À la recherche du bonheur

Chapitre 7 : Épisode 7

2215 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 07/07/2020 11:42

 Fred s’est presque endormi quand Camille vient les appeler à manger. Il veut s’éloigner un peu de Lucie alors qu’elle est encore dans son sommeil mais il a son bras coincé sous elle. Étant de face, Lucie se réveille et tombe tout de suite sur lui. Elle lui adresse un sourire léger juste avant que tout le reste lui revienne à l’esprit. Lorsque ce fut le cas, elle s’éloigne vivement et de remet debout. Elle va dire quelque chose mais quelqu’un frappe à la porte.

Camille jette un regard à son père qui répond à sa question muette par une négation de la tête. Elle part donc ouvrir pendant que lui se réinstalle sur son fauteuil. Avant de voir qui leur fait une visite surprise, ils entendent Camille s’exclamer :

- Aimé ?

En une seconde, l’ambiance change du tout au tout. Nassim ne sait plus où se mettre. Lucie a fait un pas en arrière, pale comme un linge. Fred choisit de se placer entre elle et la porte. Camille s’écarte pour le laisser entrer. Ils respire fort et ne regarde que Lucie. Il s’approche. Caïn veut lui barrer le passage. Son lieutenant lui jette une enveloppe.

- Alors comme ça tout le monde est au courant ? Pourquoi tu ne m’as rien dit à moi ?

- Je n’ai prévenu que Nassim. Camille et Fred m’ont trouvé seuls.

- Tu es en train de dire que je ne fais pas le poids ?

- Non Aimé !

- Et ça ?, dit-il en désignant le ventre de Lucie. Est-ce que ça vaut vraiment la peine de demander qui est le père ?!

Lucie cache son visage dans ses mains et se met dos à lui. Quand elle fait cela Fred sait qu’il a fait le bon choix en ne lui en parlant pas lui-même. C’est finalement lui qui s’interpose.

- Legrand vous devriez partir avant de faire une connerie.

- Vous avez raison et pourtant c’est pas les idées qui me manquent.

Il quitte la maison. Lucie se recroqueville dans le coin de la pièce. Elle pleure doucement. Fred aurait voulu aller la consoler mais il n’aurait sûrement fait qu’empirer son malheur. Il laisse donc Camille s’accroupir aux côtés d’elle. Camille leur fait signe de partir. Nassim et Fred s’exécutent.

Ils s’installent dans la cuisine. Le calme et le silence sont étranges après tant de cris et d’émotions. Nassim triture nerveusement ses manches et mâchonne sa lèvre.

- Si tu as quelque chose à dire, dis-le.

- C’est à propos de ce qu’à dit Legrand. Sur la paternité du bébé.

- Oui ?

- En fait il a faux. Lucie ne sait pas lequel de vous est le père.

- C’est gentil d’avoir partagé cette information avec moi Nassim mais pour l’instant tout ce qui compte, c’est Lucie. Une fois né, le doute sera difficilement possible quant à son père de toute façon.

Camille pointe le bout de son nez à la porte.

- Papa, est-ce que …. ?

- Oui, ils peuvent rester dormir ici.

Ce soir-là, Caïn dort dans le canapé, Lucie dans la chambre de ce dernier, Camille dans la sienne et Nassim y a été invité sans que le maître de maison n’en sache rien. Le capitaine s’endort comme une masse alors que son ancienne commandante n’arrive pas à trouver le sommeil. Il ne saura jamais qu’elle s’est levée au milieu de la nuit, pas plus qu’il ne saura le temps infini qu’elle a passé à le regarder dormir. Il s’éveille au matin, seul dans le salon.


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En sortant de la boulangerie, Aimé Legrand a la boule au ventre. Et si elle ne voulait carrément plus le voir ? Il a été dur hier soir, sur le coup de la surprise et de la colère. Il est tout de même l’un des mieux placés pour savoir que le bébé pouvait être de lui et Lucie n’avait pas répondu à la question la veille. Il y a encore de l’espoir.

Cela ne l’empêche pas de se sentir malade à l’idée de vouloir débarquer comme une fleur au petit-déjeuner. En s’approchant de la maison il voit quelqu’un en sortir.

- Capitaine !

Il s’approche en trottinant. Caïn regarde ce qu’il tient en main.

- Je vois que vous avez été plus rapide que moi.

- Vous pensez que je peux rentrer m’excuser ?

- Ce n’est pas moi qui vais pouvoir vous en empêcher. On est dans le même bateau vous et moi maintenant.

Il est bien obligé d’approuver le capitaine pour espérer rentrer mais cette déclaration le gêne au plus haut point. « Dans le même bateau » il frisonne avant de suivre Caïn. Dès qu’il passe la porte il perçoit la voix joyeuse de Camille qui parle avec Borel. Lucie apparaît dans le couloir au même moment. Quand elle le voit, elle se fige une fraction de seconde avant de reprendre sa course vers la cuisine.

- Je suis désolé pour hier soir …

- On en parlera après le petit-déjeuner, tu veux ?, répond froidement Lucie.

- En tout cas merci d’apporter tout ça, déclare joyeusement Camille.

Plus tard, Borel et Camille sont partis. Ils ont pris Eva avec eux. Il ne reste plus, dans la maison, que Lucie, Fred et Aimé. Lucie est debout, Aimé est assis face à elle et Fred à côté de lui. Et si Lucie est tendue, Aimé l’est encore plus.

- Donc tu ne sais même pas qui est le père ?, répète une fois Aimé.

- Qu’est-ce que ça change à la fin !?, finit par s’énerver Fred.

- Arrêtez …, souffle Lucie.

Immédiatement Caïn se tait. Cette docilité soudaine tape sur le système de Legrand.

- Je suis désolé mais on est quand même aux premières loges ! On devrait avoir notre mot à dire.

- Et si je n’avais pas envie ? Et si pour une fois je voulais juste que vous taisiez et que vous soyez à mes côtés, tous les deux ?

Entendant ça, Legrand se lève d’un bond et sort. Le capitaine l’aurait volontiers laissé faire mais quand il voit l’effet que son départ a sur l’expression de Lucie, il tourne les roues et part après lui. Par chance il n’est pas allé loin. Il s’est arrêté, dos au mur, la tête dans les mains.

- Tu devrais rentrer.

- Pourquoi tu fais tout ça ?

- Parce que c’est Lucie, qu’elle est enceinte et qu’elle nous le demande.

- Et on fera quoi une fois qu’on saura ?

- On fera ce que Lucie dira.

Il a dit cela avec aplomb, sans aucun accroc dans la voix. Il est si sûr de lui, si déterminé que Legrand comprend clairement qu’il ne lui reste qu’une seule option. Il soupire et suit Caïn.


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Les jours passent et Lucie reste chez Caïn. Nassim et Aimé font sans arrêt la navette entre chez eux et là-bas. Parfois ils ont l’impression de vivre à 6 dans la même maison, ou plutôt 6 et demi. Pourtant plus le temps passe et plus Legrand s’isole. Il est toujours de mauvaise humeur et ne manque jamais une occasion de hausser le ton. Si Lucie a rendez-vous, c’est toujours à Fred d’y aller, car lui est indisposé ou a une affaire en cours. Il fait d’ailleurs preuve du plus grand zèle au travail et ne passe qu’un temps limité à la maison.

Son attitude commence à taper sur le système des autres habitants. Même Eva ne le calcule plus quand il vient. À tous ? Pas tout à fait. Le seul qui paraît absolument insensible à cette mascarade de colocataire, c’est Caïn. Un jour, alors qu’on approche dangereusement du terme s’en est trop pour Lucie.

- Aimé, c’est plus possible. Qu’est-ce qu’il y a ? C’est quoi le problème ?

Et alors Aimé explose.

- Tu as raison en effet, c’est plus possible ! Moi je ne peux pas faire comme si tout était normal alors que ce n’est pas vrai ! Je ne peux pas vivre avec ce poids de ne pas savoir. Alors vous savez quoi ? Je me barre ! Définitivement. Je suis venu ici pour travailler dans la police et bien j’irais travailler ailleurs. Tout ira mieux comme ça. Caïn fera un bien meilleur père que moi ! Et si je ne me trompe pas c’est bien ce que tu espères ? Hein Lucie !

Il s’arrête un moment pour respirer profondément. Tout le monde est trop bouche bée pour répondre quoi que ce soit avant qu’il ne reprenne plus calmement.

- Le mieux c’est qu’on se quitte sans animosité. J’oublie toute cette histoire de dingue et vous vous m’oubliez. Vous m’avez appris énormément de choses, merci, mais maintenant je ne veux plus jamais entendre parler de vous.

Il sort. Caïn part à sa suite alors que derrière lui, Lucie commence à pleurer. Legrand marche vite mais avec ses roues, Caïn le rattrape sans problème.

- Où est-ce que vous allez comme ça ?

- Poussez-vous de mon chemin ou je vous en mets une.

- Vous ne le ferez jamais. Je vous connais.

- Je ne sais pas comment vous faites.

- Je l’aime. Mais ça tu le comprends, sinon tu n’aurais pas fait tout ce petit spectacle depuis des semaines.

- Ma décision est prise.

- Je sais.

Legrand cherche à dépasser Caïn mais ce dernier reste à niveau.

- Je sens que ce sera l’une de mes histoires préférées à raconter.

- Laquelle ?

- Celle où le père qu’il n’a jamais connu, met une droite magistrale à son père qu’il connaît.

- Je ne t’ai pas frappé, répond Legrand avec un presque sourire.

Il a compris où Caïn veut en venir.

- Oui mais si tu ne le fais pas je ne le lâcherais pas. Et puis ton tableau du connard qui abandonne sa famille ne serait pas compl …

Legrand l’arrête par un coup de poing dantesque qui fait tomber Caïn à la renverse. Ce dernier, sonné, essaye de retrouver ses esprits quand Legrand apparaît devant lui tout sourire.

- C’est assez bon pour ton histoire ?

- Farpait.

Il eut besoin de temps pour se relever. Son nez saigne abondamment. Une fois qu’il est de nouveau sur ses roues, il n’y a plus aucune trace de Legrand nul part.

Caïn n’ose pas s’épousseter par peur de se tâcher encore davantage. Il remet lentement toutes ses idées en place tout en vérifiant que tout ce qui doit fonctionner fonctionne. Les mains, les poignets, les coudes, ok. Les épaules, le cou, ok. Les roues, ok.

Il a encore des étoiles devant les yeux. Le choc résonne dans son crâne et il sent le sang lui couler dans la bouche. Malgré ça, il va bien. Caïn n’a jamais douté qu’il arriverait à se faire frapper mais il n’avait pas cru que Legrand irait si franchement. Il hésite même à se dire que le lieutenant n’y est pas allé de bon cœur.

Caïn a peu d’importance. Il est content de se dire qu’il a pu servir de défouloir. Le sacrifice qu’il a fait aujourd’hui resterait entre eux. En redevance, Fred peut bien prendre un coup, aussi rude soit-il. Et plus que tout, il ne manquerait pas à sa promesse.

- Papa !

Il entend la voix de Camille et pourtant la perçoit comme à travers une vitre, étouffée. Il a besoin qu’elle l’appelle encore une fois pour qu’il réalise qu’il faut qu’il se tourne vers elle. Camille a déjà affolé mais quand elle voit l’état dans lequel est son père, elle se décompose purement et simplement.

- Mais qu’est-ce qui t’est arrivé ?

Alors qu’elle l’examine sous toutes les coutures, une pensée traverse l’esprit de Caïn.

- Qu’est-ce que tu étais venu me dire ?

Un instant elle paraît perdue, comme si la vue du sang lui a fait oublier son but premier. Puis les choses lui reviennent à l’esprit.

- C’est Lucie. Elle a perdu les eaux.


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