une chaise. Ce qui était bien ces soirs-là, c'était qu'elle revenait toujours dans l'une de ses distrayantes tenues minimalistes ou transparentes. Le voyant immobile, elle s'approcha de lui, les poings sur les hanches.

— T'es resté là sans rien faire depuis que je suis partie ?

— Rester sans bouger, c'est une capacité naturelle des vampires, maugréa-t-il avec la plus totale mauvaise foi. Et si tu me traites de gros fainéant qui n'en rame pas une, je te rappelle qu'on n'est pas mariés.

Elle soupira et tendit les bras vers le nid pour le reprendre.

— Oh, parle pas de malheur. Jamais je n'épouserais un maigrichon blafard comme toi, mon clan en ferait une jaunisse ! dit-elle avec un air taquin. Donne, je vais les prendre avec moi pendant que je vais enlever toute cette peinture. La vapeur fera peut-être du bien aux petits ? Je crains que l'atmosphère d'ici ne soit trop sèche...

Mise à la porte du club acceptant les démons, Laïta avait été obligée de chercher ailleurs (acheter le silence du logeur pour qu'il ferme les yeux sur sa « maladie de peau » coûtait cher). Donc pour éviter les questions gênantes dans un établissement où ne se rendaient que les humains, elle passait une heure et demi chaque jour à s'enduire tout le corps d'une quantité astronomique de fond de teint couvrant. Elle restait n'en restait pas moins divinement sculpturale. Spike aurait été tout disposé à l'aider – que ce soit à l'appliquer comme à le retirer – mais pas ce soir. Ce soir, pendant qu'elle se penchait pour recueillir le nid avec précaution, il s'absorbait dans la contemplation avide de ses rondeurs d'un rose pastel à peine teinté.

Elle fit le tour du sofa, son chargement dans les bras, dans l'intention de déposer les œufs dans la salle de bains. Les doigts de Spike encerclèrent un instant le poignet de la belle créature aux cheveux de jais. Il arrêta son mouvement en secouant la tête, dépité au fond de lui-même d'être assez désespéré pour lui quémander cela comme une prière.

— Est-ce qu'on pourrait faire l'amour maintenant ?

— Oui, si tu veux. Donne-moi dix minutes sous la douche et je reviens…

— Je voulais dire… avant…

— Avant quoi ? Tu veux… que je reste avec ce plâtras ?

Haussant les sourcils avec une moue comique, elle fit passer le panier sur sa hanche et puis alla tout de même le déposer. Il l'entendit qui ouvrait le robinet d'eau chaude pour faire un peu de vapeur. Il n'était pas sûr de savoir comment prendre cette réaction pragmatique. Elle s'attendaient donc à ce que leurs ébats durent moins de cinq minutes ? Il essaya de ne pas apparaître contrarié, ce qui aurait nuit gravement à l'objectif qu'il visait. A lui de faire durer un peu plus que ce qu'elle escomptait…

Elle revint vers lui et passa ses doigts subjugués dans sa blondeur presque blanche. Pour elle qui était si brune, cette teinte la fascinait. Spike aurait bien protesté de ce traitement mais depuis qu'il avait arrêté de les lisser en arrière, il n'y voyait que des avantages. Ses petites mèches courtes mais douces pointaient déjà dans toutes les directions et aucun massage crânien ne pouvait rien déranger de leur ordonnancement désormais inexistant.

Il tourna la tête vers elle. Elle acquiesça et il l'amena doucement à s'asseoir sur ses cuisses.

— Je ne comprends rien à tes fantasmes, admit-elle en nouant les mains autour de sa nuque.

— Cela ne me dérange pas, du moment que tu es d'accord.

Elle vint l'embrasser en constatant qu'il s'investissait complètement dans ce baiser. Elle soupira d'aise, goûtant cette douceur les yeux fermés, mais elle ajouta :

— Je suis d'accord mais je ne tiens pas à cochonner mon canapé avec ce truc rosâtre. Direction la chambre. Et c'est toi qui changeras mes draps, s'ils sont roses après.

— S'il le faut vraiment…

Il se releva en continuant de la porter toujours pendant qu'elle l'entourait de ses jambes et de ses bras. La force qu'il déployait avec un physique si mince l'étonnerait toujours. Comment un homme avec si peu de gros muscles pouvait-il la soulever comme cela ? Elle l'embrassa encore, parce qu'il était décidément doué pour ça.

— Je pense qu'il serait bon que tu les laves aussi, pour ta peine.

Il la posa sur le lit et se coucha près d'elle dans le même mouvement fluide, avant de défaire le délicat ruban qui maintenait l'attache de son espèce de… vêtement. Honnêtement, il n'aurait su comment le qualifier, mis à part que c'était indécent, transparent, et qu'il aimait ce qu'il voyait au travers.

— Tu es sûre que c'est vraiment le genre de conversation qui convient à l'humeur du moment ? chuchota-t-il en écartant les pans vaporeux de ce pousse-au-crime entre deux baisers.

— Oh oui, après, je serai toute alanguie et je n'aurai plus de volonté.

— Mhh, c'est exactement le plan... Mais tout à l'heure, je veux bien me dévouer pour t'aider à retirer ce maquillage.

— Chut, l'interrompit-elle en le repoussant légèrement. On verra plus tard, enlève ton pull s'il te plait, il est trop joli pour être abîmé...

Il ricana en obtempérant.

— Décidément, tout le monde aime mes nouvelles fringues…

Elle l'accueillit contre elle sans demander qui était-ce « tout le monde ». Leur accord tacite tenait toujours. Pas de questions personnelles. Juste du sexe et de menus services rendus. Cela ne voulait pas dire qu'elle n'était pas curieuse de savoir à qui il faisait l'amour en vérité, quand il lui demandait de rester peinte et qu'il la touchait si délicatement...

C'était juste parce qu'elle l'aimait bien. Déjà un petit miracle en soi, car la race des vampires était fort loin d'être sympathique. On lui avait toujours dit qu'il fallait se tenir à l'écart d'eux. Mais lui, il était singulier. Il réfléchissait beaucoup. Il avait des sentiments qui dansaient dans ses prunelles. Peut-être l'aimait-elle plus que bien. Mais cela aurait été outrepasser les règles. Elle les avait franchies en demandant qui était « Hermione » ? Une petite jeune fille qui semblait n'avoir aucun rapp...

Elle frémit et gémit faiblement pendant qu'allongé sur son flanc, il agaçait sans hâte ce petit point particulier qui la laissait particulièrement alanguie ensuite. C'était trop doux, elle le lui dit et il sourit contre sa bouche et l'embrassa encore. Dommage que son clan prohibe les mariages inter espèces, avec une sorte d'albinos maigrichon de surcr...

Elle soupira avec un petit son de gorge involontaire et frustré quand il délaissa trop vite cette caresse pour dessiner des colliers de baisers entre ses seins. Oh pourquoi la faisait-il languir ainsi ? Il n'y avait pas moyen de réfléchir tranquillement avec celui-là. La ligne de baisers papillons descendit jusqu'à l'endroit où elle n'avait pas de nombril, avec l'intention manifeste de ne pas s'arrêter en si bon chemin. Elle s'arqua un peu et saisit ses boucles si claires à pleines mains et décida qu'il était temps d'arrêter de penser.

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Pendant qu'elle était partie se doucher, il contemplait son téléphone tout en surveillant distraitement le nid. Selon elle, l'éclosion était imminente. Elle voulait être prévenue dans les quelques secondes qui suivraient l'événement. Quel enjeu ou quelle pression subissait-elle avec ces naissances ? Elle n'avait rien dit, et il n'avait pas demandé pourquoi mais il sentait que c'était important pour elle.

Sans avoir un seul instant le sentiment qu'il était parfaitement goujat de fantasmer sur une femme alors qu'il venait d'en faire jouir une autre, il contemplait l'écran où il n'y avait toujours aucun mot de Dawn. Ni même de Maya. Objectivement, ça ne faisait que trois jours. Et rien. Juste le silence qui le mettait sur les charbons ardents.

Après ce baiser à l'École – un vrai baiser, réel, tangible, pas un rêve évanoui en fumée – il s'était dit que cette troisième option promise par Maya allait peut-être se faire plus séduisante. Il appréhendait que la chose ne soit pas plus praticable que les deux autres. Se connaissant, il craignait de tout envoyer promener et de refuser de réfléchir à leur relation, et à ses conséquences, en se contentant de s'y lancer tête baissée...

Trois jours, si longs qu'il avait même appelé le Dr Freud.

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De : Maya (hermione∙wells ©onecloud. com)

Envoi : 1 mai 2037

A : Spike (hostile17©skynet. net)

Objet : ramène-toi


Spike,

Bon, c'est long maintenant, qu'est-ce que tu fiches ? T'attends que tes cheveux repoussent ? Que ton vieux cuir raidi revienne du teinturier ?

Ou t'as encore la pétoche et t'as changé d'avis ?

Maya, soupçonneuse

...

De : Spike (hostile17©skynet. net)

Envoi : 2 mai 2037

A : Maya (hermione∙wells ©onecloud. com)

Objet : RE : ramène-toi


Hey toi, fais un peu gaffe à ce que tu dis.

J'ai juste parlé avec Angel, et il m'a dit que ta mère avait sûrement besoin d'un peu de temps pour digérer tout ça et que quand ce serait fait, elle reviendrait vers moi. Alors, je ne sais pas pourquoi je l'ai écouté, mais je l'ai fait. C'est assez bizarre parce que je me fous de son opinion, tu ne peux pas imaginer combien. Mais peut-être que là, c'est parce qu'on n'est pas en compétition. Je sais pas.

Je ne veux pas faire le mec insistant. Je l'ai été avec ta tante. Trop et trop souvent. Pour quel glorieux résultat ?… Je suis mort, je suis allé en enfer pour mes crimes, je suis revenu parce que décidément Angel ne pouvait pas se passer de moi. Mais après, ce n'était plus pareil. Quand Buffy n'a plus été obligée d'être « la » Tueuse, j'ai bien compris que je ne faisais plus partie de son kit de survie personnel… que j'étais devenu superflu. Elle avait besoin de tourner la page et elle l'a fait. Elle a toujours été comme ça. Les autres bavardaient sans fin et s'interrogeaient des plombes. Elle agissait, c'était tout.

Spike

De : Maya (hermione∙wells ©onecloud. com)

Envoi : 2 mai 2037

A : Spike (hostile17©skynet. net)

Objet : Sunnydale


Spike,

C'est encore moi. Cela me fait plaisir que tu me parles de choses personnelles comme ça, mais il faut que tu comprennes bien que Maman, c'est Maman.

Ce serait pas plutôt toi qu'as pas tourné la page ? Buffy m'a fait ceci, Buffy m'a dit cela… Bon, je l'ai pas connue, donc je vois pas les choses pareil. Mais ça fait une éternité qu'elle est morte ! Ah oups, c'est vrai que l'éternité pour toi, c'est pas la même que la mienne, mais tu vois ce que je veux dire.

Moi je dis, fais gaffe, si Maman savait que tu couches encore tout le temps avec ta démone, pour le coup, là tu te ferais bien envoyer paître, mais peut-être que c'est ça que tu espères ?

Sinon, on a eu une discussion avec Papa qui m'a taclée sur le fait que je râlais tout le temps que Sunnydale c'était juste un trou paumé top ringard du début du siècle. Bon, je dis « taclée » mais c'est pas son style, tu sais bien. Il m'a juste dit d'arrêter de dire du mal de l'endroit où Maman était née et où elle avait passé une partie de son enfance. (Après, il a ajouté que Sunnydale était effectivement un trou pour de bon maintenant, et j'ai adoré).

Alors Maman m'a tout dessiné avec de la couleur pour que je me rende compte de comment c'était. Les rues, sa maison, le lycée, les cimetières… Elle a aussi fait ta crypte. C'est dingue que t'aies habité dans une crypte. C'est glauque, non ? Maman m'a dit que non et que tu mettais souvent plein de bougies et que c'était l'endroit où elle s'était souvent sentie le plus en sécurité. Comme quoi, je croyais bêtement la connaître… :-D Je ne sais pas si tout ce qu'elle m'a raconté est vrai, tellement c'est flyé. J'y crois pas trop car elle a dit que tu regardais un nanar à la télé avec Mamie et que vous parliez des personnages ?! Faut quand même pas me prendre pour une dinde… ça colle pas des masses avec ton profil de tueur en série…

Maya

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De : Spike (hostile17©skynet. net)

Envoi : 4 mai 2037

A : Maya (hermione∙wells ©onecloud. com)

Objet : RE : Sunnydale… rien que le trou où je suis mort


Insidieuse Maya,

Eh bien, s'il y en a une dans ta famille qui sait encore sur quelles ficelles tirer, c'est bien toi… Mais n'essaie pas de m'amadouer avec ton « tueur en série ». La flatterie ne te mènera à rien avec moi.

J'imagine que tu as raison sur le fait que je n'ai pas réussi à oublier Buffy parce que ç'a été la dernière fois que j'ai vécu quelque chose d'une intensité pareille. Ce n'est pas évident d'oublier ça. Pas évident et peut-être même pas possible.

J'ai un peu l'impression que des gens trouveraient très louche que je parle de ça à une mineure mais je vois encore Buffy en rêve… Enfin, je ne suis pas sûr que ce soient des rêves, parce que c'est plutôt quand je suis à deux doigts de crever. On parle, elle me dit des choses normales et simples, pas celles que j'aurais attendues. Jamais longtemps. Pour moi, c'est comme si on s'était vus il y a deux ou trois semaines. Je ne sais pas si c'est seulement des hallucinations. Je suppose que c'est ça qu'il faut se dire. Mais ça me fout la tête en vrac quand même.

Oui, je regardais la télé toute la journée. Je te rappelle pour info que quand il fait jour, les vampires ne peuvent pas sortir, révise le cours n°1. Parmi les rares activités possibles qui seraient racontables à une gamine, il y a dormir… ou s'emmerder à fond dans sa crypte en regardant ce qu'il a à la télé (pas forcément dans cet ordre). Au bout d'un moment, tu finis par aimer les navets, leurs rediffusions, le téléachat et même les soaps... Et crois-moi, tu attends comme une délivrance le coucher du soleil, l'heure bénie d'aller ENFIN emmerder la Tueuse – ce petit bout de blonde dont l'éclair violent zèbre la solitude de ta nuit, une petite tornade qui cogne comme un Troll, une langue de vipère qui fait claquer le poison de son sarcasme. Fatale antidote à l'inanité de la non-vie (un oxymore, si tu veux épater tes profs).

Pour autant que je sache, ta mère ne dessine pas trop mal (mais je n'ai eu qu'un maigre échantillon). Peut-être que maintenant tu te sentiras moins exclue du Club des vieux cons nostalgiques de Sunnydale.

Spike


.°.

Maya n'avait pas tort.

Il savait bien qu'il ne rappelait pas Dawn parce qu'il avait eu cette tentation puissante de connaître le goût de son sang. Comment pouvait-il soutenir qu'il n'avait vraiment eu aucune envie de la blesser après ça ? Se persuader que ce n'était un besoin de communion sans voir qu'il commençait à le dépasser ? Jamais, il n'avait ressenti ce besoin avec Buffy alors qu'il en avait pourtant été obsédé.

Il tournait en rond dans sa cabine de l'Insectoïde, le cœur dans un étau.

« Comment décririez-vous avec vos mots le lien qui vous unit avec cette femme ? » avait demandé le psy en visioconférence.

– Un pacte de sang païen.

« Vous pouvez donner d'autres adjectifs à part celui-là ? ».

– Les mots sont trop minables.

Canaan avait levé un sourcil. « Je me contenterai d'une approximation. » avait-il assuré.

– Quasi indestructible, scellé trois fois : par la salive, le sperme et le sang. Le sang change absolument tout. On dirait le plus répugnant et pourtant c'est le plus… transcendant.

« Pourquoi ? Parce que le sang est le véhicule de l'âme ? »

Le vampire l'avait regardé de travers, content qu'ils soient à distance.

– N'en faites surtout pas un truc « romantique ».

« Ah non ? Si s'unir corps et âme ne l'est pas, à votre avis, qu'est-ce qui aurait une chance de l'être davantage ? »

Les coudes toujours sur la table, le vampire s'était caché le visage dans les mains, assez longtemps pour que le psy l'interpelle. « Spike ? »

– Je ne sais pas trop, peut-être éviter de la violer à cette occasion ? avait-il craché avec agressivité.

Canaan s'était arrêté d'écrire pour le considérer avec attention. « Vous dites que vous l'avez violée ? »

– Vous êtes sourd ?

« Restez calme ».

– Vous ne comprenez donc pas que c'est ça qui me mine ?! s'était-il emporté. Je l'ai forcée. Je ne vois pas comment ça aurait pu se passer autrement. Je… le sens.

« Vous le sentez… c'est-à-dire ? Vous n'en êtes pas sûr ? »

Comment pouvait-il expliquer cela à un non-vampire ? Sa mémoire kinesthésique était sur-développée, elle aussi. Même s'il n'avait aucune image à y associer, il était parfaitement en mesure de dire ce que sentait Dawn quand elle était terrorisée. Cette évocation si nette au sortir d'une mauvaise sieste, ne pouvait signifier qu'une seule chose et l'avait terrassé. Il avait commis le pire. Cette quasi-certitude le faisait osciller entre la rage et le désespoir.

Et d'autant plus qu'il comprenait à présent que les petits fragments où il la voyait cheveux défaits sur l'oreiller, pantelante et frémissante, ou s'endormir peu à peu, repue tout contre lui... Tout n'était qu'une illusion habilement créée. Une merveilleuse et détestable illusion qui ressemblait si fort à ce qu'il avait éprouvé quelques jours plus tôt.

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De : Maya (hermione∙wells ©onecloud. com)

Envoi : 5 mai 2037

A : Spike (hostile17©skynet. net)

Objet : RE : RE : Sunnydale


Ok, alors là, mon bonhomme, je crois que t'es carrément déprimé. Je vais le dire à Papa et il m'autorisera à sortir faire une ballade à moto avec toi, ça te changera les idées. Discute pas, c'est décidé. En plus, il faut bien que mon casque sorte de son carton de temps en temps…

Maya


Maya n'abandonnait pas non plus. Avec elle, sa messagerie ne désemplissait pas. Mais il devait bien avouer que chaque petit mot lui arrachait un sourire. Elle aurait un peu trop adoré savoir qu'elle était comme un petit rayon de soleil dans une existence bien grise.

Dans l'air embaumé par la nourriture et la violente senteur impudique des fleurs, Spike se saisit de son communicateur. Furtivement, il tapa le message pendant qu'il remontait une ruelle encombrée de vespas et de tables qui mangeaient la moitié de l'espace de circulation disponible... Les petits groupes de dîneurs, jeunes et moins jeunes, riaient et s'interpelaient avec éclat, en des stades plus ou moins avancés d'ébriété qui finissaient en chansons à trémolos...

Un texto pour lui répondre vite, alors qu'il partait en rendez-vous, ça valait mieux. S'il avait dû appeler, il aurait rugi de fermer leurs gueules. Et niveau discrétion, il pourrait repasser.

Spike

Je t'ai dit de ne jamais m'appeler « mon bonhomme », « mon petit père », « mon poteau » ou quoi que ce soit de cet ordre ? Ah, et « mon petit parrain adoré que j'aime ». Je te l'ai dit, ou pas ? Oui je te l'ai dit.

Elle répondit seulement :

Maya

Angel, lui, il aime bien ça. :-D

Il rit tout bas malgré lui, parce que ça tournait au jeu entre eux depuis le début, et il l'aimait pour ce qu'il était. D'une certaine façon, il avait l'impression d'être revenu trente ans en arrière et de retrouver la relation qu'il avait avec Dawn à cette époque. Il enfourna l'appareil dans une poche de son vieux cuir.

Avisant une petite porte brune à la peinture affadie et écaillée, il s'engouffra discrètement en faisant mine de tenir le battant à une mamma aux bras chargés de sacs, et entourée de marmaille bavarde. A n'importe quelle époque, cette ville restait toujours pareille. Sans doute une bonne raison pour continuer à l'appeler « la ville éternelle ». De ses longues jambes, il attrapa l'escalier dont il monta les marches quatre à quatre.

C'était idiot mais il avait une sorte de boule à l'estomac à force d'attendre de savoir si oui ou non, Dawn allait lui donner une chance. Il avait besoin de parler avec quelqu'un mais évidemment cela ne pouvait pas être Angel, évidemment ça ne pouvait pas être Andrew non plus. Et encore plus évidemment, ça ne pouvait pas être Dawn... puisque c'était à propos d'elle. Il ne voyait que Laïta pour l'écouter sans le juger.

Quand il frappa à sa porte au troisième étage, personne ne répondit. Il insista et envisagea de fracturer la serrure mais un pas lourd résonnait dans l'escalier. Un gros homme bedonnant arriva sur le palier en soufflant et Spike reconnut le logeur qui le regardait d'un air bizarre.

— Vous êtes son petit-ami, c'est ça ? demanda-t-il avec un accent à couper au couteau.

— Euh...

— Je vous ai vu quelquefois. Elle parlait souvent de vous. Enfin, si c'est bien vous Spa-i-ké...

L'intéressé hocha brièvement la tête, puis incommodé, il plissa les yeux en levant le nez en cherchant d'où cela provenait.

— Ouais. C'est quoi cette odeur bizarre, vous ne sentez pas ?

Le logeur au marcel d'un blanc très approximatif, repoussa sa casquette de la Juventus à l'arrière de sa tête et gratta sa joue piquante en le regardant d'une façon qui commença à impatienter le vampire.

— Bon, qu'est-ce qu'il y a ? Elle n'est pas là ce soir ?

— Je ne sais pas trop comment vous le dire car vous avez l'air du genre à vous énerver...

— Ça c'est vrai, mais je vais m'énerver encore plus si vous ne crachez pas le morceau... Il s'est passé quelque chose dans le club où elle travaillait, on l'a virée, c'est ça ?

Le bonhomme hésita, cherchant manifestement ses mots dans une langue étrangère. Spike avait envie de le secouer mais il remarqua que l'autre tremblait. Probablement pas parce qu'il était intimidé : les yeux jaunes n'étaient même pas de sortie...

— Je ne sais pas ce qui s'est passé... Elle est rentrée hier soir, elle avait l'air pressée et inquiète. Alors j'ai voulu attendre le matin pour aller lui réclamer le loyer de la semaine, pour qu'elle se repose un peu. Quand je suis revenu toquer... Elle n'a pas répondu. Alors j'ai sorti ma clé en disant que j'entrais... Une fois à l'intérieur, mamma mia, j'ai vu que c'était le bazar partout. Des tas de choses renversées ou cassées, comme si on avait fouillé. Des choses blanches, qui craquent, éparpillées et un jus d'encre de seiche par terre... (Il déglutit). Je... Je l'ai trouvée dans la salle de bains. Elle bougeait plus. Ses bras étaient déchirés comme si elle avait été taillée plusieurs fois. Lui qu'a fait ça – une bête sûrement – a dû s'enfuir par la fenêtre, elle était ouverte... Avec des traces longues par terre...

— Montrez-moi.

Le logeur toussa en roulant des yeux effarés.

— Je... je ne peux pas. Je ne voulais pas d'ennuis avec la polizia car c'était pas difficile de voir que c'était une immigrée sans les papiers. Je sais pas de quel boate pipole elle venait et je m'en fichais car c'était una magnifica ragazza... Mais si la police était venue, j'aurais eu des problèmes. Alors comme on ne pouvait plus rien faire pour elle, j'ai tout nettoyé et j'ai caché le corps.

L'expression de Spike changea légèrement, ses traits se durcirent à mesure que la compréhension remontait des tréfonds de son inconscient, avant même qu'il ne soit capable de la voir en face. L'odeur. Un mélange de détergent agressif, de javel, de parfum lavande et muguet affreusement bon marché et... quelque chose d'autre qu'il ne reconnaissait pas du tout. Et c'était ça qui était dérangeant. Parce que les vampires avaient un flair de compétition. Après des décennies et des décennies à faire le tour du monde, il n'existait quasiment plus d'odeur « étrange » pour lui.

— Où ça ? Je veux la voir.

Le pauvre homme baissa la tête, avec une mine de plus en plus inquiète tandis qu'il voyait frémir les narines du vampire qui contenait sa fureur. Il mit la main dans sa poche pour en sortir un papier plié.

Mi scuzi. Dans la chaufferie, non… la… chaudière. Tenez, enchaîna-t-il très vite le regard fuyant. J'ai trouvé ça dans ses affaires, je pense que c'est pour vous.

Spike tendit la main et, durant une courte éternité, il eut envie de casser les doigts, arracher les dents, péter les genoux et saigner cet imbécile sur place, pour lui apprendre ce que c'était d'avoir de vrais problèmes...

— Je suis désolé pour votre amie, murmura-t-il en tournant sa casquette entre ses mains.

— Pas tant que moi.

Spike savait que cet exutoire violent ne lui procurerait aucun soulagement. Il le contourna et descendit l'escalier en flèche, rageant de ne pas avoir pu entrer pour chercher des indices ou examiner le corps de la démone. N'importe quoi lui permettant de traquer et retrouver le salopard de merde qui avait pu lui faire ça.

Une fois dehors, il essaya de s'éloigner du joyeux bordel des fêtards hilares qui festoyaient comme si de rien n'était, alors que le destin venait une nouvelle fois de lui tirer brusquement le tapis sous les pieds. Il voulait un coin tranquille pour lire la lettre et s'éloigna en courant presque.

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Il trouva enfin un banc désert et s'y posa lourdement, hésitant à déplier le petit morceau de papier. Il n'y avait pas de date. Quand l'avait-elle écrit ? Peut-être il y avait quelques jours, peut-être depuis plus longtemps...

Cher Spike,

Si tu as trouvé cette lettre, c'est que j'ai été obligée de partir sans avoir pu te dire au revoir de vive voix et je le regrette.

Comme tu t'en doutes, les serpenteaux sont nés. Je dois faire le voyage pour les ramener à mon clan où je devrai rester avec eux pendant au moins un an, le temps qu'ils deviennent grands.

Je savais d'avance que je ne pourrais pas rester ici indéfiniment. Mes frères me surveillaient depuis plusieurs semaines, furieux que je ne revienne pas plus tôt avec la progéniture attendue... A presque trois ans et toujours sans enfants, je commençais à les rendre soupçonneux...

Je dois t'avouer que c'est moi qui ai tué les premiers embryons parce que je savais que ça voulait dire que je te quitterais... Je sais que c'est très mal, mais j'ai beau essayer, je n'ai pas honte. Je n'arrivais pas à me résoudre à te laisser... Tu es si souvent absent pour ton travail, je voulais un peu plus de temps pour te comprendre et te connaître.

Parce que je veux aussi que tu saches que les moments que j'ai passés avec toi étaient merveilleux et que je les emporte précieusement. Leur souvenir m'aidera quand je serai chez moi, sous la terre des Pythies. Enfermée de nouveau dans nos caves, loin du monde extérieur, si coloré et si fascinant.

Je te remercie pour tout. Pour m'avoir tant réconfortée, caressée avec tes mains, avec ta bouche, et sans jamais rien exiger en retour. Je ne sais pas si nous nous reverrons un jour car les Ophidiens ne vivent pas bien vieux.

Alors promets-moi seulement deux choses. Souviens-toi encore quelquefois de moi. Et va voir enfin cette personne que tu aimes en secret.

Je t'embrasse, mon maigrichon fougueux aux cheveux d'argent,

Laïta.

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