When in Rome

Chapitre 52 : Reflets dans un oeil d'or

3680 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 07/08/2021 21:44

Chapitre 52 Reflets dans un œil d'or

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Le vaisseau les avait envoyés au sol au milieu de quelques arbres, et elle ne comprenait fichtre pas pourquoi. Lorsqu'il l'avait emmenée de sa planète, il n'y avait pas eu besoin de se cacher du tout. Ici, ça devait être différent, et puis c'était tout. Elle avait encore du mal à penser calmement alors elle se contentait de cheminer près de lui. Alors qu'elle aurait dû fuir sitôt un pied posé au sol.

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Les heures passées sur le vaisseau avaient été vraiment éprouvantes.

Juste après leur embarquement, quand il lui avait recommandé de dormir un peu, elle l'avait écouté, se roulant aussitôt en boule dans un coin de la salle de commande. Mains sur les hanches, il avait levé les yeux au ciel et demandé d'un ton plus sec qu'elle se lève et le suive. Elle s'était sentie encore moins rassurée quand il l'avait amenée dans une pièce où il y avait un grand lit – un vrai, très beau – et qu'il lui avait dit de se mettre là comme si c'était un ordre qu'il ne valait mieux pas discuter. Il y avait chez lui une dureté, quelque chose d'impitoyable qui faisait peur.

Cette facette était ressortie la veille quand il l'avait aidée à combattre les sminthos. Il les attrapait à mains nues, leur tordait le cou, et les balançait dans le petit sac presque à la chaîne, presque sans y penser. Elle aurait eu envie de s'asseoir et de le regarder bouger de cette façon fluide, avec ses gestes qui s'enchaînaient comme s'il savait précisément d'avance comment les choses allaient se passer. Quand une bête le mordait, cela ne lui faisait rien. De l'autre main, il l'écrasait simplement jusqu'à ce qu'elle éclate. Ses mains et son visage étaient constellées de gouttes de sang et dans ses yeux avait brillé une lueur inquiétante. On aurait dit que tout cela était un jeu pour lui, alors que c'était si difficile pour elle. Il n'avait pas peur.

Au bout d'un moment, il avait semblé prendre conscience qu'il était observé et il avait eu ce drôle de demi-sourire. Elle avait réalisé à ce moment qu'il n'était pas essoufflé, et même pire, qu'il ne respirait pas du tout. Et dans son jeune cerveau avait d'un coup germé l'idée qu'il pouvait être une de ces créatures-machines dont elle avait entendu parler… Il avait tourné la tête vers elle et avait demandé :

— Alors, ça t'impressionne, hein ?

Sa première réaction aurait été de lui dire non, parce qu'elle le trouvait trop sûr de lui, à un point qu'il en devenait assez énervant. Pourtant, elle avait trouvé que ça aurait été très étrange de verbaliser tout haut ce qu'elle ressentait – ce n'était pas une chose qu'elle avait l'habitude de faire. Alors elle avait acquiescé d'un hochement de tête et répondu simplement « oui ». Ça allait plus vite.

La physionomie de Cheveux-Jaunes s'était modifiée comme s'il était à moitié surpris et à moitié content.

— J'aime bien ta franchise. T'en as assez maintenant ? avait-il dit en désignant le sac.

— Assez de quoi ?

Elle était si absorbée qu'elle avait totalement fait abstraction de la finalité de tout cela. Honnêtement, elle n'aurait pas su dire si elle en avait assez de le voir faire sans lever le petit doigt, c'était un spectacle dont elle n'arrivait pas à détacher les yeux. Il avait écarté du pied les cochonneries par terre, ramassé les sminthorexes qui étaient tombés à côté du sac et les avait flanqués dedans. Puis il avait fait un nœud et lancé le sac sur son épaule. Ça faisait une petite bosse dans son dos et c'était incroyable parce que quand elle arrivait à en tuer quatre ou cinq, c'était déjà extraordinaire.

— Assez pour te payer la pire indigestion de ta vie ?

Elle l'avait sans doute considéré avec les yeux ronds et surtout un air bête parce qu'il avait dit « malade d'avoir trop mangé », ce qui n'avait franchement aucun sens. Comment pouvait-on « trop » manger ? Elle avait essayé de déchiffrer son expression, ce qui n'était pas facile. Comment pouvait-il lui souhaiter d'être malade avec une telle figure amusée. Lui voulait-il vraiment du bien ou était-il seulement pervers ?

Toujours pour simplifier et aller vite, elle avait répondu :

— Je ne comprends pas pourquoi tu veux ça.

Il n'avait rien dit pendant quelques secondes et tiqué en faisant claquer sa langue.

— Tu ne sais pas ce que c'est de trop manger, n'est-ce pas ?

Elle en avait convenu sans rien dire, d'un simple mouvement de tête. Il avait expliqué que c'était comme la gueule de bois mais avec la nourriture. Parce qu'elle avait déjà vu des gens ivres, elle essaya d'imaginer mais sans grand succès.

— Eh bah, il est temps que tu apprennes au moins une fois dans ta vie, avant tes cent-un cycles. Où est-ce qu'on peut manger quand on a de l'argent dans ton patelin ?

Elle avait tendu le bras dans la direction où elle connaissait un endroit pour ça. Et comme à présent où elle le suivait aveuglément dans un monde étranger, cela lui avait fait bizarre de l'accompagner comme ça, dans la nuit. Elle n'en pouvait plus de trouver tout bizarre à son propos et commençait à s'écœurer de le répéter tout le temps. Et pourtant, errer sans but auprès de cet inconnu lui semblait presque normal.

Elle essayait de comprendre ce qu'il avait de si spécial pour qu'elle ne puisse s'empêcher de le couver des yeux. Son visage n'était pas très beau. Ses bras et ses jambes étaient minces et pas très développés. Vraiment, elle ne comprenait pas comment il pouvait être aussi fort sans avoir plus de muscles. Elle l'avait vu à l'usine, pendu à une main et se hisser miraculeusement. Se rattraper avec les phalanges... Et aussi être frappé par le contremaître et se relever après quelques minutes…

— Qu'est-ce que tu regardes ? avait-il demandé au bout d'un moment en plissant les paupières vers elle.

Se sentant prise en faute, elle avait murmuré un « pardon ».

— Pardon quoi ? Réponds, c'est tout. Qu'est-ce qui se passe ? T'es en train de tomber amoureux ? s'était-il moqué.

Elle avait rentré la tête dans les épaules. S'il continuait comme ça, ce n'était pas la peine, parce que ce n'était pas drôle. Ou en tous cas, ça ne l'était que pour lui. Elle avait ruminé en silence parce que tout au fond d'elle, elle sentait qu'elle était tout de même affamée de quelque chose le concernant, quelque chose d'autre qu'elle aurait voulu lui prendre.

La lumière s'était faite assez vite dans son esprit. Amoureuse de lui, non, comment l'aurait-elle pu ? Mais de sa technique... Elle était envieuse, tout simplement. Ce qu'elle voulait, c'était savoir se battre comme lui avec facilité et la confiance d'en sortir vainqueur. Oh, ça elle le voulait vraiment très fort.

— Je t'ai vexé ?

— Non, j'ai bien compris que tu n'as pas beaucoup de considération pour les gens… Je réfléchissais.

— Il faudra que tu m'expliques un jour comment tu arrives à pouvoir parler comme ça pour un gamin qui n'a pas passé assez de temps à l'école… A quoi réfléchissais-tu ?

Rien que cette phrase la laissait perplexe et bouleversée. « Il faudra que tu m'expliques un jour ». Tout dans son attitude criait qu'il n'était pas d'ici, encore moins des leurs et qu'il n'avait absolument pas l'intention de rester.

— Je pense que… ce que je voudrais, c'est que tu m'apprennes.

Il s'était arrêté pile et tourné vers elle avec un rien de confusion sur le visage.

— Mais que je t'apprenne quoi, au juste ?

— Comment être comme toi.

Les yeux fixes pendant quelques secondes, il avait ensuite laissé échapper un rire avorté et esquissé un mouvement de la main comme pour chasser la question inopportune sans même lui accorder la moindre attention. Là, elle s'était sentie vexée, par contre. De ne pas être jugée digne. Trop petite ? Trop maladroite ? Un cas désespéré ?

— Tu ne sais pas ce que tu demandes… Ce n'est vraiment pas enviable d'être comme…

Il avait refait une pause pour la regarder encore avec ses yeux… bizarres qui faisaient peur.

— Qu'est-ce que tu veux dire par « être comme moi » ?

— Savoir me battre comme si je savais d'avance que j'allais gagner, ne pas avoir peur, être efficace et comment être aussi fort en n'ayant pas l'air de l'être… Tu veux bien me dire comment tu fais ?

Il avait alors détourné la tête un bref instant, pendant qu'elle attendait sa réponse comme si sa vie en dépendait. Ce n'était pas forcément une métaphore. Sa vie pouvait plus que certainement dépendre de sa capacité à faire face à un ennemi plus grand et plus fort.

Il avait eu l'air gêné, mais c'était peut-être parce qu'il préférait garder ses techniques pour lui tout seul. On ne pouvait pas lui en vouloir de ça. D'un certain point de vue, s'il commençait à dire partout comment faire, ça pouvait se retourner contre lui… Elle s'était hâtée de corriger.

— Je comprends que tu ne veuilles pas révéler tes ruses de combat. Je pensais juste que, puisque tu allais t'en aller, ça ne te ferait rien de me les dire. Ce n'est pas comme si tu allais rester et devoir un jour te battre contre moi… et perdre, avait-elle répondu avec un sourire amusé parce qu'il n'y avait vraiment aucune chance, mais alors aucune, que ça arrive.

Il avait continué plus que jamais à la scruter de cette façon qui lui transperçait le cœur et lui donnait tellement d'énergie qu'elle se sentait prête à exploser, comme si ses yeux à la couleur si dérangeante pouvaient percer d'un seul coup de poing le siège de sa volonté, comme s'il avait déjà lu toute son histoire dans un livre, comme s'il savait sur elle des secrets qu'elle ignorait elle-même.

Oui !

C'était sûrement ça qu'il cachait. Qu'il était une créature-robot qui venait du futur. Ça c'était logique. Dans le futur, les créatures-robots, il devait certainement y en exister des tonnes. Et en plus, ils ne respiraient pas, et dans le futur, il n'aurait eu qu'à regarder les informations sur elle. Il y avait certainement un endroit où il y aurait des archives sur ce qu'elle aurait fait… Et peut-être même que c'était une machine humaine du futur venue pour empêcher qu'elle meure parce qu'elle avait un grand destin qui commencerait quand elle serait vraiment plus vieille.

— C'est encore loin ton restau, petit ?

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Et puis, quand elle n'avait plus eu faim du tout, il avait donc tapé un mot sur son appareil – celui qu'il avait jeté et repris. Ils étaient sortis dans la rue aux néons clignotants et aussitôt, ils avaient été aspirés et s'étaient retrouvés dans son vaisseau. Et après, il lui avait conseillé de dormir, etc, et elle s'était retrouvée dans sa chambre à l'écouter la brusquer.

De fait, elle était restée les bras ballants sans oser bouger, à moitié tétanisée.

— Grimpe sur ce foutu lit et dors ! s'était-il énervé.

Et l'injonction n'y était certainement pas propice, à son avis. Et puis, il avait marché jusqu'à la porte coulissante avant d'ajouter sur le seuil d'une voix plus gentille :

— La lumière va s'éteindre toute seule quand elle verra que tu ne bouges plus.

Elle avait eu l'envie irrationnelle qu'il ne s'en aille pas. Elle avait retenu sur ses lèvres une réplique où elle aurait dit « Alors tu ne restes pas ? » * et avait senti une honte cuisante lui brûler les joues. Que faisait-elle ? Que disait-elle ? N'importe quoi.

Elle avait préféré fureter dans la pièce et tout regarder parce que très naïvement, elle s'était figuré que c'était devenu sa chambre et qu'il la lui avait donnée. Bien sûr, il y avait encore des affaires à lui dedans mais il passerait sans doute les reprendre plus tard. Sa curiosité dévorante l'avait poussée à regarder tout : les commodes, l'armoire, les morceaux de bois pointus, les bouteilles, et une petite pièce où elle avait deviné qu'on pouvait s'y laver. Ayant trouvé un fond d'eau dans une large poterie fine, elle avait plongé les mains dedans et s'était frotté la figure. Ensuite, elle était allée monter sur le très grand lit où elle avait à peine osé poser les pieds dessus tant les tissus étaient somptueux. Par précaution et pour ne pas les abimer, elle avait laissé pendre ses jambes dehors en se couchant en travers.

L'endormissement avait été long et le sommeil… détestable. Un rêve abominable s'était abattu sur elle. Absolument terrifiant car c'était un rêve où elle était poursuivie. Pire même : chassée. Elle avait des armes tellement ridicules, de simples pics comme elle en avait vu sur la commode. Incapable de s'en servir, elle les jetait à la tête des monstres qui la talonnaient, et ça les faisait rire. Elle courait et courait jusqu'à ne plus pouvoir respirer. Un monstre l'attrapait lui tordait le cou, et il la mangeait, aspirait ses forces, et elle se sentait si faible… Sa dernière pensée consciente était alors qu'elle allait mourir et cela lui causait une frayeur si intense qu'elle se réveillait pour quelques secondes.

Et après c'était comme si un grand marteau lui tapait sur le crâne et qu'elle s'évanouissait. Quand elle rouvrait les yeux, c'était encore la nuit. Elle était encore dans un monde inconnu. Et il y avait encore les mêmes monstres. Tellement abominables. Ils la tuaient encore et dans leurs yeux méchants, on lisait qu'ils y prenaient grand plaisir. C'était étrange de se dire que c'était ça de mourir. Parce que comment aurait-elle su ce que ça faisait de sentir la vie quitter son corps ? Elle avait beau crier, aucun son ne sortait de sa gorge meurtrie.

En rouvrant les yeux et reconnaissant la chambre, pendant un bref instant, elle s'était sentie soulagée. Haletante et les yeux rouges, elle avait essayé de se calmer et de bouger pour que les lumières reviennent. Elle avait fait un signe de la main et… rien ne s'était allumé. Un bruit léger et une sorte de rire avaient retenti dans l'ombre.

Quelqu'un était là.

Quelqu'un l'espionnait.

Elle avait poussé un gémissement de panique parce que la terreur la rendait toute molle au pire moment. Un monstre était là. Dieu seul savait comment il avait réussi à sortir de ses rêves et à la suivre sur le vaisseau. Son cauchemar n'aurait jamais de fin. Éternellement, elle se réveillerait et serait la proie des monstres, et à chaque fois elle mourrait.

A sa très grande surprise, le monstre avait parlé. Il avait ricané et avait dit : « Ne voulais-tu pas devenir comme moi ? ». Elle avait poussé un cri formidable quand il avait bondi sur le lit pour l'attraper dans ses griffes. Ses mots… ses mots, c'était comme une catastrophe qui faisait battre son cœur hors de sa poitrine. Que pouvait-il lui faire qui soit pire que de la tuer encore et encore ? « Chut, chut, avait-il continué, ne crie pas. Ça ne te fera mal qu'un petit moment, et après tu auras ce que tu as toujours voulu : l'exaltation, la jouissance, la force et tu ne craindras plus personne… ». Ses mains de monstre l'attrapaient pour l'immobiliser, ses yeux jaunes de monstre la fixaient… la fixaient avec…

Inquiétude ?

Elle attrapa une immense goulée d'air pour pousser un dernier appel à l'aide. Mais que pourraient faire les minuscules pilotes du vaisseau ?

— Chut, tout va bien, arrête de crier je te dis, tout va bien…

L'air soucieux, Cheveux-Jaunes était penché sur elle et bloquait ses poignets. Elle avait secoué la tête frénétiquement en se débattant et en griffant.

— Lâche-moi ! Lâche-moi !

— Ok mais arrête de me filer des coups. C'est mignon mais ça ne sert à rien. Réveille-toi bien, respire, tu as fait un cauchemar et… Je veux bien reconnaître que c'est de ma faute, je n'aurais pas dû te faire manger autant. Regarde, je me recule…

Elle avait sauté à bas du lit et avait couru s'enfermer dans l'armoire en tremblant, claquant des dents, incapable de ne pas ressentir sur sa peau la sensation fantôme des bras la ceinturant comme un étau, des cheveux arrachés et des dents ouvrant ses veines, ni la rémanence sonore écœurante d'une déglutition insatiable…

— Comme tu veux, avait-il soupiré. Mais je ne te conseille pas de rester pas là-dedans trop longtemps. Il y a mes chaussures qui puent.

Un rire et un sanglot s'étaient étranglés dans sa gorge. Étrangement, elle était presque sûre qu'aucun vrai monstre n'aurait pu admettre une telle chose.

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Et ça, c'était tout à l'heure, et maintenant, ils allaient donc côte à côte dans un monde plein de merveilles qui lui donnaient l'impression d'être au Paradis des Bienheureux. C'était absolument magnifique et un choc pour elle après avoir vécu des cauchemars aussi affreux. Dans les deux cas, elle avait besoin d'encaisser mais la succession des deux était étourdissante. Des routes si belles, des maisons immenses au milieu d'un vaste carré de ce qui devait être un « jardin ». Avec des fleurs. Tout était proprement rangé. Tout était propre tout court, d'ailleurs... L'air sentait bon. Il y avait des petites lumières sur les côtés pour qu'on voie le chemin. Il n'y avait pas de fumées. Les véhicules brillants étaient alignés très gentiment dans un petit enclos devant les maisons.

— Où est-ce qu'on va ?

— Voir des gens que je connais.

— Pourquoi je dois venir ?

— Quoi, t'avais envie de rester seul sur le vaisseau ?

Elle dut reconnaître qu'il marquait un point.

Il s'arrêta devant une très petite route qui conduisait aux marches d'une maison jaune et il y avait aussi une sorte de petit toit au-dessus des marches et une grande porte blanche. Pendant qu'ils approchaient, elle eut presque du mal à respirer tellement c'était beau. Un palais sûrement. Pinçant son maillot entre deux doigts pour le respirer, il fit la grimace et puis haussa des épaules fatalistes.

— Allez, courage, soupira-t-il en allant appuyer sur un bouton.

Elle ignorait pourquoi, il trouvait bon de l'encourager et il dut entendre son étonnement parce qu'il répondit :

— Non là, c'est à moi-même que je parle…

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.°.

— …et Evan Junior, file te brosser les dents, on va retenir le fauve !

Derrière la porte d'entrée de « la maison romaine », Maya activa la caméra et reconnut à l'écran les traits familiers de son parrain. Il patientait avec cet air indéfinissable qu'il avait toujours quand il préparait un mauvais coup. Un petit sourire à peine marqué, un vague air supérieur et satisfait... Fallait-il s'inquiéter ? Il n'était pas censé arriver avant deux semaines, d'après Angel.

Ce dernier les en avait informés juste avant qu'il leur fasse ses adieux formels, pour le cas où le rituel du Shanshu serait un succès. Tout le monde avait pleuré, même Faith mais elle s'était cachée pour le faire. Chacun pouvait comprendre intellectuellement les motivations d'un vampire pluricentenaire, vivant parmi des humains depuis suffisamment de temps pour désirer ardemment saisir sa chance d'obtenir l'impossible. Mais entre comprendre intellectuellement et se réjouir très authentiquement à l'idée d'être sous peu des inconnus, des gens qu'il n'aimerait pas forcément puisqu'il n'aurait aucun souvenir avec eux, il y avait une marge.

La filleule donc était agréablement surprise que son autre parrain ait avancé sa date de retour. Elle devinait que c'était pour glisser le message pas subtil, l'air de rien, que lui serait toujours là… Alors que concrètement et plus que jamais, il était redevenu le champion des apparitions en pointillés. Bien qu'elle ait perdu pas mal de ses illusions sur lui à présent qu'elle le voyait de ses yeux d'adulte, elle ne pouvait s'empêcher de l'aimer, parce qu'à chaque fois qu'il était là, il rendait sa mère extraordinairement heureuse.

Alors elle s'empressa d'ouvrir pour lui sauter au cou le temps d'une accolade, ne déclenchant chez lui que quelques molles protestations car l'affreux aimait se sentir bienvenu et désiré – peu importe par qui. Elle plissa le nez en reculant.

— Mais d'où tu sors ? Et qu'est-ce que tu sens ? s'exclama-t-elle.

Monsieur « je n'ai jamais froid, je suis un vampire insensible aux températures moyennes » portait juste un maillot de corps, un pantalon et une sorte de blouson de toile gris noué à la taille. Il se déporta sur une hanche et haussa négligemment une épaule. Ce fut en baissant la tête pour une rapide appréciation visuelle de maîtresse de maison – évaluant si ce qu'elle avait devant elle devait entrer sans chaussures et ne s'asseoir sur rien – que Maya vit un enfant qui se cachait derrière lui.

A peu près la même taille qu'Evan, le petit était habillé comme pour un hiver très rigoureux, mais elle repéra immédiatement sa minceur, les attaches trop graciles et les joues creuses sous son regard plus qu'intimidé.

— Et puis surtout… Qu'est-ce que tu fais avec ce petit bonhomme pendu à tes basques ?

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Note

* Ne serait-ce pas ce que Spike demande à la fin de la chanson « Rest in peace » ?

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